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Chapitre 2 : Enseigner l’information

2. Des descripteurs et des modèles

2.1. Théorie de l’action conjointe en didactique

L'action didactique - celui qui enseigne, celui qui apprend - est définie comme une action nécessairement conjointe « produite en général dans la durée au sein d’une

relation ternaire entre le savoir, le professeur, et les élèves, partenaires d’une co-action coordonnée par des transactions, au sein d’une institution – collectif de pensée produisant un style de pensée » (Sensevy, 2007). La théorie de l’action conjointe en

(Morin, 1990), c'est-à-dire comme un trait d’union entre deux discours (logos) que représentent enseigner et apprendre.

La didactique permet d’identifier un modèle, au sens de « système représentant les

structures essentielles d’une réalité » (Rey, 2010), de modéliser l’activité

d’enseignement-apprentissage sous forme de jeu, le jeu didactique. Cette modélisation est fondée sur une conceptualisation, une organisation en concepts, en idées générales, de la pensée, avec une logique interne propre, sa logique intrinsèque, sa grammaire (Rayou, Sensevy, 2014, p. 24).

Cette conceptualisation s’attache à l’action conjointe didactique (2.1.1), s’appuyant sur les concepts fondamentaux de contrat et de milieu (2.1.2) ; elle met en œuvre des outils théoriques susceptibles de déterminer l’action et s’articule au moyen d’un triplet de genèses (2.1.3). Elle prend alors la transaction comme unité d’analyse du savoir mis à l’étude (2.1.4) dans un jeu didactique, lui-même organisé par des techniques et des règles (2.1.5).

2.1.1. L’action conjointe didactique

Un des concepts principaux issu de la théorie des situations didactiques en mathématiques (TSDM) est « le contrat didactique », un « aspect complètement

implicite mais essentiel des relations entre l’enseignant et l’étudiant » (Brousseau,

1988, 1998). Il renvoie aux attentes réciproques, à un système de normes « dont

certaines sont génériques et durables, alors que d’autres sont spécifiques à des éléments de connaissance et doivent être redéfinies avec l’introduction de nouveaux éléments ». G. Brousseau l’introduit en didactique des mathématiques à la suite

notamment du « cas Gaël »73. « Gaël est un enfant qui refuse la dévolution74 des tâches d'apprentissage et se complait dans des réponses qui sont celles d'une enfant beaucoup plus jeune. Le dispositif l'amène à prendre plaisir à répondre à un défi - une sorte de contrat ludique où il montre enfin ses vraies capacités ».75

73 Les échecs électifs en mathématiques à l'école élémentaire présentent la séquence d'enseignement qui

est à l'origine la formulation initiale de ce concept en 1978. Consulté sur https://hal.archives- ouvertes.fr/hal-00582620

74 « Acte par lequel l'enseignant fait accepter à l'élève la responsabilité d'une situation d'apprentissage

[...] et accepte lui-même les conséquences de ce transfert » (Brousseau, 1988).

L’action didactique est une action conjointe caractérisée par une relation fondée sur une actualisation nécessaire entre l’enseignant, le savoir et l’apprenant : « la description et

la compréhension de l’action didactique supposent de considérer celle-ci comme une action conjointe, fondée sur une communication dans la durée entre le professeur et les élèves, donc sur une relation qui actualise l’action, et qui est actualisée en retour par celle-ci » (Sensevy, 2007, p. 14). C’est dire que les savoirs légitiment cette relation

didactique car ils la conditionnent. « On pourrait ainsi dire que la légitimation de la

relation didactique, c’est le processus par lequel le savoir donne sens et corps à cette relation » (Hervé, 2012, p. 98). En d’autres termes, « étudier les interactions didactiques- qui se développent dans le cadre de relations didactiques- en tant que pratiques de savoir, c’est aussi tenter de comprendre comment les savoirs donnent leur forme à des interactions, comment ces interactions tirent leur substance de la transmission des savoirs, et donc comment chaque transactant (…) trouve (peut trouver, doit trouver) le moteur de son action dans le savoir qu’il inculque ou dans le savoir qu’il apprend » (Sensevy & Mercier, 2007, p. 188). Il s’agit donc d’une description de

l’action didactique en s’appuyant sur deux concepts fondamentaux, le contrat et le milieu. Après avoir évoqué le contexte d’émergence de ces concepts, nous les caractérisons plus précisément en lien avec leur capacité à décrire l’action didactique.

2.1.2. Concepts fondamentaux pour décrire l’action didactique : contrat et milieu

Deux concepts essentiels permettent d’éclairer ce qu’il se passe dans la classe, c'est-à- dire en situation, au niveau de cette action d’enseignement-apprentissage : ceux de milieu et de contrat didactique. Initialement élaborées dans le champ de la didactique des mathématiques avec notamment les travaux de G. Brousseau et d’Y. Chevallard, ces deux concepts ont été en partie redéfinis dans le cadre de recherches initiées par les approches comparatistes en didactique (Sensevy & Mercier, 2007). Autrement dit, la TACD mobilise des concepts et des « formes de vie » selon L. Wittgenstein qui sont à la fois les règles et les langages particuliers permettant de saisir le sens, la signification des « Le cas de Gaël » est le texte inédit qui clôt une série d’études : l’observation de Gaël a eu lieu en 1978 dans le cadre d’une étude sur les difficultés des élèves en mathématiques à l’école élémentaire, qui s’est déroulée entre 1976 et 1980 et qui a fait l’objet de l’article : Guy Brousseau, Les échecs électifs en mathématiques, Revue de Laryngologie otologie rhinologie n° 101 vol 3-4, 107-131, 1980. Bordeaux

signes, la grammaire pour comprendre ce qui se dit et ce qui s’échange dans l’activité d’étude et d’enseignement : elle « donne ainsi un cadre et fonde une méthodologie pour

décrire l’action enseignante dans une perspective didactique » (Hervé, 2012, p. 97).

La notion de contrat didactique conceptualisée par G. Brousseau, est définie comme

« l’ensemble des obligations réciproques et des « sanctions » que chaque partenaire de la situation didactique impose ou croit imposer, explicitement ou implicitement aux autres ; et celles qu’on lui impose ou qu’il croit qu’on lui impose, à propos de la connaissance en cause » (Brousseau, 1998/2010, p. 5). Ce contrat est l’ensemble des

règles et normes générales et particulières aux savoirs qu’élève et enseignant doivent utiliser en classe, l’action didactique étant définie comme l’action conjointe du professeur et de l’élève, tous deux partenaires d’une co-action coordonnée par des transactions au sein d’une institution. Il matérialise le « style de pensée », le « style

épistémologique » dont parle Y. Chevallard lié à l’institution, en tant qu’univers culturel

déterminé, ou plus généralement, considéré comme un collectif de pensée produisant ce style de pensée. Le contrat didactique, tel que défini notamment par G. Sensevy est un descripteur de pratiques d’enseignement issu de la théorie de l’action conjointe. Les règles qui l’animent sont pérennes, du moins durables, ou valables à un moment dans une situation déterminée, ou plus locales, redéfinies après l’introduction de nouveaux éléments liés aux dimensions institutionnelles (historico-culturelles) et situationnelles. Ce contrat est un « contrat implicite « matérialisant » les attentes réciproques du

professeur envers l’élève, principalement à l’égard de l’usage des savoirs dans la classe » (Sensevy, 2007).

En tant que tel, il nourrit et se nourrit des implicites et des arrières plans (« obstacles au

savoir scolaire ou pré-requis non maîtrisés, qui rendent très difficiles les transactions nécessaires aux apprentissages ») (Rayou, Sensevy, 2014), c’est un phénomène, un

déterminisme du fonctionnement didactique lié aux « implicites » inhérents à toute communication humaine76. De fait, on ne l’observe que dans ses ruptures et dans ses irrégularités (en lien sans doute avec les écarts ou déséquilibres précédemment évoqués, tels des notations imprimées qui s’exprimeraient). Son enjeu est de modéliser des situations d’enseignement en vue de créer des ingénieries pour l’améliorer mais aussi de

76 G. Sensevy et S. Quilio citent J.Moeschler :

« Contexte : il est huit heures du soir, heure à laquelle les enfants de la famille M. se couchent ». Le père à son fils Axel : Va te laver les dents.

construire des outils pour comprendre comment l’améliorer77. Le contrat didactique implicite modélise les rapports aux savoirs dans l’enseignement.

C’est pourquoi « les activités conçues doivent permettre aux élèves de construire des

propositions argumentées, qu’elles soient justes ou fausses du point de vue des sciences » (Dumas-Carré & Weil-Barais, 1998). Le professeur attend des propositions et

des justifications et les élèves « s’attendent à être compris » : ainsi, ils pourront « être

en mesure d’assumer la responsabilité pour la construction de nouveaux éléments de connaissance », et ceux-ci seront institutionnalisés par l’enseignant. « L’élève interprète la situation qui lui est présentée, les questions qui lui sont posées en fonction de ce que le maitre a répondu, consciemment ou non, de façon répétitive dans sa pratique de l’enseignement » (Brousseau, 1988). Ce contrat est pérenne (durable) au sens où le

professeur réagit aux interprétations de l’élève/des élèves (Sensevy, 2007) par le biais de négociations. Ces « négociations » sont implicites (parfois) et créent des ruptures dans le contrat didactique. Celles-ci doivent être entendues non pas comme des dysfonctionnements mais plutôt comme des aléas inhérents au fonctionnement des systèmes didactiques (Brousseau, 1998, Amade-Escot, 2014). Comme l’archéologie, ou histoire de ce qui rend absolument nécessaire une certaine forme de savoir (Foucault, 1966, p. 64-65), prend pour objet les énoncés ou les discours, l’ensemble des choses dites, les « archives » (Ibid.), « l’archéologue s’en tient aux énoncés comme tels, à des

ensembles d’énoncés pour autant qu’ils sont apparentés, que, par leur forme même, ils s’organisent en un niveau ou en une strate réglée, chaque strate constituant une épistémè séparée des ensembles suivants et des ensembles précédents par des seuils ou des discontinuités dits épistémologiques » (Bert et Lamy, 2014, p. 91). Ces seuils et

discontinuités dessinent en creux ce qui rend possible la transaction didactique.

Il faut par ailleurs préciser que ce contrat nourrit des paradoxes (invisible et silencieux, et non explicitables) et qu’il n’est pas un contrat juridique mais bien un contrat de communication (Sarrazy, 1995 ; Schubauer-Leoni, Dolz, 2004) : un contrat social qui surdétermine les situations didactiques.

En effet, il entretient fondamentalement des rapports avec la linguistique et la microsociologie (Goffmann, 1973) en ce qu’il incorpore des notions comme la notion d’implicites, d’arrière-plans communs ou de malentendus. « Le contrat didactique est

une spécification du phénomène anthropologique : le contrat de communication »

(Schubauer-Léoni, 2004). La relation didactique est une relation de communication de savoirs, dont le système de transmission et d’appropriation des savoirs comporte à la fois une dissymétrie de la relation, des responsabilités partagées et des usages pluriels de l’institution didactique. En ce sens, M.-L. Schubauer-Léoni (1996) introduit le concept de contrat didactique différentiel78, avancée théorique majeure sur le contrat didactique de G. Brousseau. (Vinson, Amade-Escot, 201479).

L’action didactique autour de cet objet d’enseignement devient une co-action coordonnée par des transactions (Vernant, 2005), au sein d’une institution (collectif de pensée produisant un style de pensée). Il s’agit d’une action conjointe professeur (P) et élève (E). Elle peut être vue comme une succession de jeux didactiques.

Faisant appel à la partie générique de la grammaire - les « règles de vie » de L. Wittgenstein - (P) a la solution du jeu mais ne peut la donner s’il veut que (E) gagne au jeu, il doit l’aider à trouver la stratégie gagnante sans la lui fournir. C’est un jeu coopératif caractérisé par le milieu et formalisé par un contrat, le contrat didactique. Est de fait « en jeu ce que Wittgenstein appelle « image du monde »80 qui n’est en rien une représentation conceptuelle de ce monde, mais l’arrière-plan actionnel qui, commun aux co-agents, autorise et oriente leur coopération effective. On atteint là le soubassement proprement culturel et anthropologique du sens des actions humaines »

(Vernant, 2005).

Le milieu didactique est constitué de tout ce qui agit sur l’élève et le professeur, et ce sur quoi agissent le professeur et l’élève (éléments matériels, conceptuels, éléments construits dans les interactions). Il est en lien avec la question à résoudre. G. Sensevy parle de milieux (au pluriel) en définissant tout à tour le milieu comme contexte cognitif de l’action et le milieu comme système antagoniste.

Le premier renvoie au background commun (professeur et élèves) nécessaire à la

78 C’est-à-dire un contrat qui crée une différenciation didactique à partir d’éléments comme le genre par

exemple. Ici, l’expression est employée par M.-L. Schubauer-Léoni (1996) à propos des élèves forts et faibles en mathématiques, alors que G. Sensevy et al. utilisent l’expression de différenciation pédagogique passive (Sensevy et al. 2007).

79 Sous la dynamique non verbale des interactions didactiques, "l'impensable du genre" : analyse en classe

d'éducation physique, Raisons éducatives, n° 1, 2014 , p. 219-245

80 « Mais cette image du monde, je ne l’ai pas parce que je me suis convaincu de sa rectitude ; ni non plus

parce que je suis convaincu de sa rectitude. Non, elle est l’arrière-plan dont j’ai hérité sur le fond duquel je distingue entre vrai et faux », [Wittgenstein, 1965]. Cité par Vernant, 2005.

production de transactions. Il s’agit de significations communes - ou « systèmes de significations naturalisées » (Sensevy, 2007, p. 23) - indispensables à la production de stratégies gagnantes pour le jeu. Ce contexte cognitif actuel, dont les normes pérennes du contrat font partie, constitue l’« arrière-fond » sur lequel les transactions didactiques vont pouvoir s’arrimer. Par exemple, lorsque le maître annonce une dictée (Sensevy, 2007, p. 24), « il instancie un contexte cognitif commun » par la confrontation de l’élève à un problème (au sens général où « écrire un mot dont l’orthographe ne nous est pas

automatique est un problème » (Ibid.), son entrée dans un jeu déterminé avec des objets

matériels – cahier, stylo, …- et conceptuels – les règles d’écriture et d’accords, …- des règles, des enjeux et des techniques pour élaborer des stratégies gagnantes. Ce contexte cognitif de l’action est nécessaire mais souvent insuffisant81. Le second fait référence, à la suite des travaux de G. Brousseau, au milieu considéré comme étant « entre » (medius) le professeur et l’élève. Pour apprendre, l’élève doit en effet non seulement comprendre les règles du jeu et les assumer, s’engager, mais il doit aussi produire des stratégies pour réussir « de son propre mouvement ».

Cependant, et suivant en cela les travaux de G. Sensevy, B. Gruson différencie « la

notion de milieu selon qu’elle fait référence à l’ensemble des ressources et des contraintes qui orientent l’action des élèves ou à l’environnement cognitif commun – ou plutôt supposé commun82 – aux élèves et au professeur » (Gruson, 2009). La notion de

milieu antagoniste ne semblerait pas, selon elle, pouvoir rendre compte, seule, des milieux auxquels les élèves sont confrontés en classe. Il est envisagé comme « contexte

cognitif de l’action » (Sensevy, 2007) « dans lequel se trouvent, dans des proportions variables, des objets descriptibles en positif – certains savoirs anciens – et des objets descriptibles en négatif – les nouveaux savoirs qui permettront de résoudre le problème posé dans la situation » (Gruson, 2009).

Il est alors question d’une co-construction progressive d’une référence (contexte) raisonnablement commune dans la classe pour arriver à s’entendre dans l’action (transactions), en vue de la construction d’un nouveau savoir. Ce « savoir nouveau » est

81 G. Sensevy prend l’exemple de la situation dans laquelle les élèves doivent agrandir un puzzle : la

connaissance mathématique de la proportionnalité est nécessaire (pour produire une stratégie adéquate pour gagner) mais souvent absente de leur contexte cognitif actuel. Le professeur doit alors les accompagner dans cette situation constituant un milieu antagoniste

déterminé et légitimé par l’institution, et rendu intelligible, pour reprendre C. Margolinas, par la considération « des connaissances en situation » (Margolinas, 2014). Cette action didactique est par ailleurs caractérisée par une « stratification ternaire » (Sensevy, 2007) : le travail du professeur, le travail des élèves, et l’activité de travail elle-même, dont les travaux issus de l’ergonomie ont notamment amené à la qualifier d’activité « adressée »83 (Clot, 1999 ; Goigoux et al., 2004 ; Amigues et al., 2004). C’est dire que certains de ses buts ne se retrouvent pas, au-delà des déterminants internes à la classe, dans « l’immédiateté de l’action, mais dans une structure intentionnelle qui la

dépasse : pour le professeur, la nécessité d’honorer les programmes, une manière de faire décidée et produite collectivement dans l’établissement, un rapport particulier à tel ou tel parent d’élève ou organisation de parents d’élèves, etc. » (Sensevy, 2007).

Cette activité adressée s’ajoute à l’épistémologie pratique de l’enseignant définie précédemment au sein du système de description théorique. De fait, il faut prendre en compte l’existence de déterminants multiples au service de la description du travail du professeur et des élèves « sans en éliminer aucun a priori », et en considérant « qu’en

situation, certains déterminants sont à certains moments les plus agissants, alors que d’autres prennent le dessus à d’autres moments » (Ibid.). En complément des

descripteurs de l’action didactique, un triplet de genèses offre un accès aux dimensions de l’activité conjointe professeur-élève : il est constitué de la mésogenèse, de la topogenèse et de la chronogenèse.

2.1.3. Le triplet de genèses

G. Brousseau met ainsi en évidence le doublet milieu-contrat en tant que moyen pour le professeur de mettre en scène le savoir, selon les deux grands registres de contrat que constituent la dévolution et l’institutionnalisation (identifiés en 1.2.3). Comme nous venons de le voir, le contrat est appréhendé selon un système stratégique avec un ensemble de règles, de normes générales et particulières à des savoirs que l’élève/le professeur doit utiliser en classe. Il s’agit d’un contrat implicite « matérialisant » les attentes réciproques du professeur envers l’élève, principalement à l’égard de l’usage des savoirs dans la classe.

S’opère ainsi une dialectique milieu-contrat au sein de cette action didactique, muée et

régie par des dynamiques. Ces dynamiques peuvent concerner :

• l’évolution des savoirs : au niveau intermédiaire dans une séance, par une observation de la succession des thèmes (et sous-thèmes éventuellement) ; au niveau micro des interactions (éléments de savoirs – facettes) ; du rythme plus ou moins rapide de l’introduction des savoirs ou de leur institutionnalisation (arrêt, accélération ralentissement), des parties plus ou moins denses épistémiquement avec plus ou moins de reprise des éléments déjà introduits : la chronogenèse.

• l’évolution de la répartition des responsabilités dans l’avancée des savoirs : professeur, élève, mixte : la topogenèse.

• l’évolution du milieu, par un questionnement sur ses éléments, sur leur évolution dans le temps, sur une observation des gestes de l’enseignant ou des élèves (en relation avec les techniques - définir, dévoluer, réguler, institutionnaliser - et les différents types d’intervention)84 et sur leur signification : la mésogenèse. La chronogenèse rend compte du fait que le jeu didactique est marqué par l’évolution et la modification permanente de son contenu. « Ce qui donne forme à cette modification,

c’est le fait que le savoir soit disposé sur l’axe du temps » (Chevallard, 1991 ;

Chevallard et Mercier, 1987 ; Sensevy, Mercier, Schubauer-Leoni, 2000).

La topogenèse s’attache à l’observation de ce qui introduit « telle ou telle manière de

faire » (Sensevy, 2007), en interrogeant par exemple la validité de cette manière de

faire. Elle cherche alors à « décrire le partage des responsabilités dans les transactions

didactiques » (Ibid.).

Enfin, la mésogenèse permet de décrire la manière dont l’enseignant par exemple introduit, « dans le milieu », « une signification quelqonque, notamment grâce à un

énoncé (…) un objet, (…) ou en focalisant l’attention sur un énoncé d’élève » (Sensevy,

2007). Elle se fait en relation avec les techniques dont dispose l’enseignant (définir, dévoluer, réguler, institutionnaliser) et avec les types d’intervention tels qu’ils ont été par exemple définis P.-H. Scott et E.-F. Mortimer. L’enseignant intervient en effet pour

« donner une forme aux idées de l’élève ; sélectionner les idées pertinentes ; dégager des mots-clés ; partager les idées ; vérifier la compréhension des élèves ou [encore] résumer ce qui a été dit pour l’institutionnaliser » (Mortimer et Scott, 2003, p. 45).

2.1.4. La transaction comme unité d’analyse de l’action didactique : le savoir mis à l’étude et le savoir enseigné

Le savoir est en jeu entre l’acte d’enseigner et celui d’apprendre. Les contenus de savoir sont alors compris comme des objets inhérents aux interactions qui se jouent dans la classe, des objets interactionnels et transactionnels (Sensevy, 2007) en tant qu’objet d’une communication entre enseignants et apprenants : objets interactionnels car véhiculés au gré d’interactions langagières entres acteurs ; objets transactionnels car ce sont les savoirs qui partitionnent la relation entre chacun des pôles, enseigner et apprendre. Le terme de transaction, en tant qu’élément du « vocabulaire » de la TACD est notamment issu des travaux de Vernant (1997, 2004) sur la caractérisation du