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Chapitre 2 : Les stratégies dans les empans complexes

B. Influence des stratégies dans les empans complexes

1. Capacité de mémoire de travail et stratégies

Certaines stratégies pourraient conduire à de meilleures performances dans des

empans complexes, notamment les stratégies d’encodage que l’on pourrait qualifier

d’efficaces et basées sur de l’encodage profond (imagerie, génération de phrases) ou organisé

(groupement), par opposition à des stratégies basées sur de l’encodage superficiel (lecture ou

autorépétition). Certaines études ont d’ailleurs montré qu’un encodage profond améliorait la

performance globale dans un empan complexe (Loaiza, McCabe, Youngblood, Rose, &

Myerson, 2011). Il convient alors à ce stade de se questionner sur la mesure dans laquelle les

différences interindividuelles de capacité de MDT, telle que mesurée à l’aide des empans

complexes, sont en lien avec les différences interindividuelles d’utilisation de stratégies

d’encodage efficaces.

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Nous appuyons cette question de recherche à la fois sur l’approche paramétrique et sur

l’approche par les stratégies. Ces deux approches ne sont pas mutuellement exclusives, et l’on

peut supposer que les participants diffèrent dans les stratégies qu’ils utilisent à cause de

différences paramétriques (Schunn & Reder, 1998). Le contrôle attentionnel semble être un

paramètre à l’origine d’une partie des différences interindividuelles en MDT (Engle & Kane,

2004). On peut donc supposer que les participants plus efficaces dans leur contrôle

attentionnel seront plus à même de mettre en place des stratégies complexes d’encodage

profond, par rapport aux participants moins efficaces dans leur contrôle attentionnel, qui

utiliseront des stratégies peu complexes comme la simple lecture ou l’autorépétition, ou pas

de stratégies du tout (pour un argumentaire équivalent, voir Ang & Lee, 2010 ; Rosen &

Engle, 1997).

a) Les stratégies mesurées par les reports verbaux

Plusieurs études se sont intéressées aux différences d’utilisation de stratégies

d’encodage dans les empans complexes en utilisant des reports verbaux (Bailey, Dunlosky, &

Kane, 2008, 2011 ; Dunlosky & Kane, 2007 ; Friedman & Miyake, 2004a ; Kaakinen &

Hyönä, 2007 ; McNamara & Scott, 2001).

McNamara et Scott (2001; Étude 2) ont interrogé leurs participants après qu’ils aient

complété une tâche d’empan de lecture. Plus spécifiquement, les auteurs ont demandé aux

participants comment ils avaient essayé de mémoriser les mots, ce qui correspond à

l’utilisation d’un report rétrospectif général. Les stratégies reportées ont ensuite été classées

en stratégies profondes, qui correspondaient soit à créer des images mentales, soit à créer des

histoires, soit à relier les mots à des expériences personnelles, et en stratégies superficielles.

Sur les 60 participants interrogés, 5 ont reporté n’utiliser aucune stratégie, 17 ont reporté

utiliser une stratégie superficielle d’autorépétition, 20 ont reporté utiliser une combinaison de

stratégies superficielles et profondes et 18 ont reporté utiliser une stratégie sémantique

profonde. D’une part, les participants utilisant naturellement des stratégies rappelaient plus de

mots – et avaient donc un score de capacité de MDT plus élevé – que les participants utilisant

moins de stratégies – et ce toutes stratégies confondues. De plus, les auteurs ont montré

qu’une plus grande utilisation d’une stratégie sémantique profonde conduisait à rappeler plus

de mots qu’une stratégie d’autorépétition. En revanche, cette étude ne permet pas vraiment de

déterminer si les participants avec une forte capacité de MDT, en plus d’être ceux utilisant le

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plus de stratégies, étaient également ceux qui utilisaient le plus souvent les stratégies

profondes qui menaient à une meilleure performance de MDT.

Dans la même perspective, Friedman et Miyake (2004a) se sont intéressés aux

stratégies utilisées dans l’empan de lecture. Après avoir réalisé cet empan complexe, ils

demandaient aux participants de répondre à une série de questions à propos des stratégies

qu'ils avaient utilisées durant la tâche. On leur posait les questions suivantes : « Avez-vous

utilisé des stratégies pour vous aider à vous rappeler des mots ? Si oui, lesquelles ? » Ces deux

questions correspondent à un report rétrospectif général. Les auteurs demandaient ensuite :

« Étiez-vous consistants dans votre utilisation de ces stratégies ? C’est-à-dire, les avez-vous

utilisées tout au long de la tâche, ou avez-vous changé en cours de tâche ? ». Les stratégies

reportées étaient ensuite catégorisées en trois principaux types (construits à partir des travaux

de Turley-Ames et Whitfield, 2003) : le type phonologique superficiel, comprenant les

stratégies d’autorépétition des mots ou de certaines caractéristiques des mots, le type

sémantique, comprenant les stratégies impliquant le sens du matériel comme la génération de

phrases ou la création d’associations, et enfin le type visuel, comprenant les stratégies

d’imagerie mentale comme créer une image mentale accompagnant chaque mot ou essayer de

se rappeler de l’image du mot tel qu’écrit à l’écran. 59% des participants ont utilisé des

stratégies phonologiques, 45% des stratégies sémantiques, et 18% des stratégies visuelles (les

participants pouvaient reporter l’utilisation de plusieurs stratégies). La seule donnée

différentielle présente dans cette étude concerne les participants utilisant des stratégies de type

visuel, qui réalisaient des scores dans l’empan de lecture plus élevés que ceux n’utilisant pas

ce type de stratégie. Autrement dit, les participants avec une forte capacité de MDT telle que

mesurée par l’empan de lecture reportaient plus souvent utiliser des stratégies visuelles.

Cependant, nous pouvons identifier deux problèmes majeurs dans cette étude, et qui

nous font considérer ce résultat avec précaution. Le premier problème est d’ordre conceptuel,

car dans le type visuel, on trouve à la fois une stratégie profonde d’imagerie et une stratégie

superficielle basée sur des aspects perceptifs. Nous ne pouvons donc pas savoir lequel de ces

deux aspects les participants avec une forte capacité de MDT mettent le plus en œuvre,

puisqu’ils sont mélangés. D’autre part, ce résultat repose sur un report rétrospectif global,

dont la validité a été remise en cause (Dunlosky & Kane, 2007).

Une troisième étude (Kaakinen & Hyönä, 2007) résout le problème d’ordre

conceptuel, mais conserve la méthode du report rétrospectif global appliqué à un empan de

lecture. Contrairement aux observations des recherches précédentes (Turley-Ames &

Whitfield, 2003), seul un participant sur 53 (soit moins de 2%) reportait ne pas utiliser de

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stratégie (contre 208, soit 58% pour l’étude de Turley-Ames et Whitfield, 2003). Les auteurs

ont utilisé un report rétrospectif global dans lequel les participants répondaient d’abord à la

question « Avez-vous utilisé une sorte de stratégie en essayant de vous rappeler des mots

finaux ? », puis étaient invités à spécifier à l’oral de quel type de stratégie il s’agissait. Les

résultats des reports montraient que les participants avec une faible capacité de MDT

utilisaient principalement l’autorépétition, tandis que ceux avec une forte capacité de MDT

utilisaient très largement (dans 77% des cas) une stratégie profonde sémantique. Dans cette

étude, les stratégies sémantiques pouvaient être de trois types : créer un enchaînement entre

les mots, comme par exemple former une phrase avec les mots à retenir ; associer les mots à

retenir avec des expériences personnelles ou des informations déjà stockées en MLT, comme

par exemple relier le mot à une série TV vue récemment ; ou l'utilisation de l’imagerie, dans

laquelle le participant essayait de visualiser le mot à retenir et de former des scènes mentales

qui utilisaient le sens du mot.

Les résultats de cette étude semblent confirmer que les participants avec une forte

capacité de MDT sont généralement ceux qui utilisent des stratégies d’encodage profond. Il

est intéressant de noter que dans cette étude, 25% des participants avec une faible capacité de

MDT reportaient avoir essayé d’utiliser une stratégie sémantique. Cependant, et malgré leur

utilisation de ce type de stratégie efficace, ils n’ont pas réussi à obtenir une bonne

performance dans la tâche. Ces différences interindividuelles d’utilisation de stratégies

pourraient donc reposer sur l’efficacité du contrôle attentionnel : puisque les participants avec

une faible capacité de MDT ne sont pas efficaces lorsqu’ils essaient d’utiliser une stratégie

d’encodage profond, cela suggère que leur contrôle attentionnel moins efficace ne leur permet

pas d’utiliser ce type de stratégies avec succès. Cependant, cette étude pose toujours le

problème de la validité du report rétrospectif global.

Dunlosky et Kane (2007) résolvent ce problème dans leur étude comparant la méthode

du report rétrospectif global, la méthode du report essai par essai concurrent et la méthode du

report essai par essai en fin de tâche. Dans les deux cas de report essai par essai, les

participants étaient cette contraints de choisir la stratégie qu’ils avaient utilisée parmi une liste

prédéfinie. Les stratégies de cette liste étaient les suivantes : lire chaque mot lorsqu’il

apparaissait, répéter les mots autant que possible, utiliser une phrase pour lier les mots

ensemble, développer des images mentales des mots, grouper les mots d’une façon

signifiante, faire quelque chose d’autre. On peut séparer ces stratégies en deux catégories : les

stratégies considérées comme efficaces et basées sur un encodage profond ou organisé

(génération de phrase, imagerie et groupement), et les stratégies considérées comme peu

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efficaces et basées sur un encodage superficiel (lecture et autorépétition). Le report

rétrospectif global, quant à lui, a conduit à la création de plusieurs catégories de stratégies :

uniquement peu efficaces (le participant ne reporte utiliser que la lecture, l’autorépétition, ou

les deux), peu efficaces/efficaces (le participant reporte utiliser à la fois la lecture et

l’autorépétition, ainsi que l’une des stratégies efficaces), ou uniquement efficaces (le

participant ne reporte utiliser que l’imagerie, la génération de phrase, ou le regroupement)1.

La performance obtenue dans la tâche d’empan d’opérations n’était pas

systématiquement plus élevée quand les participants reportaient utiliser des stratégies

considérées comme efficaces dans le cadre d'un report rétrospectif global. En revanche, les

deux méthodes de report essai par essai ont indiqué que les scores d’empan d’opérations

étaient plus élevés pour les essais où les participants reportaient avoir utilisé des stratégies

considérées comme efficaces (c’est-à-dire l’imagerie, la génération de phrases et le

regroupement), par rapport aux essais où les participants utilisaient des stratégies considérées

comme moins efficaces (lecture et autorépétition). Cela signifie que les participants avec une

forte capacité de MDT telle que mesurée par l’empan d’opérations reportent plus souvent

utiliser des stratégies reposant sur l’élaboration profonde ou l’organisation, plutôt que des

stratégies superficielles impliquant de simplement lire les mots ou de passivement les

auto-répéter. À titre d’exemple, la corrélation entre l’utilisation de stratégies considérées comme

efficaces et la performance dans l’empan d’opérations était de .30 (Étude 2).

D’autres études utilisant le report essai par essai en fin de tâche ont également mis en

évidence un résultat similaire : la corrélation entre utilisation de stratégies efficaces et

performance dans l'empan d'opérations était de .35 pour Bailey et al. (2008) et de .64 pour

Bailey et al. (2011). De plus, ces deux études ont étendu cette observation à la corrélation

entre l’utilisation de stratégies considérées comme efficaces et la performance dans l’empan

de lecture, avec r = .60 et r = .31, respectivement. D’après cet ensemble de résultats, il semble

donc bien que les participants avec une forte capacité de MDT utilisent plus souvent des

stratégies considérées comme efficaces.

Les études que nous venons de présenter montrent, d’une part, qu’il existe une

variabilité dans l’utilisation de stratégies entre les individus lorsqu’ils réalisent l’empan

d’opérations ou l’empan de lecture. En dépit de cette variabilité, il semble se dégager de ces

études un consensus sur la nomenclature proposée par Dunlosky et Kane (2007), selon

1

Les essais dans lesquels les participants ont reporté avoir utilisé une autre stratégie n’étaient pas inclus dans les

analyses.

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laquelle les stratégies peuvent être séparées en deux groupes : les stratégies considérées

comme moins efficaces (lecture et répétition), correspondant à des stratégies superficielles, et

les stratégies efficaces (imagerie, génération de phrase, regroupement) correspondant à des

stratégies élaboratives ou organisées. Les stratégies efficaces auraient donc en commun

l'élaboration ou l'organisation supplémentaire qu'elles apportent à l'information à encoder.

D’autre part, ces études montrent qu’en moyenne, l'utilisation de stratégies efficaces

est loin d'être systématique. Par exemple, les participants de l’étude de Turley-Ames et

Whitfield (2003) reportaient utiliser une stratégie considérée comme efficace dans 56% des

essais. Pour l’étude de Dunlosky et Kane (2007), ce même pourcentage était de 30% (Étude 1)

et de 32% (Étude 2). Dans l’étude de Bailey et ses collaborateurs (2008), 32.5% des essais

étaient réalisés avec l’aide d’une stratégie considérée comme efficace, tandis que Bailey et ses

collaborateurs (2011) reportaient l’utilisation d’une stratégie considérée comme efficace dans

68.5% (Étude 1) et 63.25% (Étude 2) des cas.

Enfin, bien que les essais dans lesquels une stratégie efficace est utilisée ne soient pas

forcément les moins nombreux, les études montrent un lien clair et positif entre l’utilisation de

stratégies efficaces et la performance dans une tâche d’empan complexe. On peut donc

conclure que les participants avec une forte capacité de MDT ont tendance à utiliser plus

fréquemment des stratégies considérées comme efficaces et basées sur un encodage profond

ou organisé, ou inversement que l'utilisation de stratégies considérées comme efficaces prédit

la performance dans les empans complexes.

b) Les stratégies mesurées par l’analyse des temps d’observation

L’analyse des temps d’observation des informations à mémoriser offre une indication

indirecte de la façon dont les participants approchent la tâche du point de vue stratégique, qui

permet de compléter les données collectées grâce aux reports verbaux. Dans un premier

temps, nous allons nous intéresser aux paradigmes d’auto-administration (Engle et al., 1992 ;

Friedman & Miyake, 2004a ; Turley-Ames & Whitfield, 2003) et dans un second temps aux

paradigmes de mesure des mouvements oculaires (Carpenter & Just, 1989 ; Kaakinen &

Hyönä, 2007).

(1) Paradigmes d’auto-administration

Dans les paradigmes d’auto-administration, les participants sont libres d’examiner une

information aussi longtemps qu’ils le souhaitent et déclenchent eux-mêmes le passage à

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l’essai ou à l’information suivante (Engle et al., 1992 ; Friedman & Miyake, 2004a ;

Turley-Ames & Whitfield, 2003).

Engle, Cantor et Carullo (1992) étudient de façon indirecte l’utilisation de stratégies

telle que reflétée par l’allocation stratégique de ressources aux différentes informations

constituant un essai dans les empans d’opérations et de lecture. Les deux premières études de

ces auteurs reposaient sur une procédure de présentation séparée des différentes parties

constitutives d’un essai d’empan complexe, de façon à relever le temps d’observation que les

participants accordaient à chacune de ces parties. Cette procédure, appelée « procédure de la

fenêtre mobile », consiste à découper un essai en sous-parties présentées les unes à la suite des

autres. Pour un essai de type « ( 6 / 2 ) – 1 = ___ mot à mémoriser », l’opération est présentée

en 5 parties différentes :

a) [ ( 6 ],

b) [ / ],

c) [ 2 ) ],

d) [ – ] et

e) [ 1 ].

Puis viennent ensuite les deux dernières parties

i) [ = ___ ] et

j) [ mot à mémoriser ].

Une fois que la première partie était affichée à l’écran, le participant était libre de

l’étudier le temps qu’il lui plaisait, et passait ensuite à la partie suivante en appuyant sur une

touche du clavier, et ainsi de suite jusqu’à avoir vu toutes les parties de l'essai. Les auteurs ont

analysé la distribution des temps d’observation des participants avec une forte et une faible

capacité de MDT. Les résultats montraient que les temps d’observation des mots à mémoriser

étaient plus élevés pour les participants avec une forte capacité de MDT : dans l’empan

d’opérations, le temps d’observation du mot était de 1850 ms pour ces participants, tandis

qu’il était de 1575 ms pour les participants avec une faible capacité de MDT ; dans l’empan

de lecture, le temps d’observation du mot était de 3150 ms pour les participants avec une forte

capacité de MDT, contre 1700 ms pour les participants avec une faible capacité de MDT. Les

temps d’observation étaient globalement similaires pour les autres parties des essais. De plus,

les auteurs ont mis en évidence une corrélation positive entre le temps passé à observer les

mots à rappeler et le score obtenu dans l’empan complexe. Il semble donc que lorsque les

participants étaient stratégiques dans l’allocation de leur temps en observant plus longtemps le

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matériel à mémoriser (quelle que soit la façon dont ils utilisaient ce temps supplémentaire),

leur performance dans les empans complexes était plus élevée.

Dans leur étude portant sur les stratégies utilisées pour réaliser un empan d’opérations,

Turley-Ames et Whitefield (2003) ont également utilisé la procédure de la fenêtre mobile. Ils

ont cependant ajouté une contrainte temporelle, dans le sens où le temps global dévolu pour

un essai n’était plus libre comme dans l’étude précédente, mais borné à 7 secondes. Dans

chacune des trois études, certains participants étaient entraînés, après avoir reçu des

explications détaillées, à utiliser des stratégies particulières (autorépétition pour l’étude 1 ;

autorépétition, création d’images mentales, création de phrases pour les Études 2 et 3). Un

premier résultat montrait qu’avant tout type d’instruction (c’est-à-dire lors du pré-test), ce

sont les participants avec une forte capacité de MDT qui étudiaient les mots à retenir le plus

longtemps. Un second résultat intéressant portait sur le fait que globalement, lorsque les

participants étaient entraînés à mettre en place certains types de stratégies, leurs temps

d’observation des mots à mémoriser augmentaient. Ceci vient renforcer l’idée selon laquelle

l’utilisation de stratégies demande plus de temps. Toutefois, les auteurs ne mentionnaient pas

quelle était l’influence du temps d’étude sur les performances dans l’empan d’opérations, ce

qui ne permet donc pas de savoir si, lorsqu’on se situe au niveau des différences

interindividuelles, le temps d’observation est lié à des performances supérieures dans un

empan complexe.

Enfin, Friedman et Miyake (2004a) ont partiellement pallié ce manque en utilisant une

variante de la procédure de la fenêtre mobile : au lieu de découper un essai en plusieurs

sous-parties, la procédure utilisée présentait l’essai en une fois, et les participants décidaient du

temps qu’ils souhaitent y consacrer en déclenchant eux-mêmes le passage à l’essai suivant.

Les auteurs ont examiné l’hypothèse selon laquelle des scores plus élevés dans l’empan de

lecture seraient dus à un temps d’observation additionnel, nécessaire à l’implémentation de

stratégies. Dans la situation où les participants choisissaient eux-mêmes le temps durant

lequel un essai était présenté, il existait une corrélation positive entre des temps d’observation

plus long et des scores d’empan de lecture plus élevés (r = .44). Ce résultat suggère que les

participants qui passent plus de temps sur un essai utilisent effectivement ce temps afin

d’augmenter de façon significative leurs scores dans l’empan de lecture. Autrement dit, ce

sont les participants avec une forte capacité de MDT qui passent le plus de temps sur un essai.

Ce temps serait donc utilisé pour mettre en place des stratégies permettant d’améliorer la

performance.

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(2) Mesure des mouvements oculaires

Un second groupe d’études a utilisé des paradigmes de mesure des mouvements

oculaires, afin de déterminer de quelle façon le temps d’observation se distribue sur les

différentes informations présentées (Carpenter & Just, 1989; Kaakinen & Hyönä, 2007).

Carpenter et Just (1989) ont enregistré les mouvements oculaires de six participants

avec une forte capacité de MDT, ainsi que de six participants avec une faible capacité de

MDT (la capacité de MDT était mesurée à l’aide d’un empan de lecture). Ils ont observé que

les six participants avec une forte capacité de MDT regardaient plus longtemps les

informations à mémoriser que les participants avec une faible capacité de MDT. Kaakinen et

Hyönä (2007) ont également observé la distribution des temps d’observations pour chaque

essai d’un empan de lecture (Étude 2), mais contrairement à Carpenter et Just (1989), ils n’ont

pas mis en évidence de différence de distribution des temps d’observation entre les deux

groupes de participants ; tout le monde passait plus de temps à regarder les mots à mémoriser.

Cette étude et son utilisation des mouvements oculaires n’apportent donc aucun argument

supportant les conclusions des études précédentes, puisqu’on ne retrouve pas de différences

interindividuelles dans les temps d’observation du matériel à mémoriser tandis que les

différences interindividuelles existent dans les performances dans l’empan complexe.

Il est difficile d’expliquer la divergence de résultats entre ces deux études. Kaakinen et