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3 Une description de Wallis et de Rangiroa 52

3.2 Les conditions de vie aujourd’hui 59

3.2.1 La vie à Wallis 59

(Ce chapitre est basé sur Worliczek 2010a:52f)

Le système politique et social

Wallis étant un royaume, l’île possède un statut très particulier et dérogatoire au sein de la République Française. A la tête du pays règne le roi, le lavelua. Il est assisté par six « ministres », les 'alikifa'u, et les chefs des trois districts dans lesquels l'île est divisée, les faipule. Au niveau inférieur, on trouve les pulekolo, les chefs de village. A l'intérieur des familles, on trouve une continuation de ce système fortement hiérarchisé, basé sur des principes de séniorité et d'âge, avec un représentant masculin dominant dans chaque famille élargie. Traditionnellement, la société est divisée en familles nobles (aliki) – qui seules peuvent prétendre à des titres coutumiers - et le peuple commun (tu'a). Il y a trois familles royales, parmi lesquelles est choisi le roi, choix consensuel des familles nobles.

Comme structure parallèle au système coutumier, on trouve l'administration française avec un député, un préfet, un sénateur, une Assemblée Territoriale et des services administratifs. Théoriquement, ces deux institutions ont des fonctions complémentaires (Chave-Dartoen 2002/2, Deckker 2006).

Le troisième acteur important est l'église catholique qui exerce un pouvoir unique dans le contexte français (Chave-Dartoen 2002/2, Delbos 2004). Depuis 1837, le catholicisme domine la vie à Wallis, et même si aujourd'hui, il y a une certaine ouverture vers d'autres religions, les catholiques ont toujours une très grande influence sur la vie quotidienne. Les fêtes de la paroisse sont très importantes et l'église catholique assure l'enseignement primaire. Dans les actions des Wallisiens, la notion de Dieu est essentielle et il est inimaginable de passer par une chapelle sans faire le signe de croix.

(avec le lavelua), et de l'administration française.

La coutume d'aujourd'hui est un résultat de l'interaction entre des traditions polynésiennes et la religion catholique qui ont créé les règles d'un syncrétisme unique dans le Pacifique. Ces règles sont incorporées et contrôlées par les hiérarchies supérieures, mais également à un niveau horizontal où la société légitime le contrôle de ces règles. Le catholicisme organise la vie sociale et il est la force intégratrice de la société.

Or, depuis l'ouverture de l'île vers l'extérieur dans les années 1960, la structure sociale de Wallis a subi des transformations : il y a un échange permanent des idées et des biens avec l'extérieur, surtout avec la Nouvelle-Calédonie et la France métropolitaine, ce qui a rendu perméable cette structure sociétale verticale. Aujourd'hui, on ressent une certaine instabilité en ce qui concerne le rôle de la royauté dans la société. Certaines personnes mettent en question la légitimité du roi actuel, pour certaines de ses prérogatives. Ceci a créé deux camps dans la société wallisienne, les « royalistes » et les « rénovateurs ». Le fossé s’était déjà créé vers la fin du règne de l'ancien lavelua Tomasi Kulimoetoke II. Ce dernier est décédé en 2007, mais les tensions sont revenues avec le nouveau lavelua Kapiliele Faupala. Beaucoup de Wallisiens ont une certaine nostalgie de l’époque « d’avant », époque où il y avait plus de stabilité dans la légitimité du système coutumier. Ayant vérifié la succession des lavelua, l'auteur a constaté qu'il y a eu pourtant beaucoup de destitutions et des règnes très courts dans l'histoire de Wallis. Il s'agit donc plutôt d'un constat à l'inverse : le règne de Tomasi Kulimoetoke II a été exceptionnellement long (46 ans) et stable.

Le « pardon » dans la société wallisienne joue un grand rôle. Une faute commise peut être pardonnée si le coupable demande le pardon des personnes offensées, un acte public d'humiliation qui est accompagné par l'offrande d'un 'umu20. Cette pratique existe

encore en théorie aujourd'hui. Selon les informateurs, il parait que de cette pratique était très courante jusqu'aux années 1970. Cependant, il y a eu des cas isolés dans les temps récents. Ce pardon coutumier (fakalelei) peut se mettre en opposition avec les lois républicaines qui revendiquent en général un procès au tribunal lors d'un crime.

La situation se présente différemment lorsqu'un coutumier a commis une faute. Dans ce cas, il est destitué de son poste. Cela arrive assez fréquemment, ce qui explique pour une part le changement fréquent de certains postes coutumiers. D'un côté, ce mécanisme assure le bon fonctionnement de la société et empêche un abus de pouvoir de la part d'une personne, de l'autre côté, il empêche une certaine stabilité pour les personnes au pouvoir de l'île et il pénalise les actions à long terme.

Cette notion est importante dans le contexte des prélèvements de sable, comme on le verra dans le chapitre 6.1.1.6 « Les coutumiers et la gestion du sable ».

Le système économique

Seulement 1/3 de la population a un salaire régulier (IEOM 2009). La plupart des Wallisiens vivent de l'économie de subsistance. Dans beaucoup de familles élargies, les factures (électricité, l'eau, l'essence,...) sont payées par les quelques personnes qui ont un revenu monétaire. Les membres de la famille qui n'ont pas de revenu contribuent avec des produits venant de l'agriculture et de la pêche.

Encore aujourd'hui, Wallis reste isolé à plusieurs sens : le pays voisin le plus proche est Samoa à 370 km de distance. Wallis ne se trouve pas sur les routes de commerce principales et le tourisme n'est quasiment pas présent. Même si Wallis et Futuna est la Collectivité d'Outre-Mer la moins développée au sens occidental du terme (comparée à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie Française), l'infrastructure et le niveau de vie sont tout de même bien plus élevés que ceux de ses voisins du Pacifique central. (Angleviel 2004:89)

Presque chaque famille élève ses propres cochons, a des plantations de taros, ignames, manioc et va à la pêche. Il y a un changement visible dans le mode de consommation vers l'utilisation de la nourriture importée grâce à la monétarisation de la société. Néanmoins le centre de l'activité pour la plupart des ménages reste la production locale de nourriture et le niveau de vie dépend fortement de la récolte et des cochons.

20 Four traditionnel qui est enterré.

Selon le schéma actuel de distribution des terres, l'emplacement d'un terrain est lié à des usages différents. En général, les tarodières et les jardins (laloakau) ont tendance à se trouver dans des zones fortement peuplées sur les côtes est et sud. Les tarodières se trouvent à proximité de la mer, les jardins sont localisés un peu plus vers l'intérieur. Les plantations de l'igname et du manioc sont distribuées à travers l'île, mais moins fréquemment sur le toafa21.

Si le niveau de la mer monte, on peut s'attendre à ce qu'on ne puisse plus utiliser les tarodières. Le principal risque à court et moyen terme (quelques années à dizaines d'années) est liée à la saumure des terrains par les intrusions souterraines d'eau de mer. A plus long terme, les tarodières littorales risquent de devoir être déplacées au même titre que les habitations. Ceci serait très probablement suivi par un changement du mode de consommation, un « développement » similaire à ce qui a déjà été le cas à Rangiroa en Polynésie Française où la population a abandonné l'agriculture traditionnelle et se trouve aujourd'hui sous forte dépendance des produits importés. Ce genre de développement, dont les débuts se font déjà sentir à Wallis, sera probablement accéléré par des modifications induites dans l'agriculture traditionnelle par le changement climatique. Le changement de l'agriculture de subsistance vers la nourriture importée entraînera une haute dépendance au monde extérieur, en même temps qu'un changement dans la structure de la société. Les écarts à l'intérieur de la société vont se creuser entre ceux qui ont les moyens de vivre uniquement de la nourriture achetée et ceux qui ne le pourront pas.

Mais ce n'est pas uniquement l'agriculture qui sera affectée par une modification de l'utilisation des ressources locales. Actuellement, un des sujets le plus discutés sur place concerne les prélèvements de sable, qui contribuent à l'érosion du littoral. Le sable de plage est utilisé pour la construction des immeubles privés et publics et il représente une ressource monétarisable significative dans le contexte wallisien. (Voir chapitre 6.1.1 « Le sable à Wallis »)

21 Le toafa désigne les parties incultes qui se trouvent surtout à l’intérieur de l’île, particulièrement sur le

Le développement démographique

Le territoire de Wallis et Futuna est marqué par une forte émigration. Entre 2003 et 2008, le territoire a perdu 9.8% de sa population, un développement inconnu depuis le début des recensements en 1969. A ce jour, la population de l’île de Wallis est de 9 207 personnes (avec une baisse de la population de -8.4% entre 2003 et 2008). La diminution de la population a ses racines dans un solde migratoire négatif amplifié ainsi que dans une diminution des naissances. Deux tiers de la population n'ont pas de revenu fixe et dépendent fortement de l'économie de subsistance. (INSEE 2008) Ceci concerne surtout la jeune génération qui a des difficultés à accéder aux postes dans l'administration déjà très rares mais désirés.

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