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F. Variations latérales

2. Variations latérales de composition sur le site de Ravenscar

Sur le site de Ravenscar, les variations latérales ont été étudiées sur des réservoirs spécifiques correspondant à des faciès et des formations différentes : grès de shoreface de l’Ellerbeck Formation sur RV10 et RV18 ; grès inférieurs de shoreface et grès marins de la Scarborough Formation sur RV7, RV15 et RV18 ; grès amalgamés de remplissage de chenal du Sycarham Member sur RV4, RV10, RV17 et RV18. Les plugs ainsi analysés ont été prélevés sur des sondages espacés de quelques centaines de mètres (100 à 500 mètres environ). La distribution spatiale des différents puits peut être appréciée sur la figure II.6.

a. Grès de l’Ellerbeck Formation

Pour les grès d’avant-côte de l’Ellerbeck Formation, les correspondances entre puits sont excellentes, tant pour les variabilités des teneurs en Al2O3 et Zr, que pour la signature chimique des minéraux lourds

et de la fraction alumineuse (figure III.17). De plus, les caractéristiques minéralogiques (figure III.17) de cette fraction sont également semblables dans les deux puits, avec une dispersion transverse, depuis des compositions potassiques vers des compositions sodiques. Ces réservoirs ont donc des compositions chimiques et minéralogiques particulièrement stables et prédictibles sur plusieurs centaines de mètres.

b. Grès de la Scarborough Formation

Le cas des grès situés à la base de cette formation marine est plus complexe, bien que les faciès soient semblables. En effet, les gammes de teneurs en aluminium sont légèrement différentes dans chacun des puits, les plus fortes teneurs étant rencontrées dans le sondage RV15. Ces différences entre puits pourtant proches peuvent être attribuées à une dilution par le quartz variable latéralement, mais également par une évolution diagénétique différente. En effet, les grès issus du sondage RV15, dont les caractéristiques chimiques des pôles ML et AL s’accordent bien avec celles des grès de RV7 et RV18 (représentation ternaire Al/Zr/Sc de la figure III.18), ont des caractéristiques minéralogiques très différentes de celles de leurs équivalents dans les deux autres puits. La représentation ternaire Al/Na/K (figure III.18) révèle que les grès d’avant-côte des sondages RV7 et RV18 sont caractérisés par un enrichissement en potassium semblable, du fait de l’abondance de feldspath potassique dans la fraction alumineuse, comme nous l’avons noté plus haut. Les grès du sondage RV15 présentent quant à eux une dispersion orientée vers le pôle kaolinite tout à fait superposable à celle constatée pour certains plugs du sondage RV18, à savoir ceux du Sycarham Member (figure III.16). Il en est de

diagenèse, a engendré une différenciation chimique et minéralogique. Les grès inférieurs de la Scarborough des sondages RV18 et RV7, sûrement mieux isolés des circulations de fluide, ont été préservés des processus de kaolinitisation et d’albitisation contrairement à ceux du sondage RV15, pourtant situé entre les deux autre puits, espacés de 200 mètres seulement.

c. Grès du Sycarham Member

La variabilité latérale des grès du Sycarham Member, sur les sondages RV4, RV10, RV17 et RV18, est particulièrement intéressante à étudier. Les amplitudes des variations en aluminium et en zirconium sont comparables pour les quatre puits. De plus, les caractéristiques chimiques des composantes AL et ML sont semblables (figure III.19). En particulier, nous avons vu, à travers l’étude des plugs du sondage RV18, que le signal géochimique caractéristique des minéraux lourds et de la fraction alumineuse est variable dans les grès du Sycarham Member (figure III.15) et que l’on peut mettre en évidence deux principaux ensembles (plus quelques points intermédiaires) dont les rapports Cr/Zr (et Sc/Zr) moyen sont très différents. Cette discrimination se retrouve ici pour chacun des quatre sondages étudiés (figure III.19).

Il est intéressant de s’attarder sur la signification de ces ensembles. En effet, il apparaît notamment que, pour chaque sondage, l’ensemble caractérisé par un rapport Cr/Zr élevé concerne un intervalle stratigraphique continu. On peut ainsi définir, par ses caractéristiques chimiques, un véritable réservoir que l’on peut corréler sur les différents puits. Il faut également souligner que ce réservoir a une épaisseur peu variable latéralement sur de faibles distances, de l’ordre de 100 m, puisqu’il a une puissance de l’ordre de 8 mètres dans les sondages voisins RV4 et RV10 et de l’ordre de 3 m dans les sondages voisins RV17 et RV18. A plus grande échelle, cette puissance est nettement plus variable. De part et d’autre de ce réservoir, les grès sont caractérisés par des rapports Cr/Zr plus élevés. On peut donc diviser l’intervalle gréseux du Sycarham Member en trois réservoirs stratigraphiques, au moins, pour lesquels l’alimentation détritique diffère.

Si les caractéristiques chimiques de la minéralogie primaire des grès sont semblables pour les quatre puits, il semble que la diagenèse a affecté différemment les grès du Sycarham Member, suivant leur localisation. En effet, le diagramme ternaire Al/Na/K de la figure III.19 montre que l’ensemble des grès présente une dispersion vers le pôle Al, mais que les grès issus de chaque sondage ne se superposent pas. La formation de kaolinite ne semble pas avoir été aussi intense dans les grès des sondages RV17 et RV18 que dans ceux des sondages RV4 et RV10. Il est cependant possible qu’une partie de la kaolinite ainsi formée soit le résultat d’un lessivage tardif car les grès du Sycarham Member sont proches de la surface dans ces deux derniers sondages.

Enfin, la distribution du fer, liée aux processus diagénétiques précoces, est particulière. En effet, les teneurs en fer des grès du sondage RV10 sont généralement plus faibles que ceux des autres sondages. Ces grès n’ont visiblement pas été affectés par la cimentation sidéritique. La distribution apparemment très hétérogène de ce ciment peut être appréciée sur l’ensemble des sondages du site de Ravenscar pour les grès du Sycarham Member.

d. Variations latérales de la concentration en fer et distribution spatiale du ciment sidéritique

La concentration en fer des grès peut être estimée de manière indirecte. En effet, nous disposons des données pétrophysiques correspondant aux plugs prélevés sur chacun des 18 sondages. Parmi celles-ci, il est possible d’utiliser les mesures de densité afin de caractériser la variabilité des éléments concernés par la diagenèse précoce (formation de sidérite), à savoir le fer et les éléments qui lui sont corrélés. Ainsi, sur les quatre puits étudiés précédemment, pour les grès du Sycarham Member, il existe une corrélation marquée entre les concentrations en fer et les densités mesurées (figure III.20). Cette relation peut alors être utilisée suivant certaines conditions. Il est nécessaire de ne comparer que des faciès semblables et dont la minéralogie détritique est comparable. En effet, dans le cas contraire, les corrélations obtenues peuvent être différentes, comme c’est le cas pour le Sycarham Member et la Saltwick Formation. Le caractère très homogène, en terme de faciès, des grès du Sycarham Member, est propice à ce type d’estimation. De plus, les mesures de densité doivent être comparables d’un puits à l’autre. Il se trouve effectivement que les valeurs minimales de densité sont semblables au sein d’un même puits mais variables d’un puits à l’autre (on trouve, en fait, deux ensembles, correspondant à des densités minimales de 2,6 et 2,65) (figure III.20). Comme ces différences affectent tous les faciès échantillonnés, on peut raisonnablement supposer que cet écart est un artefact imputable à des conditions de mesure de densité variables. Par conséquent, pour faire correspondre densité et concentration en fer, nous utiliserons l’écart de densité à une valeur de référence (2,6 ou 2,65 suivant le puits), noté ∆ρ (les densités sont fournies en annexe C). Il apparaît alors que les grandes variations de densité sont étroitement corrélées aux fortes teneurs en fer (RV4, RV17 et RV18) (figure III.20). Les corrélations obtenues peuvent être utilisées pour estimer grossièrement les teneurs en fer pour les 18 puits. Pour les ∆ρ supérieurs à 0,05, on peut considérer que ces données sont réellement significatives et qu’elles représentent la concentration en fer (supérieure alors à 5% poids, d’après la régression effectuée), et, plus précisément, d’après les observations pétrographiques, l’abondance d’un ciment ∆ρ inférieurs à 0,05, il est difficile de conclure de manière

0,8.Zr 5.Cr 0,8.[50.Al] 0,5.Na Al 0,5.K kaolinite chlorite muscovite feldspath-K albite grès propre, upper shoreface grès argileux, middle shoreface grès très argileux, lower shoreface

Faciès & environnements de dépôt

ELLERBECK Formations RV18 RV10 Sondages plugs RV10 - RV18

Figure III.17 : Représentations ternaires Al/Cr/Zr et Al/Na/K relatives aux plugs de l’Ellerbeck Formation pour les sondages RV10 et RV18. Ces deux représentations permettent d’apprécier la variabilité latérale au sein de cette formation. On peut constater que la correspondance entre les deux sondages est bonne, tant pour les signatures chimiques des composantes ML et AL que pour le contenu minéralogique de la composante AL.

Zr 20.Sc 50.Al

SCARBOROUGH

Formations Faciès & environnements de dépôt

grès argileux, marin

grès argileux, middle shoreface

grès très argileux, lower shoreface RV18

RV7 Sondages RV15 0,5.Na Al 0,5.K plugs RV7 - RV15 - RV18

Figure III.18 : Représentations ternaires Al/Cr/Zr et Al/Na/K relatives aux plugs de la Scarborough Formation pour les sondages RV7, RV15 et RV18. Ces deux représentations permettent d’apprécier la variabilité latérale au sein de cette formation. On peut constater que la correspondance entre les deux sondages est bonne pour les signatures chimiques des composantes ML et AL. Le contenu minéralogique de la composante AL est semblable dans les sondages RV7 et RV18. Les plugs du sondage RV15 sont caractérisés par des compositions plus sodiques et alumineuses.

0,8.Zr 5.Cr 0,8.[50.Al]

SYCARHAM

Formations Faciès & environnements de dépôt

grès propre, chenal distributaire deltaïque grès argileux, chenal distributaire deltaïque

RV18 RV10 Sondages RV17 RV4 0,5.Na Al 0,5.K kaolinite chlorite muscovite feldspath-K albite plugs RV4 - RV10 - RV17 - RV18

Figure III.19 : Représentations ternaires Al/Cr/Zr et Al/Na/K relatives aux plugs du Sycarham Member pour les sondages RV4, RV10, RV17 et RV18. Ces deux représentations permettent d’apprécier la variabilité latérale au sein de cette unité. On peut constater que la correspondance entre les deux sondages est bonne pour les signatures chimiques des composantes ML et AL. Il apparaît ainsi deux grands ensembles, communs à tous les sondages. Le contenu minéralogique de la composante AL est marqué par une distribution vers le pôle Al. La gamme de proportion relative de kaolinite est toutefois différente d’un puits à l’autre.

0 5 10 15 20 25 30 35 2,5 2,6 2,7 2,8 2,9 3 3,1 densité Fe 2O 3 (%) RV4 RV10 RV17 RV18 A 0 5 10 15 20 25 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 ∆ρ Fe 2O 3 (%) RV4 RV10 RV17 RV18 B

Figure III.20 : Corrélations densité/concentration en fer (A) et ∆ρ/concentration en fer (B) pour les plugs issus des grès du Sycarham Member des sondages RV4, RV10, RV17 et RV18. Les différences de densité constatées entre sondages ne peuvent être qu’artificielles. L’utilisation des variations de densité, par rapport à une valeur de référence permet de définir une corrélation unique, quel que soit le sondage. La droite de régression ainsi obtenue est : Fe2O3 (%) = 92,36*∆ρ + 0,71 (r2 = 0,98).

Les variations de densité, ∆ρ, ont été représentées en fonction de la profondeur pour chaque sondage sur la figure III.21. On peut alors distinguer plusieurs groupes :

• les grès des sondages RV1, RV5, RV7, RV9, RV10 et RV12, présentent des densités très homogènes et ne sont pas enrichis en fer, à l’exception de quelques niveaux de très faible épaisseur (RV12) par exemple ;

• les grès réservoirs des sondages RV2, RV4, RV8, RV16, RV17 et RV18 ont des variations de densité importantes, dont les valeurs les plus élevées sont localisées essentiellement dans la partie inférieure du Sycarham Member ; des niveaux plurimétriques, comme dans RV17 ou RV18, sont alors riches en fer;

• les grès des autres sondages dont les variations de densité existent mais sont de moindre ampleur et/ou moins étendues verticalement que les précédentes.

Si l’on tente de relier ces résultats à la répartition spatiale des puits (figure III.21), il est difficile de comprendre la distribution du fer à cette échelle. Ainsi, par exemple, les sondages RV16, RV17 et RV18, voisins et alignés, sont enrichis en fer dans la partie inférieure du Sycarham Member. On peut alors supposer qu’entre ces puits, le fer suit la même distribution. En fait, rien n’est moins sûr si l’on regarde par exemple les puits RV1, RV2, RV4, RV8, RV9, RV10. Ces puits sont répartis suivant un maillage plus serré que les précédents et pourtant, les teneurs en fer et leur distribution verticale sont très variables d’un sondage à l’autre.

Il apparaît ainsi que la distribution du fer et donc de la sidérite est complexe. Elle peut varier très localement. Il est alors très difficile voire impossible de la prévoir. Ces importantes variations, tant verticales que latérales ont été remarquées par Kantorowicz (1984, 1985, 1990) qui les attribuent à des variations de conditions chimiques des eaux de pores consécutives au dépôt. La distribution du fer (sous forme réduite) et des éléments qui lui sont corrélés ici dépend effectivement de l’évolution des conditions chimiques, notamment rédox, du système eau/sédiment ou eau/roche. La présence du Fer(II) dans les eaux de pore nécessite des conditions réductrices au voisinage de la surface. Ceci n’est possible que si le sédiment a consommé l’oxygène disponible, ce qui implique qu’il soit séparé de la surface et que l’eau soit peu renouvelée, voire stagnante, pour éviter tout nouvel apport d’oxygène. Ces conditions correspondent aux zones marécageuses, où le sol et les sédiments sont toujours saturés en eau, et plus particulièrement les tourbières (peat swamps, peat bogs), sous un climat chaud et humide, de type tropical. Ces zones sont suffisamment riches en matière organique pour permettre son oxydation et l’oxygène peut être rapidement consommé. La formation de sidérite est ainsi généralement associée à ce type d’environnement continental comme cela a pu être observé dans des sédiments récents (Pye et al., 1990). Plus précisément, la formation de sidérite nécessite des conditions particulières (Garrels & Christ, 1965 ; Berner, 1964 ; figure III.22) : faible activité des sulfures, forte

activité du carbonate, pH plutôt neutre, et rapports Fe2+/Ca2+ et Fe2+/Mg2+ élevés (sinon formation de calcite et de dolomite : Curtis et al. (1986), Andrews et al., (1991)).

Dans le cas de Ravenscar, Kantorowicz (1990) considère que la sidérite est, dans un premier temps, précipitée sous la forme de sphérulithes, à la suite du maintien prolongé de conditions anoxiques dans la plaine d’inondation et les chenaux abandonnés. La source des carbonates serait complexe au vu de la signature isotopique des sidérites (Kantorowicz, 1990) : le carbone proviendrait d’une part de la décomposition de la matière organique et d’autre part des eaux météoriques. Dans un deuxième temps, les eaux deviennent suboxiques dans les grès et les shales adjacents et les conditions réductrices alors limitées aux zones riches en matière organique se répandent sur l’ensemble du bassin. Les eaux deviennent alors moins sursaturées vis-à-vis de la sidérite et l’on formerait la sidérite rhombique disséminée dans les sédiments. Nous avons vu toutefois, à travers l’exemple des grès du Sycarham Member, que la distribution du fer, liée à la répartition de la sidérite, est complexe. Pour que le point de vue de Kantorowicz soit en accord avec les distributions observées, il faudrait attribuer les zones enrichies en fer aux zones à sphérulithes. En fait, l’observation des lames minces montre qu’il n’en est rien : les niveaux gréseux enrichis en fer sont les niveaux riches en sidérite, tant rhombique que sous la forme de sphérulithes. A l’inverse, les zones dont le contenu en fer est faible contiennent des oxydes peu abondants sur la surface des grains. Il est difficilement envisageable que la distribution actuelle du fer soit héritée de la sédimentation. Ces contrastes de teneur laissent alors supposer un transport du fer plus ou moins important, sous sa forme réduite. Le transport du fer à grande échelle par écoulement de nappe ne peut pas rendre compte de l’absence de corrélations latérales (notamment pour les puits peu espacés) ni des variations verticales observées très localement. Il faut donc envisager un transfert vertical des espèces dissoutes. Un tel mécanisme pourrait engendrer les variations latérales et verticales que l’on observe. Les grès du Sycarham Member surmontent les niveaux, parfois épais, silteux et argileux d’épandages de crevasse et de plaine d’inondation de la Cloughton Formation. Il est possible que ces niveaux ont pu représenter des zones marécageuses restreintes (quelques dizaines ou centaines de mètres) de forte production de matière organique. Les différences de conditions chimiques entre ces argiles et les grès sus-jacents auraient permis la migration verticale d’espèces réduites comme le fer. Cependant, pour les distances observées, la diffusion seule ne suffit pas, une circulation de fluide est également nécessaire. Des zones préférentielles, nécessitant une forte activité des carbonates et un milieu moyennement réducteur (figure III.22) auraient alors fixé le fer(II) sous la forme de sidérite, entraînant les distributions observées. Suivant le point de vue de Curtis & Coleman (1986), ces zones, compatibles avec le climat et l’environnement de dépôt des grès du Ravenscar Group, ont pu fournir, lors de la méthanogenèse, l’alcalinité nécessaire à la formation de sidérite, tant

sidérites étudiées par Curtis et al. (1986) et Kantorowicz (1990). Cet apport local de carbonates aurait pu permettre la fixation du fer qui, autrement, aurait été évacué.

Dans les grès du Sycarham Member, certains pics de concentration en fer, peu étalés, semblent être corrélés entre plusieurs puits (par exemple RV12, RV13, RV14, figure III.21). Ces pics sont présents dans la partie centrale ou supérieure des grès, on ne peut donc pas envisager la présence de niveaux argileux sous-jacents riches en matière organique. Dans ce cas, il est vraisemblable que le fer a migré latéralement des niveaux fins situés en bordure des chenaux vers les grès dans lesquels le fer aurait pu être présent sous sa forme réduite (Postma, 1977). Toutefois, ces conditions ne permettraient pas le développement de sidérite sur plusieurs mètres d’épaisseur.