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Calibration du suivi de potentiel électrique

III. Résultats expérimentaux et calibration du suivi de potentiel électrique

III.4. Exploitation des données expérimentales du suivi de potentiel au travers d’une

III.4.2 Calibration du suivi de potentiel électrique

L’exploitation des courbes d’évolution expérimentales de suivi du potentiel électrique présentées précédemment nécessite donc la construction d’une courbe de calibration permettant de relier chaque valeur de différence de potentiel à une profondeur de fissure. Dans cette optique, un modèle numérique a été mis en place, à l’aide du logiciel Abaqus® (cf. Chapitre II). En parallèle, des marquages expérimentaux ont été réalisés au cours de certains essais afin de construire une courbe de calibration expérimentale. Les deux types de calibration (numérique et expérimentale) sont présentés dans cette partie puis confrontés. Des analyses sont ensuite proposées afin d’expliquer les écarts pouvant exister entre les deux méthodes. Enfin, une stratégie de calibration est définie pour une exploitation ultérieure des données expérimentales de suivi de potentiel (chapitres IV et V).

III.4.2.1 Identification et définition d’un seuil d’amorçage

L’étude de l’évolution expérimentale de la différence de potentiel électrique V/V0 au cours des essais, réalisée dans la partie précédente, montre qu’il existe un premier domaine où le potentiel augmente très faiblement (figure III.20). Un des premiers enjeux de la calibration du suivi de potentiel électrique est d’être capable d’identifier un seuil à partir duquel la propagation débute ou, en d’autres termes, une fissure s’est amorcée. La détermination de ce seuil a notamment été rendue possible par l’exploitation des marquages expérimentaux présentés dans la partie III.3.1 en lien avec le suivi de potentiel électrique.

Dans l’optique de mettre en évidence un seuil d’amorçage, cinq marquages ont été réalisés sur des éprouvettes à différentes valeurs relatives d’évolution de la différence de potentiel électrique. Ces marquages ont permis de couvrir à la fois les trois niveaux de déformation étudiés et les profondeurs limites d’entaille afin de vérifier leurs éventuelles influences respectives. Ainsi, un premier marquage sur l’éprouvette F03P350 a mis en évidence une propagation de fissure d’environ 50 µm pour une évolution de V/V0 de 0,5%. Notons ici que le seuil à 50 µm est basé sur un seul et unique marquage et doit donc être relativisé.

Les autres marquages ont par la suite été effectués pour une évolution de 1% de la différence de potentiel normalisée V/V0 et ont été associés à des profondeurs maximales (à partir du fond d’entaille) de fissure variant de 70 µm à 120 µm. Les résultats obtenus suggèrent que le seuil n’est affecté ni par le niveau de déformation ni par la profondeur d’imperfection initiale ou, a minima, que l’influence de ces paramètres est négligeable.

A partir de ces résultats, il a été convenu d’associer l’évolution relative de 1% du potentiel électrique à une propagation d’environ 100 µm depuis le fond d’imperfection. Ainsi, dans le cadre de cette étude, la valeur, V/V0 = 1,01, a été adoptée en tant que seuil d’amorçage. On notera par ailleurs que la distance associée (100 µm) correspond approximativement à la taille moyenne des grains dans ce matériau (de Baglion, 2011; Poulain 2015). A titre de comparaison, un autre auteur (Doremus, 2014), ayant mis en œuvre la méthode du suivi de potentiel sur un super alliage base nickel, avait associé la propagation d’une fissure d’environ 100 µm à une évolution du potentiel normalisée V/V0 de 0,5 %. A noter que ce résultat est obtenu dans des conditions d’études différentes, notamment en termes de conditions d’essais et de mesures

126 (niveau de chargement, température… ) mais également au niveau du type de défauts surfaciques considérés (rayures et chocs notamment).

Rappelons ici qu’il est difficile de définir précisément la profondeur de fissure en début de propagation avec la méthode des marquages à l’encre. En effet, les marquages suggèrent que l’évolution de 1% est liée à une propagation maximum d’environ 100 µm mais peut varier d’un essai à l’autre. Cela est notamment dû au phénomène de multi fissuration lors des premiers stades de propagation ainsi qu’à la forme du front de fissure qui peut être assez délicate à exploiter, figure III.9, l’ensemble contribuant à influencer la mesure du potentiel électrique. Une illustration de l’application de ce seuil (V/V0 = 1,01) à l’évolution de la différence de potentiel, issue de trois essais présentant des niveaux de déformation différents mais des imperfections de profondeurs comparables, est proposée sur la figure III.23. La figure met notamment en évidence l’effet du niveau de déformation sur le temps nécessaire (nombre de cycles) pour franchir le seuil. Cet aspect sera discuté plus en détails au cours du chapitre IV dans la partie relative à l’amorçage des fissures à partir des imperfections.

Figure III.23 – Illustration de l’application du seuil de propagation de 100 µm sur l’évolution du potentiel d’essais menés à Δεt/2 = 0,2%, Δεt/2 = 0,3%, Δεt/2= 0,6% avec des profondeurs d’entailles initiales proches

de 300 µm

III.4.2.2 Calibration expérimentale

La calibration expérimentale du suivi de potentiel électrique est basée sur l’observation des faciès de rupture des éprouvettes de fatigue après essai. La réalisation d’un nombre relativement important de marquages à l’encre a permis de caractériser l’évolution de la propagation au cours des essais. Ainsi, en s’appuyant sur ces marquages mais également sur les fronts de fissures finaux, il est possible d’observer plusieurs stades de propagation de fissure sur un même faciès. L’ensemble des informations recueillies a alors permis de reconstituer expérimentalement l’évolution de la profondeur de fissure en lien avec l’évolution de la différence de potentiel. L’association de chaque marquage et front de fissure à une valeur expérimentale de potentiel donnée permet ainsi de construire la courbe de calibration expérimentale présentée sur la figure III.24. L’ensemble des données expérimentales est représenté sur cette courbe sans distinction des conditions d’essais (niveau de chargement ou géométrie d’entaille initiale). Notons que la

Seuil 1%

Δεt/2= 0,6%

Δεt/2= 0,3%

127 profondeur de fissure considérée sur cette figure est la profondeur maximale au centre en prenant comme référence le fond d’entaille (et non la surface de l’échantillon). Par conséquent, seule la partie propagée de la fissure est prise en compte ici.

Figure III.24 – Courbe de calibration expérimentale du suivi de potentiel électrique

L’analyse de cette courbe ne laisse pas apparaître d’influence ni du niveau de déformation, ni de la profondeur de défaut initiale. En effet, la distinction des points sur la courbe en fonction de ces paramètres ne révèle pas de tendance particulière.

L’analyse des faciès de rupture dans la partie III.3.2 a montré que la forme du front de fissure n’était pas parfaitement établie lors des tous premiers stades de propagation et pouvait varier d’un essai à l’autre. Ainsi, les surfaces fissurées peuvent être sensiblement différentes dans ce domaine de propagation. Or, la surface fissurée peut impacter la mesure du potentiel et, par conséquent, deux fissures possédant une profondeur identique mais des formes différentes donc des surfaces différentes, peuvent ne pas être associées à des valeurs de potentiel identiques. Cependant, aucune dispersion significative n’est réellement visible dans notre cas. Ce résultat suggère que l’influence de la surface fissurée est faible voire négligeable pour les faibles profondeurs de fissure et que l’évolution de la différence de potentiel est principalement dictée par la profondeur maximale de fissure au niveau des sondes de potentiel. Notons cependant que le nombre de points correspondant au début de propagation reste relativement limité pour tirer des conclusions fermes et définitives.

Pour les fissures les plus profondes, il n’est pas surprenant d’observer plus de dispersion des points dans les mesures de la profondeur de fissure en fonction de la différence de potentiel. En effet, en fin de propagation, la surface fissurée devient importante et la moindre variation de la forme du front de fissure peut modifier de façon significative la surface fissurée et par conséquent induire une variation sur la mesure de potentiel électrique.

III.4.2.3 Calibration numérique

La courbe représentée sur la figure III.25 a été obtenue à l’aide d’un modèle numérique implémenté sous Abaqus®, précédemment décrit dans le chapitre II. Elle est construite par mesures successives de la différence de potentiel de part et d’autre du défaut pour l’ensemble des fronts de fissures modélisés. La différence de potentiel est normalisée (rapport V/V0) à

128 l’image de ce qui est fait avec les mesures expérimentales issues des essais, et ce pour les raisons qui ont été évoquées dans les chapitres I et II.

Figure III.25 – Courbe de calibration numérique du suivi de potentiel électrique

A l’instar de ce qui a été observé expérimentalement, l’augmentation de la profondeur de fissure conduit à une augmentation de la différence de potentiel. L’évolution de la profondeur en fonction de la différence de potentiel normalisée peut être décrite, avec un degré de corrélation élevé, par un polynôme d’ordre 3 (figure III.25).

Notons que la profondeur considérée sur ce graphe est mesurée à partir du fond des défauts de la même façon que pour la courbe de calibration expérimentale. Rappelons que le choix de prendre le fond des défauts comme référence sur les courbes de calibration permet de ne prendre en compte que la profondeur liée à de la propagation, seul paramètre pertinent dans ce cas précis.

III.4.2.4 Comparaison des calibrations expérimentale et numérique

La confrontation des courbes de calibration expérimentale et numérique du suivi de la différence de potentiel électrique est effectuée sur la figure III.26.

129 L’évolution de ces deux courbes suit une allure similaire, toutefois, des écarts apparaissent entre la prédiction numérique et les données expérimentales.

Ainsi, on remarque que la différence de potentiel obtenue numériquement est sous-estimée, à profondeurs égales, par rapport à la différence de potentiel obtenue expérimentalement. Une augmentation de l’écart est observable avec l’augmentation de la profondeur de fissure et peut atteindre jusqu’à 0,8 mm en valeur absolue en fin de propagation.

Cela implique que l’évolution réelle du potentiel électrique, bien qu’essentiellement due à l’augmentation de la taille de fissure comme le prévoit le modèle numérique, serait aussi liée à d’autres effets qui doivent être identifiés.

Les possibles causes, pouvant être à l’origine des écarts entre numérique et expérimental, sont détaillées dans la partie suivante et font l’objet d’investigations particulières.