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B. Le modèle DIAPHORE

4. Système géochimique et degrés de liberté

Lorsque l’on définit le système chimique, il est important de déterminer si le problème posé admet une solution. Ainsi, pour le type de simulations que nous traitons, nous sommes généralement amenés à déterminer s’il existe une composition du fluide en équilibre avec un assemblage de phases minérales donné. Il faut alors calculer la variance ou le nombre de degrés de liberté, L, du système chimique, i.e. le nombre de paramètres qu’il est nécessaire de fixer pour contraindre totalement le système, à température et pression fixées. Le nombre de degrés de liberté est tel que :

L=∑inconnues−∑relations

(22).

Le système géochimique que l’on considère comprend un nombre E d’éléments chimiques répartis entre Nf espèces aqueuses, Nm minéraux et l’eau. Dénombrons les inconnues et les relations relatives à

notre problème. Le système est totalement déterminé par la connaissance de la molalité de toutes les espèces aqueuses. Celles-ci constituent donc Nf inconnues. Chaque phase impose une contrainte sur le

système : aux Nm minéraux correspondent les Nm lois d’action de masse relatives aux équilibres

eau/minéraux et impliquant les espèces aqueuses. La relation d’électroneutralité impose également une contrainte. Enfin, les Nf espèces aqueuses ne sont pas indépendantes mais liées par les réactions de

spéciation. En appelant Ne le nombre d’espèces aqueuses indépendantes, le nombre de relations issues

des réactions de spéciation entre les espèces aqueuses est Nf -Ne. Nous avons alors Nf-Ne+1+Nm

relations. De plus, il est possible que certains éléments n’interviennent pas dans les équilibres hétérogènes (cas du chlore, élément majeur des eaux naturelles salées, par exemple, si le système géochimique ne contient pas de sel comme phase solide) ou sont tels que l’on considère que l’on peut fixer l’activité à une valeur donnée (c’est le cas lorsque l’on impose une pression partielle de CO2 dans

le système). De tels éléments sont dits mobiles. Dans ces conditions, imposer Nv pressions partielles

revient à introduire Nv équilibres eau/gaz et donc Nv relations supplémentaires. Pour les éléments

dissous mobiles, leur molalité est fixée. Ceci implique l’introduction de nouvelles contraintes, les lois de conservation de ces éléments (en molalité) : la molalité, fixée, d’un tel élément est une combinaison linéaire des molalités des espèces aqueuses contenant cet élément. Ainsi, si le système comprend Ne’

éléments mobiles, il faut ajouter Ne’ relations.

Ceci conduit au résultat :

L=

N

f

−(N

f

N

e

+

N

m

+ +1

N

v

+

N

e'

)=

N

e

N

e'

N

v

+

N

m

+1

(23).

Si L > 0, le système est sous-déterminé, il admet une infinité de solutions. Pour obtenir une solution, il est nécessaire de se prononcer sur L inconnues.

Si L < 0, le système est surdéterminé ; il n’admet pas de solution compatible avec le système chimique choisi : soit une (ou plusieurs) phase(s) doit (doivent) disparaître pour autoriser un équilibre entre la solution et l’assemblage de phases minérales, soit il faut revoir le nombre de contraintes imposées sur le système (notamment sur les éléments mobiles).

Le concept d’espèces de base introduit dans les modèles numériques géochimiques (Fritz, 1981 ; Parkhurst et al., 1980 ; Coudrain-Ribstein, 1988 ; Madé, 1991 ; Bethke, 1996), qui permet de déterminer les activités et molalités des espèces aqueuses en fonction d’un nombre réduit d’espèces strictement indépendantes par l’intermédiaire des lois d’action de masse, peut s’avérer un moyen simple de déterminer Ne. Les espèces aqueuses indépendantes du problème traité sont un sous-groupe

de l’ensemble des espèces de base.

Dans DIAPHORE, les espèces de base comprennent notamment :

Al(OH)4-, K+, Na+, Ca2+, Mg2+, Fe2+, Mn2+, Sr2+, F-,PO43-, H4SiO4, NO3-, S2-, CO32-, Cl-, H+.

Ces espèces permettent de traiter un très grand nombre de configurations. Quelques exemples de calcul du nombre de degrés de liberté relatifs à certains systèmes sont présentés ci-dessous.

Exemples de calcul des degrés de liberté : (principalement inspirés des résultats présentés dans le chapitre VI) 1. Système : Quartz-Kaolinite-Albite-Anorthite-Feldspath K-Calcite + eau, Nm = 6.

Eléments : Si, Al, Na, Ca, K, C, Fe, Mg, Cl, O, H, soit 11 éléments.

Espèces aqueuses indépendantes : Al(OH)4-, K+, Na+, Ca2+, H4SiO4, CO32-, H+ impliqués dans les équilibres hétérogènes et Mg2+, Fe2+, Cl- mobiles soit 7+3 espèces, Ne = 10 et Ne’ = 3.

La pCO2 est imposée, Nv = 1.

L=10-3-(1+6+1)=-1. Le système est surdéterminé. Le système contient une phase de trop. Ainsi, dans nos simulations l’anorthite est dissoute en système fermé.

2. Système : Quartz-Kaolinite-Albite-Anorthite-Feldspath K-Calcite + eau, Nm = 6. Eléments : Si, Al, Na, Ca, K, C, Fe, Mg, Cl, O, H, soit 11 éléments.

Espèces aqueuses indépendantes : Al(OH)4-, K+, Na+, Ca2+, H4SiO4, CO32-, H+ impliqués dans les équilibres hétérogènes et Mg2+, Fe2+, Cl- mobiles soit 7+3 espèces, Ne = 10 et Ne’ = 3.

Pas de pression partielle imposée, Nv = 0.

3. Système : Quartz-Kaolinite-Albite-Anorthite-Feldspath K-Muscovite-Calcite + eau, Nm = 7. Eléments : Si, Al, Na, Ca, K, C, Fe, Mg, Cl, O, H, soit 11 éléments.

Espèces aqueuses indépendantes : Al(OH)4-, K+, Na+, Ca2+, H4SiO4, CO32-, H+ impliqués dans les équilibres hétérogènes et Mg2+, Fe2+, Cl- mobiles soit 7+3 espèces, Ne = 10 et Ne’ = 3.

Pas de pression partielle imposée, Nv = 0.

L=10-3-(0+7+1)=-1. Le système est surdéterminé. Comme dans l’exemple 1, une phase doit disparaître . Dans nos simulations, la muscovite est dissoute en système fermé.

4. Système : Quartz-Kaolinite-Albite-Anorthite-Feldspath K-Phengite-Calcite + eau, Nm = 7. (La phengite est un mica potassique, contenant Mg, Fe).

Eléments : Si, Al, Na, Ca, K, C, Fe, Mg, Cl, O, H, soit 11 éléments.

Espèces aqueuses indépendantes : Al(OH)4-, K+, Na+, Ca2+, H4SiO4, CO32-, H+, Mg2+, Fe2+ impliqués dans les équilibres hétérogènes et Cl- mobile soit 10 espèces, Ne = 10 et Ne’ = 1.

Pas de pression partielle imposée, Nv = 0.

L=10-1-(0+7+1)=1. Le système est sous-déterminé. Le mica considéré introduit un degré de liberté dans le système. Un des éléments Fe ou Mg n’est pas contrôlé par l’équilibre eau/roche. Les simulations montrent que la phengite est stable en système fermé.

5. Système : Calcite + Dolomite + Magnésite + eau, Nm = 3.

Eléments : Si, Al, Na, Ca, K, C, Fe, Mg, Cl, O, H, soit 11 éléments.

Espèces aqueuses indépendantes : Ca2+, CO32-, Mg2+impliqués dans les équilibres hétérogènes et Al(OH)4-, K+, Na+, H4SiO4, H+, Fe2+, Cl- mobiles soit 10 espèces, Ne = 10 et Ne’ = 7.

Pas de pression partielle imposée, Nv = 0.

L=10-7-(0+3+1)=-1. Le système est surdéterminé. Une des phases carbonatées est détruite au profit des deux autres.

Ces exemples montrent que le calcul d’une composition d’eau à l’équilibre avec un assemblage de phases minérales, à P et T fixées, n’est possible que si le nombre d’espèces aqueuses indépendantes, hormis H+, est égal au nombre de phases minérales, à la condition que ces dernières soient indépendantes (i.e. qu’aucun des minéraux ne résulte d’une réaction entre les autres), conformément aux conclusions de Michard (1989) déduites de l’application de la règle des phases de Gibbs. En effet, dans l’exemple 3 (respectivement 5), les minéraux ne sont pas indépendants entre eux, il existe une relation entre muscovite, feldspath K, kaolinite et quartz (respectivement entre calcite, dolomite et magnésite) et le système est surdéterminé.