Chapitre I. Être une femme au siècle des Lumières : Polémique ou
1.1. Le Magasin des pauvres, artisans, domestiques et gens de la campagne
1.1.3. Une version édulcorée pour ses destinataires. Traduction ou adaptation ?
Les rares recherches
366effectuées sur cette première traduction hispanique parlent d’une
version à mi-chemin entre la traduction et l’adaptation. Pendant notre analyse, nous avons aussi
été confrontée à ce dilemme. En effet, à plusieurs reprises, nous avons constaté que Linacero a
abrégé les conversations en réduisant le nombre d’intervenants ou en simplifiant leurs
interventions.
Pour mieux illustrer nos propos, nous allons regarder de plus près une des conversations
entre l’aveugle, Madame Pernot et Mademoiselle Bonne, sur la malchance liée à l’aveuglement
de la pauvre Babet, sur ses bienfaiteurs terrestres et sur ses récompenses divines futures. Si
nous procédons à la comparaison des deux versions, nous repérons comment l’intervention de
Doña Prudencia est considérablement réduite et simplifiée par rapport à l’œuvre originale. Ces
changements sont clairement mis en évidence dans le tableau suivant :
365 Matthieu 25:41 : « Écartez-vous de moi, maudits, allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. »
366
Voir : Bolufer Peruga, Mónica, « Enseñanza y vida académica en la España moderna », in Revista de Historia Moderna, Universidad de Alicante, 2002.
111
Le Magasin des pauvres, artisans, domestiqueset gens de la campagne (1768)
Conversaciones familiares de doctrina cristiana entre gentes del campo, artesanos, criados y pobres
(1778) La Bonne : Ce n’est ni Madame Pernot, ni
cette personne à qui vous avez obligation ma chère, c’est Dieu qui leur a donné la pensée de vous assister, et savez-vous bien pourquoi ma pauvre Babet ? C’est que vous avez commencé à chercher le royaume de Dieu et sa justice. Vous n’avez rien pour votre souper, cependant vous avez préféré de venir ici pour apprendre les moyens de servir Dieu, au besoin que vous aviez de chercher un morceau de pain. C’est Dieu qui vous a envoyé cette bonne pensée et comme vous lui avez obéi, il a eu soin d’inspirer aux autres de vous donner à manger. C’est donc Dieu que vous devez remercier de ce qu’on vous donne, il faut aussi le prier pour ceux qui vous donnent et prier le Seigneur d’être lui-même leur récompense, il vous écoute rassurement, car il a promis que ce qu’on donnerait aux pauvres, il le prendrait comme si on le donnait à lui-même.367
Doña Prudencia: Pues, sábete que ni esta ni otra persona son buenas para ti, sino Dios, que las ha dado ese pensamiento para premiarte de que vienes a aprender aquí lo que es necesario saber para amarle y servirle. A Dios es a quien has de dar las gracias de esta limosna, y pedirle que dé a la persona que ahora te favorece la gracia que es lo único que desea.368
Cependant, l’abréviation des dialogues n’est pas la seule modification repérée dans la
version espagnole. Comme nous l’avons déjà souligné, Linacero profita de sa traduction pour
introduire certains passages de son propre cru. Généralement, ces lignes, nées de la plume du
traducteur lui-même, constituent une sorte d’instruction adaptée au contexte et aux destinataires
de sa version.
Passons maintenant à la page 85 du premier tome de la version de Linacero, où nous lisons
quelques lignes dans lesquelles deux actes essentiels pour les institutions religieuses, la
pénitence et la confession, sont les moteurs de la conversation. À la différence de la version de
Marie Leprince de Beaumont, où nous n’avons trouvé aucune référence à ce propos, dans la
traduction espagnole, nous lisons :
Cuando se comenten estos pecados y tenéis que confesaros para cumplir con la iglesia, no os atrevéis a decirlos ni al Cura ni a su Teniente, y si el hurto es considerable, se hacen muchas confesiones y comuniones sacrílegas o se va a confesar con otros Confesores extraños “Apartándose del Médico que os ha dado la
367
Leprince de Beaumont, Marie, Le Magasin des pauvres, artisans, domestiques et gens de la campagne, op. cit., p. 202.
368
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providencia de Dios y que puede mejor que otro conocer las enfermedades espirituales de sus parroquianos y aplicarles los remedios convenientes”.369
La version originale poursuit cette conversation avec un dialogue entre La Bonne, Charlot
et Le Fermier
370, sur les religieux et leurs relations avec le reste des villageois, conversation
que l’homme de lettres espagnol décida de ne pas traduire. Et, contrairement à la traduction, la
version originale continue avec la conversation entre La Bonne et Mère-Jeanne au sujet de
l’acte de confession.
Non content d’avoir ajouté tous ces changements, Linacero inversa complètement sa
version. Alors que Leprince de Beaumont incluait, quelques pages plus loin, une longue
conversation sur l’éternité et la signification de l’enfer et du ciel, le traducteur la supprima et
écrivit une conversation complètement différente, avec de nouveaux intervenants et concernant
un thème tout à fait autre.
Continuemos ahora con la explicación del Credo y pongamos en ella todo nuestro cuidado. Decís que creéis en la Santa Iglesia Católica: pero es menester que sepáis qué es esta Iglesia. Carlitos que va a la Doctrina nos podrá decir qué cosa es la Iglesia.371
Après ces mots, Doña Prudencia commence une analyse en profondeur de l’Église, de ses
activités et de ses institutions. Linacero fit même une comparaison
372, inexistante dans la
version française, entre l’institution ecclésiastique et une maison religieuse.
Todos los bienes de los hijos de la Iglesia son comunes entre ellos […] Todas las religiosas de aquel Convento dan el dinero que tienen, y le ponen en una arca que es el tesora de la Comunidad.373
Nous ne devons pas oublier l’importance de ces institutions religieuses dans la société
espagnole. Ces institutions étaient destinées, presque dans leur totalité, aux jeunes demoiselles.
Elles étaient critiquées par certains cercles intellectuels de l’époque, qui les dénonçaient
ouvertement pour avoir enfermé de force ces jeunes abandonnées.
369
Id., op. cit., p. 85.
370 Leprince de Beaumont, Marie, Le Magasin des pauvres, artisans, domestiques et gens de la campagne, op. cit., t. I, p. 109-110.
371 Id., Conversaciones familiares de doctrina cristiana entre gentes del campo, artesanos, criados y pobres, op. cit., t. I, p. 87.
372
Ibid., p. 99.
373
113
Dans ces pages 100 % hispaniques, nous pouvons souligner la défense et la transparence
de Linacero envers ces institutions tellement critiquées par certaines des voix émergentes des
intellectuels de l’époque.
Rappelons que dès le XVI
esiècle, l’Église espagnole avait appliqué certaines mesures
pour contrôler toute l’éducation élémentaire de la plupart des collèges espagnols. Les religieux
seuls pouvaient être professeurs, et étaient exclus, parmi les anciens enseignants, les convertis
ou les personnes ayant des ancêtres condamnés par l’Inquisition
374.
Ainsi que nous l’avons vu, l’éducation dans les collèges restait seulement destinée aux
garçons, puisque les filles de toutes les classes sociales suivaient des modèles de comportement
bien différents. L’instruction des femmes était limitée, comme nous le savons déjà, au foyer
familial ou aux institutions religieuses, où le contact avec le sexe opposé était totalement
inexistant
375.
Dans les deux cas, une vie enfermée entre les murs de la maison ou du couvent était
imposée. Le huis clos féminin, ainsi que la conservation de la virginité et de l’honneur familial,
constituaient des thèmes phares pour la société hispanique et pour une grande majorité des
productions littéraires de l’époque
376.
Une grande partie des femmes espagnoles, entre le XVII
eet le XVIII
esiècle, furent
formées dans les couvents. Les mauvaises conditions économiques, la difficulté d’arranger de
bons mariages pour les filles et les nombreuses vocations religieuses favorisaient l’insertion
féminine dans ces établissements religieux. Pour les couvents, l’admission d’élèves constituait
un moyen d’obtenir des fonds car très fréquemment, ces filles venaient de familles très
croyantes qui payaient leur éducation.
377.
Cette situation eut comme conséquence que les couvents espagnols devinrent des endroits
destinés surtout au genre féminin. Une bonne partie de ces filles restaient entre leurs murs,
374
Mayordomo Pérez, Alejandro, Historia de la educación en España, Madrid, Ministerio de Educación y Ciencia, 1990, p. 163.
375 Morant Deusa, Isabel, Historia de las Mujeres en España y América latina, Madrid, Cátedra, 2005, p. 27.
376
De grands auteurs espagnols comme Calderón de la Barca, Francisco de Quevedo, Fray Luis de León, Antonio de Guevara, Tirso de Molina et beaucoup d’autres ont fait du huis clos féminin le thème principal de maintes œuvres écrites pendant le Siècle d’or.
377 Morand, Frédérique, María Gertrudis Hore (1742-1801). Vivencia de una poetisa gaditana entre el siglo y la clausura, Madrid, Ayuntamiento de Alcalá de Henares, 2004, p. 165.
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pendant plusieurs années, pour leur éducation. Les couvents espagnols étaient donc, à cette
époque, un monde de femmes clos et donc compliqué, où les tensions entre les jeunes filles
étaient très fréquentes et la surveillance inquisitoriale omniprésente. De ce fait, les critiques
contre ces institutions religieuses ne se firent pas attendre, et plusieurs auteurs de l’époque
dénoncèrent les méthodes utilisées par ces établissements portés aux nues par une bonne
majorité de la société plus traditionaliste des Lumières.
Par la négligence des gouvernements les maisons religieuses non seulement sont inutiles à l’État, mais encore elles ne contribuent nullement au bien-être des personnes qui s’y trouvent renfermées. Le despotisme est la base du gouvernement monacal […] rien n’est plus cruel que la tyrannie monastique, trop souvent exercée par des personnes en qui l’éducation n’a jamais développé ni l’humanité, ni la sensibilité, ni la pitié, ni aucune des vertus sociales. Un Gouvernement équitable ne doit tolérer aucune tyrannie dans l’État.378
En dépit de cela, cette mauvaise image sociale n’empêcha pas Ramón Miguel de Linacero
d’accompagner son travail d’éloges de ces établissements religieux et de quelques intimidations
propres aux offices liturgiques. « Yo le digo a usted de parte de Dios que se va sin remedio
alguno a los infiernos si prosigue en ser ignorante por su culpa. »
379Alors que, dans la version originale, nous continuons à lire quelques pages dédiées à la
conversation sur l’éternité, la version espagnole consacre les pages suivantes au thème du
jubilé. N’oublions pas que même si Madame Leprince de Beaumont aborde ce sujet, presque
dans les premières pages de son premier tome
380, Linacero, lui, décide d’introduire ce thème à
la suite des conversations à propos des institutions religieuses et des obligations d’un bon
chrétien. De la page 97 à la page 103, Doña Prudencia (Mademoiselle Bonne) entreprend une
conversation avec Dorotea (Madame Pernot) et Nicolas (Nicolás) à ce sujet.
378
Thiry, Paul-Henri (dit le baron d’Holbach baron), Ethocratie, ou Le gouvernement fondé sur la morale, Amsterdam, M.-M. Rey, 1776, p. 106.
379
Leprince de Beaumont, Marie, Conversaciones familiares de doctrina cristiana entre gentes del campo, artesanos,
criados y pobres, op. cit., p. 90.
380
115
Le Magasin des pauvres, artisans, domestiqueset gens de la campagne (1768)
Conversaciones familiares de doctrina cristiana entre gentes del campo, artesanos, criados y pobres
(1778) La Bonne : Voyez, mes bonnes gens, combien
il faut prendre garde à ses paroles. Ceux qui ont dit devant Mère-Jeanne qu’il n’y avait pas de mal à voler les gens d’Église, sont coupables des péchés qu’elle a faits à cette occasion et sans doute d’une grande quantité d’autres. Vous aurez aussi sur votre conscience les péchés que feront vos enfants et vos domestiques, d’après les mauvais discours que vous tenez.
Charlot : Vous nous avez dit, Mademoiselle, que vous nous parleriez de la vie éternelle…381
Doña Prudencia: Las buenas obras de los Santos, las ofrece a Dios para alcanzar la conversión de los pecados. Este tesoro es muy rico, porque Jesucristo empezó a poner en él su sangre, y el mérito infinito de sus trabajos, en cuya compración todas las buenas obras de los Santos juntas no son más que una gota de agua comprada con el mar […] la Iglesia da de este tesoro a cada uno de los fieles […] y eso es lo que llamamos Jubileo o Indulgencia.
Dorotea: Háganos usted el favor de explicarnos qué es Jubileo…382
Bien évidemment, les pages concernant le thème du jubilé apportent une parfaite
instruction pour les lecteurs espagnols. « Háganos usted de explicarnos qué es el Jubileo. »
383Avec cette demande de Dorotea (Madame Pernot), Doña Prudencia commençait son
explication en détails. Déjà dans l’Ancien Testament, l’année du jubilé était présentée aux
chrétiens comme une année de célébration où l’indulgence plénière était accordée.
Convertirse a Dios de verás, amigo mío. Convertirse es confesarse de todos los pecados; es tener un verdadero pesar de haberlos cometido. Cuando se llega a tener una disposición como esta, ya se puede creer que un hombre está convertido; pero los que no la tienen, por más que ayunen y den limosnas, en vez de ganar el Jubileo, vienen a ser más pecadores.384
Cet exemple nous aide à illustrer à la perfection nos hypothèses sur la fidélité de la
traduction que nous analysons. Linacero adapta sa version au fur et à mesure des thèmes
traduits et des différents interlocuteurs. Ce regroupement thématique constitue une technique
récurrente tout au long de la version espagnole. En de nombreux endroits du texte, la traduction
ne suit pas la même ligne thématique que l’œuvre originale.
Un autre exemple étonnant de ces suppressions inexplicables est la dizaine de pages que
Madame Leprince de Beaumont dédie, dans la Troisième Journée, à la conversation particulière
381
Ibid., p. 108-109.
382
Leprince de Beaumont, Marie, Conversaciones familiares de doctrina cristiana entre gentes del campo, artesanos,
criados y pobres, op. cit., p. 101.
383
Ibid., p. 101.
384
116
entre Mère-Jeanne et La Bonne
385. Cette conversation est réduite à seulement deux pages dans
la version espagnole : « Día Tercero Doña Prudencia y Juana solas ». Deux pages où nous
reconnaissons faiblement le thème initialement traité par Leprince de Beaumont. Tandis que
dans la version originale, Mère-Jeanne commence la conversation en demandant quelques
conseils
386à La Bonne : « Vous êtes si bonne, mademoiselle, que j’ai pris la liberté de venir
devant les autres, pour vous demander quelques conseils », dans la traduction espagnole,
Linacero entend être plus spécifique sur les conseils, et il décide d’initier sa conversation entre
les deux femmes avec les mots suivants : « Suplico a usted, señora que en el examen de
conciencia diga usted alguna cosa sobre las malas compañías. »
387Dans la version originale, Mère-Jeanne explique qu’elle a deux filles (nous pouvons même
lire le prénom de sa fille aînée), et elle formule également son souhait de les voir revenir à
Bourg pour le week-end.
Je prétendais qu’elles viennent passer les Dimanches à Bourg […]. Elles ont eu cinquante mauvaises raisons pour n’y pas venir […] comme j’ai dit que je le voulais absolument, elles sont venues, mais tout en rechignant, j’ai pensé qu’elles ont peut-être des allures que je dérange et cela m’a empêchée de dormir.388
Loin de cette version, les lecteurs espagnols lurent une traduction altérée et adaptée au
contexte social de l’époque. Tout d’abord, Linacero ne traduisit aucune référence liée à la fille
de Mère-Jeanne ou à l’agglomération rurale. Parallèlement, nous pouvons relever que Marie
Leprince de Beaumont écrit : « Il m’est revenu que mes filles, que j’ai mises à la ville pour
apprendre une profession, ont trop de liberté : cela me tracasse la tête. »
389, alors que Linacero
écrit : « Si mis hijas, las que están en la Ciudad aprenderán algún vicio. » Tandis que pour
l’auteure française, l’arrivée d’une jeune fille dans une ville lui offre la possibilité d’apprendre
une profession et constitue une sorte d’évolution face à la vie champêtre, pour Linacero, la ville
est un lieu de dépravation où les demoiselles délaissées affrontent les dangers quotidiens.
385
Leprince de Beaumont, Marie, Le Magasin des pauvres, artisans, domestiques et gens de la campagne, op. cit., p. 137-147.
386
Ibid., p. 137.
387
Leprince de Beaumont, Marie, Conversaciones familiares de doctrina cristiana entre gentes del campo, artesanos,
criados y pobres, op. cit., t. I, p. 115.
388
Id., Le Magasin des pauvres, artisans, domestiques et gens de la campagne, op. cit., p. 137-147.
389
117
Linacero décida aussi d’apporter sa touche personnelle : « Qué las servirá todo esto, si no
aprenden lo que es necesario para salvarse. »
390Encore une fois, nous pouvons noter
l’omniprésence religieuse dans le quotidien espagnol du XVIII
esiècle. Conscient de l’intérêt
didactique de sa traduction, Linacero n’hésita pas à accentuer à plusieurs reprises l’importance
des bonnes actions et des bons choix, pour l’entrée au paradis.
Tout en relevant ces dissemblances, nous nous sommes interrogée sur les différentes
raisons qui poussèrent Linacero à ne pas traduire la conversation complète entre les deux
femmes.
Après la lecture de la conversation de la version originale, nous avons souligné comment
Marie Leprince de Beaumont introduisit certains thèmes que Linacero pouvait, quant à lui,
considérer comme inappropriés pour ses lecteurs espagnols.
Dans la version originale, La Bonne commence son intervention en s’interrogeant sur la
moralité et l’honnêteté des responsables qui doivent veiller sur les filles de Mère-Jeanne
lorsqu’elles sont en ville : « Les avez-vous mises chez d’honnêtes gens, chez de bons chrétiens,
ne veille-on pas sur leur conduite ? »
391Cette question, apparemment transparente, amène une conversation sur les mariages
arrangés et sur les besoins d’obliger les jeunes demoiselles à partir dans les villes pour
apprendre une profession. « Pourquoi vous n’avez pas élevé vos filles pour être de bonnes
fermières? »
392Avec ces reproches, La Bonne formule une critique sévère de toutes ces
familles qui obligent leurs filles à apprendre une profession plus digne que les métiers ruraux
pour « trouver un bon bourgeois qui les tire du cul des vaches »
393. Plus loin, Mademoiselle
Bonne poursuit avec ces jugements, en condamnant les mariages arrangés. Mère-Jeanne parle
d’un bourgeois qui veut se marier avec sa fille aînée : « Il est vrai qu’il est un peu vieux, mais il
en sera plutôt mort et la sotte aurait son pain cuit pour le reste de sa vie. »
394Après ces mots, la
femme savante dénonce, sur plusieurs pages, tous ces faux mariages et l’hypocrisie de toutes
ces familles qui acceptent de telles unions.
390
Id., Conversaciones familiares de doctrina cristiana entre gentes del campo, artesanos, criados y pobres, op. cit., p. 115-116.
391
Ibid., p. 138.
392
Leprince de Beaumont, Marie, Le Magasin des pauvres, artisans, domestiques et gens de la campagne, op. cit., p. 139.
393
Ibid., p. 139.
394
118
En vérité, Mère-Jeanne, je ne puis m’empêcher de prendre la partie de votre fille contre vous. Savez-vous bien que c’est un grand péché de forcer une fille à épouser un homme pour lequel elle a de l’aversion : on l’expose à être misérable dans ce monde et en l’autre. Vous dites qu’il mourra bientôt, et vous avez même l’imprudence de le dire à votre fille. Voulez-vous donc qu’elle se marie, pour souhaiter la mort à son mari ? […] Les parents ont le droit d’émêcher leurs enfants de se mal marier ; mais jamais, sous quelque prétexte que ce soit, ils ne doivent forcer leur inclination.395