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A. Variabilité à l’échelle des sections

2. Composantes géochimiques identifiées

Nous suivons la démarche utilisée précédemment qui consiste à analyser les variations observées comme le résultat de mélanges en proportions variables entre plusieurs pôles de composition chimique définie, mais inconnue a priori. Nous allons dénombrer et caractériser chimiquement et minéralogiquement ces pôles (ou composantes géochimiques), à partir de la répartition des échantillons des sections sur les représentations binaires des figures IV.2 à IV.4.

a. Composante carbonates

La plupart des faciès des Grès d’Annot sont carbonatés, ainsi que le montrent les résultats de DRX présentés dans le tableau IV.1. Ces carbonates sont presque exclusivement calcitiques. La distribution des carbonates apparaît clairement sur les diagrammes Al2O3/CaO et Al2O3/SiO2 de la figure IV.2.

Les échantillons se répartissent dans un triangle entre un pôle gréseux, de teneur en aluminium de l’ordre de 10 % et pauvre en CaO, un pôle argileux, de teneur en aluminium supérieure à 20 % et également pauvre en CaO et un pôle carbonaté légèrement siliceux. Mis à part les Marnes Bleues (non représentées ici), les échantillons les plus riches en carbonates sont systématiquement les turbidites distales, de basse densité, échantillonnées au Col de la Moutière (CM-B3), à la Cime de la Blanche (BL-A) ainsi qu’à Chalufy (CH4-E). Ces dernières se présentent essentiellement comme des mélanges de carbonates et de matériel argileux dans lesquels la proportion de matériel gréseux est peu variable. La partie sommitale (argileuse) de la turbidite de haute densité de la coupe de Braux (BR-A) se présente également comme un mélange entre argiles et carbonates, donc comme une turbidite de basse densité. En revanche, la partie basale de cette séquence est beaucoup moins carbonatée, et sa composition est voisine de celle des faciès massifs (grès de remplissage de chenal, AN-D, et barres gréseuses, AN-SS).

Les grès provenant des niveaux hétérolithiques (CM-A5 et AN-F) contiennent une proportion variable de carbonate, avec des teneurs en calcium de 0 à 10 %, et sont généralement pauvres en matériel argileux. On trouve également des compositions très alumineuses, correspondant aux niveaux argileux associés prélevés dans ces sections. Cependant, dans les niveaux hétérolithiques, il est remarquable de constater peu de compositions intermédiaires entre grès et shales, d’autant que celles-ci correspondent aux échantillons de type grès à interlits argileux qui s’apparentent donc à des mélanges « artificiels ».

b. Composante minéraux lourds

La teneur en Zr des échantillons correspondant, en première approximation, à l’abondance du zircon (ZrSiO4), il est possible d’identifier facilement les constituants chimiques qui entrent dans le cortège des

minéraux lourds en comparant leur distribution à celle de Zr. Ceci a été fait sur les représentations de la figure IV.3, pour lesquelles les concentrations ont été normalisées à 15 % d’Al2O3, ce qui permet de

soustraire la dilution engendrée par l’abondance variable des carbonates et de comparer directement ces distributions avec celles obtenues pour les grès du Ravenscar Group. On remarque alors que les variations de Ce (et également Ti, P, Y, Th) sont étroitement corrélées à celles de Zr, en particulier dans les grès de l’hétérolithique (AN-F et CM-A5) ; par contre, les teneurs en Cr (ou V) ne montrent pas cette tendance et sont faiblement corrélés au zirconium. Ces corrélations s’interprètent aisément en considérant que les compositions des grès sont des mélanges en proportions variables entre deux pôles de composition chimique distincte correspondant aux minéraux lourds, d’une part, et au reste de la fraction détritique (quartz, feldspaths, fragments lithiques...) d’autre part, ainsi que nous l’avons vu au chapitre précédent. L’existence de ces corrélations implique alors que les minéraux porteurs de Zr, Ti, Th (et Ce), à savoir, respectivement, le zircon, les oxydes de titane (rutile, anatase, brookite) et la monazite sont présents dans le cortège de minéraux lourds en proportions relativement constante au sein d’un même banc, même si leur abondance varie dans des proportions considérables d’un échantillon à l’autre. On peut noter également que la magnétite est un constituant présent en faible quantité dans la population des minéraux, ce qui entraîne des pentes faibles des corrélations entre Zr et des éléments tels que Cr, Sc ou bien V.

Toutefois, cette dispersion caractéristique est essentiellement mise en évidence dans les grès de l’hétérolithique. En effet, les niveaux gréseux correspondant aux faciès massifs et généralement grossiers (AN-SS), ont des teneurs en ces éléments caractéristiques des minéraux lourds relativement faibles et dont les variabilités sont très limitées (figures IV.1 et IV.3). Nous verrons plus loin que cette distribution permet de discriminer clairement les faciès et qu’elle peut s’interpréter en terme de

c. Composantes fraction grossière (grès) et fraction argileuse

La présence des carbonates perturbe quelque peu les variations d’abondance des constituants qui nous intéressent ici. On introduit alors un indice de dilution, DI, défini ainsi :

DI

CaO

PF

=

100

100

, où PF représente la perte au feu.

Les teneurs multipliées par cet indice DI correspondent alors au matériel décarbonaté et anhydre. Ce sont ces concentrations normalisées qui sont présentées sur la figure IV.4. Dans l’ensemble, la composition des Grès d’Annot en constituants majeurs tels que Na, K, Fe ou Mg, est très homogène (figures IV.4). Par ailleurs, on n’observe pas de dispersion nette en direction de l’origine. Ceci implique alors que les proportions entre le quartz et les autres constituants détritiques (feldspaths, lithoclastes) ne varient pas beaucoup. Cette caractéristique générale diffère grandement de ce que l’on observe dans les dépôts fluviodeltaïques du Ravenscar Group, où la ségrégation locale entre le quartz et le reste de la fraction détritique est nettement marquée et donne lieu à d’importantes variations locales de la proportion relative d’Al2O3. Ici, la plupart des compositions des grès se regroupe remarquablement

autour d’une teneur corrigée moyenne de 10 %. Les ségrégations au sein de la fraction grossière n’apparaissent réellement que dans les grès de l’hétérolithique (CM-A5). En effet, dans ces alternances, le tri se fait essentiellement entre deux pôles qui diffèrent par leur rapport K/Al (figure IV.4) : un pôle plus alumineux et aussi plus riche en feldspath potassique (K/Al élevé) et en albite ; un pôle visiblement plus riche en quartz et en mica ou en argiles, du fait d’un rapport K/Al plus bas. Ces deux pôles correspondent probablement à des fractions granulométriques différentes, les plus gros lithoclastes ayant, en moyenne, une composition plus granitique que le reste (cf. infra).

Finalement, les variations chimiques les plus apparentes dans les Grès d’Annot se font en direction de la composition du matériel argileux, riche en aluminium et en potassium et appauvri en sodium, et concerne les parties sommitales des turbidites (BR-A, CM-B3, BL-A sur la figure IV.4). On retrouve ici la ségrégation entre la fraction grossière et la fraction fine, souvent mise en évidence en géochimie (Wyborn & Chappel, 1983 ; Sawyer, 1986 ; Argast & Donnelly, 1987 ; Bloch & Hutcheon, 1992 ; Fralick & Kronberg, 1997).

Chambre du Roi 0,1 1,0 10,0 100,0 1000,0 0,0 0,5 cote relative (m) 1,0 1,5

chenal (section AN-D)

grès grossiers Zr (ppm) Cr (ppm) Al2O3 (%) K2O (%) Na2O (%) Fe2O3 (%) CaO (%) Chambre du Roi 0,1 1,0 10,0 100,0 1000,0 2,0 cote relative (m) 2,5

hétérolithique (section AN-F)

grès fins argiles Braux 0,1 1,0 10,0 100,0 1000,0 0,0 0,5 cote relative (m) 1,0 1,5

Séquence basale granoclassée

laminations

argiles turbidite haute densité (section BR-A)

Figure IV.1 : Profils composition/profondeur permettant d’apprécier la variabilité verticale pour divers faciès gréseux. La légende est fournie sur le profil de la section AN-D sur la coupe de la Chambre du Roi. L’amplitude des variations dépend de l’élément et du faciès considérés.

0 20 40 60 80 SiO2 (%) 0 10 Al2O3 (%) 0 10 CaO (%) 0 10 Al2O3 (%) Sites ANNOT BRAUX COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY

CIME DE LA BLANCHE

AN-D grès de remplissage de chenal AN-SS barre gréseuse

AN-F hétérolithique

BR-A turbidite haute densité

CM-A5 hétérolithique

CM-B3 turbidite basse densité

CH4-E turbidite basse densité

BL-A turbidite basse densité

BL-B banc gréseux

Sections & faciès associés

carbonates

grès shales

grès

shales

0 50 Cr* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) 0 50 Ce* (ppm) 0 200 400 Zr* (ppm) Sites ANNOT BRAUX COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY

CIME DE LA BLANCHE

AN-D grès de remplissage de chenal AN-SS barre gréseuse

AN-F hétérolithique

BR-A turbidite haute densité

CM-A5 hétérolithique

CM-B3 turbidite basse densité

CH4-E turbidite basse densité

BL-A turbidite basse densité

BL-B banc gréseux

Sections & faciès associés

Figure IV.3 : Diagrammes Zr*/Cr* et Zr*/Ce* relatifs aux sections. Les concentrations sont normalisées à 15% d’Al2O3. Les distribution linéaires qui caractérisent les grès sur le diagramme Zr*/Ce* permettent de mettre en évidence l’existence d’une composante minéraux lourds (voir le texte pour les explications). Le chrome apparaît, quant à lui, peu dépendant du zirconium.

0 2 K2O.DI (%) 0 10 A l2O3.DI (%) 4 0 2 Na2O.DI (%) 0 10 A l 2O3.DI (%) Sites ANNOT BRAUX COL DE LA MOUTIERE

BARRE DE LA MAUVAISE COTE

CIME DIEU DE DELFY

CHALUFY

CIME DE LA BLANCHE

AN-D grès de remplissage de chenal AN-SS barre gréseuse

AN-F hétérolithique

BR-A turbidite haute densité

CM-A5 hétérolithique

CM-B3 turbidite basse densité

CH4-E turbidite basse densité

BL-A turbidite basse densité

BL-B banc gréseux

Sections & faciès associés

grès

shales

grès