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LES DROITS HUMAINS NE SONT JAMAIS ACQUIS

Dans le document LES ENFANTS PEUVENT BIEN ATTENDRE (Page 135-139)

Fabienne QUIRIAU

Directrice générale de la CNAPE (Convention Nationale des Associations de Protection de l’Enfant) *.

* Note de l’éditeur : Anciennement Présidente de la Commission Enfance en France de l’Unicef France Administratrice de l’association Louis Chatin, et du GIP Enfance en Danger. Investie dans les questions de protection de l’enfance et des droits de l’enfant. Auteure de divers articles et travaux relatifs à ces questions.

sans commune mesure avec les grandes catastrophes, mais des dangers qui ont un impact considérable pour chacun d’entre eux.

La pauvreté est l’un de ces dangers, par les effets qu’elle produit, immé-diats et durables. De nombreux enfants souffrent de la pauvreté dans notre pays, et même de très jeunes enfants, et leur nombre ne cesse de croître dans les villes et dans les campagnes. D’autres pays, également favorisés, connaissent ce même phénomène. Entre 5 et 10 % d’enfants, parfois plus, sont touchés par la pauvreté qui portent atteinte à la plupart de leurs besoins fondamentaux.

Bien d’autres situations peuvent affecter les enfants. Celles qui relèvent de la protection de l’enfance se maintiennent à un niveau relativement élevé. Presque invariablement, près de 300 000 enfants ayant moins de 18 ans sont protégés d’un risque de danger ou d’un danger survenu au sein même de leur famille. Certes, leur nature est diverse, et leur degré de gravité plus ou moins élevé. En dépit d’une législation qui a renforcé leur protection et la prévention, tout en prenant davantage en considération leurs droits, des enfants vivent des situations qui portent préjudice à leur éducation, à leur santé, à leur sécurité, à leur développement. Certains même sont exposés à un danger qui menace leur vie lorsqu’ils subissent des maltraitances.

Si la CIDE affirme, tout comme notre droit interne, que les parents sont les premiers protecteurs de leur enfant, et que par conséquent, ils ont le devoir de le protéger, il arrive que certains contextes familiaux ne soient pas protecteurs pour l’enfant, voire même soient source de danger. Les pouvoirs publics ont alors à intervenir au titre de la protection de l’en-fance, sans se substituer aux parents, sauf si la situation l’exige et que le juge en décide. La question est de savoir si de telles situations pourraient être évitées. Car prendre soin d’un enfant, ne consiste pas seulement à le protéger du danger, mais aussi à prévenir tout ce qui pourrait lui arriver de préjudiciable. Et à cet égard, la prévention doit être le moyen privilégié pour anticiper et éviter la survenue de situations dégradées.

Il est regrettable que la prévention à des fins de protection de l’enfant soit autant négligée dans notre pays. Il est probable, et même certain, que bon nombre de situations dommageables, et même dramatiques, pourraient être évitées si la prévention avait plus de place dans l’action publique. Par exemple, nombreux sont les parents qui ignorent les besoins affectifs du nouveau-né alors qu’ils sont focalisés sur son alimentation et son sommeil, ou les conséquences du secouement pour un bébé, ou l’importance d’une attention sécurisante et bienveillante pour le tout-petit, ou l’impact d’une relation conjugale violente quel que soit l’âge de l’enfant. Dans le cadre de la prévention précoce, des actions de sensibilisation auprès des futurs

parents, une information, ou un accompagnement adapté des parents, éviteraient sans doute bien des difficultés et des drames.

Si notre pays changeait sa façon de concevoir la prévention, non plus comme un coût aux effets aléatoires et immesurables, mais plutôt comme un investissement à court et à long terme qui est impératif pour progresser encore dans la bientraitance de tous les enfants sans exceptions. Mais cela n’est envisageable qu’en affichant résolument la prévention comme un enjeu politique majeur, un défi de société à relever et un état d’esprit à cultiver, en se débarrassant de la crainte de la stigmatisation ou du contrôle social tout en y veillant, en brandissant les droits de l’enfant comme un étendard et un atout, en mettant en avant son intérêt pour qu’il soit le meilleur possible et non un alibi ou un maître mot pour ceux qui ont à décider pour lui. Le premier intérêt de l’enfant, c’est de pouvoir vivre son enfance comme un enfant en tant que tel « à qui l’on doit le meilleur de notre humanité ». C’est un véritable droit à l’enfance qu’il faudrait ériger.

Ce droit ne figure certes pas dans la CIDE, mais il devrait être affirmé comme un droit premier pour tous les enfants, où qu’ils vivent.

Plus de 25 ans après l’adoption du texte, les droits de l’enfant restent méconnus, ignorés, parfois même décriés. Certains n’ont pas manqué de dénoncer l’enfant-roi, l’excès de leurs droits et l’absence de leurs devoirs. Réagir de la sorte est révélateur de la méconnaissance de ces droits. Quelques progrès récents cependant donnent de l’espoir. Ils sont de plus invoqués par les décideurs publics, introduits dans les textes, mis en réflexion par les professionnels. L’État se prépare à présenter son rapport devant le Comité des droits de l’Enfant à Genève. Leur évocation grandissante agace certains. Il est vrai que le risque est qu’ils soient galvaudés, mais ce risque est mineur. L’important est d’en parler, de les rendre effectifs, de les pratiquer au quotidien, comme un principe fonda-teur, une philosophie commune à l’ensemble de notre société. C’est en en parlant encore et encore, mais jamais assez, en les promouvant et en les défendant, que les Droits de l’Homme se sont petit à petit imposés comme un objectif planétaire et une évidence, même si beaucoup reste à faire.

C’est le propre des droits humains, ils ne sont jamais acquis.

L’évolution de la protection de l’enfance s’inscrit tout au long de l’Histoire dans une double direction. Au fi l des décennies ce dispositif a pris en compte progressivement les enfants comme des adultes en devenir. Leurs droits ont ainsi commencé de s’affi rmer et d’être pris en compte.

En effet les droits de l’enfant sont reconnus et intégrés tant en droit inter-national qu’en droit interne, en particulier du fait de l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), enfi n reconnue par la Cour de cassation, par les tribunaux de l’ordre judiciaire.

Ces droits et cette protection ont encore connu des évolutions depuis le 20 novembre 1990, date de la ratifi cation par la France de la CIDE.

25 ans sont déjà passés, j’ai pu observer pendant cette période les modi-fi cations législatives, celles des pratiques professionnelles, mais aussi les réticences dans les changements pour concilier droits de l’enfant et protection de l’enfance. Cela a donné lieu à des observations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, dans le cadre des rapports auxquels se sont engagés les pays signataires de la CIDE, tous les 5 ans.

Si l’on ne peut séparer l’ensemble des articles de la CIDE, il est possible d’en faire émerger 3, prenant en compte les droits à la protection.

Il s’agit tout d’abord de l’article 3 qui précise que dans toute décision concernant l’enfant […], l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la consi-dération primordiale. Pourtant il faudra attendre la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, pour intégrer dans le code de l’action sociale et des familles, les dispositions relatives à l’intérêt de l’enfant, à la prise en compte de ses besoins et au respect de ses droits.

D’autre part l’article 19 de la CIDE décrit l’importance de protéger

« l’enfant contre toutes les formes de violence, d’atteintes ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligences, de mauvais traite-ments ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle […] » Ce sera la loi

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