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◊Critiques contre l’iatro-mécanisme

Voici l’arrière-plan de la formation du vitalisme. D’abord, il y avait la domination du mécanisme vers 1740. Celui-ci, selon Rey, tenant au cartésianisme,

siècle à la fin du Premier Empire, Voltaire Foundation, 2000, p.403

1 5 Jaques Roger, Les Sciences de la vie dans la pensée française du X V IIIe siècle, 1963 ; nelle

éd. A lbin M ichel, 1993

1 6 M énuret de Cham baud, article de “Œ conom ie Anim ale” de l’Encyclopédie. xi. pp.

360-383.

consiste en trois points fondamentaux : « la représentation du corps humain comme machine, l’emprunt du modèle mécanique et la méthode géométrique »1 8.

Cependant, Rey ajoute, qu’entre 1741 et 1754, durant lesquelles de multiples dictionnaires de médecine et encyclopédies sont publiés, « il faudrait parler d’un ensemble de forces qui affirment l’insuffisance du mécanisme et la spécificité des lois vitales. »1 9 Sans doute, on peut considérer l’échec de l’Homme-Machine de La

Mettrie (1709-1751), publié en 1739, comme le commencement de la chute du mécanisme.

C’est dans ce contexte que le vitalisme s’est formé, c’est-à-dire, en critiquant contre l’iatro-mécanisme, le vitalisme a réussi à se caractériser. Examinons ce point dans les textes de Ménuret. En tant que vitaliste, Ménuret le critique dans l’article de ‘Œconomie animale’,

« On crut que le mouvement s’y faisait, suivant les lois ordinaires qui ont lieu dans toutes le machines inorganique, on traita géométriquement le corps humain ; on calcula avec la dernière sévérité tous les degrés de force requis pour les différentes actions, les dépenses qui s’en faisaient, etc. mais tous ces calculs qui ne pouvaient que varier prodigieusement, n’éclaircirent point l’économie animale. »2 0

Dans le même article, Ménuret condamne Boerhaave aussi, en disant que celui-ci « sentit que la constitution de l’économie animale tenait essentiellement à un ensemble de lois d’action nécessairement dépendantes les unes des autres ; mais il trouva ce cercle, […] comme il l’avoue lui-même, ni commencement, ni fin ; […] il a négligé d’entrer dans l’examen des premiers lois de la vie. »2 1 La théorie de Boerhaave est

« isolée, nue, et comme inanimée, manquant de cette vie qui ne peut se trouver que

1 8 Rey, op.cit., p.97 1 9 Rey, op.cit., p.99

dans la connexion, ce rapport et l’appui mutuel des différentes parties.»2 2.

Ce qui est opposé à la vie apparaît ici comme « inorganique » et « inanimé ». La critique de Ménuret contre l’iatro-mécanisme est le manque de considération sur la source de la vie. S’occuper uniquement des phénomènes en apparence sans demander leur source est une recherche sans base, car la médecine ou la physiologie doit être d’abord la science de la vie.

Selon Ménuret, on peut trouver la vie seulement « dans la connexion, ce rapport et l’appui mutuel des différentes parties ». Il ne s’agit pas de tel ou tel groupe de partie corporelle, mais il s’agit de la force qui apparaît seulement dans l’ensemble du corps vivant. Au-delà des parties visibles, Ménuret tente de voir la force invisible, et c’est par cette force que le corps est vivant, organisé et animé. Ménuret cite Hippocrate très positivement : « tout concourt, tout consent, tout conspire ensemble

dans le corps »2 3. Selon eux, l’ensemble du corps est l’apparition de la force de la vie,

que les mécanistes ignorent inévitablement à cause de leur méthode.

Il en est de même pour l’iatro-chimisme, qui tente d’expliquer la vie avec la chimie. Il est vrai néanmoins que les vitalistes apprécient certaines découvertes chimiques de leur temps, comme celle de Lavoisier, mais c’est seulement dans un but pratique, pour rendre compte des phénomènes naturels, et non dans le but de remplacer la médecine.

◊Critique contre l’animisme

Etudions maintenant la critique de l’animisme par le vitalisme, pour mieux comprendre le vitalisme. Dans l’article de ‘Œconomie Animale’, on voit que Ménuret développe son opinion en contredisant l’animisme de Georg Ernst Stahl

2 2 ibidem

(1659-1734), ou des « stahliens, éclectiques ou animistes ».2 4 Sa critique contre

l’animisme n’est pas aussi attendue que celle contre l’iatro-mécanisme ou l’iatro-chimisme : d’une part, Ménuret estime Stahl, parce que celui-ci est « le premier qui ait fait revivre cet ancien système [d’Hippocrate] ».2 5 Mais d’autre part,

il le condamne, parce que Stahl a accordé trop de priorité à l’âme, et nié que le corps existe pour le corps lui-même. Stahl écrit :

« C’est l’âme qui dirige, excite et meut directement et immédiatement ce même corps sans l’intervention ni le concours d’un autre agent. »2 6

A propos de cette thèse, Ménuret écrit :

« Il nous suffira de remarquer qu’en remontant à l’âme, pour expliquer la vie et rechercher les lois de l’économie animale, c’est couper le nœud et non pas le résoudre, c’est éloigner la question et l’envelopper dans l’obscurité, où est plongé par rapport à nous cet être spirituel. »2 7

Le problème de Stahl est qu’il a attribué la finalité à l’âme. Mais supposer la finalité au-delà du corps est en fait mettre en parenthèse ce qui est en question. C’est « couper le nœud ».

L’animisme cherche une force autre que mécanique ou chimique. Dans ce cas, il peut être accepté. Cependant, il la suppose, cette force, trop loin du corps vivant. Comment doit-on alors aborder la vie ? Etudions maintenant le principe vital chez lez vitalistes.

2 4 M énuret, l’article “Œ conom ie anim ale”, xi. 364b. 2 5 ibidem

2 6 Stahl, V raie théorie médicale, in Œ uvres médico-philosophiques et pratiques de G -E Stahl,