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La violence environnementale au travail

Dans le document Les violences au travail (Page 120-124)

CHAPITRE I : DEFINITIONS ET QUALIFICATION LEGALE DES

III. La violence environnementale au travail

Ce n’est que très récemment que la reconnaissance du harcèlement environnemental dit harcèlement ambiant est venue étayer la législation française.

III.1. La législation actuelle

III.1.1. La législation Française

Le harcèlement environnemental est plus insidieux que le harcèlement moral ou sexuel, et par conséquent, plus difficile à démontrer et à prouver. Il est la résultante d’un climat de travail hostile et offensant, même si cela n’a pas de conséquence directe sur l’emploi.

Nous nous appuierons sur quelques exemples pour différencier le harcèlement ambiant du harcèlement moral ou sexuel au travail.

Si, dans un bureau ouvert, un collègue vous isole volontairement par des cloisons opaques, votre espace de travail peut être considéré comme un environnement hostile et vous subissez alors un harcèlement ambiant qui peut s’apparenter à un harcèlement moral.

Si vous êtes harcelé sexuellement par un collègue qui fait partie de la même entreprise que vous, mais pas de votre service, alors votre environnement de travail n’est pas impacté et il n’y a pas harcèlement ambiant. Mais le harcèlement sexuel au travail peut être démontré.

En revanche, si votre collègue affiche des images pornographiques dans le bureau que vous partagez sans nécessairement vous comparer à ces images mais en regardant avec insistance votre poitrine, il sera alors plus aisé de prouver le harcèlement environnemental que le harcèlement sexuel.

L’article 222-33 alinéa 1 du Code pénal prévoit que le harcèlement sexuel est constitutif des comportements à connotation sexuelle, de toute nature, imposés à une personne non consentante : «° Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée,

des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante °». L’accent n’est plus seulement mis sur l’intention de

l’auteur d’obtenir des faveurs sexuelles, mais aussi sur les effets produits par le harcèlement sur l’environnement de travail. C’est ainsi la première fois que le harcèlement environnemental est réprimé en France et sans qu’il soit nécessaire de démontrer que le harceleur voulait obtenir une relation sexuelle.

Il est à noter que depuis la loi de 6 Aout 2012 le critère de la répétition n’est plus une obligation pour les victimes. Un acte unique suffit.

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Certaines précisions sont nécessaires pour saisir la portée de cette définition. Tout d’abord, l’utilisation du terme «° imposer °» implique de prendre le point de vue et la perspective de l’auteur et non celui de la victime (c’est d’ailleurs pour cette raison que la directive européenne 2002/73/CE du 23 Septembre 2002 utilise le terme «° non désiré °»). Ensuite, le critère de répétition suppose un comportement réitéré envers plusieurs personnes alors que la circulaire du 7 Août 2012 relative à la présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n°2012-954 du 6 Août 2012 relative au harcèlement sexuel affirme seulement que la condition de répétition ou de redondance exige que les faits soient commis «° à au moins deux reprises °», «° ces actes pouvant être répétés dans un très court laps de temps, sans délai minimum séparant les actes commis °». Le droit français donne des exemples : les comportements de toute nature peuvent être des «° propos, gestes, envois ou remises de courriers ou d’objets, attitudes °» ouvertement sexistes, grivois, obscènes, tels que des paroles ou écrits répétés constituant des provocations, injures ou diffamations, même non publiques. Enfin, la Circulaire précise que ces comportements doivent «° revêtir °» une connotation sexuelle ; il n’est donc pas exigé qu’ils présentent un caractère «° explicitement et directement sexuel °». Pour autant, la Circulaire ne donne pas davantage d’explications sur la «° connotation sexuelle °», laissant donc ce point à l’interprétation des tribunaux.

III.1.2. Le droit international : le cas des Etats unis

Il est à noter que les Etats-Unis, par le troisième alinéa de leur article 1604.11 des lignes directrices de l’EEOC (Equal Employment Opportunity Commission), définissent le harcèlement sexuel comme constitué par des avances sexuelles importunes, des sollicitations de faveurs sexuelles et tout autre comportement verbal ou physique de nature sexuelle quand un tel comportement «° has the purpose or effect of unreasonably interfering with an

individual's work performance or creating an intimidating, hostile, or offensive working environment °». Il a donc pour effet de perturber de manière déraisonnable l’accomplissement

du travail ou de créer un environnement de travail intimidant. Cette définition beaucoup plus générale qu’en Europe permet d’intégrer le harcèlement ambiant à la qualification du harcèlement sexuel.

Dans le droit français, le harcèlement, dans son acceptation générale, découle du harcèlement sexuel, lequel est appréhendé par le droit du travail selon deux définitions, l’une juridique (codifiée) et l’autre qui s’exerce dans la pratique du droit (la jurisprudence). La définition codifiée exige une intention d’obtenir des faveurs sexuelles, l’autre, non codifiée, permet de

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prendre en considération les cas de harcèlement environnemental pour lesquels une telle intention fait défaut, la preuve matérielle ne résidant plus dans l’intention ou la connotation sexuelle de l’acte.

III.2. La jurisprudence

Une jurisprudence récente permet d’apporter des précisions relevant partiellement les incertitudes que nous avons citées précédemment. La cour d’appel d’Orléans par arrêt du 7 février 2017 condamne une entreprise d’édition d’un journal à 78 500 € de dommages intérêts à une de ses salariées victime de harcèlement environnemental. Elle a considéré que «° le

harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes et vulgaires qui lui deviennent insupportables °».

La cour d’appel dans sa décision n° 2016-212 a permis au Défenseur des droits de présenter les observations issues de son enquête. Ainsi, ce dernier a conclu que les éléments du dossier démontraient qu’il existait, dans la rédaction du journal, des propos et des agissements répétés à connotation sexuelle pouvant constituer un environnement de harcèlement «° intimidant,

hostile, dégradant, humiliant ou offensant °». Cela est donc constitutif d’un environnement

professionnel délétère dans lequel se répètent des comportements déplacés à connotation sexuelle et dégradant les conditions de travail de cette salariée qui ne souhaite plus les subir. Le Défenseur des droits a donc considéré que le journal n’avait pas satisfait à son obligation de moyens renforcée à l’égard de sa salariée en minimisant les faits qui lui ont été relatés.

Conclusion

Au terme de ce chapitre, nous remarquons qu’il existe une différence entre la théorie juridique (par exemple, prenons la loi du 27 Mai 2008 portant sur les discriminations) et l’application faite par les différentes cours qu’elles soient françaises (arrêt du 10 Novembre 2009) ou européenne (CJCE, Brunnhofer, du 26 juin 2001).

La jurisprudence étaye et précise le sens des lois parfois trop générales. Ainsi, l’arrêt du 27 Mai 2008 sous-entend que les discriminations concernant les salaires doivent être prouvées par une comparaison entre salariés tandis que l’arrêt du 10 Novembre 2009 stipule qu’aucune

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comparaison n’est nécessaire. Une cour peut reconnaitre la discrimination sans qu’une comparaison avec un autre salarié ne soit nécessaire ; en revanche, une autre cour peut vous débouter alors que vous disposez du même mode de preuves de discrimination.

Parfois, les cours nationales se trouvant face à un déficit législatif français se réfèrent directement aux arrêts de jurisprudence européenne pour étayer et motiver leurs décisions, comme nous l’avons vu pour l’arrêt de la cour d’appel de Riom du 16 Janvier 1995.

Pour d’autres arrêts comme celui du 26 Mai 2005 que nous avons précédemment évoqué, la reconnaissance du harcèlement moral se fait quelle que soit la durée des faits. Ce qui est apprécié est l’altération de la santé physique ou mentale des travailleurs. La jurisprudence a donc vocation à pallier le manque de clarté et à avancer certaines dispositions législatives. La médiatisation de certaines affaires (la mairie de Paris, Morandini, etc.) a mis le harcèlement sur le devant de la scène. La reconnaissance légale des violences au travail et celle du droit des victimes ont conduit à un mouvement populaire mené notamment par des Femen, les associations telles que l’association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), le mouvement metoo ou/et « balance ton porc ».

Pourtant, nous restons dans une conjoncture législative incertaine. Nous pouvons illustrer ce propos par le fait que nous sommes soumis aux règlementations et arrêts des cours européennes qui admettent actuellement le harcèlement ambiant dit harcèlement environnemental au travail. Malheureusement, le harcèlement environnemental n’est reconnu que partiellement en France depuis la jurisprudence du 7 Février 2017 qui reconnait son existence en se basant uniquement sur le cadre européen puisque la loi française n’a pas transposé la directive. Cette notion législative reste encore informelle et floue en France alors que d’autres pays comme la Suède la reconnaissent, la définissent et la qualifient juridiquement.

Dans les prochains chapitres, nous verrons que les employeurs doivent respecter un certain nombre d’obligations de sécurité et de résultats afin de prévenir les violences au travail. Dans le cas contraire, ils peuvent s’attendre à des poursuites judiciaires de la part des travailleurs ou d’organismes qui les défendent.

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CHAPITRE 2 : LES ACTEURS DE PREVENTIONS FACE AUX

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