• Aucun résultat trouvé

QUATRIÈME MANIÈRE : LA FRAGMENTATION TEMPORELLE Il ne serait pas possible ici d’inscrire tous les procédés de dénis des droits

Dans le document LES ENFANTS PEUVENT BIEN ATTENDRE (Page 40-43)

DÉNIER LEURS DROITS AUX ENFANTS

QUATRIÈME MANIÈRE : LA FRAGMENTATION TEMPORELLE Il ne serait pas possible ici d’inscrire tous les procédés de dénis des droits

des enfants, sans fatiguer le lecteur ; on se limitera donc à affirmer que le sujet est loin d’être épuisé et que les modalités de déni se diversifient et augmentent régulièrement.

Toutefois, une quatrième manière est d’importance. Il y a en effet un procédé étonnant pour dénier les droits des enfants : c’est de prétendre les leur déjà avoir accordés.

Et là, nous retrouvons une grande diversité de situations : depuis la famille dont les droits à l’aide médicale sont immédiatement caducs, le lende-main où on les a établis, en passant par les nombreux titulaires de carte d’allocataires des allocations familiales, qui n’ont jamais touché un centime.

Ce droit théorique, non accordé remonte parfois à des années (y compris d’ailleurs quand les parents sont en situation d’emploi et en CDI) et durera encore au motif qu’il manque toujours un papier ou que le document envoyé il y a trois mois sera devenu entre-temps « périmé ».

Bien entendu toute reconnaissance de droit qui surviendrait, dans la plupart des cas, ne revient jamais en arrière, à propos des prestations non versées.

Cette manière de refuser le droit au nom même du fait qu’on prétend l’avoir accordé, ne se limite pas à des ratés d’administration ; c’est un procédé bien plus profond qui permet, vis-à-vis des enfants et particulièrement des enfants pauvres et précaires, de leur faire la morale ou de prétendre les « responsabiliser » au nom du bon usage de droits dont à la réalité, ils n’ont jamais joui.

C’est le cas par exemple de tous ces enfants dont la parole est inen-tendable dans les institutions ou à l’école car elle serait contraire aux principes républicains censés la favoriser, mais dont, dans les faits ils se sentent exclus.

Il est si fréquent d’entendre des adultes imposer de se taire à des enfants au nom… du droit à l’expression ; ou de les contraindre, les exclure ou diminuer leur liberté de mouvement, au nom de la défense de la Liberté ou de la civilisation.

On ne saurait inventer manière plus détestable de caricaturer les hauts principes dont souvent l’action publique veut se parer : laïcité, féminisme, liberté, égalité. Ces valeurs inspirent régulièrement des actions qui sont tout leur contraire, et cela contribue sans doute à en répandre la haine dans les groupes les plus défavorisés.

CONCLUSION

En conclusion, la description des obstacles, ci-dessus, répond à un double objectif ; premièrement, on comprend en analysant ces « empê-chements », qu’il ne suffira pas de former des objectifs d’améliorer des fonctionnements, ou des facilitations d’accès aux droits pour améliorer la situation de vie des enfants. Il faut au contraire prendre en compte qu’il y a des forces actives et contraires aux droits des enfants qui sont à l’œuvre dans la société, y compris au sein des collectivités et institutions, censées les promouvoir. On ne peut donc pas faire confiance à un supposé cours positif des choses.

Pire encore, cette croyance optimiste dans une pente naturelle positive vers plus de « droits réels et effectifs », contribue sans doute à ne pas regarder les problèmes en face et décourage la recherche de solutions efficaces.

La seconde conclusion selon moi qui découle de l’analyse de ces processus est qu’on a toujours tort de se représenter le droit visé, sur la modalité de l’accès ou de l’accompagnement. Le problème ne réside pas dans la distance (ou retard) supposée entre le droit et l’individu (distance que les travailleurs sociaux se proposent en général de combler par un processus professionnel qu’ils se représentent à eux-mêmes sous la forme d’un accompagnement), mais est d’une autre nature : ce n’est pas de la distance qu’il y a mais bel et bien des barricades ou des obstacles.

La question est donc : comment les détruire.

En 1989, la France ratifi ait la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Ce texte fondateur des droits de l’enfant assure deux sortes de droits : des droits dits protection mais aussi des droits-liberté comme le droit d’expression, de liberté d’opinion. Deux droits spécifi ques nous intéresserons dans cet article : le droit au maintien des liens dans la séparation (article 9-3 de la CIDE) et le droit pour l’enfant de donner son avis (article 12 de la CIDE) y compris, on l’imagine, sur ce maintien des liens. Droits réels ou droits virtuels, droits illusoires ou droits effectifs ? Que représente réellement la parole de l’enfant dans ces contextes de tension où chacun vient dire ce qu’il en est du « bien » de l’enfant, de son

« intérêt » bien pensé ?

Après avoir brièvement rappelé le contexte juridique qui encadre et auto-rise la parole de l’enfant, nous questionnerons la réalité et l’effectivité de ces droits, en faisant une large part aux témoignages enregistrés des enfants 1. Cet article concerne essentiellement les enfants séparés et accueillis en Protection de l’enfance pour lesquels le maintien des liens est d’autant plus problématique. Le centrage des articles et recherches sur « les enfants du divorce » laisse, en effet, dans l’ombre les enfants accueillis en protection de l’enfance, confrontés à une double séparation : séparation du couple parental à 73 % (oned, sellenet, 2014) 2 et séparation du milieu habituel de vie. La question du maintien des liens et l’écoute de leur parole se posent, dans ce contexte, de façon aiguë.

PROTÉGER L’ENFANT OU PROTÉGER

Dans le document LES ENFANTS PEUVENT BIEN ATTENDRE (Page 40-43)