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L’exhibition sexuelle

Dans le document Les violences au travail (Page 110-116)

CHAPITRE I : DEFINITIONS ET QUALIFICATION LEGALE DES

II. La violence sexuelle au travail

II.1. L’exhibition sexuelle

Elle correspond aux diffusions de messages contraires à la décence et à la pornographie.

II.1.2. Diffusions de messages contraires à la décence

D’après l’article 222-32 du Code pénal : « L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans

un lieu accessible au regard du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

La jurisprudence estime que deux éléments constitutifs doivent être obligatoirement constatés par le juge pour que l’individu soit condamné pour exhibition sexuelle : l'exhibition sexuelle doit être faite en public et la personne doit avoir conscience d'offenser la pudeur d'autrui.

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L’attitude impudique doit, depuis un arrêt de la Cour de Cassation de 2006, inclure un élément de nudité corporelle et ne peut se limiter à des propos grossiers ou des gestes vulgaires (Cour de Cassation, chambre criminelle, 4 Janvier 2006), décision n° 05-80.960).

Un arrêt récent de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date du 10 Janvier 2018 définit l’exhibition sexuelle. Dans les faits, une Femen avait dévoilé sa poitrine dans le musée Grévin dans un but politique, puisqu’elle avait écrit sur son buste « kill putin ». Elle a par la suite fait tomber à terre la statue du président russe en déclarant « Fuck dictator ». Après ne pas avoir convaincu les juges du fond et avoir été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris, la Femen fait appel. La cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 12 Janvier 2017 maintiendra l’amende pour le dommage infligé à la statue mais relaxera la Femen pour l’exhibition sexuelle en justifiant que « le délit d’exhibition sexuelle ne saurait être constitué

en dehors de tout élément intentionnel de nature sexuelle ». Selon eux « il n’y a pas lieu de condamner Mme Z.Y. pour l’utilisation de sa poitrine dénudée (...) à des fins de manifestation d’une expression en dehors de toute connotation sexuelle ».

Un pourvoi en cassation est formé. Le juge de la Cour de Cassation dans un arrêt du 10 Janvier 2018 reprend la jurisprudence traditionnelle et condamne la Femen en vertu de l’arrêt du tribunal correctionnel de Lille du 23 Mars 2016 qui relaxa trois Femen qui s’étaient jetées les seins nues contre le véhicule de Dominique Strauss-Kahn. A contrario, la cour d’appel de Paris, dans une décision du 15 Février 2017, condamne une Femen qui, les seins dénudés, avait « mimé un simulacre d'avortement de l'enfant Jésus avec des morceaux de foie de veau devant

l'autel de l'église de la Madeleine ».

L’arrêt de 2018 vient donc mettre de l’ordre dans une jurisprudence non constante, en démontrant que le motif de l’exhibition sexuelle n’est pas à prendre en considération.

II.1.3. La pornographie

Selon l’article 227-24 al 1 du Code pénal : « Le fait de fabriquer, de transporter, de diffuser

par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. ». L’article R624-2 du Code pénal précise que « Le fait de diffuser sur la voie publique ou dans des lieux

publics des messages contraires à la décence est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Est puni de la même peine le fait, sans demande préalable du destinataire, d’envoyer ou de distribuer à domicile de tels messages ».

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Il est important de préciser que, selon la jurisprudence, la notion de « décence » doit être appréciée par les juges du fond au regard des mœurs actuelles.

Nous pouvons citer à titre illustratif la diffusion sur la messagerie de travail de courriels à caractère pornographique.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 13 Juillet 2017 (n° 16-12493) considère que la matérialité et la faute reprochée à un salarié est démontrée par le comportement « insistant, évolutif puis

violemment agressif par l’envoi d’un message pornographique, insultant, dégradant et d’un effet préjudiciable sur le destinataire, est de nature à caractériser un harcèlement sexuel ». La

Cour énonce donc que de tels agissements peuvent justifier un licenciement pour faute grave du travailleur même si l’employeur n’a pas fait de mise à pieds préalable.

II.1.4. La captation d’images et la diffusions d’images

Selon l’article 226-1 du Code pénal : « [Est puni] le fait, au moyen d’un procédé́ quelconque,

de porter volontairement atteinte à l’intimité́ de la vie privée d’autrui :

- en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

- en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle- ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »

La peine maximale encourue est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

Nous pouvons prendre à titre d’exemple la prise de photographies dans les toilettes ou la réalisation et la diffusion de montages à caractère sexuel.

II.1.5. Le harcèlement sexuel au travail

Le harcèlement sexuel est caractérisé par des propos obscènes ou par l’envoi de messages à connotation sexuelle. Il sera abordé tout d’abord à travers le droit européen qui, rappelons-le, est supérieur au droit national, puis à travers le droit français.

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Dans son Accord collectif sur la prévention et le règlement des différends liés à un harcèlement (2001)15, le BIT a fourni une définition du harcèlement sexuel applicable à l’ensemble de son personnel. Il s’agit de « Toute conduite non désirée ou importune de nature sexuelle, sur un

lieu de travail ou en relation avec le travail, qui fait qu’une personne protégée se sent humiliée, intimidée, pénalisée ou offensée. Le malaise engendré par l’acte ou la série d’actes peut être intentionnel ou non. Le harcèlement sexuel peut être un comportement sexuel coercitif adopté pour contrôler, influencer ou affecter le travail, la carrière ou le statut d’une personne protégée. Il peut aussi avoir cours lorsqu’une ou plusieurs personnes adoptent envers une personne protégée, quel que soit son niveau, un comportement injurieux ou humiliant fondé sur le sexe ou la sexualité́ de cette personne, même si cela n’a apparemment pas d’impact sur la carrière ou l’emploi de la personne protégée en cause. Le harcèlement sexuel peut prendre de nombreuses formes, et notamment :

(i) un contact physique délibéré́ et non sollicité ou une proximité́ physique indue ;

(ii) des remarques ou des gestes à connotation sexuelle répétés à propos du corps, de l’apparence ou du style de vie d’une personne protégée ;

(iii) des appels téléphoniques, des lettres ou des messages électroniques choquants (iv) un harcèlement avec menaces ;

(v) le fait de montrer ou d’afficher des figures, bandes dessinées, dessins, photographies ou images d’internet sexuellement explicites ;

(vi) des questions ou insinuations concernant la vie privée d’une personne protégée ;

(vii) des invitations continuelles à des activités sociales après que la personne protégée ait signifié qu’elles étaient importunes ;

(viii) des plaisanteries ou des propositions sexuellement explicites. »

II.1.5.ii. En droit européen

La directive de 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 parle de harcèlement discriminatoire, lequel ne suppose pas de répétition. Par ailleurs, le harcèlement sexuel est défini par cette directive de 2002 comme étant une situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

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L’article 2 cette directive européenne du 23 Septembre 2002 impose en effet aux États membres de l’UE la prohibition du harcèlement sexuel16. Selon cette définition aucune répétition n’est exigée.

Cette directive a été transposée dans une loi du 27 Mai 2008. Son article premier dispose : « La

discrimination inclut : Tout agissement (…) à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Cet article ne mentionne pas la notion

de répétition, c’est pourquoi il est important de regarder du côté de la jurisprudence.

II.1.5. iii. En droit français :

La loi du 2 novembre 1992 « relative à l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations

de travail », qui créé le premier délit de harcèlement sexuel, le définissait comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». Le pluriel des modes opératoires (« ordres », « menaces » ou « contraintes »)

laissait entrevoir qu’une répétition était requise. Il en va de même dans le texte issu de la loi du 17 juin 1998, qui y ajoute la notion de « pressions graves ». La notion de gravité laissait supposer aux juges la notion de répétition de l’acte. Sur le critère de répétition la loi du 17 janvier 2002 de « modernisation sociale », distingue entre le droit pénal et le droit du travail comme suit :

L’article 222-33 du Code pénal devient « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des

faveurs de nature sexuelle » tandis que l’article L1153-1 du Code du travail « interdit » « les agissements de harcèlement sexuel de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ».

Plus précisément le Code du travail définit le harcèlement sexuel en son article L. 1153-1 promulgué par la loi du 8 Aout 201153-12 :

I- Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

16 Le texte se trouve désormais dans la directive refonte 2006/54 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, JOUE L 204, 26.7.2006, p. 23.

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II - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

II.1.5.iiii. La jurisprudence

En France, la première loi sur le harcèlement sexuel n’a été adoptée que le 22 Juillet 1992, par l’article 222-33 du Code Pénal. De plus, elle a été vivement critiquée pour son champ d’application trop restreint.

La loi de modernisation sociale du 17 Janvier 2002 apporte des améliorations à la loi préexistante. Les avancées législatives proposées sont néanmoins controversées et la loi reste peu appliquée. En l’occurrence, les chambres des cours de justice n’appliquent pas cette législation de manière homogène car elles l’interprètent de manière différente.

Gérard DUCRAY saisit le Conseil Constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la Cour de Cassation le 29 Février 2012. Il avait été condamné en 2011 par la Cour d’Appel de Lyon (CA Lyon, 4e Lyon ch., 15 mars 2011, Gérard

Ducray c/ ministère public) à trois mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende, pour avoir

eu un «° comportement délictuel °» à l’encontre de trois femmes fonctionnaires territoriales. Le 4 Mai 2012 un revirement brutal se produit, le Conseil Constitutionnel abrogeant la loi sur le harcèlement sexuel avec effet immédiat et laissant alors un vide juridique qui a permis que la sanction à l’encontre de Monsieur Ducray reste inappliquée puisque la loi a été supprimée avec rétroactivité.

La loi du 6 août 2012 est venue offrir une nouvelle définition du harcèlement sexuel dans le Code pénal, le Code du travail et la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Depuis, la jurisprudence française n’est toujours pas claire, la qualification et l’appréciation des faisceaux de preuves sont appréciées différemment selon les cours de justice, ce qui laisse planer une certaine incertitude jurisprudentielle.

Ainsi, le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, dans une décision en date du 22 janvier 2015, a statué en faveur du défendeur au motif que la plaignante, même si elle apportait les preuves du harcèlement sexuel, s’appuyait sur les témoignages d’autres victimes de harcèlement sexuel qui n’ont pas porté plainte.

La cour d’appel de Limoges, dans un arrêt en date du 13 octobre 2015, dispose que Mme V. a bien été victime de harcèlement sexuel et «° que son licenciement est dépourvu de cause réelle

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Après avoir abordé l’application de la loi à travers des exemples jurisprudentiels, il semble important de pointer les difficultés rencontrées par les chambres de la Cour de Cassation et par le conseil des prud’hommes pour l’appréciation des modes de preuves.

Par l’arrêt du 17 mai 2017, la Cour de Cassation admet « qu’un fait unique peut suffire à

caractériser le harcèlement sexuel », alors que la définition légale alors applicable en droit du

travail requiert des actes répétés. Il s’agit ici d’un revirement de jurisprudence.

L’autre apport de cet arrêt, rendu sous la forme d’un attendu de principe, concerne l’aménagement de la charge de la preuve. En effet, en décidant qu’il résultait de la matérialité de l’acte unique invoqué « que la salariée établissait un fait qui permettait de présumer

l’existence d’un harcèlement sexuel », la Cour de Cassation se place également à revers du droit

positif.

Une enquête du Défenseur des droits datant de 2014 mentionne que 20% des femmes actives disent avoir été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle. Selon cette même enquête, les manifestations les plus courantes sont les «°gestes et propos à connotation sexuelle sans le consentement de la personne°» ou encore «°l’environnement de travail tolérant des blagues à caractère sexuel° ». Ce pourcentage important tempère la portée de la loi de 1982 et nous incite à analyser plus finement ces discriminations. Celles-ci seront définies selon leur caractère direct ou indirect et différenciées par la loi en majeure partie par l’intentionnalité de l’acte, avant d’être illustrées par des exemples juridiques extraits du droit européen et français.

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