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Chapitre 6 : Généralisation du HFE à d'autres paradigmes

B. Étude 5 : Effet d’indiçage d’une partie de liste et HFE dans une tâche de MLT

2. Discussion générale de l’Étude 5

Dans une série d’expériences portant sur l’effet d’indiçage d’une partie de liste, nous

avons cherché à répliquer la perturbation plus importante en situation d'indiçage pour les

participants avec une forte capacité de MDT observée dans la littérature (Barber & Rajaram,

2011 ; Cokely et al., 2006). L’objectif de cette réplication était d'établir un lien conceptuel

entre effet d'indiçage d'une partie de liste et HFE : les indices étaient supposés avoir le même

impact négatif sur les performances des participants avec une forte capacité de MDT que la

double tâche dans le HFE classique. Pour aller plus loin, nous avons également cherché à faire

disparaître cet impact différentiel en perturbant l’utilisation des stratégies d’encodage à l’aide

d’une situation de double tâche.

Premièrement, bien que l’effet d’indiçage d’une partie de liste constitue un effet

robuste apparaissant dans de nombreuses études publiées, nous ne l’avons observé que dans

deux expériences sur trois. Les deux expériences dans lesquelles nous retrouvons cet effet

classique partagent le même matériel, ce qui n’est pas le cas de la troisième expérience dans

laquelle le matériel a été modifié dans le but d’être amélioré. Dans cette troisième expérience,

nous avons observé un effet tendanciellement facilitateur de la présence d’indices ; nous

pouvons donc supposer que le matériel utilisé dans cette expérience comportait certaines

caractéristiques qui permettaient aux indices d’aider à la récupération. Comme le montrent

Basden et al. (2002 ; voir aussi Bäuml & Aslan, 2006) l’effet perturbateur des indices est

d'autant moins marqué lorsque les associations entre les informations à mémoriser sont

faibles. Il est possible que malgré notre vigilance, nous ayons construit des listes de mots dans

lesquelles les associations inter-mots étaient largement défavorisées, ce qui pourrait expliquer

la tendance des indices à faciliter la performance de rappel.

Deuxièmement, alors que de nombreuses études rapportent qu’une forte capacité de

MDT est liée à de meilleures performances mnésiques (voir notamment Unsworth & Engle,

2007a), nous ne retrouvons ce résultat que dans l’expérience 5A, ainsi que dans la

combinaison des échantillons des expériences 5A et 5B. Nous ne pouvons pas supposer que

l'effet principal de la MDT a été masqué par la présence d'une situation perturbatrice, puisque

l’expérience 5B ne comportait pas de situation perturbatrice et puisque l'interaction entre

situation perturbatrice n'était pas significative dans l’expérience 5C. Une explication reposant

sur la différence de matériel entre les expériences semble également peu probable, étant

donné que le même matériel était utilisé pour les expériences 5A et 5B et que nous avons

observé un effet de la capacité de MDT dans le premier cas. La tâche de MDT (ECC) a

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montré des qualités psychométriques satisfaisantes, ainsi qu’une bonne validité notamment en

prédisant les performances dans plusieurs des tâches présentées dans ce travail de recherche

(comme dans les Études 1, 3 et 4). Descriptivement, la moyenne et la dispersion de la capacité

de MDT étaient satisfaisants dans les trois expériences (pour l'expérience 5A, M = -0.09,

ET = 0.75 ; pour l'expérience 5B, M = -0.05, ET = 0.74 ; pour l'expérience 5C, M = -0.09,

ET = 0.83). Nous n’avons donc pas réussi à identifier de facteurs pouvant expliquer l’absence

d’effet de la capacité de MDT dans les expériences 5B et 5C.

Troisièmement, les expériences 5A et 5C ne sont pas parvenues à répliquer le HFE

conceptuel constitué par la modulation de l’effet d’indiçage d’une partie de liste par la

capacité de MDT. Dans le cas de l’expérience 5C, cette absence d'interaction est cohérente

avec l’absence d’effet global de la capacité de MDT, ainsi qu’avec le résultat inattendu de

l’effet tendanciellement facilitateur des indices. Puisque les indices n’ont pas joué leur rôle

perturbateur de la mise en place du plan stratégique de récupération et puisqu'une bonne

capacité de MDT n'était pas liée à une meilleure performance, il est logique que la capacité de

MDT n'ait pas modulé l’effet perturbateur des indices. Dans le cas de l’expérience 5A, nous

avons vu que l’interprétation était plus délicate puisque l’interaction était tendanciellement

significative mais dans le sens inverse de notre hypothèse, c’est-à-dire que les participants

avec une faible capacité de MDT étant les plus perturbés. Cokely et al. (2006) montrent que

les participants avec une forte capacité de MDT ont tendance à éviter de regarder les indices

pour ne pas se laisser perturber (Étude 1A) ; ces auteurs utilisent la lecture d’indices à voix

haute pour éviter ce type de phénomène. Dans l’Expérience 5A, nous avons appliqué une

pénalité de notation dans le cas d’un report d’indice dans le carnet de réponse, mais il est

possible que cela n’ait pas suffit pour forcer les participants avec une forte capacité de MDT à

suffisamment traiter les indices. Cela pourrait expliquer pourquoi, dans cette première étude,

la capacité de MDT était plus fortement corrélée avec la performance dans la condition

indicée que dans la condition non indicée.

Enfin, les deux tentatives de perturbation de l'utilisation de stratégies efficaces chez les

participants avec une forte capacité de MDT ont donné des résultats mitigés. Dans

l'Expérience 5A, la double tâche a permis de diminuer la performance de rappel et de

supprimer l'interaction entre capacité de MDT et effet de l'indiçage. Cependant, les

participants avec une forte capacité de MDT obtenaient toujours une meilleure performance

en situation de double tâche et l'effet de l'indiçage était toujours significatif dans cette

condition, ce qui suggère que les stratégies d'encodage n'ont pas nécessairement été

perturbées. Dans l'expérience 5C, la tâche perturbatrice a permis de diminuer l'utilisation de

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stratégies d'encodage efficaces mais n'a pas affecté la performance. Les deux tâches

perturbatrices que nous avons utilisées semblent donc avoir des caractéristiques

complémentaires. Une utilisation combinée de ces deux tâches constituerait peut-être une

solution pour que la situation perturbatrice diminue à la fois les performances de rappel et

l’utilisation des stratégies d’encodage considérées comme efficaces.

Conclusion du chapitre 6

Dans ce chapitre, nous avons cherché à intégrer les effets observés au sein des

paradigmes de CUP et d’indiçage d’une partie de liste au sein du même cadre théorique que le

HFE. Notre objectif était d’étendre le HFE et son interprétation en termes de stratégies à

d'autres tâches que la LSC utilisée dans les études 1 à 3. Cependant, nous n’avons pas observé

de HFE dans la tâche d’arithmétique modulaire, ni reproduit le HFE conceptuel dans la tâche

de MLT verbale. De plus, la relation entre capacité de MDT et utilisation de stratégies

efficaces, que nous supposons à l’origine du HFE, n’a été mise en évidence dans aucune de

ces deux tâches. En parallèle, nous avons bien observé que les performances des participants

avec une forte capacité de MDT étaient globalement supérieures à celles des participants avec

une faible capacité de MDT dans les études 4A et 5A.

Les résultats observés dans ce chapitre semblent globalement indiquer que les

participants avec une forte capacité de MDT n'ont pas toujours une tendance marquée à

utiliser des stratégies plus efficaces. Ces résultats indiquent également que l'utilisation de

stratégies efficaces n'est pas l'unique déterminant des performances plus élevées des

participants avec une forte capacité de MDT, puisque ces participants restent ceux dont les

performances sont les plus élevées même en l'absence de différences de comportement

stratégique.

Ces résultats ne vont pas dans le sens de notre objectif, qui est de montrer que

l’utilisation de stratégies efficaces dans différentes tâches de cognition de haut niveau dépend

de la capacité de MDT et qu’il s’agit d’un élément explicatif de la relation observée entre

capacité de MDT et cognition de haut niveau. Cependant, ils ne constituent pas non plus un

argument fort à l'encontre de nos hypothèses. En effet, l'absence de HFE observée dans la

tâche d'arithmétique modulaire peut s'expliquer par la faible efficacité de la double tâche, qui

n'a pas permis de diminuer la performance. De plus, la non-réplication du HFE conceptuel

observée dans le cadre de l'effet d'indiçage d'une partie de liste peut être mise en lien avec

notre difficulté à reproduire le lien entre MDT et performance ainsi que l'effet délétère de

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l'indiçage observés dans la littérature. Autrement dit, les résultats insatisfaisants observés dans

ce chapitre pourraient simplement être dus à des problèmes méthodologiques. Dans le

chapitre suivant, nous avons choisi d'étudier le lien entre MDT et stratégies dans le cadre de

paradigmes différents et permettant d'évaluer la mise en place de stratégies par une analyse