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Chapitre 2 : Enseigner l’information

3. Pour appréhender des pratiques d’étude et d’enseignement en information-

3.5. Synthèse de l’appréhension didactique du concept information

L’enseignement, pris comme action de transmettre des savoirs, est objet d’une action conjointe (Vernant, 1997, Sensevy, 2007) que la TACD modélise et qui donne à voir les transactions en jeu, en situation (Brousseau, 1988, 1998) entre le professeur, l’élève et ces savoirs, les contenus d’enseignement ; cette action nécessite un contrat. Pour

observer cette écologie, cette dialectique milieu-contrat, ces relations au savoir dans une approche didactique et anthropologique (Chevallard, 1991), autrement dit, pour observer les pratiques d’étude et d’enseignement, et en particulier l’observation du contenu d’enseignement de l’information par les professeurs-documentalistes (Gardiès, 2014/2017), nous devons mener une analyse des interactions majeures entre l’enseignant et l’apprenant. La théorie de la transposition didactique nous fournit des outils pour cette étude dans un double objectif théorique et opératoire qu’anime une intention dominante de production des savoirs (dans une démarche heuristique compréhensive en lien avec l’enseignement de l’information-documentation), mais également dans un souci de professionnalisation et d’évolution des pratiques d’enseignement à travers leur analyse (Gardiès, Hervé, 2015 ; Gardiès, Venturini, 2015). Pour produire des descriptions de pratiques d’étude et d'enseignement permettant leur compréhension par une identification de leur logique profonde nous utilisons, en complément de la notion de transaction, la notion de jeu (et de ses règles) issue de la transposition didactique en tant que « voir-comme » (Wittgenstein, 1953/2004). Il constitue en effet un modèle théorique nous permettant d’appréhender les relations systémiques et complexes entre les notions utilisées. Pour décrire l’action didactique nous nous appuyons également sur les descripteurs de cette action, notamment le triplet de genèses. Ce « triplet de genèses » nous permettra d’analyser l’usage des mots employés dans les interactions, en décrivant la « forme de vie » qui caractérise la pratique de l’enseignant.

Les notions de conception, de représentation et de co-construction de connaissances telles que développées par L. Vygotski et J. Bruner fourniront de fait autant de points d’appui à notre focalisation sur les savoirs de l’enseignant. La théorie des deux mondes (Tiberghien, 2003) nous apporte des outils pour mieux caractériser, par la modélisation, ces savoirs mis à l’étude et enseignés, entre monde des théories et des modèles et monde des objets et des évènements, en guidant la conception de ressources, de séquences, d’activités et de nouveaux savoirs.

L’action didactique, et en particulier celle de l’enseignant, se manifeste à travers une action langagière, essentiellement verbale. Pour faire évoluer le savoir en classe, l’enseignant dispose d’une « grammaire », de règles de vie (du savoir) ainsi que de techniques didactiques. L’ensemble de ces éléments opèrent, à l’intérieur d’une action

conjointe d’après le modèle heuristique du jeu, faisant double écho ainsi au jeu didactique et au jeu de langage décrit par L. Wittgenstein. A ces outils didactiques nous ajoutons les éléments issus de la linguistique que sont le syntagme et le paradigme. En effet, nous pensons que l’observation et la caractérisation des dimensions verticales et horizontales du langage usité dans les transactions didactiques devraient nous fournir des éléments tangibles sur ce qui se joue effectivement dans la classe.

Nous ancrons notre étude dans les travaux menés en didactique des SIC par C. Gardiès (2006, 2015), en particulier sur les liens unissant les savoirs scolaires (dans les institutions) et la référence de ces savoirs pour les enseignants (dans les situations).

Synthèse de la partie théorique

Notre objectif dans cette partie théorique était de poser les éléments qui fondent notre questionnement dans une double perspective : ce que l’on connaît et ce que l’on enseigne du concept information. Dans le premier chapitre, une approche conceptuelle et épistémologique prenant en compte la dimension systémique de la complexité du concept s’est inscrite dans le champ scientifique des Sciences de l'information et de la communication, pour penser l’information. Dans le deuxième chapitre, nous avons présenté les deux théories nous permettant d’éclairer la question de son enseignement : la théorie de l’action conjointe didactique et la théorie des deux mondes.

Nous avons relevé « l’identité de chaque concept (…) fixée par ses relations logiques

avec d’autres concepts » (Kant, 1781/2006). Cela a donné forme à un tissu de liens

entre les concepts en établissant une « connexion en boucle » (Morin, 1995). Le concept information entretient des liens relationnels avec les concepts de savoir et de connaissance, et s’appréhende de façon plus systémique dans ses interactions avec les concepts qui font comme lui, l’objet d’un enseignement par les professeurs- documentalistes, document et système d’information. Cette façon de relier les concepts a mis en évidence quelques-unes de leurs dimensions, qui à leur tour, nous permettent, dans un périmètre mieux défini, d’identifier des thèmes, des catégories puis des facettes pour la collecte, le traitement et l’analyse des éléments empiriques. Nous listons, dans le tableau suivant, ces facettes, en tant qu’éléments de savoir, selon l’axe épistémologique de leur identification.

Axe épistémologique Mots clé / Facettes Dimension

communicationnelle

Connaissance communiquée / contenu d'un acte de communication / émetteur (énonciateur) / message / récepteur (destinataire) / réception / canal / contexte de communication / situations sociales / intention / interprétation/ appropriation / intégration / stock de connaissances Dimension cognitive Information et connaissance / contenu chargé de sens / sens attribué Dimension fonctionnelle Utile explicitement / utilité diffuse / plaire/ éphémère / utilité immédiate

/ agir/ se distraire / prendre une décision.

Durable / information spécialisée ou culturelle / apprendre / agir dans une situation professionnelle / devenir expert / se cultiver

Dimension temporelle durée de vie éphémère (instantanée) ou durable

Dimension sociocognitive Activée à réception / prise de connaissance / processus de communication / attribution de sens / processus de construction de connaissances / dispositifs sociaux, techniques et humains/ rapport avec la connaissance individuelle / rapport aux savoirs constitués / histoire de la société

Dimension organisationnelle (SI) information traitée (résumée, décrite par mots clés…)/ organisée (dans des banques de données, dans des systèmes d’information…) Dimension matérielle Document/ information inscrite sur un support / utilisation différée /

extensivité / objet informationnel visible ou touchable / traces disponibles pour une lecture

Dimension structurelle Système d’information / ensemble cohérent organisé / éléments structurés / interactions dynamiques/ techniques / objets matériels Dimension classificatoire Document / classifications / typologies / éléments de nature signalétique

et/ ou analytique

Figure 19 : tableau des facettes par dimension

Selon l’idée que le sens « n'est pas une propriété intrinsèque de l'objet connu » (Meyriat, 1983), et au regard des éléments théoriques relevés, nous suivons l’idée que l’information n’existe en tant que telle et ne peut être appréhendée qu’à partir du moment où l’attribution d’un sens dans un processus de communication est réalisée. Au sein de ce processus, une médiation des savoirs est alors nécessaire, permettant « la

mise en jeu prioritairement de l’information dans des processus de construction de connaissances et ce grâce à des dispositifs sociaux, techniques et humains » (Gardiès,

dans son partage (impliquant une pratique sociale) et dans son activation à réception, qui enclenchera un processus de signification et donc de construction de connaissance pour l’individu » (Gardiès, 2012). Nous appréhendons cette médiation lors de

l’enseignement du concept information, dans l’action didactique.

L’action didactique est une action conjointe professeur et élève, partenaires d’une co- action coordonnée par des transactions au sein d’une institution (Sensevy, 2007). Pour documenter les pratiques professionnelles des professeurs-documentalistes en charge de l’enseignement de l’information, nous nous appuyons sur le cadre théorique de l’action conjointe (TACD) : celle-ci permet d’envisager l’action didactique comme une succession de jeux didactiques. Pour comprendre les dynamiques au sein de ces jeux, eux-mêmes caractérisés par une dialectique milieu-contrat, la TACD propose des descripteurs. Le triplet de genèses permet d’observer l’évolution du milieu, des savoirs et de la répartition des responsabilités professeur/élèves dans l’avancée de ces savoirs, à travers notamment les techniques et les modes d’intervention de l’enseignant.

Nous empruntons à la théorie des deux mondes le principe de modélisation des savoirs pour mieux saisir leur articulation lors de leur transposition didactique interne telle que définie par Y. Chevallard (1991) c'est-à-dire, lors du passage des savoirs à enseigner aux savoirs enseignés. Cette articulation peut être appréhendée à travers le discours de l’enseignant et des élèves selon qu’il est caractérisé par un langage scientifique ou quotidien (Tiberghien, Malkoun, 2007). Cette caractérisation mobilise l’analyse langagière et communicationnelle et s’inscrit de façon plus globale dans la dimension socioconstructiviste de l’apprentissage. Ces éléments théoriques affèrent aux contenus de savoirs mobilisés en situation d’étude et d’enseignement et renvoient en cela aux concepts d’épistémologie scolaire et d’épistémologie pratique de l’enseignant.