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D. L’exploitation d’une construction ou d’une installation : bruit

III. Les voies d’accès à un immeuble

1. Les conditions

Aux termes de l’article 694 al. 1 CC, le propriétaire qui n’a qu’une issue insuf-fisante sur la voie publique peut exiger de ses voisins qu’ils lui cèdent le pas-sage nécessaire, moyennant pleine indemnité.

Le droit de passage nécessaire implique une « expropriation privée », de sorte que l’octroi d’un tel passage est subordonné à des conditions très strictes.

Il s’agit des deux conditions positives et de la condition négative sui-vantes :

1. une issue insuffisante sur la voie publique

L’accès est insuffisant lorsqu’il fait défaut ou est très entravé31. En particulier, un accès ne fait pas défaut lorsque le propriétaire du fonds dispose d’un droit de servitude sur un fonds voisin ou d’un droit personnel d’utilisation sur celui-ci et qu’il peut l’utiliser, le cas échéant, en l’aménageant sans frais

29 Valeurs de planification et valeurs limites d’immissions.

30 ATF 130 II 32 consid. 2.1; 1A.240/2005; 1A.272/2003. En mesures provisionnelles, cf.

1C_283/2007.

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disproportionnés32. Un accès ne fait pas défaut en l’état s’il est possible d’utiliser un passage public encore existant33.

2. l’existence d’un cas de véritable nécessité

Il n’y a nécessité que si une utilisation ou une exploitation conforme à la desti-nation du fonds34 exige un accès à la voie publique et que celui-ci fait tota-lement défaut ou est très entravé35. Un droit de passage nécessaire ne peut pas être accordé pour simplement améliorer des communications qui ne sont pas entièrement satisfaisantes36, pas plus que pour la simple commo-dité personnelle du propriétaire37.

3. condition négative : le propriétaire n’a pas causé l’état de nécessité Un propriétaire ne peut réclamer un passage nécessaire lorsqu’il a lui-même causé l’état de nécessité, qu’il l’a toléré ou s’en est accommodé, ou encore lorsqu’il a adopté un comportement contraire au principe de la bonne foi, par exemple en supprimant un passage existant pour en obtenir un plus commode. Le refus du passage nécessaire suppose que le proprié-taire ait provoqué l’état de nécessité en agissant de façon délibérée. Tel n’est pas le cas lorsque, en aliénant un immeuble ou une partie de celui-ci, le propriétaire oublie de se constituer une servitude de passage sur la par-celle aliénée et que son fonds se voit ainsi privé de liaison avec la voie pu-blique38.

2. L’utilisation ou l’exploitation conforme à la destination du fonds et le droit public cantonal

Cette notion – dont dépend la nécessité du passage nécessaire – découle, d’une part, de la nature et de la situation du bien-fonds et, d’autre part, de la planifi-cation mise en place conformément au droit de l’aménagement du territoire, en d’autres termes de l’affectation du bien-fonds selon le plan de zones com-munal, soit de prescriptions de droit public. Ainsi :

- Si le bien-fonds est situé en zone à bâtir, la construction d’une maison d’habitation est une utilisation dudit fonds conforme à sa destination39.

32 5C.40/2006 consid. 3.1; 5A_410/2008 consid. 4.1.

33 5A_550/2011 consid. 5.1.

34 Cf. ci-dessous 2.

35 ATF 136 III 130 consid. 3.1; 5A_136/2009 consid. 4.1.

36 5C.40/2006 consid. 3.1.

37 5A_410/2008 consid. 4.1.

38 ATF 134 III 49 consid. 4.1; 5A_410/2008 consid. 4.1.

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En revanche, si le bien-fonds n’est pas constructible pour des motifs de droit public, il n’est pas nécessaire d’y avoir accès par un chemin carros-sable. Si on ignore si le fonds est constructible au regard du droit public, il n’y a pas d’intérêt actuel à l’examen de l’octroi d’un passage nécessaire40. - Lorsque certaines formes d’utilisation de l’immeuble nécessitent une

auto-risation, le juge civil est lié par la décision administrative de l’autorité compé-tente (par exemple agrotourisme41), à moins que celle-ci ne soit absolu-ment nulle42.

3. L’accès insuffisant a) Les notions d’accès suffisant

La notion de l’accès suffisant est différente en droit privé et en droit public. Le droit public est plus exigeant que le droit privé.

- Pour le droit privé, il suffit que la route soit suffisamment proche des cons-tructions et installations. Il n’est pas nécessaire que la route soit carrossable jusqu’au terrain à bâtir ou même jusqu’à chaque bâtiment; il suffit que les usagers ou les visiteurs puissent accéder avec un véhicule à moteur à une proximité suffisante et qu’ils puissent ensuite accéder aux bâtiments ou installations par un chemin43.

- Pour le droit public, l’accès est suffisant lorsqu’il est garanti non seulement pour ceux qui profitent de la construction, mais également pour les véhi-cules des services publics. Normalement, une autorisation de construire n’est accordée que si le terrain est desservi, d’une manière adaptée à l’utilisation prévue, par des voies d’accès (art. 22 al. 2 let. b et 19 al. 1 LAT).

Une voie d’accès est adaptée à l’utilisation prévue lorsqu’elle est suffisante d’un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu’elle dessert. Il faut aussi que la sécurité des usagers soit garantie sur toute sa longueur, que le revêtement soit adéquat en fonction du type de véhicules qui vont l’emprunter, que la visibilité et les possibilités de croisement soient suffisantes et que l’accès des services de secours et de voirie soit assuré. Les infrastructures doivent être adaptées aux possibilités de construire offertes par le plan de zones44.

40 ATF 120 II 185 consid. 2b et 2c.

41 5C.91/2005 consid. 1.1.

42 5A_136/2009 consid. 4.2.

43 5A_136/2009 consid. 4.3.2; 5A_560/2009 consid. 2.

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b) L’obtention d’un accès par la voie du droit public cantonal

La planification de droit public détermine en premier lieu l’accès suffisant;

dans ce cadre, l’accès peut également faire l’objet d’une convention privée con-clue entre les propriétaires concernés45.

En premier lieu, le propriétaire foncier doit donc recourir aux institutions du droit public. Si elles lui permettent d’obtenir un équipement convenable, un passage nécessaire de l’article 694 CC est en général superflu. Devant le juge civil saisi de son action en cession d’un passage nécessaire, le propriétaire doit donc démontrer qu’il a tout entrepris – sans succès – pour obtenir un ac-cès à son bien-fonds sur la base des normes de droit public applicables46. A défaut, on risque de compromettre le but assigné à l’aménagement du terri-toire, de mettre les planificateurs devant le fait accompli et de les obliger à choisir entre deux solutions également inappropriées en ce sens qu’ils doivent adapter la planification au passage nécessaire existant ou en faire abstraction, ce qui aboutit à ce qu’il y ait deux voies d’accès et, partant, revient à gaspiller du terrain47.

Ainsi, lorsque l’accès a été réclamé par la voie du droit public, en particu-lier par la conclusion d’une vente entre la commune et les propriétaires con-cernés pour assurer une desserte appropriée, cette procédure doit être menée à son terme, d’une manière qui assurera à tous les propriétaires actuels une des-serte appropriée de leurs biens-fonds. Tant qu’un accès approprié peut être atteint par des moyens relevant du droit public, il n’y a pas lieu d’agir en ces-sion d’un passage nécessaire au sens de l’article 694 CC48.

c) L’obtention d’un accès par la voie civile de l’article 694 CC

La planification de droit public devrait avoir pour conséquence que, dans une zone à bâtir, les biens-fonds soient équipés conformément au plan de zones et que les passages nécessaires soient ainsi superflus. Il arrive néanmoins tou-jours que des parcelles destinées à la construction ne disposent pas d’un accès suffisant à la voie publique et qu’il faille recourir à l’action en cession du pas-sage nécessaire (art. 694 CC).

L’octroi d’un passage nécessaire peut donc également être réclamé pour un terrain situé en zone à bâtir, même dans une commune dont les zones ont été

45 5A_136/2009 consid. 4.3.2.

46 5A_136/2009 consid. 4.3.2.

47 ATF 120 II 185 consid. 2b et 2c.

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planifiées, si l’accès fait défaut, puisqu’un tel accès est nécessaire pour l’obtention d’une autorisation de construire49.

Le propriétaire d’un bien-fonds situé dans une zone d’habitation peut pré-tendre pouvoir accéder à sa parcelle avec un véhicule à moteur pour autant que la topographie des lieux le permette50. Comme on l’a vu, pour le droit privé, il suffit néanmoins que les usagers puissent accéder avec un véhicule à moteur à une proximité suffisante. La notion de droit de passage nécessaire est en soi indépendante des règles cantonales ou communales en matière de construc-tions. En tant que notion de droit privé, elle doit être interprétée selon des cri-tères uniformes sur tout le territoire suisse.

4. L’autorisation de construire et l’action en cession d’un passage nécessaire

L’autorité administrative doit déterminer si un accès suffisant (public) est ga-ranti et n’octroie un permis de construire que si tel est le cas. Le juge civil peut en principe se fonder sur l’autorisation de construire entrée en force dans la mesure où l’accès suffisant du droit public suppose généralement des exi-gences plus strictes que celles du passage nécessaire garanti par le droit privé.

Il est en principe lié par l’autorisation de construire entrée en force51.

Lorsqu’une autorisation de construire prévoyant un certain accès lui a été octroyée, le propriétaire ne peut plus agir par l’action en cession d’un passage nécessaire pour obtenir un autre passage plus commode. Il convient néan-moins de réserver une éventuelle nullité de l’autorisation de construire ou le fait que des modifications au projet d’accès peuvent s’imposer pour des rai-sons techniques ou pour d’autres causes objectives. L’autorité qui délivre l’autorisation de construire décide généralement de l’existence d’un accès suf-fisant avant l’exécution des travaux de construction, en se fondant sur les do-cuments annexés à la requête et suite à une inspection des lieux. Le juge civil doit donc examiner si des modifications au projet s’imposent pour des raisons techniques ou pour d’autres causes objectives et, cas échéant, accorder un pas-sage nécessaire52.

Lorsqu’un propriétaire a déposé une demande d’autorisation d’ériger un trottoir le long d’un accès, lequel est susceptible d’entraver le passage des voi-tures de moyenne et grande dimensions vers le fonds d’un voisin, il appartient au juge administratif saisi de cette demande d’autorisation de statuer sur la

49 5A_136/2009 consid. 4.2 et 4.3.

50 5A_136/2009 consid. 4.3.3; ATF 136 III 130/JdT 2010 I 291, consid. 3.3.3.

51 5A_136/2009 consid. 4.3.4.

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question de l’accès suffisant (largeur du chemin). Le juge civil saisi parallèle-ment d’une action en cession d’un passage nécessaire ne peut trancher cette question à titre préjudiciel, puisque l’autorité administrative a été saisie. Le juge civil sera lié par la décision administrative relative à l’accès qui sera ren-due et, cas échéant, l’accès ainsi fixé donnera droit à l’inscription d’un passage nécessaire53.

B. L’accès et l’interprétation de la servitude existante

1. En cas de servitude déterminée

Lorsqu’une servitude est déterminée, c’est-à-dire limitée fonctionnellement (par exemple à un usage agricole) ou précise dans sa largeur, elle ne peut ser-vir pour les nouveaux besoins du fonds dominant entraînés par la nouvelle destination de l’immeuble (par exemple agrotourisme). Néanmoins, puisque le droit public est déterminant pour la (nouvelle) destination de l’immeuble54, le propriétaire peut agir par l’action en passage nécessaire de l’article 694 CC pour obtenir l’accès nécessité par cette nouvelle destination (en faveur des vé-hicules automobiles des touristes)55.

2. En cas de servitude indéterminée

Une servitude de passage pour véhicules à moteur qui, selon son interpréta-tion (art. 738 CC), n’est pas limitée foncinterpréta-tionnellement et permet un usage

« normal », à savoir pour l’utilisation agricole et pour l’accès aux maisons d’habitation, est une servitude indéterminée (ungemessene Dienstbarkeit56). Dans la mesure où les parties n’ont pas exclu qu’elle soit utilisée pour accéder à de nouvelles constructions, elle profite à toutes les habitations qui seront cons-truites sur les terrains qui ont été nouvellement mis en zone à bâtir et qui ont fait l’objet de divisions parcellaires (art. 743 al. 1 CC). Il n’y a pas de modifica-tion du but de la servitude (art. 738 CC)57. L’utilisation plus importante du fonds servant qui résulte de l’augmentation du nombre de bâtiments et donc de véhicules qui utilisent le passage ne constitue pas une aggravation de la servitude au sens de l’article 739 CC, dès lors qu’elle résulte d’un changement objectif des circonstances et que le propriétaire du fonds grevé n’est pas entravé dans l’utilisation de son fonds58.

53 5A_142/2011 consid. 3.

54 Cf. ci-dessus A.2.

55 5C.91/2005 consid. 1.1.

56 A propos des servitudes indéterminées, cf. ATF 131 III 345/JdT 2005 I 567, consid. 4.3.2 .

57 5A_602/2012 consid. 3.

Droit privé et droit public cantonal dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral

Conclusion

L'examen de ces quelques cas tirés de la jurisprudence montre que le droit pu-blic s'étend de plus en plus. De surcroît, comme l'autorité administrative se prononce généralement – par exemple par une autorisation de construire – avant que le juge civil ne soit saisi d'un litige civil, sa décision est prise en con-sidération par celui-ci. On ne saurait toutefois en déduire que le droit privé ne joue plus de rôle : il reste le garant du droit de propriété privée.

Blanchiment d’argent dans l’immobilier : en route vers la LBA 2.0

JULIEN BLANC

LL.M. en droit bancaire et financier, Genève Avocat

I. Introduction : 1990 - 2012

L'historique de la loi sur le blanchiment d'argent (LBA)1 remonte à quelques années avant son adoption par les Chambres fédérales en 1997. Cette loi est en effet directement liée à l'introduction de deux infractions spécifiques d'entrave contre l'administration de la justice, soit les articles 305bis2 et 305ter3 du Code pénal4 (CP), entrées en vigueur le 1er août 1990 dans le but de combattre le crime organisé5.

La systématique de la loi a été pensée pour permettre aux intermédiaires financiers, par des mesures d'organisation interne : d'identifier leur cocontrac-tant (art. 3) ou l'ayant-droit économique des fonds confiés (art. 4), de faire preuve d'une vigilance accrue dans certaines situations (art. 6), et enfin, en cas de soupçon fondé de blanchiment d'argent, de communiquer à l'autorité et de bloquer la transaction6 (art. 9 et 10). Ces obligations ont du reste été calquées sur celles contenues dans la Convention de diligence des banques (CdB) de-puis la fin des années '70.

Très tôt, et même avant l'introduction de la LBA, la question de l'assujettis-sement des professionnels de l'immobilier à cette loi s'est posée. Le Conseil

1 Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier du 10 octobre 1997 (Loi sur le blanchiment d'argent, LBA – RS 955.0).

2 Note marginale : Blanchiment d'argent.

3 Note marginale : Défaut de vigilance en matière d'opérations financières et droit de communication.

4 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0).

5 Message concernant la modification du Code pénal suisse (législation sur le blanchissage d'argent et le défaut de vigilance en matière d'opérations financières) du 12 juin 1989, FF 1989 II 961 ss.

6 L'obligation générale de blocage a été modifiée dès le 1er janvier 2016 avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la mise en œuvre des Recommandations du GAFI révisées en 2012 du 12 décembre

JULIEN BLANC

fédéral, dans son Message de 19967, n'envisageait pas d'y astreindre tout de suite ces professionnels. A l’époque, il était avant tout question de circonscrire le champ d’application de la LBA au seul secteur financier para-bancaire. Ce n’était que dans l’hypothèse où le risque de blanchiment d’argent devait s'étendre à d’autres domaines du secteur des services (commerce des im-meubles, des antiquités, des beaux-arts ou des chevaux), que le Conseil fédéral envisageait d'élargir le champ d’application de la loi8 pour y inclure d'autres domaines d'activité.

Cette position n’est d’ailleurs pas surprenante si l’on replace l'adoption du Message du Conseil fédéral et le débat des Chambres fédérales dans le con-texte économique du milieu des années '90. D'une part, les discussions parle-mentaires évoluaient dans le cadre très particulier dit « des fonds en déshé-rence »9, ce qui a limité le débat parlementaire au seul secteur bancaire et fi-nancier.

D'autre part, la crise que traversait l'immobilier depuis le début de la dé-cennie rendait assez secondaire l'attrait des investissements dans ce secteur, lequel n'était pas a priori perçu comme un refuge pour l'argent du crime. D'au-tant qu'un an avant la publication du Message, soit le 25 juin 1995, le peuple suisse avait rejeté un assouplissement de la LFAIE10. L’emprise de personnes à l’étranger sur le sol suisse étant limitée, le public et la classe politique voyaient mal que l'immobilier puisse servir de véhicule au blanchiment de l'argent du crime organisé, localisé, dans l'esprit de tous à l'époque, sur sol étranger11.

Enfin, la prise de conscience ayant mené à l'introduction des articles 305bis et 305ter CP, puis à celle de la LBA, visait à imposer un moyen de lutter contre une criminalité économique impliquée dans des schémas de blanchiment

« primaires » de type « pizza connection », ou contre le détournement de fonds publics par les potentats caribéens (DUVALIER), asiatiques (MARCOS) ou africains (ABACHA) ...

C'est donc dans ce contexte très particulier que la « LBA 1.0 » a vu le jour. Votée le 10 octobre 1997, elle est entrée en application effective au 1er avril 2000, compte tenu

7 Message relatif à la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchissage d’argent dans le secteur financier du 17 juin 1996, FF 1996 III 1057 ss.

8 Message FF 1996 III (note 6), p. 1071 ss.

9 Bulletin officiel de l’Assemblée fédérale 1997, Conseil national p. 322 et ss, p. 473 et ss, p. 1768 et ss, CE p. 598 et ss, p. 913, p. 1024.

10 Loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE – RS 211.412.41).

11 Du reste, malgré l'assouplissement partiel de la LFAIE voté aux Chambres fédérales le 30 avril 1997 dans le cadre d’un paquet de lois pour la relance économique, six mois avant l’adoption de la LBA, les débats parlementaires n’abordèrent pas du tout la possibilité que l’immobilier puisse alors

repré-Blanchiment d’argent dans l’immobilier : en route vers la LBA 2.0

du délai de deux ans (dès son entrée en vigueur au 1er avril 1998) imparti aux profes-sionnels concernés pour s'y conformer.

En février 2012, le Groupe d'Action financière pour la lutte contre le blan-chiment de capitaux (GAFI)12 a publié la 4ème révision de ses Recommanda-tions, Glossaire et Notes interprétatives, lesquels s'intègrent dans un environ-nement politique, économique et financier profondément modifié.

Non seulement les schémas de blanchiment d'argent ont, depuis les années 1990, évolué vers des structures complexes (p. ex. avec l'utilisation de méca-nismes de compensation financière, par la mise en place de diverses entités écrans ou de stratagèmes à l'apparence parfaitement légale) ; mais encore faut-il désormais intégrer dans la réflexion, depuis les pré-consultations de février 2013 du Département fédéral des finances (DFF) au sujet des Recommanda-tions révisées du GAFI et de la Weissgeldstrategie13, un changement fondamen-tal lié à la suppression (dès mars 2009) de la subtile nuance suisse entre fraude et évasion fiscale...14

L'objet de la présente contribution n'est pas d'entrer dans les méandres des droits pénaux ordinaire et administratif ou du droit fiscal international, mais de faire prendre conscience de la profonde métamorphose qui est en train de s'opérer sur la place financière et qui dictera, peut-être d'ici quelques années, des obligations de diligence nouvelles pour les professionnels de l'immobilier dans le domaine.

On a d'ailleurs assisté depuis deux ans à une mise à niveau de la loi, com-parable à celles intervenant dans le domaine informatique, qui a conduit à la

« LBA 2.0 ».

II. La LBA « 1.0 » et les obligations qu'elle implique dans le secteur immobilier

Avec son entrée en vigueur en 1998, la loi a nécessité la mise en place d'un ser-vice spécialisé de l'administration fédérale, soit l'Autorité de contrôle en ma-tière de blanchiment (ACLBA), rattachée au départ au DFF. Dès l'entrée en fonction de cette autorité, sa direction avait procédé à une analyse minutieuse des secteurs possiblement concernés par la loi, qui a débouché sur une circu-laire passablement décriée à l'époque, laquelle a effrayé de nombreux secteurs

12 Groupe d'action financière (GAFI) / Financial Action Task Force (FATF), www.fatf-gafi.org.

12 Groupe d'action financière (GAFI) / Financial Action Task Force (FATF), www.fatf-gafi.org.