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La vie comme activité et l’essence générique comme effectivité chez Hess

L’ESSENCE GÉNÉRIQUE ET L’HISTORICITÉ DE L’ACTIVITÉ HUMAINE DANS LES MANUSCRITS DE

2.4. La vie comme activité et l’essence générique comme effectivité chez Hess

Comme nous le verrons au quatrième chapitre, l’importance de Hess en ce qui concerne les Manuscrits de 1844 touche avant tout à la question de l’aliénation126. Cela dit, en ce qui

concerne l’objet qui nous intéresse pour le moment, à savoir le rapport entre l’universel et le singulier, l’influence de Hess se déploie selon nous en deux actes, à travers deux textes distincts et successifs127. Dans un premier texte intitulé « Philosophie de l’action », sous

l’influence de Spinoza et Fichte, Hess rapporte d’abord l’universel au singulier en faisant de l’individu ou des individus le seul lieu effectif possible de l’universel qui est compris comme changement incessant de la vie individuelle dont le mode d’existence est l’activité128. Dans

un second texte intitulé « L’essence de l’argent », sous l’influence de Feuerbach cette fois, Hess élabore ensuite une conception effective de l’essence du genre humain comme

126 Gérard BENSUSSAN, Moses Hess, la philosophie, le socialisme, Paris : PUF, 1985, p. 116-17.

127 À cet égard, la question de l’influence véritable de Hess à l’endroit de Marx se pose. En effet, les deux auteurs étaient en fait de proches collaborateurs et se fréquentaient même quotidiennement au moment où Hess rédigeait les textes qui, disons-nous, eurent une influence sur Marx. Les deux assistèrent ensemble aux cours de Bruno Bauer à Bonn en 1841-1842 et collaborèrent à la Gazette rhénane dont Hess assura la direction de 1841 à 1842 avant que Marx n’en prenne le relais. Qui plus est, Hess semblait reconnaître une certaine ascendance à Marx dont il fit l’éloge à l’un de ses correspondants (Ibid., p. 75). Dès lors, doit-on en conclure inversement à une influence de Marx à l’endroit de Hess qui se serait produite lors des discussions qui précédèrent et accompagnèrent la rédaction des textes de Hess ? À ce sujet, le débat quant aux mérites de l’un et de l’autre a fait couler beaucoup d’encre. Toutefois, comme le souligne Bensussan, il n’est peut-être pas nécessaire de trancher ce débat, celui-ci insistant plutôt sur la complémentarité de ces deux auteurs et concluant à l’existence d’un « commun langage » chez ces derniers qui abordaient une problématique similaire à travers des concepts parfois identiques (Ibid., p. 110). Dans le même ordre d’idées, sans nous engager dans le débat sur la question de l’influence véritable de l’un en rapport à l’autre, nous ferons comme si Hess avait influencé Marx, mais seulement dans la mesure où les Manuscrits de 1844 qui, n’étant pas destinés à la publication, se révèlent parfois obscurs, s’éclairent en grande partie à la lecture parallèle des textes de Hess auxquels nous nous réfèrerons et dont Marx avait connaissance lors de la rédaction de ses propres manuscrits. C’est particulièrement vrai de la signification du concept de « genre » dont le sens établi par Marx ne saurait être tout simplement rapporté à Feuerbach, comme le propose Henry, et qui semble plutôt se rattacher au sens que lui avait conféré Hess lui-même.

128 Moses HESS, « Philosophie de l’action », publié en annexe à l’ouvrage de Gérard BENSUSSAN, op. cit., p. 173-97.

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modalités pratiques à travers lesquelles les êtres humains se rapportent les uns aux autres129.

À ses yeux, l’essence générique des individus renvoie aux pratiques de commerce – entendu au sens large comme pratiques d’échange, sous toutes leurs formes – qui constituent le milieu vital au sein duquel ces derniers y réalisent leurs facultés. À l’encontre de Feuerbach, cette conception effective de l’essence générique des êtres humains évite d’hypostasier le genre dans la mesure où il désigne le fait, pour les êtres humains, de se rapporter les uns aux autres à travers un ensemble de pratiques éparses et multiples.

Dans son texte intitulé « Philosophie de l’action », Hess amorce son propos à partir de l’affirmation célèbre de Descartes : « je pense, donc je suis ». Hess conteste la validité d’un tel constat, affirmant qu’on ne peut pas conclure à l’existence d’un être à partir d’un acte de la pensée. Puisqu’il est question de la réalisation d’un acte, seul cet acte lui-même peut faire l’objet d’un constat. D’après lui, la formule exacte devrait alors se limiter à la forme suivante : « je pense ». De cette façon, ce qui est constaté correspond effectivement à ce qui est réalisé, le contenu à sa forme. L’activité de la pensée parvient ainsi à se désigner elle- même en tant qu’activité, à se saisir, sous la forme d’une connaissance, pour ce qu’elle est, à savoir la réalisation d’une activité : « Je sais que je pense, que je suis spirituellement actif ou, puisqu’il n’y a pas d’autre activité, que je suis actif et non pas que je suis. Ce n’est pas l’être mais l’action qui est le commencement et la fin130 ».

La validité du constat établi par Hess se confirme à ses yeux par la décomposition des moments qui en sont constitutifs. Ces moments sont les suivants : le « pensant », le « pensé » et le « je ». Le premier moment renvoie à la pensée en tant qu’elle réalise un acte, le second au contenu qui est établi et posé par cet acte et le troisième à l’identité des deux premiers moments que rassemble en lui-même le je. En déclarant, « je pense », le je parvient ainsi à se saisir de lui-même comme identité du pensant et du pensé, à se poser comme un autre tout en revenant à soi-même dans la mesure où ce qui est posé n’est autre que l’activité qu’il déploie lui-même :

129 Moses HESS, « L’essence de l’argent », publié en annexe à l’ouvrage de Elizabeth FONTENAY, Les figures

juives de Marx, Paris : Galilée, 1973, p. 111-48.

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« Je pense » signifie : le je se représente à soi-même, ou se pose face à soi-même, comme un autre, mais revient à soi par le dépassement de cette réflexion après s’être trouvé hors de soi par cette sorte de découverte de sa propre vie dans le miroir. Il admet que cette image spéculaire est la sienne propre131.

Dans cette perspective, le je ne saurait être posé comme une entité fixe, comme un être, mais se comprend plutôt comme déploiement incessant d’une activité, comme mouvement et transformation incessante de lui-même : « Le je, par conséquent, n’est pas quelque chose d’immuable, au repos, […] mais quelque chose de changeant, en constant mouvement, comme la vie avant qu’elle ne s’éveille à la conscience de soi, en constant changement aussi132 ». Il en ressort ainsi, chez Hess, l’établissement d’une ontologie de l’agir qui

caractérise à ses yeux toute forme de vie : « La vie est activité133 ». De plus, le paroxysme de

ce mode d’existence, « l’Idée par excellence » affirme Hess, renvoie à la possibilité pour les êtres humains de prendre conscience de ce mode d’existence134. À partir du moment où le je

réalise qu’il n’est autre que le déploiement incessant d’une activité et se pose comme tel, il accède à la connaissance de cette activité en tant qu’elle est a priori indéterminée. Toutes les représentations que le je élaborait et entretenait jusque-là à son propre compte, où il avait tendance à se poser comme un être fixe, apparaissent désormais pour ce qu’elles sont, soit le résultat de sa propre activité. C’est le je lui-même qui se déterminait de la sorte et qui s’imposait à lui-même des limites en s’appréhendant sous une forme fixe. En prenant conscience de son propre mode d’existence qu’est l’activité, il accède ainsi à la reconnaissance de sa capacité de « production » ou d’« auto-détermination » de soi :

Tout ce qui reste, c’est l’activité elle-même ou la vie. Ce qui est nécessaire, c’est la constante transformation du je, car il n’est je que par cela qu’il devient un autre à soi, c’est-à-dire qu’il se détermine, se limite et connaît, dans ce devenir-autre-à-soi ou cette limitation-de-soi, son égalité à soi-même ou sa libre auto-détermination135.

131 Ibid. 132 Ibid., p. 174. 133 Ibid., p. 175. 134 Ibid., p. 173. 135 Ibid., p. 175.

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Une forme de liberté, donc, qui ne correspond toutefois pas à une absence totale de limites – ce que Hess reproche aux anarchistes –, mais plutôt à l’imposition à soi-même de limites déterminées qui sont librement voulues136.

Pour Hess, cette prise de conscience des êtres humains relève elle-même de l’histoire. Comme le fait remarquer Gérard Bensussan, le je et le stade du miroir par lequel il en vient à se reconnaître comme être agissant recoupent chez Hess un registre aussi bien « existentiel » qu’« historico-philosophique »137. Pour Hess, la reconnaissance de soi du je en tant qu’être

actif se réalise historiquement en trois phases. Dans un premier temps, le je n’a aucune substance propre, déployant son activité comme toute forme de vie, de manière inconsciente. Dans un second temps, il cherche à s’appréhender lui-même, mais tend à se représenter lui- même sous la forme d’un autre, comme un être à la fois figé et séparé. Ce faisant, ce qui est pensé sous la forme d’un contenu déterminé est ici maintenu dans une séparation à l’égard du pensant, soit en tant qu’activité qui pose ce contenu. Enfin, ce n’est qu’avec la philosophie de l’action, dont Spinoza et Fichte auraient indiqué la voie, que l’identité du pensant et du pensé se trouve enfin réalisée alors que le je prend conscience du mode d’existence qui lui est propre en tant qu’être agissant138.

Dans cet ordre d’idées, la philosophie hégélienne se comprend d’après Hess à l’intérieur de la séparation caractéristique de la seconde phase, soit dans le cadre de la rupture entre pensant et pensé. L’universel conçu comme esprit absolu est une représentation de soi du je comme être actif, mais posé comme un autre, qui n’est donc pas encore rapporté à lui-même : « L’universel est par conséquent irréel, il n’est qu’une abstraction de l’individu qui réfléchit l’idée dont il est part mais qui se saisit en opposition à elle et non comme sa réalité139 ». En

opposition, la prise de conscience du je en tant qu’être actif ne peut devenir effective que chez l’individu lui-même. Ce n’est qu’à ce niveau individuel qu’il y a déploiement d’une

136 Ibid., p. 192-93.

137 Gérard BENSUSSAN, op. cit., p. 81. 138 Ibid., p. 77-78.

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activité véritable et que peut en être opérée la prise de conscience. Bref, ce n’est qu’au niveau de l’individu ou des individus que l’universel a, d’après Hess, une réalité effective :

L’idée de vie en général, la loi éternelle, l’« Esprit absolu », l’« Esprit du monde », « Dieu » ou quelque autre dénomination propre ou impropre que l’on puisse donner à l’universel ou à l’éternel, n’est qu’un changement, un devenir-autre-à-soi, n’est réel que dans la diversité, dans l’individu ou plus exactement dans une suite infinie d’individus, dans un devenir-autre-à-soi ou une production de soi-même infinis; en d’autres termes, l’universel parvient à sa conscience de soi à partir des individus et l’homme qui connaît l’idée de vie, l’universel, comme sa vie est sa réalité la plus achevée, suprême140.

Ainsi l’universel se trouve-t-il rapporté par Hess aux individus et renvoie au changement incessant qui les caractérise en tant qu’êtres actifs. Il n’a d’existence que dans le déploiement d’une activité individuelle, dont la prise de conscience ouvre la possibilité d’une auto- détermination. À l’opposé, l’hypostase de l’universel posé comme esprit absolu relève de la rupture entre pensant et pensé. Elle renvoie à une forme d’auto-détermination du je que l’on pourrait qualifier de « partielle » ou « problématique » dans la mesure où le je n’a pas encore pris conscience qu’il s’agit là d’une détermination de soi.

Dans un second texte, « L’essence de l’argent », Hess abandonne la centralité de la figure du je au profit de l’essence générique. Désormais, la vie réelle, son histoire et la possibilité de son auto-détermination ne se comprennent plus à partir du je, mais à partir de ce qui est posé comme l’essence générique de l’être humain141. En effet, la vie elle-même n’est plus

strictement définie comme « activité », mais plus précisément comme « échange d’activité vitale productrice142 ». Ainsi, le corps de tout être vivant est posé comme un milieu où

s’opèrent des échanges d’activités productives entre les parties qui en sont constitutives et qui, pour l’être vivant, constitue son « moyen d’existence inaliénable143 ». De même,

l’atmosphère terrestre est posée comme milieu au sein duquel s’opèrent les échanges entre les activités productives réalisées par un ensemble d’êtres vivants, les uns se nourrissant par leur activité du métabolisme des autres. Dans ces deux cas, ces milieux sont désignés par Hess

140 Ibid. L’auteur souligne.

141 Gérard BENSUSSAN, op. cit., p. 129.

142 Moses HESS, « L’essence de l’argent », loc. cit., p. 115. 143 Ibid.

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comme « corps inconscients »144. En opposition, le milieu qui est spécifique aux êtres

humains est désigné comme « corps conscient » et renvoie à l’ensemble des pratiques de commerce par lesquelles ils se rapportent les uns aux autres145. Pour Hess, c’est dans la

mesure où ils se rapportent les uns aux autres que les êtres humains sont précisément des êtres conscients146. Pour ces deniers, l’ensemble des pratiques de commerce constitue ainsi

leur « milieu vital social », aussi indispensable aux individus que l’air de l’atmosphère qu’ils respirent. Séparés de ce milieu, ils sont voués à leur perte147.

D’après Hess, les êtres humains constituent donc par essence des êtres sociaux ou, plus exactement, l’essence effective du genre humain renvoie aux pratiques à travers lesquelles les êtres humains se rapportent les uns aux autres et par lesquelles s’opère l’échange de leurs activités productives. Non pas, comme chez Adam Smith, parce qu’ils auraient une propension naturelle à l’échange148, mais bien en ce sens où la réalisation de leurs pratiques

en commun constitue leur « essence effective » :

Le commerce des hommes n’a pas son origine dans leur essence, il est leur essence effective, c’est-à-dire aussi bien leur essence théorique, leur conscience vitale réelle que leur activité vitale, pratique et réelle. Pensée et action ne naissent que du commerce, de la réalisation commune entre individus, et ce que mystiquement l’on nomme « Esprit » est précisément cet air vital qui est le nôtre, cet atelier qui est le nôtre, cette réalisation commune149.

Il faut ici insister un peu sur l’idée de « réalisation commune ». Pour Hess, il ne peut y avoir de réalisation effective d’une activité proprement humaine en dehors du milieu social, sans lequel les individus « ne peuvent donc faire passer à l’acte leurs facultés150 ». Davantage, le

milieu social permet en fait à chacun de développer ses facultés, le commerce agissant

144 Ibid. 145 Ibid. 146 Ibid., p. 116. 147 Ibid., p. 115-16.

148 Adam SMITH, Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, Tome I, Paris : PUF, 1976, p. 15.

149 Moses HESS, « L’essence de l’argent », loc. cit., p. 117. 150 Ibid. p. 116.

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comme « stimulation mutuelle des forces individuelles151 ». Pour Hess, comme pour Smith ou

Marx lui-même, il y a ainsi un rapport étroit entre les pratiques commerciales et le développement des forces productives des êtres humains qui se développent de manière complémentaire : « Plus intense est le commerce entre eux, plus intense est leur force productive et, tant que le commerce est limité, leur force productive l’est également152 ».

Dans cette optique, le milieu social est qualifié de « vital » et « inaliénable » dans la mesure où il constitue aussi bien la condition de réalisation des facultés des individus que celle de leur développement cumulatif. L’activité humaine est donc générique en ce double sens qu’elle se rapporte à autrui et qu’elle trouve dans ce rapport la condition de son libre développement :

Toute activité libre (et il n’y a d’activité que libre, puisque ce qu’un être ne réalise pas en le tirant de lui-même, c’est-à-dire librement, n’est pas un acte, du moins pas le sien propre mais l’acte d’un autre), toute activité réelle donc, pratique ou théorique, est un acte générique, la réalisation commune d’individualités différentes. Seule une telle réalisation commune réalise effectivement la force productive et constitue donc l’essence réelle de chaque individu153.

La réalisation d’une activité pleinement humaine nécessite donc le concours d’autrui et se révèle générique en s’inscrivant au sein du milieu social, dans la mesure où les individus y réalisent leurs facultés respectives et, ce faisant, participent de concert et d’une manière cumulative à l’enrichissement des forces productives.

Cette essence générique des êtres humains, comme la figure du je précédemment abordée, se développe selon Hess au cours de l’histoire. D’après lui, cette histoire est a priori une histoire naturelle dont seuls les récents développements sont annonciateurs d’une histoire qui serait pleinement humaine. Elle est qualifiée de « naturelle » dans la mesure où elle relève, depuis ses origines et jusqu’à son époque, d’une contradiction en fonction de laquelle les êtres humains entrent en rapport avec autrui à partir d’un état d’isolement154. Au

commencement de l’histoire, affirme Hess, les individus isolés se rapportent les uns aux

151 Ibid. 152 Ibid. 153 Ibid., p. 117. 154 Ibid., p. 119.

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autres en fonction de leurs intérêts individuels et en vue de leur propre conservation. Dans ce contexte, ils entrent en contact par l’entremise du « combat égoïste », c’est-à-dire à travers la rapine, le pillage, l’esclavage, etc. Au cours de l’histoire, ce combat égoïste aurait progressivement été érigé en principe et institutionnalisé par l’entremise de règlements et de lois. Le résultat fut une certaine pacification du rapport à autrui, une expansion des pratiques de commerce et une augmentation des forces productives, mais toujours sur la base de la satisfaction des intérêts personnels155. D’après Hess, le rapport des individus isolés à leur

genre est, dans ce contexte, inversé. Plutôt que d’être posé comme finalité en tant que milieu vital dans lequel les individus parviennent tout un chacun à développer pleinement leurs facultés en commun, le genre est inversement conçu comme un moyen permettant à chaque individu posé comme finalité de satisfaire leurs intérêts personnels156. Et, cela est aussi vrai

de la pensée que de la pratique. Ainsi, dans l’ordre de la pensée, Dieu constitue pour Hess une représentation du genre dont le respect de la volonté qui lui est imputée vise avant tout à assurer le salut de l’âme de l’individu. De même, dans l’ordre de la pratique, l’argent constitue le représentant universel des pouvoirs inhérents aux activités humaines et auquel celles-ci se trouvent subordonnées157. Or, avec l’élévation en principe de l’égoïsme généralisé

aussi bien dans la pensée que dans la pratique, l’histoire serait selon Hess parvenue au seuil d’un basculement qui marquerait le commencement d’une histoire proprement humaine. Celle-ci prendrait son essor avec le renversement du rapport inversé des individus à leur genre, soit par la mise en place d’une nouvelle organisation sociale :

[U]ne société humaine, raisonnable, organique, aux productions communes, variées, harmonisées, où seraient organisées des sphères d’actions diversifiées correspondant aux différentes inclinations des hommes, de telle sorte que tout homme éduqué ait la possibilité d’affirmer librement ses aptitudes et ses talents selon sa vocation et ses goûts158.

Tel est, pour Hess, la signification du socialisme : la mise en place d’une organisation sociale inédite, où le genre serait posé en lui-même comme finalité dans la mesure où celui-ci favorise en retour le plein développement en commun des facultés de tout un chacun.