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MIEUX PRÉVENIR… POUR MIEUX TRAITER !

Dans le document LES ENFANTS PEUVENT BIEN ATTENDRE (Page 140-143)

300 000 ENFANTS À PROTÉGER

MIEUX PRÉVENIR… POUR MIEUX TRAITER !

Cela aurait pu être l’intitulé des 2 grandes lois à portée générale concer-nant la protection de l’enfance.

Tout d’abord celle du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance. Elle rendra obligatoire le signalement en confirmant le rôle du Président du Conseil général comme principal animateur de l’aide sociale en faveur

de l’enfant. Elle lui fait obligation, en concertation avec le représentant de l’État, de mettre en place des dispositifs chargés de recueillir des informations relatives aux mineurs maltraités. Elle crée le service national d’accueil téléphonique (SNATEM) qui emprunte la forme d’un groupement d’intérêt public entre l’État et les départements.

En dépit de cette loi inscrivant des actions de sensibilisation, de préven-tion, de répression, les difficultés subsistent. Cette situation résulte en premier lieu d’une mauvaise application des textes existants, comme de l’insuffisance des moyens accordés notamment au système de santé scolaire, tant en termes d’effectifs que d’organisation.

Des situations de maltraitance grave vont être largement médiatisées comme les affaires d’Outreau, d’Angers, de Drancy, qui ont toutes montré le défaut de coordination des différents acteurs et la faiblesse de l’évaluation éducative, sociale et sanitaire du fait du morcellement de l’organisation de ces acteurs.

L’opinion publique s’en émeut et exige des mesures adaptées à la préven-tion de la maltraitance. Il y a de la colère chez les professionnels, d’être mis au banc des accusés.

Compte tenu de cette situation, je vais prendre une initiative au niveau national en 2005, avec le président du tribunal pour enfants de Bobigny (Seine-Saint-Denis), en lançant « l’appel des 100 pour le renouveau de la protection de l’enfance », exigeant un débat national pour l’élaboration d’une loi d’orientation qui traduise une vision d’ensemble et permette la refonte d’un système dont chacun s’accorde à regretter les cloisonne-ments, appel auquel vont s’associer les plus hautes personnalités de la société civile, les anciens ministres de l’enfance, les professionnels et les associations. Cet appel rencontrera l’attention du Président de la Répu-blique, Jacques Chirac, qui accepte de nous recevoir, et la détermination du Ministre de la famille, Philippe Bas. Celui-ci va prendre le temps de l’écoute, de la consultation, tant au niveau national que local, pendant deux années.

C’est ainsi que va voir le jour la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui sera votée au Parlement sans aucun vote négatif.

Outre la référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, la loi insiste par ailleurs sur la prévention des difficultés auxquelles les parents pourraient être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, sur l’accompagnement des familles et sur une prise en charge le cas échéant, partiel ou total des mineurs.

Elle définit à cet effet un ensemble d’interventions en faveur de ces derniers et de leurs parents. Cela ne consiste pas à se substituer aux

parents mais à pallier leurs difficultés par des mesures se conciliant avec leur place et leur rôle, leur savoir-faire les complétant. Le respect de la fonction parentale même limitée, permet à un enfant de se construire avec une image parentale positive. Cette fonction peut être plurielle et riche pour un enfant (parrainage, référent éducatif unique…).

C’est le sens des observations qu’a voulu donner le Comité des droits de l’enfant de l’ONU en 2009 sur le rapport de la France, en insistant sur la nécessité d’offrir aux parents et aux tuteurs, dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, le soutien nécessaire en particulier pour les familles qui vivent dans une situation de crise. Soulignons qu’en France si 20 % des enfants pris en charge par la protection de l’enfance, ont été victimes de maltraitance, 80 % d’entre eux sont des enfants de familles en grande précarité que l’Unicef appelait dans une étude de 2014 « les enfants de la récession ».

C’est pourquoi il est illusoire de penser qu’aujourd’hui les seules solu-tions se limiteront à une politique de protection de l’enfance, alors que la situation économique actuelle se caractérise par un chômage de masse, une pauvreté des enfants qui concerne 1,2 million d’élèves, un recul de la santé en particulier en matière de pédo-psychiatrie, 140 000 enfants décrocheurs. Il devient urgent de mettre en place des politiques publiques apportant des réponses aux causes de la maltraitance dont la précarité est l’une des premières.

L’autre volet important de la loi du 5 mars 2007, repose sur les actions de la protection maternelle et infantile (PMI), le plus en amont possible par l’entretien psychosocial du 4e mois de grossesse jusqu’au bilan de santé de 4 ans.

Elle s’appuie aussi sur un dispositif de recueil des informations préoccu-pantes concernant des enfants susceptibles d’être en danger, plus lisible et plus pertinent, qui invite les acteurs publics, privés et professionnels intervenant auprès des enfants, à travailler dans la pluridisciplinarité, prenant en compte les expériences développées dans les départements.

J’ai toujours milité avec force pour l’indispensable coopération, difficile à mettre en œuvre, tant chaque institution et professionnel résiste à partager ses informations propres concernant un enfant, malgré la loi de 2007 qui a intégré la notion de secret partagé.

C’est la volonté d’une nécessaire exemplarité que j’ai souhaitée en Seine-Saint-Denis dès 1990, en organisant au plus haut niveau des institutions une rencontre mensuelle à l’heure du petit-déjeuner, entre le procureur de la République, le président du tribunal pour enfants, le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, l’inspecteur d’académie, le comman-dant de la brigade des mineurs.

L’objectif de ces rencontres était d’impulser la coopération entre les insti-tutions à partir d’analyses de situations complexes en vue d’améliorer l’efficacité du dispositif. J’ai même le souvenir après la promulgation de la loi du 5 mars 2007, de l’organisation de rencontres territorialisées sur l’ensemble du département, avec les acteurs de terrain pour présenter concrètement l’application de cette nouvelle loi, « à trois voix », le procu-reur de la République, l’inspecteur d’académie et moi-même. Ce fut une expérience extraordinaire de prise de conscience !

Dans le document LES ENFANTS PEUVENT BIEN ATTENDRE (Page 140-143)