• Aucun résultat trouvé

C. Discussion et interprétations des distributions élémentaires

4. Informations granulométriques et minéralogiques

Les teneurs en Zr fournissent une information sur la granulométrie des grès. Ceci est particulièrement vrai pour les intervalles suspensifs des dépôts. En effet, les faciès de type remplissage de chenal et barres gréseuses sont relativement pauvres en Zr et donc en minéraux lourds (figure IV.6). Il s'agit, en partie, d’un effet de granulométrie. Ces minéraux accessoires sont plus abondants dans les grès moyens et fins que dans les grès grossiers, comme le montre la figure IV.9. Enfin, du fait de leur densité, ils sont relativement rares dans les niveaux argileux. La distribution observée ici, en fonction de la granulométrie, est comparable à celle relative aux grès du Ravenscar Group.

La distribution des compositions en éléments majeurs des différents faciès échantillonnés est également liée à la granulométrie. Ainsi, sur le diagramme Al/Na/K, elle est caractérisée par une ligne brisée que l’on retrouve pour tous les sites (figure IV.10). Cette répartition correspond grossièrement à trois pôles de composition correspondant à des granulométries différentes, grossière, moyenne et fine (shales). Malgré l’existence de ces trois pôles, la répartition entre deux segments montre qu’il n’existe pas ou peu de compositions intermédiaires entre les pôles extrêmes, à savoir grès grossier et shales, conformément aux observations pétrographiques. Finalement, les ségrégations observées au sein de la fraction alumineuse des Grès d’Annot sont donc le résultat des processus de transport et de dépôt, ce qui contraste avec la distribution de cette même fraction observée pour les grès du Ravenscar Group, liée aux transformations diagénétiques.

Les variations de composition en éléments majeurs nous permettent également de discuter des variations granulométriques et minéralogiques au sein de la fraction détritique alumineuse et non argileuse. En effet, les grès grossiers et massifs (remplissage de chenal et barres gréseuses) sont systématiquement plus riches en K (et Rb) que les grès associés et plus fins provenant de l’hétérolithique pour un site donné (figures IV.7 et IV.10). Ces différences s’interprètent par une concentration préférentielle du feldspath potassique, ou des fragments lithiques riches en ce minéral, préférentiellement dans les faciès les plus grossiers, c’est-à-dire essentiellement les grès de remplissage de chenal et les barres gréseuses. En effet, les observations pétrographiques faites sur ces grès dans notre étude et dans les travaux de Jean et al. (1985) font état de feldspaths potassiques et de fragments lithiques particulièrement gros, de taille supérieure à celle des grains de quartz. Ceci est lié au caractère immature de la source des grès et aux caractéristiques du transport. Lorsque ce dernier est bref, la désagrégation des lithoclastes et des feldspaths en particules plus petites sera très limitée (Ethridge, 1977 ; Kairo et al., 1993), comme c’est vraisemblablement le cas ici (Jean et al., 1985). Ces conclusions sont à relier aux résultats issus de l’étude géochimique des grès du Ravenscar Group. En effet, nous avions mis en évidence un tri entre le quartz et les autres particules clastiques des grès, feldspaths et lithoclastes, qui s’apparente à un tri granulométrique. Dans ces grès très matures, le quartz est la particule détritique la plus grosse. Inversement, pour les grès d’Annot, particulièrement immatures, les particules les plus grosses sont les feldspaths potassiques et certains fragments lithiques. Cette comparaison nous permet de conclure à un tri granulométrique du même type au sein de la fraction clastique, dans les deux contextes. Néanmoins, le degré de maturité des grès impose le contenu des différentes classes granulométriques (quartz ou feldspath potassique) et donc les éléments chimiques pour lesquels il en découlera des variations de composition.

Cependant, les variations de composition en éléments majeurs caractéristiques de la fraction alumineuse clastique ne sont pas imputables uniquement à la distribution du feldspath potassique. Par exemple, les grès de l’hétérolithique du Col de la Moutière sont plus alumineux que leurs homologues massifs et grossiers. Les représentations ternaires Al/Na/K (figure IV.10) montrent que cette différence n’est pas liée à la proportion variable de feldspath potassique. En effet, si tel était le cas, on observerait une dispersion dirigée vers le pôle feldspath K. En fait, on observe une distribution grossièrement parallèle au joint Al-K, i.e. à Na constant, ce qui suggère un tri entre deux populations distinctes de clastes dont l’une est plutôt riche en K et peu alumineuse et l’autre pauvre en potassium et enrichie en Al. La première population pourrait correspondre aux fragments de granites différenciés, difficilement altérables et formant des particules de grande taille. La seconde population pourrait provenir de roches moins évoluées, telles que les diorites ou des faciès volcaniques, par exemple, contenant un plagioclase plus calcique, donc plus altérables (Grant, 1963 ; Nesbitt et al., 1980 ; Van de Kamp & Leake, 1994) qui formeraient, après altération, des particules de plus petite taille et plus alumineuses.

Sites

ANNOT BRAUX

COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY CIME DE LA BLANCHE grès de remplissage de chenal barre gréseuse banc gréseux turbidite, grès et argiles hétérolithique, grès et argiles debris-flow, matrice argilo-gréseuse galet mou, claste argileux Marnes Bleues Faciès 20 0 CaO (%) 0 10 Al2O3 (%) 0 20 40 60 80 SiO2 (%) 0 10 Al2O3 (%) carbonates grès shales grès shales carbonates

Figure IV.5 : Diagrammes Al2O3/CaO et Al2O3/SiO2 relatifs à l’ensemble des échantillons. Nous retrouvons les trois composantes identifiées lors de l’étude des sections. Les symboles représentent divers faciès et les couleurs les sites de prélèvement.

0 100 Cr* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) 0 50 100 Ce* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) Sites ANNOT BRAUX COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY CIME DE LA BLANCHE grès de remplissage de chenal barre gréseuse banc gréseux turbidite, grès et argiles hétérolithique, grès et argiles debris-flow, matrice argilo-gréseuse galet mou, claste argileux Marnes Bleues

2 K2O.DI (%) 0 10 Al2O3.DI (%) 4 0 2 Na2O.DI (%) 0 10 Al2O3.DI (%) Sites ANNOT BRAUX COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY CIME DE LA BLANCHE grès de remplissage de chenal barre gréseuse banc gréseux turbidite, grès et argiles hétérolithique, grès et argiles debris-flow, matrice argilo-gréseuse galet mou, claste argileux Marnes Bleues Faciès grès shales grès shales

Figure IV.7 : Diagrammes Al2O3/K2O et Al2O3/Na2O, relatifs à l’ensemble des échantillons. Les teneurs sont normalisées à l’aide d’un indice de dilution, DI, défini dans le texte. On peut noter que les compositions des grès sont toujours peu variables.

Sites

ANNOT BRAUX

COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY CIME DE LA BLANCHE grès de remplissage de chenal barre gréseuse banc gréseux turbidite, grès et argiles hétérolithique, grès et argiles debris-flow, matrice argilo-gréseuse galet mou, claste argileux Marnes Bleues Faciès 0 100 Cr* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) 0 100 Cr* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) turbidite haute densité hétérolithique chenaux barres gréseuses debris flows shales

turbidite basse densité (Chalufy, Cime de la Blanche) turbidite basse densité

0 50 100 150 Cr* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) 0 50 100 Ce* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) Sites ANNOT BRAUX COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY CIME DE LA BLANCHE grès très grossier grès grossier grès grossier à moyen grès moyen grès moyen à fin grès fin silt argiles Granulométrie

Figure IV.9 : Diagrammes Zr*/Cr* et Zr*/Ce*. Les concentrations sont normalisées à 15% d’Al2O3. Les échantillons sont représentés en fonction de leur site de prélèvement, identifié par une couleur et de la granulométrie, identifiée par un symbole. Il apparaît ainsi que les niveaux grossiers sont appauvris en minéraux lourds à la différence des niveaux gréseux moyens et fins. Par ailleurs, la composition des shales est relativement peu variable et différente de celle des grès.

Sites

ANNOT BRAUX

COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY CIME DE LA BLANCHE grès de remplissage de chenal barre gréseuse banc gréseux turbidite, grès et argiles hétérolithique, grès et argiles debris-flow, matrice argilo-gréseuse galet mou, claste argileux Marnes Bleues Faciès grès très grossier grès grossier grès grossier à moyen grès moyen grès moyen à fin grès fin silt argiles Granulométrie 0,4.Na 0,9.Al 0,5.K 0,4.Na 0,9.Al 0,5.K feldspath K albite kaolinite chlorite muscovite grès grossier grès moyen à fin shales

Figure IV.10 : Diagrammes ternaires Al/Na/K (en proportions molaires). La discrimination des échantillons est proposée par faciès (symbole) et par site de prélèvement (couleur) sur le diagramme de gauche et par taille de grain (symbole) et site de prélèvement (couleur) sur le diagramme de droite. Il apparaît alors que la distribution en ligne brisée résulte

Conclusion

L’analyse de la composition chimique des dépôts turbiditiques de la formation des Grès d’Annot constitue un complément intéressant à l’étude menée sur les grès du Ravenscar Group. Ce travail confirme certains résultats de portée générale. La diversité des compositions chimiques peut être assimilée à un mélange entre trois ou quatre composantes géochimiques qu’il est possible de préciser minéralogiquement. Cette répartition des éléments entre divers pôles chimiques est le résultat de processus primaires (tris sédimentaires à diverses échelles) et secondaires (cimentation calcitique inégalement répartie).

Ainsi, sur le plan sédimentologique, l’utilisation de la géochimie permet de discriminer les différents faciès sédimentaires. Chacun d’eux est caractérisé par un type de variabilité chimique particulier, lié au processus de sédimentation. Nous retrouvons notamment la ségrégation entre le cortège de minéraux lourds et le reste de la roche qui entraîne des variabilités importantes pour les éléments portés par ces différentes classes de particules détritiques (Zr, Ti, Y, Ce, Th, etc... pour les minéraux lourds et Al, Na, K, Mg pour la fraction clastique alumineuse), en particulier dans les faciès gréseux de l’hétérolithique. La géochimie permet également d’identifier un tri granulométrique au sein de la fraction clastique. Ce résultat est similaire à ce que l’on a pu observer sur les grès du Ravenscar Group, à une échelle différente cependant. Une ségrégation s’opère entre les particules les plus grosses, dont la nature dépend de la maturité du grès, et les autres grains au sein du sédiment.

Sur le plan stratigraphique, pour les corrélations et les études de provenance, le signal géochimique porté par les éléments traces, sous la forme des rapports interéléments Zr*/Cr*, Zr*/Ce*, etc... ainsi que nous les avons définis, est utilisable et fiable, car objectif et robuste aux processus diagénétiques, du fait du caractère inerte des éléments considérés. Néanmoins, les Grès d’Annot ont la particularité de présenter une grande homogénéité de composition minérale et chimique à l’échelle régionale, probablement liée au type de dépôt, qui ne permet pas d’utiliser pleinement l’outil géochimique.

Cette homogénéité se traduit par les propriétés suivantes :

• la signature chimique des niveaux argileux, abstraction faite de la dilution engendrée par la calcite, est particulièrement stable ;

• les caractéristiques chimiques du cortège des minéraux lourds, à savoir les rapports tels que Ce*/Zr*, Th*/Zr* et autres, sont identiques sur tout le bassin, ce qui implique un seul type d’alimentation détritique ou une grande homogénéisation des sources avant le dépôt ;

• les compositions chimiques des grès en éléments majeurs sont peu variables, ce qui permet de conclure à une faible variation des proportions des phases minérales principales.

CHAPITRE V

Cadre de la modélisation numérique :

outils, contexte et données utilisées

Introduction

Ce chapitre a pour but de préciser la manière dont a été conduite la modélisation numérique de deux processus diagénétiques majeurs qui ont affecté les grès fluviodeltaïques du Yorkshire, à savoir la précipitation de la kaolinite et l’albitisation des feldspaths. Nous présenterons dans un premier temps les outils et le code de calcul, DIAPHORE, utilisé dans le cadre de cette étude. Nous rappellerons ainsi les fondements chimiques (thermodynamiques et cinétiques) et physiques sur lesquels repose le modèle et les particularités du code. Dans un deuxième temps, une revue bibliographique permettra de caractériser les paramètres qui sont supposés jouer un rôle dans les transformations diagénétiques étudiées et de mettre en place, pour la modélisation, un cadre qui soit compatible avec l’exemple des grès du Ravenscar Group. Nous pourrons alors préciser les paramètres qui seront utilisés dans les simulations.