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Chapitre 1 : Penser l’information

2. Ce que l’on connait du concept information

2.1. Caractéristiques ou outils de transgression du concept

Nous pensons qu’une approche qui se veut conceptuelle, épistémologique et complexe, ou plutôt un regard à la manière d’une approche conceptuelle, épistémologique et complexe, pour « voir comme » ou voir « avec » plutôt que « pour »21 l’analyse du

concept information requiert une contextualisation particulière. Celle-ci est d’abord étayée par des éléments étymologiques (2.1.1) et historiques qui jalonnent la formation du concept (2.1.2).

21 L’expression « « avec » plutôt que « pour » » fait (prématurément) référence à la méthodologie de la

2.1.1. Éléments étymologiques

Nom féminin du latin informatio, au sens étymologique premier, le mot « information » renvoie à l’action d’introduire une forme dans un substrat qui n’en avait pas. C. Godin précise que le concept vient d’Aristote (384-322 av. J.-C.) : la forme donne à la matière sa détermination. Il prend l’exemple du modelage d’un vase, qui constitue en ce sens une information (Godin, 2004). Dérivé « d’informer », informare, signifie façonner, donner une forme. Dans le dictionnaire historique de la langue française, A. Rey rappelle que le « nom est attesté (1274) au sens juridique et courant d’enquête faite en

matière criminelle ». L’information prend ensuite le sens courant de « renseignement que l’on obtient de quelqu'un » (au XIV e siècle). Au XV e siècle, le mot désigne « l’ensemble des connaissances réunies sur un sujet donné » (Rey, 2010), c'est-à-dire

l’ensemble des connaissances dont un individu dispose dans un domaine particulier. Au XIX e siècle avec le développement de la presse, apparaît le sens d’« information que l’on porte à la connaissance d’un public », à distinguer des « moyens d’information » qui sont le support technique servant à élaborer, transmettre et diffuser

les informations (synonyme de médias). C. Godin précise qu’elle est définie comme

« l’action d’apprendre à autrui, et notamment comme élément et résultat de cette action (les informations télévisées). Mais il précise également qu’« il faut que l’information soit assimilée et réélaborée pour devenir une connaissance » (Godin, 2004). Vers 1950,

par emprunt au terme anglais information, le terme « désigne un élément ou un système

pouvant être transmis par un signal ou une combinaison de signaux » (Rey, 2010).

2.1.2. Éléments historiques

Cette définition est issue de la théorie de l’information, théorie mathématique élaborée par C. Shannon (1916-2001) et par W. Weaver (1910-1963). Celle-ci représente une quantification et une formalisation complètes de l’information et de sa transmission, et constitue l’une des bases des sciences cognitives (Godin, 2004, p. 660-661). C. Shannon avait pour objectif de transmettre des signaux par des canaux de télécommunications en limitant au maximum les distorsions. Etudiant l’encodage de ces signaux pour résoudre des problèmes de bruit ou de déformation lors de leur transfert, il propose de définir une

quantité de mesure de l’information, en reprenant le bit, mot forgé par le mathématicien et statisticien américain J.- W. Tukey en 1943, contraction de binary (binaire) et de digit (chiffre) (Weaver, 1949 cité par Simonnot, 2012, p. 21). « La simplicité de son schéma

linéaire d’un système général de communication, représentant la circulation d’un message d’une source à une destination via un canal entre un transmetteur et un récepteur est certainement pour beaucoup dans l’adoption de ce modèle dans divers travaux ultérieurs » (Simonnot, 2012). W. Weaver, dans la continuité de cette

proposition selon laquelle « l’information mesure la liberté de choix de sélectionner un

message et l’incertitude relative au message choisi » (Ibid.), souligne néanmoins que le

mot information s’applique non pas à des messages individuels, contrairement à la notion de sens, mais à une situation en lien avec le nombre de possibilités offertes pour le choix du message. Ce nombre est alors une unité de mesure22. « To be sure, this word

information in communication theory relates not so much to what you do say, as to what you could say. That is, information is a measure of one’s freedom of choice when one selects a message ». (Weaver, 1949). W. Weaver prend appui sur les travaux de C.

Shannon tout en identifiant trois niveaux de problèmes : un niveau technique, ou comment transmettre précisément les symboles de la communication ; un niveau sémantique, ou comment le sens voulu est transporté par les symboles lorsqu’ils sont transmis ; un niveau de l’effectivité, c'est-à-dire l’impact effectif sur la conduite des individus après réception du sens véhiculé. Autrement dit, « le mot information dans

cette théorie est utilisé dans un sens particulier qui ne doit pas être confondu avec son usage ordinaire. En particulier, information ne doit pas être confondue avec sens »

(Ibid.)23. Le sens est comparable à la beauté, à une mélodie ou à l’entropie24, en ce qu’il nécessite une association d’éléments pour être vu, alors qu’il s’oppose à des notions comme la distance, la masse ou la force électrique, qui, elles, peuvent faire l’objet de mesures discrètes (variables quantitatives à valeur finie, telles que 1, 2, 3, …)25. W. Weaver montre ainsi que le schéma linéaire de C. Shannon fonctionne au niveau

22 Nous reviendrons au chapitre 2 (1.2.1) sur cette « unité de mesure », appliquée, littéralement transposée

cette fois en termes de transactions didactiques.

23 « The word information, in this theory, is used in a special sense that must not be confused with its

ordinary usage. In particular, information must not be confused with meaning » (Weaver, 1949).

24 Grandeur thermodynamique exprimant le degré de désordre de la matière.

http://www.cnrtl.fr/definition/entropie

technique, mais également au niveau sémantique et à celui de l’effectivité, « en restant

à ce point à une forme très allusive et en élargissant la définition de l’information comme mesure du langage et, plus largement à la communication (…) [cristallisant] toutes les conditions requises pour faire naître ambiguïtés et amalgames » (Simonnot,

2012).

L'information telle que définie par la théorie mathématique de C. Shannon et W. Weaver est une unité de mesure du phénomène entropique. Ce principe, issu de la thermodynamique, est utilisé dans la formule shannonienne pour évaluer le potentiel informationnel d’une situation en procédant à des analyses du système informationnel complet et à des comparaisons de source, de canaux, en termes de capacités d’émission, de transport d’« information ». Le but visé est l'amélioration des capacités de transmission des canaux ainsi que de la vitesse de transmission. L'information est alors considérée comme une donnée mesurable. De fait, C. Shannon ne s’intéresse pas au sens du message mais seulement à l’efficacité de la transmission (Atallah, 1991).

2.2. Vers une approche communicationnelle et cognitive de l’information