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IV. Analyse des résultats expérimentaux et discussion

IV.1. Cinétiques de propagation des fissures à partir des imperfections de surface

IV.1.1 Vitesses de propagation

IV.1.1.1 Méthode d’obtention des courbes da/dN = f(a)

L’analyse des données expérimentales du suivi de potentiel obtenues au cours des essais est réalisée à l’aide d’un script Matlab®. Les principales fonctions de ce script ont été présentées dans le chapitre précédent (figure III.32). Pour rappel, les données brutes du suivi de potentiel sont, dans un premier temps, lissées puis normalisées avec la valeur de potentiel de référence V0. Dans un deuxième temps, un seuillage est effectué, toutes les valeurs inférieures au seuil d’amorçage (1% d’évolution du potentiel normalisé) sont tronquées afin de ne considérer que la propagation à partir de 100 µm environ et aussi pour s’affranchir des premières valeurs expérimentales souvent très dispersées.

Les données expérimentales ainsi traitées sont ensuite associées à la courbe de calibration expérimentale afin d’obtenir l’évolution de la profondeur de fissure en fonction du nombre de cycles (cf. Chapitre III). Les courbes de type a = f(n) obtenues et présentées au chapitre III sont alors dérivées en chaque point, selon la formule IV.1, afin de générer les courbes de propagation

da/dN = f(a).

𝑑𝑎 𝑑𝑁∆𝑎

∆𝑁 = 𝑎𝑖+1−𝑎𝑖

𝑁𝑖+1−𝑁𝑖 (IV.1) IV.1.1.2 Courbes de vitesses de propagation

Au total, 14 essais de fatigue en présence d’imperfections ont fait l’objet d’un suivi du potentiel électrique permettant une exploitation en termes de vitesse de propagation. Cinq ont été réalisés à Δεt/2 = 0,2%, trois à Δεt/2 = 0,3%, et six au niveau de déformation le plus élevé, à savoir, Δεt/2 = 0,6%.

Les vitesses de propagation dérivées de l’exploitation du suivi de potentiel électrique sont représentées en fonction de la profondeur de fissure sur la figure IV.1, pour chacun des niveaux

141 de déformation étudiés. Une analyse qualitative et quantitative de leur évolution est proposée dans cette partie.

Rappelons ici que les profondeurs considérées ont pour référence la surface de l’éprouvette. Ainsi, pour une entaille de 300 µm, la courbe de propagation associée débutera à une profondeur de 400 µm (soit la somme de la profondeur maximale de l’entaille et de la valeur du seuil de propagation fixée à 100 µm).

Figure IV.1 – Vitesses de propagation en m/cycle en fonction de la profondeur de fissure – a) Δεt/2 = 0,2% ; b) Δεt/2 = 0,3% ; c) Δεt/2 = 0,6%

Sur la figure IV.1.a, associée à une amplitude de déformation totale de 0,2%, les vitesses de propagation varient de 210-8 à 7,210-7 m/cycle. Au niveau de déformation supérieur, à Δεt/2 = 0,3%, ces dernières s’étendent dans une gamme allant de 110-7 à 210-6 m/cycle (figure IV.1.b). Elles évoluent de 410-7 à 1,510-5 m/cycle au niveau de sollicitation le plus élevé (figure IV.1.c).

Quel que soit le niveau de déformation étudié ou la profondeur d’imperfection considérée, l’évolution des vitesses s’effectue systématiquement en deux parties. Ainsi, dans la première partie des courbes, les vitesses de propagation augmentent relativement peu voire diminuent et sont soumises à des fluctuations importantes. Par ailleurs, ce domaine de propagation semble être très dépendant de la profondeur d’imperfection initiale. Les vitesses de propagation initiales sont en effet d’autant plus élevées que la profondeur d’entaille est importante.

A partir d’un certain seuil de profondeur, qui semble dépendre de celle des imperfections, les vitesses de propagation suivent une nouvelle évolution que l’on qualifiera ici de régime de propagation établi. Dans ce second domaine de propagation, l’augmentation de la vitesse en fonction de la profondeur de fissure est similaire d’un essai à l’autre et peut s’apparenter à une fonction de type puissance dont l’exposant est environ 2. En s’approchant de la fin de l’essai,

a) b) c) 320 µm 110 µm 350 µm 120 µm 310 µm 110 µm

142 un peu avant 3 mm de profondeur, les vitesses de propagation tendent à s’écarter de cette loi puissance. Les vitesses augmentent en effet moins rapidement. Cet effet peut être attribué à l’important endommagement présent dans l’éprouvette en fin d’essai, contribuant de manière significative à sa déformation et conduisant notamment à la chute des contraintes généralement rencontrée en fin d’essai (cf. chapitre III).

Le niveau de déformation ne semble pas avoir d’influence sur l’évolution des vitesses de propagation en présence d’imperfections surfaciques. Ainsi, les deux domaines de propagation sont toujours discernables pour les différents essais, avec une première phase présentant une dépendance marquée à la profondeur d’imperfection, puis une seconde partie où les vitesses convergent vers un régime établi indépendant des entailles initiales.

Profondeur d’imperfection

(µm)

Type d’imperfection

Seuil de changement de régime (mm) Δεt/2 = 0,2% Δεt/2 = 0,3% Δεt/2 = 0,6% 110 Électroérosion 0,50 Fissureuse 0,55 Fissureuse 0,65 120 Fissureuse 0,60 150 Fissureuse 0,90 170 Électroérosion 0,60 220 Fissureuse 0,95 280 Fissureuse 0,80 Électroérosion 1,05 290 Fissureuse 1,10 310 Électroérosion 1,05 320 Électroérosion 1,00 Fissureuse 1,05 350 Fissureuse 1,30

Tableau IV.1 – Estimation du seuil de changement de régime de propagation pour les différents essais menés à Δεt/2 = 0,2%, 0,3% et 0,6%

Le seuil de changement de régime a été estimé pour chaque essai et les résultats obtenus sont présentés dans le tableau IV.1. Ces derniers mettent en évidence une forte dépendance du seuil de changement de régime évoqué précédemment à la profondeur d’imperfection initiale. Le seuil d’apparition du régime qualifié d’établi intervient en effet d’autant plus tardivement que la profondeur d’entaille initiale est élevée. Le niveau de déformation ne semble pas influer sur le seuil, les valeurs de ce dernier étant comparables à profondeurs d’imperfections équivalentes. La présence de deux domaines de propagation séparés par un seuil a également été mise en évidence sur le 304L par de Baglion (de Baglion, 2011) et Poulain (Poulain, 2015) en milieu air (à 300°C) et REP, au travers d’une analyse des vitesses de propagation basée sur des mesures d’interstries.

Une présentation globale de l’évolution des vitesses de propagation obtenues pour les différents niveaux de déformation considérés au cours de cette étude est proposée sur la figure IV.2. Les niveaux de vitesses sont cohérents avec les niveaux de déformation, en effet, l’augmentation du niveau de sollicitation est associée à des vitesses de propagation plus élevées. Dans la partie où les courbes convergent, dans tous les cas au-delà de 1 mm de profondeur, l’évolution de la vitesse de propagation présente une allure similaire quel que soit le niveau de déformation

143 considéré. Dans ce domaine, précédemment qualifié de régime de propagation établi, les vitesses moyennes varient de 2,310-7 à 710-7 m/cycle à Δεt/2 = 0,2%, de 610-7 à 210-6 m/cycle à Δεt/2 = 0,3% et entre 3,310-6 et 1,110-5 m/cycle à Δεt/2 = 0,6%, pour des profondeurs de fissure comprises entre 1,5 mm et 3 mm. Les vitesses moyennes dans cet intervalle de profondeurs sont retranscrites dans le tableau IV.2 pour chaque niveau de déformation. On note un rapport d’environ 2,5 entre les vitesses à Δεt/2 = 0,2% et 0,3% et un rapport proche de 14 entre les vitesses à Δεt/2 = 0,2% et 0,6%.

Δεt/2 (%) Vitesse de propagation (m/cycle)

à 1,5 mm à 2 mm à 3 mm

0,2 2,2810-7 4,0310-7 6,9710-7

0,3 5,9810-7 1,0710-6 2,0310-6

0,6 3,2610-6 5,6710-6 1,1510-5

Tableau IV.2 – Vitesses de propagation moyennes à Δεt/2 = 0,2%, 0,3% et 0,6% pour différentes profondeurs de fissures

Dans le cadre de cette étude, le domaine de propagation précédemment identifié comme dépendant à la profondeur d’entaille, peut être en grande partie associé à la phase de micro propagation. Il s’étend en effet sur des intervalles de profondeurs de quelques centaines de microns et peut par conséquent être assimilé à la propagation de fissures microstructuralement puis physiquement courtes. L’aspect fissure courte sera discuté dans la partie suivante ainsi que l’effet d’entaille qui semble jouer un rôle prépondérant dans cette première phase d’évolution des fissures.

Notons ici que la notion de micro propagation est associée dans cette étude à l’évolution des fissures à partir du seuil d’amorçage précédemment défini à 100 µm jusqu’à des profondeurs pouvant atteindre près de 1 mm.

Figure IV.2 – Courbes présentant les vitesses de propagation à Δεt/2 = 0,2% ; Δεt/2 = 0,3% ; Δεt/2 = 0,6%

Δεt/2 = 0,6%

Δεt/2 = 0,3%

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