• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Penser l’information

2. Ce que l’on connait du concept information

2.2. Vers une approche communicationnelle et cognitive de l’information

de s’intéresser à la façon dont elle est organisée, la dimension épistémologique de l’information enjoint à s’attacher ou à se rapprocher de ses constituants, que sont le contexte de la communication (2.2.1) et de la cognition par la mise en exergue de l’évolution de la prise en compte du sens dans sa définition (2.2.2) dans le but d’affiner une représentation du concept information à travers ses dimensions (2.2.3).

2.2.1. Approche communicationnelle

En Sciences de l'information et de la communication, la notion de contexte est mobilisée de façon récurrente dans les études relatives aux usages et pratiques informationnelles (Paganelli, 2016, p. 169). Désignant un cadre pour les activités ou les phénomènes analysés, le contexte, ou la « contextualisation » (Mucchielli, 2006, Miège, 2000) permet de développer la notion de situation pour étudier les « faits de

contexte de communication - contexte de norme, d’enjeux, de positionnement, de relation, mêlant des éléments spatiaux, temporels ou sensoriel-physiques (Paganelli, 2016) – soient les « pratiques info-communicationnelles seraient alors nécessairement

inscrites dans une situation, dans un contexte donné » (Ibid.).

Au cœur de cette situation, J. Meyriat conforte la valeur communicationnelle de l’information en la définissant comme une connaissance à partir du moment où elle est activée par celui qui la reçoit dans un processus cognitif d’interaction. Elle est alors intégrée et assimilée à son propre stock de connaissances. Elle « n’existe pas en tant que

telle si elle n’est pas effectivement reçue. Pour l’esprit qui la reçoit, elle est connaissance et vient modifier son savoir implicite et explicite »26(Meyriat, 1985). Dans le Dictionnaire encyclopédique de l’information et de la documentation, S. Cacaly définit l’information comme « la consignation de connaissances dans le but de leur

transmission » (Cacaly, 1997, p. 297). Dans la pratique professionnelle, la définition de

l’information rejoint celle du XV e siècle en tant qu’ « ensemble des connaissances réunies sur un sujet donné »,dans lequel le contenu semble être privilégié, et « véhiculé

par un support qu’il semble possible d’ignorer » (Couzinet, Senié-Demeurisse, 2011).

L’inscription de l’information sur un support permet de la conserver et de la coder. L’information est alors prise comme un contenu chargé de sens, en vue de sa diffusion, autrement dit, une « connaissance communiquée par un message transmis par un

individu à un autre individu » nécessitant un « code commun de compréhension du contenu communiqué » (Pomart, 2004, p. 122). « Ce code concerne à la fois la forme du message et sa signification, mais les deux peuvent être traitées séparément, la forme étant constituée par le support physique du message » (Ibid.). Cependant, cette

dimension communicationnelle définie par D. Pomart « se limite à la fonction

d’échange (…) [car elle] ne prend pas en compte le support »27 (Couzinet, Senié- Demeurisse, 2011).

Dans le même sens, pour B. Lamizet et A. Silem, l’information est « l’inscription d’une

référence socialement déterminée dans un système formel susceptible de faire l’objet d’une diffusion et d’un échange dans la communication » (Lamizet, Silem, 1997, p.

297). Cette détermination sociale ouvre de fait la voie à son approche cognitive.

26 Nous reviendrons sur la distinction entre savoir implicite et explicite à partir des travaux de I. Nonaka

et G. Von Krogh, 2009 explorés par Gardiès, 2012.

2.2.2. Approche cognitive et évolution de la prise en compte du sens dans la définition du concept information

L’information est à la fois « inscription, transmission et communication (…) décrite

comme une donnée pourvue d’un sens » et valorisée par sa « charge signifiante, centrale pour les Sciences de l'information et de la communication » (Senié-

Demeurisse, Couzinet, 2011). Elle est clairement positionnée dans un processus de communication, tel « un flux dans lequel connaissance et savoir sont considérés comme

un stock » (Senié-Demeurisse, Couzinet, reprenant Lamizet et Silem, 2011). Cela rejoint

la notion d’ « élaboration » dont parle P. Lévy28, à propos de nos facultés à mémoriser une information nouvelle par la construction d’une représentation de l’information grâce à une activité d’encodage. « Une des meilleures façons de mémoriser une

information est d’y ajouter, d’y associer des items, des images déjà acquis ou formés précédemment. C’est cette stratégie qui est appelée « élaboration » (Lévy, 1993).

Activation et élaboration sont alors deux activités cognitives indispensables dans la construction d’un apprentissage. L’information, dans le processus de communication, met en mouvement le mécanisme de construction et de mémorisation des connaissances -connaissances « déclaratives » (Weil-Barais, 1993) - concernant la mémoire à court ou à long terme (Lévy, 1993). Et dans ce mécanisme de construction des connaissances,

« la part volontaire de l’apprentissage consiste à créer des connexions entre des entités mentales préexistantes » (Papert, 1994).

Contenu en même temps que relation intellectuelle, dans un contexte de « relativité de

l’information à une situation » (Quéré, 2000), l’évolution sémantique du terme

information, comme le notent S. Griveaud et M. C. Guillaume, « s’est opérée dans le

sens d’information équivalant à s’informer (soi) puis informer (vers une personne, un public) et enfin vers l’information « contenu » (Griveaud, Guillaume, 1983).

L’évolution de la définition de l’information est observable de façon concomitante à l’évolution de la prise en compte du sens (dans sa fonction sensorielle, sensation, faculté de connaître) au sein de cette même définition. Forme, examen, renseignement, ensemble de connaissances, ce que l’on porte à la connaissance, élément et résultat de

l’action d’apprendre à autrui, consignation de connaissance, connaissance communiquée par un message transmis, ensemble de connaissances réunies sur un sujet donné, connaissance issue d’une réception active par un « esprit » avec une action modificatrice du savoir implicite et explicite de ce même esprit, inscription d’une référence sociale dans un système de communication, donnée pourvue d’un sens, flux regroupant connaissance et savoir, contenu chargé de sens….sont autant de définitions attachées au concept information à travers le temps.

L’ancrage étymologique, historique et scientifique du concept information montre l’évolution de sa définition depuis la simple « forme » jusqu’à l’affirmation de sa « charge signifiante ». Si l’on met de côté le sens juridique29 (car si le concept est signifiant pour de nombreuses disciplines – informatique, linguistique, psychologie, …- nous nous centrons sur le domaine des Sciences de l’information et de la communication)30, cet ancrage permet de distinguer « au moins (…) trois sens possibles,

l’un qui se centre sur les aspects techniques développés dans la sphère professionnelle de la documentation, l’autre lié aux connaissances et le troisième lié à la presse »

(Couzinet, Sénié-Demeurisse, 2011). Les travaux de V. Couzinet et J. Senié-Demeurisse précisent ces divers sens possibles : « l’approche par les théories, élaborées notamment

à partir ou en contre point de la théorie mathématique, permet de revenir à la typologie établie au sein des Sciences de l'information et de la communication » (Senié-

Demeurisse, Couzinet, 2011). Nous poursuivons alors, à partir de ce contexte communicationnel et cognitif identifié, en proposant de schématiser les dimensions du concept information issues de cette double approche.

2.2.3. Synthèse des éléments issus de l’approche communicationnelle et cognitive à travers une représentation des dimensions du concept information

Face à la diversité des définitions de l’information proposées dans des champs divers, avec des acceptions différentes y compris au sein des Sciences de l'information et de la communication, nous retenons que l’information n’est pas une donnée préconstruite ni une ressource transmise par un canal, mais une connaissance construite et circulante

29 J. Meyriat prend ce sens juridique en compte dans ses travaux (1983).

30 B. Simonnot dans son ouvrage L’accès à l’information en ligne (2012) renvoie, pour une histoire du

dans des processus de communication. Nous retenons également ses liens profonds avec l’organisation, telle que définie par E. Morin.

Cette première approche du concept met donc en évidence deux manières de l’appréhender sous la forme de deux dimensions, cognitive et communicationnelle, que nous représentons sur le schéma suivant :

Figure 1 : représentation en cours de construction des dimensions de l’information

Ce schéma propose une liste d’hexagones alternés et permet de symboliser une série d’idées interconnectées. Ici, chaque hexagone symbolise une dimension issue de l’analyse épistémologique du concept information. Chacune de ces dimensions est saisie dans son articulation ou interconnexion avec les autres, et participe à une représentation en cours de construction du concept.

Nous venons de poser, en essayant de les circonscrire, les conditions de production des connaissances à partir du concept information, poursuivant l’idée selon laquelle « le

travail conceptuel doit trouver un débouché non seulement théorique, mais aussi méthodologique » (Leleu-Merviel et Useille, 2008). Nous reprenons ces éléments de

précisément déterminés en contrepoint de cette théorie pour envisager à présent « les

conditions dans lesquelles ils pensent « servir » et relever les liens qui les unissent »

(Gardiès, 2012)31.