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1.4 Les voies `a explorer

La figure 1.13 r´esume les donn´ees actuelles sur l’effet de la polarisation sur la viscosit´e.

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van Woerkens Vermeulen et co. Kranenburg et co.

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T (K)

FIG. 1.13 – Facteur de correction en fonction de la temp´erature : Carr´es vides : [Kranenburg89]; Carr´e barr´e : [Vermeulen88]; Carr´es pleins : [van Woerkens98]

La caract´eristique marquante dans les r´esultats de [Kranenburg89] est que l’effet de la polarisation ne semble pas d´ependre de la temp´erature, l’effet subsistant mˆeme au-del`a du r´egime d´eg´en´er´e (jusqu’`a 350 mK). A plus basse temp´erature, les donn´ees sont contradictoires : les mesures de [van Woerkens98] sugg`erent que le pr´efacteur diminue avec la temp´erature, celle de [Vermeulen88] indiquant une tendance inverse.

A basse temp´erature, nous attendons un effet ind´ependant de la temp´erature : Si nous suivons l’analogie entre le gaz de quasiparticules, que d´ecrit la th´eorie de Landau, et un gaz de fermions d´eg´en´er´e, le facteur devrait ˆetre un simple facteur num´erique ind´ependant de la temp´erature et de la pression, comme nous l’avons vu au 1.1.2. Les r´esultats de [Kranenburg89] et [Vermeulen88] vont dans ce sens. Il est d’ailleurs frappant de constater que les valeurs mesur´ees sont comparables au facteur calcul´e pour un gaz d´eg´en´er´e ( =2).

Nous pouvons comparer les r´esultats exp´erimentaux aux pr´edictions des mod`eles. En fait, comme nous l’avons vu (cf. 1.3.1), seul celui des paramagnons donne une pr´ediction explicite. Le pr´efacteur , calcul´e dans le cas de l’ He liquide `a haute pression, est compris entre 0,8 et 1,6, l´eg`erement plus faible que les valeurs mesur´ees exp´erimentalement (nettement plus faible si on prend en compte les donn´ees de [van Woerkens98]). Comme nous l’avons soulign´e, les valeurs pr´edites sont indicatives. Le test d´eterminant, de notre point de vue, est la d´ependance du facteur

 avec la pression. Avant notre travail, aucune donn´ee exp´erimentale n’´etait disponible `a ce sujet.

Le point remarquable dans les r´esultats de [Kranenburg89] est la persistance de l’effet de la polarisation dans le r´egime non-d´eg´en´er´e. Ce r´esultat n’est pas choquant si on rapproche le comportement de l’ He liquide `a haute temp´erature de celui d’un gaz de billes dures (cf. 1.3.2) dans lequel les corr´elations quantiques jouent un rˆole tant que l’´etendue des fonctions d’onde atomiques est sup´erieure `a la port´ee du potentiel d’interaction. Il nous semble cependant int´eressant de v´erifier l’existence de l’effet `a haute temp´erature. De plus, si l’effet diminue `a haute temp´erature, il resterait `a mesurer sur quelle ´echelle.

Notre objectif est de mesurer la d´ependance en pression et en temp´erature de l’effet de la polarisation sur la viscosit´e.

A basse temp´erature, la d´ependance de l’effet avec la pression permettra de valider ou infirmer les mod`eles : Une faible d´ependance en pression validerait l’image d’un gaz de quasiparticules en interaction faible; a contrario, une forte augmentation avec la pression irait dans le sens du mod`ele des paramagnons.

Comme nous l’avons soulign´e, la d´ependance en temp´erature de l’effet est encore une question

ouverte, aussi bien sur le plan exp´erimental que th´eorique. Nous comptons y r´epondre exp´erimentalement. Enfin, jusqu’`a pr´esent, les exp´eriences, qui ont ´et´e effectu´ees dans une gamme de polarisation

mod´er´ee (



%), n’ont mesur´e que le premier terme correctif ("





). Grˆace `a une m´ethode d´evelopp´ee au laboratoire [Wiegers91], nous sommes capables de produire de l’ He liquide polaris´e `a 70%. Dans ces conditions, il est envisageable de mesurer des termes correctifs d’ordre sup´erieur dans la variation de la viscosit´e en fonction de la polarisation.

CHAPITRE 2 :

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CONTRAINTES EXPERIMENTALES´

La motivation de nos exp´eriences est de r´epondre aux questions suivantes :

- L’effet de la polarisation observ´e `a basse temp´erature survit-il dans le r´egime non-d´eg´en´er´e? - L’augmentation de la viscosit´e reste-t-elle proportionnelle au carr´e de l’aimantation `a forte

polarisation?

- Quel est le rˆole des interactions dans cet effet?

Pour r´epondre `a ces questions, nous avons conc¸u un dispositif exp´erimental qui permet de produire de l’ He liquide fortement polaris´e, de fac¸on `a maximiser les effets de l’aimantation sur la viscosit´e, et ´eventuellement de mesurer des corrections d’ordre plus ´elev´ees que 



. Ce dispositif nous a permis d’explorer le r´egime compl`etement d´eg´en´er´e 





K) aussi bien que le r´egime non-d´eg´en´er´e et de travailler `a plusieurs pressions.

Dans les paragraphes suivant, nous d´ecrivons les id´ees qui ont guid´e la conception de notre dispositif. Nous insistons en particulier sur les probl`emes d’homog´en´eit´e thermique qui peuvent survenir pendant les exp´eriences. Nous commenc¸ons par exposer le premier probl`eme qui se pose `a l’exp´erimentateur qui cherche `a mesurer l’effet de la polarisation sur une quantit´e physique de l’ He : La production d’ He polaris´e.

2.1 Production d’ He polaris´e

Dans le chapitre pr´ec´edent, nous avons ´enonc´e les propri´et´es extraordinaires de l’ He polaris´e sans parler de la possibilit´e de les observer exp´erimentalement. En fait, dans la plupart des cas, obtenir une forte polarisation dans l’ He est d´ej`a un probl`eme en soi.

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CONTRAINTES EXPERIMENTALES´ La m´ethode la plus simple pour aligner les spins des atomes d’ He consiste `a appliquer un champ magn´etique. G´en´eralement, cette m´ethode, dite “brute force”, est peu efficace. Il y a `a cela deux raisons :

Le moment magn´etique des atomes d’ He, d’origine nucl´eaire, est petit : = 0,778 mK/T,

soit 2000 fois plus petit que le magn´eton de Bohr. Ainsi, en appliquant un champ  =10 Teslas, il faut refroidir l’ He `a 8 mK pour obtenir une polarisation importante 

    . H = 10T gaz de Fermi spins indŽpendants 0.01 0.1 1 10 T/TF 0.001 0.01 0.1 m (%)

FIG. 2.1 – Polarisation d’un gaz de Fermi id´eal en fonction de la temp´erature pour un champ magn´etique

de 10 T. La polarisation sature en-dessous de la temp´erature de Fermi. De plus, la loi de Curie n’est suivie qu’`a haute temp´erature (



 ). A basse temp´erature, comme on le voit sur la figure 2.1, la polarisation finit par saturer. En effet, dans le r´egime d´eg´en´er´e, les particules ´etant d´elocalis´ees, le principe de Pauli d´efavorise l’alignement des spins.

Ainsi, la polarisation en ´equilibre avec un champ magn´etique sature `a la valeur :

      

La m´ethode “brute force” n’est pertinente, que si on a la possibilit´e de travailler `a basse temp´erature, et que la temp´erature de Fermi du syst`eme de fermions est suffisamment basse. En pratique, cette condition limite l’application de cette m´ethode aux syst`emes peu denses (puisque  d´epend de la densit´e `a la puissance 2/3). Ces conditions peuvent ˆetre remplies dans les m´elanges dilu´es

He-

He, o`u la temp´erature de Fermi est   25 mK pour une concentration

de 0,1%. Par cons´equent, la polarisation `a saturation obtenue dans une telle solution est  30% avec un champ statique de 10 T.

En revanche, dans la phase gazeuse de l’ He, la m´ethode “brute force” est peu efficace : Pour que la densit´e du gaz ne soit pas trop faible, les temp´eratures de travail sont limit´ees `a

2.1 Production d’ He polaris´e 41





 1 K. A cette temp´erature, la polarisation produite par un champ statique de 10 T est inf´erieure `a 1% . De plus, le r´egime compl`etement d´eg´en´er´e est inaccessible dans le gaz. En effet, contrairement aux m´elanges tr`es dilu´es o`u la densit´e d’atomes d’ He est ind´ependante de la temp´erature, la densit´e du gaz, qui est limit´ee par la pression de vapeur saturante, baisse avec la temp´erature, ce qui diminue aussi la temp´erature de Fermi. Si on ´el`eve la pression pour augmenter la densit´e, l’ He passe en phase liquide avant d’atteindre le r´egime compl`etement d´eg´en´er´e. Ceci est repr´esent´e sur la figure 2.2, o`u on a calcul´e la pression `a laquelle il faudrait ´elever un gaz parfait pour que la distance interatomique soit ´egale `a 

. Cette courbe se situe nettement au-del`a de la ligne de transition liquide-gaz.

Liquide Gaz lT= d l T = a DŽgŽnŽrŽ Non-dŽgŽnŽrŽ classique 0.1 1 10 T (K) 0.01 0.1 1 P (bar)

FIG. 2.2 – Diagramme de phase de l’ He. Pour des temp´eratures inf´erieures `a 

10 K, des effets quantiques commencent `a apparaˆıtre dans le gaz. Par contre, le r´egime d´eg´en´er´e est inaccessible car les densit´es qu’il faudrait atteindre sont au-del`a de la transition gaz-liquide.

Il faut donc se placer dans une situation o`u l’aimantation n’est pas en ´equilibre thermodynamique avec le champ appliqu´e pour acc´eder `a des taux de polarisation importants. Une m´ethode de polarisation par pompage optique, initialement d´evelopp´ee par [Colegrove63], a permis de polariser l’ He gazeux jusqu’`a 80 `a temp´erature ambiante. Le gaz polaris´e `a temp´erature ambiante doit ensuite ˆetre refroidi pour atteindre le r´egime quantique. On se heurte alors aux probl`emes de relaxation de l’aimantation. La solution employ´ee g´en´eralement consiste `a enduire les parois de c´esium de fac¸on `a allonger la dur´ee de vie de la polarisation hors ´equilibre, et garder ainsi une aimantation importante dans les vapeurs froides (



).

Dans le cas des syst`emes denses ( He liquide ou solutions satur´ees), le recours `a une m´ethode hors-´equilibre est in´evitable. En effet, dans le cas du liquide, l’aimantation `a saturation est faible.

A 27 bars,  =200 mK, donc :     

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CONTRAINTES EXPERIMENTALES´ La technique de polarisation par pompage optique ´evoqu´ee pr´ec´edemment a ´et´e employ´ee pour produire de l’ He liquide polaris´e [Tastevin92]. Le probl`eme de cette m´ethode est que la polarisation doit ˆetre produite en phase vapeur. Pour obtenir du liquide, le gaz polaris´e doit ˆetre condens´e. Les temps de condensation et de thermalisation ´etant comparables au  dans le liquide, une partie de la polarisation initiale est perdue pendant cette ´etape. Avec cette technique, on arrive `a obtenir une polarisation de 30% `a 0,4 K. Pour l’instant, cette m´ethode n’a pas permis d’obtenir de liquide polaris´e `a tr`es basse temp´erature. Une m´ethode `a base de pompage optique est cependant utilis´ee pour obtenir de l’ He polaris´e en solution `a basse temp´erature en r´egime stationnaire [Candela94].

Une technique de polarisation par distillation a ´et´e d´evelopp´ee par [Rodrigues97]. Cette solution ´el´egante permet d’obtenir une polarisation stationnaire 7 fois sup´erieure `a la polarisation d’´equilibre. Avec cette technique, des mesures de pression osmotique ont ´et´e effectu´ees `a 12 mK avec des taux de polarisation allant jusqu’`a 15% .

La m´ethode employ´ee la plus couramment pour obtenir du liquide polaris´e est la fusion rapide d’un solide polaris´e [Castaing79]. Cette m´ethode permet d’obtenir de mani`ere transitoire des taux de polarisations jusqu’`a 70% . Il faut mentionner que cette m´ethode a aussi ´et´e utilis´ee pour obtenir des m´elanges polaris´es `a forte concentration [Frossati92, van Woerkens96]. C’est cette technique que nous avons employ´ee pour nos exp´eriences, nous la d´ecrivons en d´etail dans le paragraphe qui suit.