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3 Une description de Wallis et de Rangiroa 52

3.1 L’histoire des deux terrains 53

3.1.2 L’histoire de Rangiroa 54

La préhistoire de Rangiroa

Pour les mouvements migratoires de cette époque, voir le chapitre 5.4.2 « La migration historique à Rangiroa ».

Il est difficile de retracer la préhistoire de Rangiroa car les traces écrites ne commencent qu'au début du 19ème siècle. Irwin (1992, dans Kirch 2000:241) date le premier peuplement des Tuamotus ouest, avec l’Archipel des Îles de la Société, vers 600 BC. En se basant sur les fa’atara 14, Ottino (1965:24) date l’arrivée du premier homme

(oio) à Rangiroa vers l'an 1000 AD. On note donc un grand écart dans les estimations selon les méthodes. Ottino, qui a sans doute fait les recherches les plus approfondies sur l'histoire de Rangiroa, constate qu'il est difficile de reconstruire l'histoire, particulièrement ce qui concerne la période du déplacement forcé à Tahiti vers la fin du 18ème siècle ainsi que la période située avant le début de la présence européenne sur l'atoll, ce qui serait pourtant particulièrement intéressant (1972:38).

Les archives de la mission auraient pu donner des informations, mais ces

beaucoup d'investissement personnel et financier.

13 Pour accéder le texte du statut en vigueur le 25.9.2012, voir

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D5BA53BD46362B7720803632731732D9.tpdjo 13v_1?cidTexte=LEGITEXT000006068215&dateTexte=20120925 accédé le 25.9.2012

14 Selon Ottino (1972:476) il s'agit d'une «sorte de texte récitatif chantant les terres et ancêtres». Les

fa'atara peuvent appartenir à certains lieux ou certaines familles et ne sont parfois pas facilement divulgués. D'où la difficulté de définir s'ils sont vraiment perdus où simplement gardé secrets.

documents gardés sur l'atoll d'Ana'a15 ont été détruits lors des cyclones de 1903 et

1906. Il en est de même pour des documents gardés à Rangiroa.

Les travaux de Garanger et Lavondes (1966) sont les dernières recherches archéologiques extensives menées sur l'atoll, d'où un manque de sources qui pourraient éclaircir le sujet.

En se basant sur les connaissances actuelles, on peut alors constater qu’entre le peuplement de Wallis et le peuplement de Rangiroa, il s’est écoulé près de 2000 ans. On pourrait partir du principe que le fait de résider depuis plus longtemps dans un environnement précis (dans ce cas, une île) permet à ses habitants d’approfondir les connaissances sur ce dernier. Effectivement, comme on verra par la suite, les Wallisiens rencontrés ont une connaissance de leur environnement qui est plus approfondie que celle des personnes interrogées à Rangiroa. Par contre, l’auteur émet l’hypothèse que ceci est plutôt lié au mode de vie actuel qui a ses racines dans le déroulement des événéments pendant les derniers siècles (c'est-à-dire, la période coloniale,) plutôt que la durée totale du peuplement humain sur place.

L'histoire récente de Rangiroa

(Ce paragraphe est basé sur le résumé d’Afometh (1999))

Les premiers européens à découvrir Rangiroa ont été les frères Willem et Jan Schouten en 1616. Ils ne débarquent pas, mais ils la baptisent « île des mouches ». L’atoll de Rangiroa est de nouveau aperçu en 1722 par une expédition menée par Jacob Roggeveen et il est appelé « île de bonne espérance ».

A partir de 1845, Rangiroa passe sous influence chrétienne avec la construction d'un temple mormon à Avatoru. Les catholiques s'installent à Rangiroa vers 1855 et gagnent de l'influence. Cette époque correspond à la période de fondation de l'influence des deux religions dominantes à Rangiroa aujourd'hui : les catholiques et les sanito.

Vers 1865, la reine Pomaré IV de Tahiti installe le système des râhui16 qui devient

15 Un autre atoll des Tuamotu qui se trouve à 300 km au sud de Rangiroa.

le système « administratif » structurant jusqu'à la mise en place des communes en 1972. « A partir des années 1850-1860, les cotres de la mission propagent les cocos de Ana'a adaptés au sol corallien des atolls (les cocos des îles hautes poussent très mal sur les atolls) dans l'ensemble des Tuamotu du Centre et de l'Ouest. » (Afometh 1999:50)

En 1880, les états du roi Pomaré V sont annexés à la France.

La création du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) à partir de l'année 1960 a eu pour conséquence un grand flux migratoire. Les Tuamotu, auparavant regardés comme des endroits n'ayant comme seule richesse que le coprah, sont devenus le poumon économique de la Polynésie avec une forte demande de main d'œuvre liée au CEP. La piste aérienne de Rangiroa, construite en 1964, a encore augmenté une très forte mobilité à cette époque. La population a abandonné une grande partie des cocoteraies afin d'avoir un travail salarié au CEP. C'est à ce moment-là qu'un changement profond de la société a commencé : cette fois-ci, ce n'était pas un changement imposé de l'extérieur17 (comme cela avait été le cas avec les interdictions

des missionnaires), mais un changement qui a commencé à l'intérieur même de la société avec cette migration liée au travail salarié qui, en retour, a basculé les valeurs traditionnelles de cette société.

Il s'est produit une coupure dans le transfert des savoirs. La majorité d'une génération d'adulte a quitté l'atoll, a travaillé dans un contexte autre que familial, tandis que les enfants des travailleurs grandissaient à Rangiroa, sans apprendre les techniques et savoirs considérés autrefois comme importants pour la vie sur un atoll. Cette époque marque en quelque sorte la fin de la vie en communauté telle qu’elle existait auparavant. C'est avec une grande nostalgie que les anciens d'aujourd'hui pensent à l'époque antérieure au CEP, synonyme à leurs yeux d'un temps où la société polynésienne allait encore bien. L'éclatement des noyaux familiaux a empêché de vivre selon les traditions océaniennes, c'est-à-dire toutes les générations d'une famille élargie réunies. Pour les habitants de Rangiroa, c'est à ce moment que l'individualisme a pris le dessus, une valeur en contradiction avec les valeurs traditionnelles océaniennes.

17 Par « ne pas imposé » il faut comprendre le fait qu'il ne s'agissait pas d'une migration forcé. Les

personnes concernées ont fait un choix libre, même s'il est très probable que la situation économique de ces jours suggérait fortement un tel déplacement. Bien sur, la création du CEP même n'était pas le choix des Polynésiens.

L'argent a gagné de l'importance : il y avait de l'argent partout18, selon un

informateur. Les activités agricoles, déjà négligées à l'époque, se sont quasiment arrêtées avec une disponibilité accrue d'alimentation importée.

Pour résumer, on peut donc dire qu'il y a eu deux grandes coupures dans la vie sociale à Rangiroa dans l'histoire récente :

1. Les missionnaires :

L'arrivée des missionnaires, vers 1850, a changé le quotidien de la vie sur l'atoll : avec le christianisme est arrivé un nouveau dieu, certaines interdictions par rapport aux activités culturelles (danses par exemple), de nouvelles règles (comme les râhui), l'intensification des cocoteraies, le début de la culture intensive des nacres, et une restructuration du quotidien. Par contre, il semble que, malgré ces modifications imposées du mode de vie, le transfert des savoirs n'était pas totalement coupé, car les dynamiques à l'intérieur des familles ne semblent pas avoir trop souffert. Quand Paul Ottino a fait ses recherches à Rangiroa dans les années 1960, il a encore trouvé une structure sociale largement assise sur le fonctionnement polynésien, malgré des transformations évidentes. Ceci ne sera plus le cas avec le deuxième grand changement :

2. La création du CEP :

A partir de 1960, l'économie et les dynamiques sociales se sont radicalement transformées avec la création du CEP. Les Tuamotus ont été particulièrement touchés, Mururoa faisant partie des Tuamotu. En l'absence d'autres sources importantes de revenu, un grand mouvement migratoire a eu lieu à Rangiroa vers le CEP, ce qui n'a pas été le cas pour l'exploitation du phosphate sur l'île voisine de Makatea qui a pourtant attiré de nombreux travailleurs d'autres îles (jusqu'à la fermeture de l'exploitation en 1966) (voir Decoudras et al. 2005). C'est le CEP qui a le plus marqué les habitants de Rangiroa et qui a entraîné un changement profond des valeurs. Avec le recul, les gens arrivent à la conclusion que c'était la présence soudaine de grandes quantités d'argent qui a fait tout basculer et qui a profondément modifié la société de l'intérieur. Une grande mobilité, des biens de consommation en affluence et la fin de la vie en

18 Des citations en italique indiquent, si ce ne pas précisé autrement, des citations représentatives choisies

communauté ont coupé le transfert des savoirs d'auparavant.

Ces deux grandes coupures, avec d'autres événements tels que la prise de possession par la France ou le développement du tourisme à Rangiroa ont amené la société de Rangiroa au statut actuel. C'est l'héritage de cette histoire récente qui influence le mode de vie et la vision d'aujourd'hui et cause le notable décalage entre les anciennes générations et la jeune génération d'aujourd'hui.

Depuis 2004, la Polynésie Française est un Pays d'Outre-Mer français (selon le Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004) portant sur le statut d'autonomie de la Polynésie française (1)19. Ce statut lui donne plus d'autonomie qu'auparavant, et avec

cette autonomie il y a également certaines responsabilités à assurer.

19 Pour accéder le texte du statut en vigueur le 25.9.2012, voir

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D5BA53BD46362B7720803632731732D9.tpdjo 13v_1?cidTexte=LEGITEXT000005765456&dateTexte=20120925 accédé le 25.9.2012

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