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A voir un objectif : une condition majeure en première année

CHAPITRE I. L’évolution de l’enseignement supérieur et le phénomène de la massification

I.4 Pourquoi étudier la première année à l’université ?

I.4.2 A voir un objectif : une condition majeure en première année

Pour un étudiant surtout en première année, il est essentiel d‟avoir un objectif et un projet à réaliser. Le manque de projet provoque le risque de sorties précoces, même avant les évaluations du premier semestre.

Décrocher des études peut arriver à des moments différents durant la première année et pour des raisons diverses. Mais les raisons d‟y entrer jouent également un rôle. « Les attentes des jeunes et leurs motivations à étudier sont multiformes et vont des plus précises aux plus confuses : obtenir un diplôme, se former pour un métier précis, découvrir l‟université ou encore se donner le temps d‟affiner un projet. (…) l‟absence de contrainte explicite, l‟attrait de la vie étudiante, outre une

11 Pour Sophie Orange elle introduit sans aucun doute une sélection à l‟entrée du premier cycle universitaire. « Le gouvernement sait très bien communiquer là-dessus. Ils ont beau euphémisé la réalité avec des termes comme « pré requis » ou « attendus », le résultat est là, il n‟existe plus d‟accès de droit à l‟université. Les perdants vont évidemment être les publics les plus fragiles scolairement et socialement, qui ne sont pas ajustés au modèle universitaire. Jusque-là, ils entraient dans les premiers cycles en ayant connu par exemple une orientation vers la voie professionnelle qu‟ils ne souhaitaient pas. Ils se dirigeaient alors vers la voie classique pour ouvrir leur champ des possibles. Les universités, avec leurs attendus, vont leur barrer la route objectivement. Subjectivement, en amont, les bacheliers qui avaient du mal à se sentir légitimes à aller à l‟université vont renoncer à aller à l‟encontre de ces freins symboliques. Il y a, avec cette loi, une mise en garde incroyable qui va renforcer l‟autocensure. Mettre ces panneaux contribue aussi à bien faire peser sur les épaules des jeunes la responsabilité de leur échec (Orange, 2017).

12 "Notre objectif n'est pas de dissuader de s'inscrire dans l'enseignement supérieur, mais de faire en sorte que

chaque lycéen qui s'inscrit réussisse", a déclaré le Premier ministre lors du lancement de Parcoursup, le 15 janvier.

Lutter contre l‟échec à l‟université est une priorité car, aujourd‟hui, 60% des étudiants échouent à obtenir leur licence en 4 ans. "Le mot-clé, c‟est l‟humanisation. Auparavant on avait quelque chose qui était anonyme, aujourd‟hui on a

quelque chose qui tient compte de chaque personne", a souligné le ministre de l‟Éducation nationale, Jean-Michel

Blanquer. La nouvelle plateforme propose aux candidats des parcours personnalisés adaptés à leur profil (gouvernement.fr, mars 2018).

part de rationalisation a posteriori » (Céreq, 2009) sont les raisons pour une inscription en première année chez ces jeunes bacheliers.

Quand la poursuite d‟études après le baccalauréat allait de soi pour « la majorité des jeunes » et qu‟ils choisissent l‟université pour « leur premier vœu d‟orientation » (Céreq, 2009), la situation de l‟université devient de plus en plus cruciale surtout en première année.

Le fait de ne pas avoir une idée précise de cette poursuite et le manque de projet individuel peut coûter cher à l‟université ainsi qu‟aux étudiants, quant aux étudiants, ils l‟ont « vécu très mal ». Afin de répondre aux demandes de ces étudiants et accueillir ces jeunes, l‟université a pensé à différentes stratégies : donner des formations plus adaptées à leurs besoins ou à leurs projets et bien les orienter, les diriger vers le bon choix, les aider dans une orientation etc. Les politiques de l‟université ont placé « le plan „„Réussite en licence‟‟ ». Mais il s‟agit d‟« une licence rénovée, qui prévoit notamment qu‟en deuxième année le suivi du projet personnel de l‟étudiant soit assuré » (Lemesle, 2009). Les nouveaux étudiants qui se sentent perdus dans leur orientation et par conséquent qui deviennent incapables de fixer un objectif ou de préciser un projet, ont besoin d‟une autre solution. « En décembre 2007, le ministre de l‟enseignement supérieur et de la recherche a présenté un plan pour la réussite en licence (…). Il se nourrit des rapports récents et vient développer les mesures présentées dans la loi LRU (…) : rénover le contenu de la licence générale, limiter le nombre de cours en amphithéâtre, mettre en œuvre l‟accompagnement et l‟orientation des étudiants et rationaliser l‟offre universitaire entre IUT, STS et université. Des différentes propositions réalisées ressortent principalement l‟orientation active et les perspectives d‟insertion professionnelle » (Lemesle, 2009). Peut-être cette réforme était la raison de la baisse continue du flux de jeunes sortants de formation initiale. Le taux de 140 000 en 2010 est arrivé à 80 000 en 2017 (MESRI, SIES, 2018).

En fait, le recours au projet d‟étude et professionnel est considéré depuis les années 1980 comme la solution aux problèmes d‟orientation et comme source de motivation. Son principe est le suivant : « à l‟université, les étudiants sont confrontés à un enseignement qui les encadre très peu, au sein duquel ils doivent se fixer leurs propres échéances. Face à cette autonomie accrue, ils ont besoin d‟un projet solide auquel se raccrocher. Selon la manière dont ils comptent s‟insérer dans la société, certains ont un projet de formation qui repose sur un intérêt intellectuel, d‟autres un projet professionnel (accéder à un métier, une fonction), les derniers un projet de vie. Le facteur déterminant est le caractère personnel et réfléchi du projet » (Lemsele, 2009).

Pour Vincens et Krupa (1994), « selon la première perspective, l'initiative de la formation vient de l'individu qui construit son projet de formation et en recueille les résultats. L'établissement de formation est un prestataire de services mais son rôle est complexe puisque le résultat dépend de la participation de l'étudiant, de ses aptitudes et de ses efforts ». Cependant avoir un projet, ce n‟est pas très évident pour tous pourtant il peut éviter les sorties des étudiants en première année. Il peut être « une motivation extérieure à construire afin de survivre à toute méthode pédagogique », soit une prévention pour l‟échec. Mais ce projet n‟est parfois pas construit d‟après une préférence ou un souhait. Les étudiants choisissent une filière d‟après une nécessité ou d‟une probabilité de réussir mieux à l‟université (Lemsele, 2009) et dans leur future vie. Mais ici un paradoxe apparaît car « ils sont jeunes et ont besoin de temps pour mûrir leur projet de formation.

Ils subissent aussi une forte pression sociale, et ne disposent pas encore de la capacité à prendre du recul et faire des choix éclairés » (Céreq, 2009).

Dans le cas d‟absence de projet, soit souhaité soit involontaire, « un choix passif » et aléatoire le remplace. D‟autres dispositifs sont aussi mis en route contre un choix passif tel que l‟« orientation active ». Celui-ci est proposé par le rapport Lunel comme solution aux orientations par défaut, aux asymétries d'information entre les lycéens et aux difficultés d'affiliation. C‟est un dispositif d‟accompagnement individualisé des élèves. Au lycée, le futur étudiant doit recevoir une information complète sur les possibilités de poursuite dans l'enseignement supérieur. Il se pré inscrit à l‟université au début du second semestre de terminale, reçoit un avis de l‟université en retour. L‟inscription en STS et IUT est rationalisée. Du côté de l‟université, la première année doit pouvoir être utilisée comme une phase de test, selon le principe d‟orientation par l‟expérimentation, ce que la loi de 1984 organisait de façon facultative. SUIO (les services universitaires d‟information et d‟orientation) est un autre dispositif qui organise également des ateliers d‟information, d‟orientation, une aide à l‟élaboration de projet, la rédaction de CV et la valorisation de stages.

Bien que l‟inscription à l‟université soit un choix, les nouveaux bacheliers ne sont pas toujours préparés à le faire de façon bien réfléchie. Parfois « c‟est le défi du rattrapage qui semble les avoir motivés à « faire la fac ». Écartés des filières générales de l‟enseignement, ils souhaitaient obtenir un diplôme universitaire malgré tout » (Céreq, 2009). L‟idée de « tenter leur chance », n‟est pas toujours gagnée ! Ou bien pour certains autres il n‟y a pas de questionnement. « Certains déclarent ne pas avoir été contraints dans leurs choix d‟orientation et étaient relativement confiants dans

leurs capacités de réussite. Ils se sont peu questionnés sur leur orientation, qu‟ils aient ou non le projet d‟obtenir un diplôme universitaire. Il est vrai qu‟ils n‟ont pas eu à justifier leur vœu d‟inscription à l‟université qui n‟a été ni discuté, ni contrarié » (Céreq, 2009).