• Aucun résultat trouvé

Le ventricule droit, un déterminant majeur du pronostic chez les patients avec SABD

Chapitre 9: discussion

9.1 Le ventricule droit, un déterminant majeur du pronostic chez les patients avec SABD

Le ventricule droit a souvent été qualifié de « la partie oubliée du cœur ». Cela s’applique également aux patients avec sténose aortique incluant ceux à bas débit et bas gradient. Plusieurs paramètres reliés au ventricule gauche ont été proposés pour améliorer la stratification du risque chez ces patients mais les paramètres liés au ventricule droit sont absents.

Au cours de mon projet de doctorat, nous avons tout d’abord étudié la prévalence de la régurgitation de la valve tricuspide (RT) et son impact pronostique chez les patients avec SABD classique inclus dans l’étude TOPAS, une étude observationnelle prospective multicentrique (objectif 1, chapitre 4). Nos résultats montrent que la RT est fréquente (>légère chez 36% des patients). De plus, la présence de RT >légère était associée à une majoration du risque de mortalité cardiaque et de mortalité toutes causes de 1.82- et 1.85- fois respectivement. Cette association persiste après ajustement pour les différents facteurs pronostiques cliniques et échocardiographies déjà connus. Par ailleurs, l’augmentation du risque était proportionnelle à la sévérité de la RT. Nos résultats sont concordants avec les résultats d’études antérieures où la présence de RT > légère était associée à un risque de mortalité plus élevé chez les patients avec insuffisance cardiaque (206,207).

Cette majoration de risque peut être liée à plusieurs mécanismes. L’un des principaux mécanismes serait l’entretient et l’aggravation dysfonction ventriculaire droite (204,206) qui, elle aussi, est connue pour son impact pronostique dans différentes situations cliniques comme l’insuffisance cardiaque et l’hypertension pulmonaire. Cependant, l’impact de la RT sur la mortalité persiste après ajustement pour la dysfonction ventriculaire droite. Cela souligne l’importance de l’impact pronostique de la RT en soi. Il est communément admis que l’insuffisance mitrale représente en soi un facteur pronostique indépendamment de la dysfonction ventriculaire gauche. Cela semble être aussi le cas pour la RT. En effet, des études récentes incluant des patients avec RT isolée idiopathique, ont montré que la RT est un prédicteur indépendant de mortalité (HR=1.78, p=0.02) après ajustement pour les variables confondantes incluant la fonction VD (287).

168

Un autre mécanisme potentiel est la participation à l’aggravation du bas débit cardiaque. Ce denier est connu pour son impact pronostique majeur chez les patients avec sténose aortique (103,163,243,244). L’impact pronostique de la RT persiste après ajustement pour les paramètres de la fonction ventriculaire gauche (volume d’éjection indexé et FEVG). La RT apparait donc comme un nouveau paramètre pronostique indépendant à prendre en compte chez les patients avec SABD et basse FEVG, et ce quel que soit le type de traitement (conservateur ou RVA). Il reste cependant à déterminer si la RT est un facteur ou un marqueur de risque et si sa correction lors du remplacement valvulaire aortique permettrait d’améliorer le pronostic de ces patients.

Nos résultats montrent également que la RT ≥ modérée est associée à une mortalité péri- opératoire beaucoup plus élevée comparativement à la RT légère à modérée et la RT≤ légère (37.5% vs. 10.8% vs. 6.9%, respectivement, p=0.04). Cela pourrait être expliqué, en partie, par l’instabilité hémodynamique en post-RVA (262). Le RVA reste toutefois protecteur chez ces patients. Il est probable que l’utilisation de nouvelles techniques de RVA percutanée qui sont moins invasives que la chirurgie cardiaque conventionnelle pourrait améliorer la mortalité opératoire chez ces patients. De plus, plusieurs dispositifs pour le traitement percutané de la RT sont à l’essai avec des résultats préliminaires prometteurs pour certains d’entre eux (288-295), et qui pourraient représenter, dans un futur proche, une option thérapeutique chez les patients avec SABD présentant une RT significative.

Une des limitations de cette première étude discutée ci-haut (article 1, chapitre 4) était le fait que la fonction VD n’a pas été quantifiée par la même méthode chez tous les patients en raison de l’évolution des paramètres proposés pour la quantification de fonction VD depuis le début de l’étude TOPAS (en 2002) et l’absence de consensus sur le principal paramètre à utiliser pour cette fin. La deuxième partie consacrée à l’étude du VD (objectif 2, chapitre 5) est une suite logique à la première étude sur la régurgitation tricuspide. Il s’agit de la quantification de la fonction VD basée sur la mesure de la déformation longitudinale de la paroi libre du VD (DLVD) par technique de « speckle tracking ». En effet, plusieurs études ont montré que la déformation myocardique longitudinale du VD est meilleure que les paramètres traditionnels (TAPSE, onde S, etc…) utilisés pour la

169

quantification de la fonction VD comparativement à la fraction d’éjection du VD mesurée par IRM (265,268) et qu’elle était un plus puissant prédicteur pronostique chez les patients avec cardiopathie ischémique (265,269). Sa valeur pronostique est inconnue chez les patients avec SABD et basse FEVG.

Nos résultats montrent dans une série de 128 patients avec SABD classique que la DLVD est un prédicteur indépendant de la mortalité toutes causes. Une DLVD < 13% au repos et <14% sous dobutamine était associée à une majoration du risque d’au moins ~ 2 et ~3 fois respectivement. De plus, la DLVD mesurée sous dobutamine avait une valeur pronostique incrémentale par rapport à celle mesurée au repos. Il est à noter cependant que la DLVD mesurée au repos est plus facile à obtenir chez les patients comparativement à celle mesurée sous dobutamine car elle ne nécessite pas de perfusion de dobutamine et elle est techniquement plus facile à faire. Comme pour la DLVG, la DLVD est un marqueur indirect de fibrose myocardique et de plus mauvais pronostic. Une étude récente incluant 27 patients avec insuffisance cardiaque terminale candidats pour une greffe cardiaque a montré que parmi tous les paramètres échocardiographiques de la fonction VD, la DLVD (paroi libre) était le paramètre le mieux corrélé à la sévérité de fibrose myocardique mesurée par histologie (r=0.80, p<0.0001) à la capacité à l’exercice (VO2) (270). Nos résultats sont

également supportés par les résultats d’une autre étude récente qui montre que la dysfonction VD (TAPSE<16 mm) est un facteur indépendant de mortalité toutes causes et de mortalité opératoire plus élevées chez les patients avec SABD classique (296). Cependant, la DLVD est plus sensible que le TAPSE pour détecter une dysfonction VD et un plus puissant facteur pronostique (199,265,269,297).

Cela a un aspect important chez les patients avec SABD classique candidats pour un remplacement valvulaire aortique et qui présentent une DLVD diminuée, et a fortiori ceux avec une DLVD fortement abaissée (<13% au repos et/ou <14% sous dobutamine). Ces patients pourraient éventuellement avoir un plus grand bénéfice avec un RVA par TAVI que par chirurgie standard. Kempny et al. ont en effet montré que la chirurgie standard était associée à une détérioration de la fonction VD alors que celle-ci est restée inchangée suite au TAVI (264).

170

À la lumière de ces données, nos résultats suggèrent que l’intégration de la fonction VD mesurée par la DLVD dans les algorithmes décisionnels pourrait aider à la prise de décision clinique et l’amélioration du pronostique de ces patients.

Fait saillant de cette étude, la RT était indépendamment associée à la mortalité après ajustement pour les différents paramètres pronostiques incluant la fonction VD mesurée par la DLVD. Il semble donc que la dysfonction VD et la RT sont toutes deux des prédicteurs indépendants associés à une majoration du risque de mortalité chez les patients avec SABD avec FEVG abaissée. Il est donc probable que la présence de ces deux paramètres chez les patients soit associée à un risque de mortalité encore plus élevé. Cette hypothèse n’a pas été testée dans ces deux études en raison de la taille d’échantillon relativement faible.

171

9.2 Intérêt des biomarqueurs sanguins pour la