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Analyse de la durée de vie totale en fatigue en présence d’imperfection

IV. Analyse des résultats expérimentaux et discussion

IV.3. Analyse de la durée de vie en fatigue en présence d’imperfections de surface

IV.3.2 Analyse de la durée de vie totale en fatigue en présence d’imperfection

Une analyse de l’ensemble des durées de vie en fatigue obtenues au cours de la campagne expérimentale est proposée dans cette partie. Dans un premier temps, une étude comparative de la tenue en fatigue en fonction des différents niveaux de déformation est réalisée en intégrant les précédents développements concernant l’amorçage et la propagation des fissures à partir des imperfections. L’influence du niveau de déformation sur la sensibilité à la présence d’imperfection surfacique est notamment mise en évidence.

Dans un second temps, les durées de vie obtenues en présence d’imperfection font l’objet d’une exploitation au travers d’un facteur correctif basé sur l’amplitude de déformation précédemment calculée à l’aide du modèle numérique implémenté sous Cast3m.

IV.3.2.1 Influence du niveau de déformation sur la nocivité des imperfections de surface

Les durées de vie considérées ici sont notées N5 et correspondent, pour rappel, aux nombres de cycles nécessaires pour atteindre une chute de 5% de la contrainte stabilisée, et sont adimensionnées par rapport à celles des éprouvettes de référence (sans imperfection initiale). L’adoption d’une représentation relative des durées de vie en fatigue, N5_avec_imperfection/Nréférence, permet de réaliser une analyse comparative des 3 niveaux de déformation étudiés. La figure IV.21 présente l’évolution de la durée de vie relative en fonction de la profondeur de défaut pour deux durées de vie de référence différentes : les durées de vie N5_saine, correspondant aux essais sur éprouvettes sans imperfection, et NANL, basée sur la base de données de l’ANL (Argonne National Laboratory).

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Figure IV.21 – Représentation de l’évolution de la durée de vie en fatigue normalisée en fonction de la profondeur d’imperfection surfacique – a) Référence Nsaine ; b) Référence NANL

La figure IV.21.a met en évidence l’effet pressenti lors de l’analyse des durées de vie réalisée au chapitre III, à savoir, une dépendance de l’influence des imperfections au niveau de déformation. Cela confirme aussi que la présence d’une imperfection est plus nocive pour le niveau de déformation le plus faible. Toutefois, ce type de représentation est très dépendant de la durée de vie prise comme référence. Or, dans le cadre de cette étude, seuls un ou deux essais de référence ont été effectués pour chaque niveau de déformation, la dispersion expérimentale peut alors jouer un rôle important. C’est pourquoi, une deuxième représentation est proposée en adoptant la durée de vie ANL comme référence (figure IV.21.b). La durée de vie ANL est calculée selon la formule IV.15 établie par l’ANL sous air pour les aciers inoxydables.

ln(𝑁) = 6,891 − 1,92 × ln (𝜖𝑎− 0,112) (IV.15)

N désigne la durée de vie en fatigue et εa la demi-amplitude de déformation totale. Notons ici que les durées de vie de référence, obtenues expérimentalement sur les éprouvettes sans entaille, sont cohérentes avec celles calculées par l’intermédiaire de la formule ANL. Une comparaison entre ces deux types de durées de vie est proposée dans le tableau IV.4.

Δεt/2 N5_saine NANL Écarts (%)

0,2 % 116 100 104 548 11,0

0,3 % 27 600 24 341 13,4

0,6 % 4 840 3 899 24,1

Tableau IV.4 – Comparaison des durées de vie mesurées (N5_saine) et calculées (NANL) sur éprouvette saine

La représentation basée sur les durées de vie ANL, illustrée par la figure IV.21.b, tout en étant similaire à celle de la figure IV.21.a, accentue la nocivité croissante de la présence d’imperfections surfaciques avec la diminution du niveau de déformation. A profondeurs égales, la réduction de la durée de vie relative est, par exemple, environ deux fois plus importante à Δεt/2= 0,2% qu’à Δεt/2= 0,6%.

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène. La première explication possible est liée aux temps d’amorçage d’une fissure à partir des défauts. Comme cela a été évoqué dans la partie IV.3.1.1., sans présence d’imperfection, la fraction de durée de vie nécessaire à l’amorçage d’une fissure est dépendante du niveau de déformation plastique.

171 Plus le niveau de déformation est faible et plus la part d’amorçage dans la durée de vie totale est importante. Or, en présence d’imperfections surfaciques, les temps d’amorçage observés sont extrêmement réduits. En effet, comme cela a été montré précédemment, les imperfections génèrent une importante concentration de la déformation qui va favoriser un amorçage rapide. Ainsi, pour un faible niveau de déformation, associé à une fraction de durée de vie à l’amorçage importante sur éprouvette saine, la présence de défaut va fortement réduire cette part à l’amorçage et par conséquent la durée de vie totale. Au contraire, pour des niveaux de déformation plus élevés, la fraction de durée de vie représentée par l’amorçage étant plus faible sur éprouvette saine, la présence de défaut n’entraine pas une forte modification de la durée à l’amorçage et ne change donc pas fondamentalement la durée de vie totale.

Une deuxième hypothèse peut également justifier, dans une moindre mesure, les écarts constatés en termes de nocivité des imperfections de surface en fonction du niveau de déformation. Si l’on assimile une imperfection initiale à une fissure de même profondeur et que l’on considère le temps qui serait nécessaire à une fissure amorcée depuis la surface pour rattraper cette profondeur de défaut initiale, alors on s’aperçoit que la réduction de durée de vie sera d’autant plus importante que le niveau de déformation est faible (car associé à des vitesses de propagation faibles) étant donné qu’en présence de défaut, ce temps de propagation est, d’une certaine manière, supprimé.

D’un point de vue plus global, l’analyse de l’ensemble des résultats relatifs à l’amorçage et à la propagation montre que la réduction de la durée de vie en fatigue en présence d’imperfection est principalement liée à deux phénomènes. Le premier, qui apparaît comme prépondérant, est la réduction notable de la phase d’amorçage, qui, en présence d’entaille intervient très rapidement, quelle que soit la profondeur considérée. Le second phénomène est quant à lui relatif à la phase de micro propagation et, plus particulièrement, à l’accélération des vitesses de propagation induite par la présence d’imperfection. L’incidence de ce second phénomène est par ailleurs intimement liée à la profondeur des imperfections considérées.

IV.3.2.2 Application d’un facteur de réduction de durée de vie effectif

En présence de concentration de contraintes, la codification propose une méthode d’analyse en fatigue qui consiste à multiplier le chargement nominal par un facteur correctif puis à réévaluer la durée de vie à partir du niveau de sollicitation ainsi corrigé en se basant sur les courbes de fatigue codifiées (méthode σD du code RCC-MRx). Selon un principe similaire, l’approche proposée ici repose sur l’utilisation du facteur d’amplification évalué numériquement dans la partie IV.3.1.3. Ce facteur est repris ici en tant que facteur correctif et se veut représentatif de l’état de concentration de contraintes généré par la présence d’imperfection. Pour rappel, ce coefficient est récupéré à la distance caractéristique de 59 µm (par rapport au fond d’entaille) et sa valeur est dépendante de la profondeur d’imperfection ainsi que du niveau de déformation (figure IV.19 partie IV.3.1.3.1). Par conséquent, pour chaque essai, la déformation nominale est multipliée par un facteur d’amplification correspondant à un niveau de chargement et une profondeur d’imperfection donnés. Les durées de vie en fatigue expérimentales sont alors réévaluées aux niveaux de déformation majorés à l’aide du facteur correctif puis comparées avec les durées de vie ANL correspondantes.

Dans un premier temps, les durées de vie expérimentales sont représentées sur un graphe de type Δεt/2 = f(N) et sont confrontées à la courbe ANL sur la figure IV.22. La courbe ANL est calculée à partir de la formule IV.15 précédente qui s’applique pour les aciers inoxydables

172 austénitiques sous air de 20 à 400°C. Sur cette figure, il est une nouvelle fois possible de visualiser la forte réduction de durée de vie en présence d’imperfection ainsi que la concordance entre les données ANL et les durées de vie obtenues pour les éprouvettes saines.

Figure IV.22 – Comparaisons des durées de vie en fatigue obtenues expérimentalement avec la courbe de référence ANL

Dans un deuxième temps, les durées de vie, associées aux essais réalisés en présence d’imperfections de surface, sont représentées sur le même type de graphe mais aux niveaux de déformation révisés à l’aide du facteur correctif précédemment évoqué. Les points de durées de vie expérimentaux, représentés par des cercles, sont alors confrontés à leurs homologues (losanges) associés aux niveaux de déformation « corrigés » sur la figure IV.23.

Figure IV.23 – Durées de vie en fatigue avec et sans application d’un facteur correctif basé sur l’amplification de déformation en fond d’entaille

Sans imperfection

Sans imperfection Sans imperfection

173 L’application du facteur correctif conduit à un décalage vertical des points pour chacun des essais considérés. Les durées de vie associées aux niveaux de déformation ainsi corrigés s’avèrent tout à fait cohérentes avec les durées de vie ANL correspondantes. Dans plus de la moitié des cas, les écarts constatés entre les durées de vie ANL et les durées de vie « corrigées » sont inférieurs à 20%. L’approche ainsi mise en œuvre s’avère particulièrement efficace pour les essais associés aux niveaux de déformation Δεt/2= 0,3% et Δεt/2= 0,6%. Au niveau de déformation le plus faible, à Δεt/2= 0,2%, l’écart moyen absolu s’élève à 28,6%.

L’analyse des résultats montre que l’utilisation d’un facteur correctif basé sur la concentration de déformation en fond d’imperfection, bien qu’intuitive et sans doute perfectible, permet de rendre compte de l’influence des imperfections, et notamment de leur profondeur, sur la tenue en fatigue. La bonne adéquation des durées de vie « corrigées » avec les durées de vie ANL peut notamment s’expliquer par le fait que le facteur utilisé est étroitement lié aux niveaux de concentration des déformations en fond d’entaille, or, plus ces derniers sont élevés, plus les temps d’amorçage sont faibles et par conséquent plus la durée de vie est réduite. D’autre part, l’utilisation de la distance de 59 µm semble adéquate dans ce contexte car elle ne conduit pas à l’obtention de facteurs correctifs trop sévères. Les approches basées sur l’état de concentration de contraintes peuvent se révéler trop sévères, particulièrement quand elles sont associées à des entailles présentant une forte acuité, ce qui mène généralement à une surestimation de la réduction de la durée de vie en fatigue. Un auteur (Perterson, 2008) a en effet montré que le coefficient de réduction de la durée de vie en fatigue (en présence de concentration de contrainte) ne représente qu’une faible fraction du coefficient de contrainte classique quand ce dernier est élevé (notamment du fait d’un rayon en fond d’entaille faible).

Cette approche sera confrontée à un second matériau, le 18MND5, dans le chapitre suivant afin d’en vérifier la pertinence.