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MIEUX FAIRE VIVRE

Dans le document LES ENFANTS PEUVENT BIEN ATTENDRE (Page 175-184)

LES DROITS DE L’ENFANT

Julien LAUPRÊTRE

Président du Secours populaire français.

Disons qu’il y a « loin de la coupe aux lèvres ».

La pauvreté touche en premier lieu les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, dont plus d’un sur dix sont pauvres. Ainsi, 44 % des personnes accueillies au SPF sont des enfants.

En 2014, la précarité se généralise, la peur de l’avenir pour soi ou pour ses enfants touche des couches de plus en plus larges de la population.

Les chiffres du baromètre Ipsos-Secours populaire de 2014 sur l’état de la pauvreté en France le confirment : 66 % des personnes interrogées ont un proche qui vit dans la pauvreté ; pour 29 % d’entre elles, ce sont des membres de leur famille.

Ces préoccupations leur sont devenues si familières qu’elles déclarent à 86 % craindre de voir la pauvreté frapper leurs enfants, plus encore que leur propre génération.

Le baromètre Ipsos/SPF permet chaque année de faire le point sur la question de la précarité en France. Cette année, le Secours populaire a souhaité compléter cette interrogation par une enquête auprès des enfants âgés de 8 à 14 ans, afin de mesurer leur propre perception de la pauvreté et la manière dont ils estiment (ou non) pouvoir agir pour la combattre.

Ce volet inédit, réalisé auprès de 500 enfants interrogés, révèle qu’ils sont majoritairement sensibles à cette question et qu’ils ne sont pas épargnés par la crainte de la pauvreté exprimée par leurs aînés. Si nombre d’entre eux s’estiment aujourd’hui trop jeunes pour aider les personnes pauvres, ils se montrent attirés par de nombreuses actions et convaincus que la pauvreté n’est pas une fatalité.

Les enfants se révèlent particulièrement conscients de la pauvreté qui les entoure ; une large majorité estime qu’il y a « beaucoup » de pauvres dans le monde (86 %). C’est un peu moins le cas en France : 39 % des enfants estiment qu’il y a dans notre pays « beaucoup de pauvres ». Ils sont majoritairement conscients que, dans leur école, des enfants sont moins privilégiés qu’eux : 68 % pensent que, dans leur classe ou leur école, certains enfants ne partent jamais en vacances.

Les petits Français ne sont pas épargnés par la crainte de devenir pauvres, ou par le sentiment de l’être déjà : près de 6 enfants sur 10 déclarent avoir peur de devenir pauvres un jour (58 %), un chiffre très important et révélateur de la sensibilité des enfants sur le sujet.

Néanmoins, la prise en compte des conséquences de la crise économique sur les enfants et adolescents reste dramatiquement insuffisante. Ainsi, le Secours populaire, à travers ses 1 256 permanences d’accueil, de solida-rité et relais-santé, constate que les enfants et les jeunes sont impactés de manière disproportionnée par la crise économique et que beaucoup d’entre eux cumulent les inégalités (éducation, insertion sociale et profes-sionnelle, santé), aux conséquences désastreuses pour leur avenir et celui de la société tout entière.

Le Secours populaire, depuis sa création, met les enfants au cœur de ses actions de solidarité, notamment par le biais de l’accès aux vacances, à la culture, aux loisirs, l’aide au soutien scolaire.

Un enfant sur 3 ne part pas en vacances. Pourtant, les vacances sont un droit et elles font grandir. Ainsi, le Secours populaire propose des départs en colonie de vacances ou en familles de vacances. Ces séjours offrent aux enfants la possibilité de découvrir de nouvelles activités, le temps de quelques jours riches en rencontres et découvertes. Les enfants sortent ainsi de leur quotidien, s’ouvrent à d’autres modes de vie, explorent des régions de France inconnues…

Le Secours populaire français a constaté que « l’enfant qui n’est pas parti le 15 août » ne connaîtra pas les joies des vacances. Ainsi, en 1979,

« Année internationale de l’enfant », le Secours populaire a décidé de lancer, dans toute la France, les « Journées des Oubliés des vacances » (JOV) pour permettre à tous de profiter d’un temps de vacances. C’est ainsi que, depuis plus de 30 ans, partout en France et dans certains pays où il intervient, le Secours populaire permet chaque année à des milliers d’enfants qui n’ont pas eu la chance de partir, de bénéficier d’une journée à la mer, à la montagne, au zoo, dans un parc d’attractions… Pour ces milliers d’enfants, ces journées représentent de vrais temps de vacances, de rencontres et d’émotions. Autant de souvenirs à raconter le jour de la rentrée des classes à ses petits copains et de mieux affronter l’année scolaire.

Cette année, dans le cadre du 70e anniversaire du Secours populaire, la JOV s’est déroulée à Paris au Champ-de-Mars, le 19 août. La capitale a accueilli, dès le matin, 70 000 vacanciers, des enfants et leurs familles, venus de toute la France et de l’étranger.

Cette journée ludique, jalonnée de « chasses au trésor » dans la capitale, d’ateliers d’animation, s’est terminée par un grand concert donné par des artistes de renom, marraines et parrains de l’initiative.

Et dans le monde ?

Dans le cadre du programme « Enfants du monde », 1 000 enfants venant de 70 pays où intervient le Secours populaire (dont le Népal, Haïti, l’Ukraine, la Syrie, la Palestine, le Vietnam, Israël…) ont été invités à cette grande « Journée des Oubliés des vacances » 2015. Ils ont été hébergés pour la plupart dans des « Villages copain du Monde ».

Depuis 2008, le Village d’enfants « copain du Monde », à Gravelines dans le Nord, accueille des enfants français et des enfants venus de pays où le SPF agit pour la solidarité ; ils s’y retrouvent le temps des vacances pour partager des moments forts d’échanges et pour participer à des projets solidaires. Depuis 2013, d’autres villages « copain du Monde » ont été créés, dont 17 cette année.

La solidarité dépasse donc les frontières.

Ainsi, la proclamation des droits de l’enfant est certes d’un bon cru, il n’empêche que, plus de vingt ans après, les choses évoluent peu, voire difficilement.

Ainsi, pour y contribuer, le Secours populaire développe son mouvement d’enfants solidaires « copain du Monde », né en 1992. Faisant écho à la création des droits de l’enfant, « copain du Monde » permet d’accueillir et d’accompagner tout enfant qui souhaite pratiquer la solidarité. Ce mouvement transmet aux enfants l’importance de l’engagement et de la citoyenneté en les invitant à pratiquer la solidarité, action émancipatrice, propice à leur développement global. Au sein des structures locales de l’association et des clubs copain du Monde, l’enfant est responsabilisé et gagne ainsi en autonomie. Il se trouve dans un collectif qui reconnaît sa valeur et l’utilité de son action, tout en lui apprenant à mener des actions solidaires par le biais de la réflexion et de l’échange.

Copain du Monde est une richesse du Secours populaire. Au-delà de la mise en mouvement des enfants et de l’initiation à la conduite de projets, les enfants échangent, discutent et émettent des opinions au sein de leurs clubs et des commissions de travail, tant sur le plan local que national.

Véritables lieux d’initiation et d’émancipation, les clubs « copain du Monde » permettent aux plus jeunes de participer au fonctionnement de la vie associative et de pouvoir envisager un réel parcours de bénévole engagé au sein du Secours populaire. Au-delà de la mise en mouvement solidaire, il s’agit bien là d’une belle application des articles 13 et 15 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Quelques exemples d’activités parmi bien d’autres :

â En Haute-Garonne, les copains du Monde de l’école de Villeneuve-lès-Bouloc ont pédalé pour la bonne cause. Au total, les cent vingt-deux élèves ont pédalé 1 236 km, soit 2 301 tours. L’argent ainsi récolté (600 euros) sera intégralement reversé au Secours populaire et permettra d’effectuer des travaux à l’école Masinandriana de Madagascar. Les copains du Monde étaient heureux de participer à l’amélioration du cadre de vie des enfants malgaches.

â Les élèves de 5e du collège Nicolas Fouquet de Mormant (Seine-et-Marne) ont remis un chèque de 2 038,93 euros, le 23 juin 2015, au SPF.

C’est à Danièle Guibert du comité qu’ils ont remis le montant de leur collecte, réalisée après une course solidaire au profit de l’association.

L’argent servira à la reconstruction d’une école en Haïti.

â Deux classes de 5e du collège Guillaume Apollinaire du 15e arrondis-sement de Paris ont très vite voulu exprimer leur solidarité avec les victimes du Vanuatu et du Népal. Prenant du temps sur leurs acti-vités scolaires et encadrés par leur professeur principal, ils ont pris leurs feutres et leurs crayons pour adresser des messages de soutien aux sinistrés, et plus particulièrement aux enfants dont la situation les touchait plus aux écoliers.

â La mise en mouvement des enfants du Bénin s’est développée après le séjour de quelques enfants béninois au Village copain du Monde de Léchiagat, à Brest en 2013. Ces derniers, sensibles aux problèmes sociaux de Porto Novo, ont décidé de collecter des fonds pour lutter contre la pauvreté et la précarité au sein de la population. En décembre 2013, ils ont collecté 24 650 francs CFA, pour aider les enfants de familles démunies que chaque copain du Monde avait pris soin d’identifier au cœur même de son quartier. Par la suite, un spectacle donné lors du week-end de Pâques, a permis de collecter la somme de 16 845 francs CFA. Ces fonds ont permis d’aider le service de pédiatrie du Centre hospitalier de l’Ouémé et d’améliorer les conditions d’hygiène de cet hôpital en achetant des poubelles.

â En Côte d’Ivoire, 45 copains du Monde se réunissent tous les samedis dans les locaux de l’association partenaire Regard Solidarités. Depuis 2012, les enfants de Daoukro correspondent avec ceux de La Penne-sur-Huveaune dans les Bouches-du-Rhône, qui ont été sensibilisés

à leurs droits et à la solidarité. Ces derniers poursuivent leur projet solidaire : aménager une aire de jeux pour les enfants de Daoukro.

â Au Maroc, le club copain du Monde, créé en avril 2013, avec l’aide et l’appui de la fédération du Secours populaire de la Somme, a bénéficié de l’aide de quatre écoles du département. Les élèves ont participé au financement de la construction d’une bibliothèque par le biais de nombreuses initiatives, telle que la vente de cartes de vœux au moment de Noël… Les copains du Monde marocains sont, de même, auteurs et acteurs de projets solidaires dans leur village. Deux fois par an, le club réalise une grande opération éco-citoyenne de ramassage de déchets ainsi qu’une distribution de vêtements pour les plus démunis.

â Lors du rassemblement sur le Champ-de-Mars, à Paris le 19 août, des milliers de dessins, de poèmes et de témoignages d’amitiés à l’atten-tion des « copains du Monde » ont été accueillis sur un grand mur de la solidarité.

Ces quelques exemples d’initiative, dans ce beau numéro de l’Unicef, apportent, grâce à la solidarité juvénile, comme un beau rayon de soleil dans un ciel souvent noir au quotidien.

Le 7 août 1990, il y a 25 ans, la France ratifiait la Convention relative aux droits de l’enfant et s’engageait, dans le même temps, à faire respecter sur son territoire métropolitain et ultramarin les droits fondamentaux de tous les enfants, indépendamment de leur sexe, de leur origine, de leur nationalité, de leur couleur de peau, de leur appartenance religieuse, de leur situation administrative ou encore familiale.

Cette ratification n’a rien de symbolique. Il s’agissait alors pour la France de reconnaître et de mettre en œuvre les dispositions d’un nouveau traité inter-national, instrument juridique majeur, devenu depuis quasiment universel puisqu’il compte désormais 196 États parties.

Mais aujourd’hui qu’en est-il de l’effectivité des droits de l’enfant en France ? En reconnaissant que la France a fait de nombreux progrès sur ce chemin depuis 25 ans, et en rappelant qu’il vaut bien mieux naître et grandir en France que dans bon nombre d’autres pays dans le monde, nous ne pouvons pas faire l’économie de cette interrogation.

25 experts ont accepté de partager le fruit de leur réflexion afin de questionner, chacun dans leur domaine, l’effectivité des droits des enfants en France, en 2015. La seule réflexion qui doit guider pouvoirs publics comme société civile est finalement bien celle qui conduit à mesurer les écarts entre les droits formels et les droits réels des enfants.

Jean-Marie Dru Président de l’UNICEF France

LES ENFANTS

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