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I. Bibliographie

I.4. Paramètres représentant la force motrice de propagation en élasto-plasticité

I.4.2 Paramètre ΔJ

Un autre paramètre est régulièrement cité dans la littérature afin de prendre en compte le comportement non linéaire lié à la plasticité, il s’agit de l’intégrale J introduite par Rice (Rice, 1968) en 1968. Elle s’exprime sous la forme suivante (équation I.7) :

𝐽 = ∫ (𝑊𝑑𝑦 − 𝑇.Γ 𝜕𝑢𝜕𝑥𝑑𝑠) (I.7)

Avec W la densité d’énergie de déformation, Ti, les composantes du vecteur de traction T, ui, les composantes du vecteur de déplacement u et ds, l’incrément de longueur le long du contour Γ. Un exemple de contour autour d’une entaille est donné sur la figure I.13.

Figure I.13 - Exemple de contour sur une entaille dans un champ de déformation en 2D (les contraintes dépendent seulement de x et y) ; Γ est un contour quelconque entourant l’entaille et Γ représente la

courbure en fond d’entaille (Rice, 1968)

Le concept d’intégrale J est une approche énergétique analogue au taux de restitution d’énergie G défini selon la formule I.8 :

𝐺 = −𝜕𝑉

𝜕𝐴 (I.8)

Avec V la variation de l’énergie potentielle totale et A la surface de fissure. Cependant, G est défini dans le cadre élastique linéaire contrairement à l’intégrale J qui est basée sur l’élasticité non linéaire. Notons que dans le cas particulier de l’élasticité linéaire, l’intégrale J peut

36 s’apparenter au taux de restitution d’énergie G. L’intégrale J peut alors être reliée au facteur d’intensité des contraintes au travers des relations suivantes (en mode I pur) :

𝐽 = 𝐾𝐼 𝐸 2 𝑒𝑛 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑎𝑖𝑛𝑡𝑒𝑠 𝑝𝑙𝑎𝑛𝑒𝑠 (I.9) 𝐽 = 1−𝜈² 𝐸 𝐾𝐼2 𝑒𝑛 𝑑é𝑓𝑜𝑟𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑝𝑙𝑎𝑛𝑒𝑠 (I.10) L’intégrale J permet d’étendre le concept de restitution d’énergie lors de la propagation d’une fissure aux matériaux ayant un comportement non linéaire. Le caractère non linéaire de l’intégrale J présente l’intérêt de pouvoir approcher le comportement élasto-plastique des matériaux. Néanmoins, associé à la plasticité, J ne doit plus être considéré comme représentant le taux de restitution d’énergie face à l’avancée de fissure mais plutôt comme une mesure de l’intensité du champ de déformation en pointe de fissure.

L’utilisation de J dans un contexte de plasticité non confinée est restreinte par un certain nombre de limitations. La principale restriction à sa mise en œuvre dans un tel contexte provient du fait que le domaine de validité de l’intégrale J est défini dans le cadre élastique non linéaire. Par conséquent, en situation élasto-plastique, son utilisation devrait se limiter aux sollicitations monotones et sans déchargement. En effet, la présence de plasticité n’autorise pas de déchargement. Ce dernier devrait s’effectuer selon le même chemin que celui suivi lors du chargement, ce qui n’est pas réaliste.

Des développements spécifiques sont donc nécessaires afin de pouvoir obtenir la valeur de ce paramètre dans des conditions de chargement cycliques. Dans la littérature, différentes formulations de l’intégrale J sont proposées sous la forme d’un ΔJ applicable aux sollicitations de type cyclique. Généralement, l’expression de ΔJ est divisée en une partie élastique et une partie plastique (Chen et al., 1997; Dowling, 1976; Tanaka et al., 1984).

Dowling (Dowling, 1976) suggère, sur la base de résultats expérimentaux, que ΔJ est un paramètre permettant de corréler les vitesses de propagation de différents essais dans le domaine élasto-plastique. Des éprouvettes en acier A533B de types CC et CT sont utilisées pour les essais. ΔJ est calculé en sommant un terme élastique correspondant à G (taux de restitution d’énergie) et un terme plastique obtenu à partir de boucles représentant l’évolution de la charge en fonction de la déflection. Ces boucles sont tracées à différents nombre de cycles afin de prendre en compte leur évolution au cours de l’essai. La partie plastique de ΔJ est évaluée à partir de l’aire de ces boucles (figure I.14).

Figure I.14 – Méthode d’évaluation de ΔJ à partir des boucles d’évolution de la charge en fonction de la déflection (Dowling, 1976)

37 La fermeture de fissure est prise en compte en ne considérant que l’aire correspondant à la partie symétrique des boucles, la part asymétrique étant liée aux effets de fermeture. ΔJ est ensuite évalué pour l’ensemble des essais puis corrélé avec les vitesses de propagation. Les résultats issus des différents types d’éprouvettes se rassemblent sur une même bande de dispersion (figure I.15). L’utilisation du facteur ΔJ s’avère pertinente pour corréler les résultats d’essais issus de géométries différentes dans le domaine élasto-plastique.

Figure I.15 – Vitesses de propagation exprimées en fonction du paramètre ΔJ pour différentes géométries (Dowling, 1976)

Une autre méthode d’évaluation de ΔJ est proposée dans les travaux de Tanaka et al. (Tanaka et al., 1984) où trois matériaux (cuivre, acier bas carbone et acier inoxydable 304) sont étudiés sur la base d’essais de fatigue menés en contrôle de charge et de déformation. L’intégrale ΔJ est évaluée ici en s’appuyant sur des travaux de Hoshide (Hoshide et al., 1982) à partir des équations suivantes :

∆𝐽 = ∆𝐾∗2

𝐸 + 𝑆

𝑡(𝑊−𝑎) (I.11)

Avec E le module d’Young, S* l’aire calculée selon la figure I.16 et ΔK* l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes calculée selon la relation I.12 suivante :

∆𝐾= (∆𝑃

38 L’auteur note que, pour un matériau donné, l’expression des vitesses de propagation en fonction de ∆𝐽 est indépendante des conditions de chargement. Les données ainsi exprimées se regroupent selon une même tendance, qui peut être approchée par l’équation I.13 :

𝑑𝑎

𝑑𝑁= 𝐶𝑗(∆𝐽)𝑚𝑗 (I.13) Avec Cj et mj les coefficients dépendants du matériau considéré. L’auteur remarque une diminution de mj avec l’augmentation de la limite élastique des matériaux étudiés

Tanaka utilise ensuite ∆𝐽 pour le calcul d’un second paramètre, le ∆𝐶𝑇𝑂𝐷. Ce dernier sera évoqué plus en détails dans la partie I.4.4 de ce chapitre.

Figure I.16 – Boucles d’hystérésis de la charge en fonction de l’ouverture de fissure au centre (Tanaka et al., 1984)

Le paramètre ΔJ s’avère également pertinent pour réconcilier les données d’essais de fatigue menés à haute température sur un acier inoxydable SUS 304 (Chen et al., 1997). Dans cette étude, les températures d’essais varient de l’ambiante à 500°C avec systématiquement deux rapports de charge testés, R = 0 et R = -1. Le ΔJ est une nouvelle fois évalué à partir de deux composantes, une élastique et une autre plastique. La composante élastique est de nouveau définie par le ratio de l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes ΔK au carré sur le module d’Young. La partie plastique est quant à elle obtenue selon une approche différente de celles évoquées précédemment. Contrairement aux auteurs précédents, le ΔJ plastique n’est pas directement calculé à partir des boucles d’évolution de la charge en fonction de l’ouverture de fissure. Le calcul s’appuie ici sur une formule faisant appel à la densité d’énergie de déformation et à un coefficient d’écrouissage n’ et une fonction dépendante de ce paramètre. Le schéma de calcul de ΔJ mis en œuvre se résume ainsi :

∆𝐽 = ∆𝐽𝑒+ ∆𝐽𝑝 (I.14) ∆𝐽𝑒 = ∆𝐾2

𝐸 = 2𝜋∆𝑊𝑒𝑏𝐹2 (I.15) ∆𝐽𝑝 = 2𝜋𝑓(𝑛)∆𝑊𝑝𝑏𝐹2 (I.16)

Avec b la profondeur de fissure, We et Wp les densités d’énergie de déformation élastique et

plastique, f(n’) une fonction dépendant du coefficient d’écrouissage et F un facteur de forme basé sur les résultats numériques de Shiratori et al (Shiratori et al., 1987).

39 La plage totale de chargement est considérée dans les calculs de ΔJe et ΔJp ce qui permet de prendre également en compte la partie compression (Romanoski, 1990). L’analyse des vitesses de propagation au travers du paramètre ΔJ permet un regroupement des données expérimentales (figure I.17) issues des différentes conditions d’essais en température et rapport de charge.

Figure I.17 – Relation entre le ΔJ et les vitesses de propagation (Chen et al., 1997)

Bien qu’il soit difficile de le définir rigoureusement au regard des limitations inhérentes au domaine de définition de l’intégrale J, les différentes approches de calcul de ΔJ présentées dans cette partie démontrent que ce paramètre peut être considéré comme un outil pertinent en élasto- plasticité.