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B. Aperçu de quelques litiges en matière immobilière et de leur arbitrabilité

3. Litiges en rapport avec la gestion de l'immeuble

De même, l'administration et l'entretien de l'immeuble génèrent de nombreux contrats extrêmement répandus en pratique et qu'on ne saurait envisager de façon exhaustive ici. Trois figures juridiques ne peuvent être passées sous silence, ce d'autant que deux d'entre elles présentent des particularités propres à mettre en doute leur arbitrabilité.

a. Contrat de gérance immobilière

La gestion de l'immeuble nécessite souvent l'intervention d'un tiers qui met son savoir-faire en matière de gestion à la disposition du propriétaire contre une rémunération la plupart du temps calculée de façon forfaitaire en fonction des loyers encaissés (à laquelle vient s'ajouter la facturation de dépenses ou d'honoraires spécifiques dans certains cas). Le contrat de gérance immobilière (Liegenschaftsverwaltungsvertrag) est qualifié de contrat mixte et relève principa-lement du mandat (art. 394ss CO)83. Ces figures juridiques, tout comme le Faci-lity-Management (FM)84, donnent lieu à des litiges de nature patrimoniale, ce qui permet de les soumettre à un arbitrage international (art. 177 al. 1 LDIP).

Sur le plan de l'arbitrage interne, ces litiges portent sur des prétentions qui re-lèvent de la libre disposition des parties (art. 354 CPC) ce qui les rend arbi-trables également.

b. Contrat de travail

Une relation contractuelle relevant du contrat de travail n'est pas à exclure a priori dans le vaste domaine que recouvre le concept de l'immobilier85. On peut penser au concierge de l'immeuble, mais aussi au directeur d'une régie immo-bilière…

La question de l'arbitrabilité de ce type de litiges a fait couler beaucoup d'encre, ce qui tient à la protection particulière que le droit fédéral octroie au travailleur. Cette protection relève tout d'abord du droit matériel : l'article 341 al. 1 CO prévoit que le travailleur « ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d'une convention collective »86.

Elle relève aussi du droit de procédure. Avant l'entrée en vigueur du CPC, l'article 343 al. 2 à 4 CO (unification à froid) prévoyait l'obligation pour les

83 Voir notamment FISCHER, p. 399 ss.

84 Sur la notion de FM: BURKHALTER, p. 39ss; BURKHALTER /GRELL, n. 69ss; ODOK, 139 ss.

85 Ces catégories amènent parfois à placer sous un même dénominateur des figures juridiques très diversifiées. On peut penser au "droit du sport" qui englobe des thèmes aussi diversifiés que le droit du travail, l'insolvabilité, l'association, l'arbitrage et la procédure, la concurrence, le droit de la per-sonnalité, le sponsoring, etc…

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tons de prévoir – notamment – une procédure « simple et rapide » pour tous les litiges dont la valeur litigieuse ne dépassait pas 30'000 francs, tout en impo-sant (pour ces mêmes litiges) la maxime inquisitoire et le principe de la libre appréciation des preuves87. Ces dispositions de procédure ont été logiquement abrogées avec l'entrée en vigueur du CPC, lequel en a repris la substance : la procédure simplifiée s'applique aux affaires dont la valeur litigieuse ne dé-passe pas 30'000 CHF (art. 243 al. 1 CPC; peu importe la matière), on y ap-plique un devoir d'interpellation accru du juge (art. 247 al. 1 CPC) tandis que la maxime inquisitoire s'applique (art. 247 al. 2 lit b ch. 2 CPC)88.

C'est le souci d'assurer l'effectivité de ces normes protectrices (relevant du droit matériel et de la procédure) qui soulève la question de l'arbitrabilité de tels litiges dès lors que les arbitres ne sont pas tenus par ces règles de procé-dure et pourraient être amenés à trancher en appliquant d'autres règles de droit. La question est controversée89. Le TF l'a tranchée par un arrêt de prin-cipe du 28 juin 2010, lequel a toutefois été rendu sous l'empire de l'article 5 CIA aujourd'hui abrogé90. Cet arrêt relève tout d'abord qu'un tel litige est de nature patrimoniale au sens de l'article 177 al. 1 LDIP, ce qui le rend arbitrable si l'une des parties avait son domicile ou sa résidence à l'étranger au moment de la conclusion de la convention d'arbitrage (on se trouve alors dans un arbi-trage international)91.

On le sait, l'arbitrage interne est gouverné par un autre critère en vue de déterminer l'arbitrabilité d'un litige, à savoir celui de la « libre disposition des parties » (aujourd'hui [CPC] comme hier [CIA]). Tout d'abord le TF relève que l'arbitrabilité n'est pas liée à l'existence d'un for impératif (ou semi-impératif), un principe en vertu duquel – on l'a vu92 – l'article 5 CIA sera repris par l'ar-ticle 354 CPC sans son deuxième membre de phrase93 : à ce stade du raison-nement, un litige relevant du travail demeure arbitrable. Le TF considère en revanche que l'article 341 al. 1 CO – dans la mesure où il interdit au travailleur (qui se trouve « dans une situation de dépendance aigüe ») de renoncer à des créances issues de normes impératives voire semi-impératives (toutes énumé-rées aux art. 361 et 362 CO) sans contrepartie adéquate – exclut que le

87 BOHNET, p. 164 ss.

88 CPC Commenté –TAPPY, n. 10 ss ad art. 243 et n. 4 ss & 16 ss ad art. 247.

89 ATF 136 III 467, consid. 4.3. L'arbitrabilité est en revanche admise pour les conflits collectifs de travail qui s'élèvent entre des employeurs (ou organisations d'employeurs) et des organisations de travailleurs (consid. 4.2).

90 ATF 136 III 467.

91 ATF 136 III 467, consid. 4.2;Komm ZPO - WENGER, n. 21 ad art. 354.

92 Supra, chap. II lit. A ch. 1.

93 C'est seulement lorsque le droit fédéral impose une compétence étatique à raison de la matière que l'arbitrabilité était considérée comme exclue en application de l'art 5 CIA: ATF 136 III 467, consid.

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leur puisse convenir d'avance94 que de telles prétentions seront soumises à ar-bitrage95.

Cette jurisprudence ne fait pas l'unanimité et on peut considérer aujour-d'hui que la question demeure controversée. Il est intéressant de relever que le TF a récemment rendu un nouvel arrêt, le 17 avril 2013; la question y est évo-quée sous l'angle de l'article 354 CPC96. Sans la trancher à nouveau (ce n'était pas nécessaire pour la résolution de l'affaire), le TF prend acte de ce que sa ju-risprudence de principe du 28 juin 2010 sus-évoquée a provoqué de nombreux débats mais ne voit pas de raison de la réexaminer97.

On peut douter du bien-fondé de cette jurisprudence. Tout d'abord, la dif-férence de solutions qui prévaut entre arbitrage interne et arbitrage internatio-nal ne se justifie pas vraiment. On peut en outre se demander ce qu'il advien-drait d'une convention relevant de l'arbitrage interne et qui prévoirait un op-ting out en faveur des règles sur l'arbitrage international comme le permet l'ar-ticle 353 al. 2 CPC : on aboutirait de la sorte à une substitution de critère en ce qui concerne l'arbitrabilité – la nature patrimoniale du litige (art. 177 al. 1 LDIP) prenant le pas sur la disponibilité de la prétention litigieuse (art. 354 CPC) – et le litige deviendrait alors arbitrable98. Il n'est pas certain, dans la perspective adoptée par le TF, qu'un tel opting out en faveur de l'arbitrage in-ternational serait reconnu par le juge étatique dans la mesure où il serait perçu comme une manière de contourner des normes de droit interne considérées comme fondamentales.

A supposer que le litige concerne à la fois des droits issus de normes impé-ratives et des droits issus de dispositions non impéimpé-ratives du contrat de tra-vail : faut-il « dichotomiser » le litige en imposant la compétence étatique pour certaines conclusions et en se conformant à la clause compromissoire pour d'autres ? Peut-on vraiment assimiler la renonciation aux juridictions étatiques à la renonciation à des dispositions de droit matériel ? Enfin, à suivre une cer-taine cohérence, pourquoi des litiges en rapport avec des dispositions impéra-tives telles que les articles 404 CO (résiliation en tout temps du mandat) et 418u CO (droit de l'agent à une indemnité convenable pour la clientèle) de-meureraient arbitrables tandis que certaines prétentions du travailleur ne le seraient pas99 ?

94 On peut admettre en revanche qu'une convention d'arbitrage soit conclue après la fenêtre tempo-relle visée à l'art. 341 al. 1 CO.

95 ATF 136 III 467, consid. 4.6.

96 ATF rendu le 17.4.2013 dans la cause 4A_515/2012.

97 4A_515/2012, consid. 4.2.

98 Komm ZPO - WENGER, n. 21ad art. 354 (qui admet une telle possibilité).

99 ATF rendu le 17.4.2013 dans la cause 4A_515/2012, consid. 4.2. Il est vrai aussi que l'approche

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C'est finalement l'interprétation de la notion de « libre disposition » au sens de l'article 354 CPC qui doit s'avérer déterminante. Nous sommes d'avis que cette notion doit être appréhendée sous son acception judiciaire – la pers-pective de l'arbitrage elle-même relève de considérations judiciaires et non du droit matériel – et que le vrai critère consiste à déterminer si le législateur a entendu laisser aux parties à une procédure contentieuse le pouvoir de dispo-ser de l'objet du litige (ainsi le prévoit la maxime de disposition [art. 58 al. 1 CPC] qui est la règle) ou si au contraire le juge étatique peut lui-même dispo-ser de l'objet du litige (ainsi le prévoit la maxime d'office [art. 58 al. 2 CPC] qui fait figure d'exception). Dans la deuxième hypothèse, la prétention soumise par le demandeur à la sagacité du juge ne relève pas de la libre disposition des parties si bien qu'un tel débat judiciaire n'est pas arbitrable. Il en va ainsi des causes relatives à l'état des personnes (par ex. procédure de divorce [art. 279]) ainsi que des procédures applicables aux enfants (art. 296 al. 3 CPC). On peut ajouter à ces cas de figure l'hypothèse dans laquelle – en dépit de l'inapplicabi-lité de la maxime d'office – le législateur imposerait l'inarbitrabil'inapplicabi-lité de certains types de litiges100.

Le droit du travail – même s'il prévoit des dispositions impératives (art.

361 CO) ou semi-impératives (art. 362 CO) – ne donne pas lieu à des litiges judiciaires auxquels devrait s'appliquer la maxime d'office, raison pour la-quelle nous sommes d'avis que ces litiges devraient pouvoir être arbitrés non seulement sur le plan international (ainsi que cela est admis) mais aussi en ar-bitrage interne101. Un tel constat aurait en outre le mérite de mettre fin à la dif-férence prévalant sur ce point entre l'arbitrage interne et l'arbitrage internatio-nal, laquelle est difficilement justifiable : pourquoi le travailleur ayant conclu alors qu'il avait à l'époque son domicile à l'étranger serait « moins protégé » que le même travailleur ayant conclu le même contrat avec le même em-ployeur alors qu'il était domicilié en Suisse ?

Quoi qu'il en soit, il convient aujourd'hui d'avoir conscience qu'à teneur de la jurisprudence actuelle et récente du TF, les litiges portant sur certains droits du travailleur ne peuvent faire l'objet d'un arbitrage interne, à tout le moins

droit fédéral: on ne saurait exclure à ce stade que certains principes importants relevant de l'arbi-trage international ne soient finalement repris en arbil'arbi-trage interne (ainsi la question de l'arbitrabili-té) afin d'éviter des distinctions pas toujours très cohérentes.

100 Ainsi en droit du bail concernant les locaux d'habitation: infra, lit. c.

101 BOHNET, p. 165ss: cet auteur – dont la publication survenait sous l'empire des législations cantonales de procédure - se référait à la LFors et retient l'arbitrabilité sur le plan interne, mais pour autant que le tribunal arbitral ait son siège à l'un des deux fors prévus à l'art. 24 al. 1 LFors (aujourd'hui l'art.

34 al. 1 CPC): cette restriction quant au siège du tribunal arbitral ne nous semble pas justifiée, a fortiori compte tenu de l'existence d'un espace d'exécution unique en Suisse depuis l'entrée en

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sur la base d'une clause compromissoire passée avec le contrat de travail, pen-dant la durée des rapports de travail ou encore dans le mois qui suit102. c. Contrat de bail

Le bail est sans doute l'une des figures juridiques qui accapare une part impor-tante de l'activité d'une régie immobilière. L'arbitrage était expressément in-terdit pour les baux d'habitation à teneur de l'article 274c aCO en vigueur avant le 1er janvier 2011, demeurant réservée la faculté par les parties de dési-gner les autorités étatiques de conciliation pour faire office de tribunal arbitral (art. 274a al. 1 lit e aCO)103. Ces dispositions ont été abrogées104 lors de l'entrée en vigueur du CPC (1er janvier 2011), et remplacées par une seule disposition : l'article 361 al. 4 CPC – qui déploie les mêmes effets que les dispositions du CO précitées – prévoit désormais que « dans les litiges relatifs aux baux à loyers ou à ferme d'habitations, seule l'autorité de conciliation peut être désignée comme tribunal arbitral », ce qui renvoie à l'autorité paritaire décrite à l'article 200 al. 1 CPC. Un tel "arbitrage" ne saurait être assimilé à un arbitrage interne au sens propre du terme, dès lors que la désignation du tribunal arbitral est une com-posante caractéristique de la clause compromissoire105. Cela dit, sur un plan strictement procédural, la décision rendue par la commission de conciliation dont la saisine est opérée en application de l'article 361 al. 4 CPC sera traitée comme une sentence arbitrale : elle ne pourra être remise en cause qu'en appli-cation des articles 389ss CPC (et non des art. 308ss & 319ss CPC relatifs à l'ap-pel et au recours contre les jugements rendus par les juridictions civiles de première instance)106.

Quoi qu'il en soit, le législateur exprime clairement sa volonté d'exclure le champ du bail à loyer d'habitations du champ de l'arbitrage interne107. Il est par conséquent inutile de prévoir une clause compromissoire dans un contrat de bail à loyer portant sur des locaux d'habitation, le litige n'étant pas arbi-trable quelle que soit la prétention litigieuse108. En revanche, rien ne s'oppose à l'adjonction d'une telle clause au sein d'un contrat de bail portant sur des

102 Une convention d'arbitrage passée après cette période "de protection" ne pose pas de problème:

Komm ZPO - WENGER, n. 20 ad art. 354.

103 BOHNET, p. 169 ss.

104 Tout le chapitre IV consacré au bail à loyer et intitulé "Autorités et procédure" (art. 274 à 274g CO) a été abrogé – logiquement s'agissant de normes d'unification à froid de la procédure – lors de l'en-trée en vigueur du CPC.

105 BSK ZPO –WEBER-STECHER, n. 38 ad art. 354.

106 CPC Commenté – P.SCHWEIZER, n. 11 ad art. 361.

107 BURKHALTER /B.GRELL, n. 54.

108 Et pas seulement pour les matières mentionnées à l'art. 243 al. 2 lit. c CPC (procédure simplifiée pour les litiges concernant la consignation du loyer, la protection contre les loyers abusifs, la

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caux commerciaux, ce qui d'ailleurs se fait en pratique, le principe prévalant quel que soit l'aspect litigieux109.

La question est délicate si on se place sur le plan de l'arbitrage internatio-nal. A première vue les litiges relevant du bail sont de nature patrimoniale, ce qui les rendrait sans autre arbitrables en vertu de l'article 177 al. 1 LDIP. La question ne fait pas de doute concernant les baux commerciaux110. En re-vanche, la doctrine est divisée sur la portée de l'article 361 al. 4 CPC, considéré par certains auteurs comme une disposition impérative au sens de l'article 18 LDIP avec pour conséquence qu'une sentence arbitrale rendue dans un litige portant sur un bail d'habitation serait incompatible avec l'ordre public suisse (art. 190 al. 2 lit. e LDIP), à tout le moins lorsque le locataire a son domicile ou sa résidence habituelle en Suisse111. La question est délicate, mais il paraît peu opportun d'user de critères autres que la nature patrimoniale du litige lorsqu'il s'agit de faire application de l'article 177 al. 1 LDIP, à tout le moins lorsque le locataire de locaux d'habitation n'a pas son domicile en Suisse puisque – dans un tel cas – les normes impératives édictées par le législateur helvétique en faveur du locataire ne déploient pas leurs effets protecteurs en Suisse112. 4. Litiges de nature réelle

a. Revendication de l'immeuble

L'arbitrabilité semble donnée prima facie lorsque le litige porte sur la revendica-tion de l'immeuble ou la restiturevendica-tion de ce dernier (art. 641 CC) si ce n'est que, dans bien des cas, la clause compromissoire sera remplacée par une conven-tion conclue postérieurement à la survenance du litige. L'arbitrabilité ne pose pas de problème particulier sur le plan interne, étant souligné que le for du lieu où l'immeuble est ou devrait être immatriculé au registre foncier (art. 29 CPC) n'est pas impératif113.

La question est plus délicate en arbitrage international. Il ne fait aucun doute qu'un tel litige est de nature patrimoniale (art. 177 al. 1 LDIP)114. En re-vanche, il faut se poser la question de l'incidence de l'article 97 LDIP à teneur duquel « les tribunaux du lieu de situation de l'immeuble en Suisse sont

109 Y compris les aspects spécifiques mentionnés à la note précédente !

110 A propos d'un litige procédural portant sur un arbitrage international concernant des baux commer-ciaux: ATF rendu le 26 octobre 2009 dans la cause 4A_428/2009.

111 BSK ZPO –HABEGGER, n. 38 ad art. 361.

112 Ainsi BURKHALTER /GRELL, n. 57; KNOEPFLER, Autonomie de la volonté, p. 255. Voir sur la question controversée de l'arbitrabilité de litiges relevant des baux d'habitations en arbitrage international:

GEHRI, p. 1243.

113 Les litiges relevant de la tenue du registre foncier (art. 956 CC), de nature administrative, ne sont pas arbitrables:BURKHALTER /GRELL, n. 44.

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sivement compétents pour connaître des actions réelles immobilières ». La doctrine est divisée à propos de l'articulation entre les chapitres 12 (consacré à l'arbitrage international) et 7 LDIP (consacré aux droits réels). En l'espèce, l'ins-tauration d'un for impératif – destiné à la saisine des juridictions civiles – ne se confond pas nécessairement avec la volonté de prévoir une compétence exclu-sive en faveur des juridictions étatiques; à tout le moins ne peut-on s'empêcher de voir une contradiction entre une telle conclusion appliquée à des litiges de nature patrimoniale et la teneur de l'article 177 LDIP qui instaure le principe de l'arbitrabilité pour ce type de litiges. Le chapitre 12 de la LDIP, qui définit l'arbitrabilité des litiges, doit être considéré pour lui-même sans tenir compte de règles de for (ainsi l'art. 97 LDIP), lesquelles ne constituent pas du droit ma-tériel mais du droit de procédure applicable devant les juridictions étatiques.

Le for exclusif pour les immeubles prévu par l'article 97 LDIP se justifie en vue d'assurer un lien fonctionnel entre le juge (étatique) du fond et le lieu de situa-tion de l'immeuble115; il ne déploie pas d'interférence sur le processus de l'arbi-trage.

En application de ces principes, le litige portant sur la revendication ou la restitution d'un immeuble (action réelle) doit pouvoir être tranché par une sen-tence arbitrale rendue en Suisse, qu'il s'agisse d'un arbitrage interne ou d'un arbitrage international. Contrairement à une partie de la doctrine qui pose cette exigence en matière d'arbitrage international, nous ne voyons pas les rai-sons pour lesquelles le tribunal arbitral œuvrant en application de l'article 177 al. LDIP devrait avoir son siège au lieu de situation de l'immeuble désigné par l'article 97 LDIP116. Cette conclusion est renforcée du fait qu'à compter du 1er janvier 2011 le législateur en charge de la procédure a clairement manifesté sa volonté de créer un espace d'exécution unique en Suisse117. Quel que soit le siège du tribunal arbitral, la sentence ordonnant une modification de l'inscrip-tion au registre foncier devra faire l'objet d'une requête en exécul'inscrip-tion devant le tribunal de l'exécution (des mesures d'exécution directe [art. 236 al. 3 CPC] ne peuvent être ordonnées par une sentence arbitrale, les arbitres ne disposant pas de l'imperium [ce qui exclut l'application de l'art. 344 al. 2 CPC]) à l'un des fors mentionnés à l'article 339 al. 1 CPC118.

115 Voir notamment ZK IPRG –VISCHER, n. 12s ad art. 177.

116 Contra: BURKHALTER /GRELL, n. 47. On ne voit pas – une fois admise la dissociation du lien organique avec le lieu de situation de l'immeuble voulu par l'art. 97 LDIP - ce que changerait la localisation du siège en Suisse du tribunal arbitral, a fortiori depuis que les règles d'exécution concernant les pres-tations in forma specifica ont été unifiées (à compter du 1er janvier 2011, date d'entrée en vigueur du CPC, lequel réglemente désormais toute l'exécution forcée [ce qui ne prévalait auparavant que pour la LP]). Selon GAILLARD, l'art. 97 LDIP doit être lu au regard de la norme de l'art. 108 LDIP, et ne vise qu'à prohiber une élection de for en faveur d'un tribunal étranger: CR LDIP-GAILLARD, n. 2 ad art. 97.

117 CPC Commenté – JEANDIN, n. 3 ad art. 335.

118 On peut se poser la question de savoir si l'art. 339 al. 1 lit. c CPC englobe le for du siège d'un

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A noter que les litiges en relation avec la tenue du registre foncier (art. 956

A noter que les litiges en relation avec la tenue du registre foncier (art. 956