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Les réactions diagénétiques affectant les feldspaths concernent aussi bien les plagioclases que les variétés alcalines. A faible température (surface et subsurface), seuls les pôles purs sont véritablement stables (Kastner & Siever, 1979). Les feldspaths détritiques d’origine magmatique ou métamorphique sont métastables dans ces conditions et donc plus aptes à réagir. Les transformations diagénétiques ont été largement décrites (Land & Milliken, 1981 ; Boles, 1982 ; Kaiser, 1984 ; Milliken, 1988 , 1992), notamment sur les grès de la Frio formation (Gulf Coast) qui présentent l’avantage d’être échantillonnables depuis la surface jusqu'à une profondeur de l’ordre de 5000 m, et d’avoir subi des transformations d’ampleur variable. Bien que semblables, les transformations qui affectent les deux

1. Diagenèse des feldspaths plagioclases

Les plagioclases sont souvent décrits comme ayant subi des réactions de dissolution et, parfois d’albitisation. Les arguments pétrographiques et chimiques avancés pour supposer ces transformations sont presque toujours semblables, quelle que soit la formation gréseuse étudiée (Merino, 1975 ; Boles, 1984 ; Gold, 1987 ; Milliken, 1989 ; Fisher & Boles, 1990 ; Morad et al., 1990 ). Les plagioclases sont partiellement dissous, préférentiellement le long des clivages, au niveau des microfractures et de la microporosité. L’albite peut se former à l’intérieur du grain résiduel. Dans certains cas, la dissolution du plagioclase peut entraîner la formation d’albite directement dans les pores primaires (Gold, 1987 ; Milliken, 1989). Quelle que soit la texture de l’albite formée, celle-ci est chimiquement presque pure, Ab99-100.

Les observations réalisées sur des échantillons provenant de diverses profondeurs montrent que les transformations subies par les plagioclases (dissolution ou albitisation) et leur intensité dépendent de la température. Trevena & Clark (1986) et Lundegard & Trevena (1990) font état, sur les grès Miocène du Golfe de Pattani (Thaïlande), d’une dissolution accrue des plagioclases avec la profondeur : très légèrement altérés en deçà de 1200 m, les plagioclases présentent en revanche des pores intragranulaires bien développés entre 1200 et 2750 m, ; au-delà de 2750 m, la dissolution du feldspath plagioclase est totale. L’albitisation présente les mêmes caractéristiques. La teneur en anorthite des plagioclases diminue avec la profondeur (Boles, 1982 ; Land et al., 1987), et, au-delà d’un certain enfouissement, l’albitisation est complète (Land & Milliken, 1981 ; Gold, 1987 ; Morad et al., 1990). Cet échelonnement dans la transformation des feldspaths permet de préciser la gamme de température propice à l’albitisation. Cette gamme est légèrement variable selon les auteurs : entre 100 et 130°C, pour Boles (1982) et Gold (1987) et entre 75 et 100°C pour Morad et al. (1990).

Plusieurs réactions-bilans ont été proposées pour rendre compte des transformations diagénétiques qui affectent les feldspaths (Land & Milliken, 1981 ; Boles, 1982 ; Morad et al., 1990). Ces bilans reposent sur les observations pétrographiques et la quantification de la proportion des minéraux interprétés comme réactifs. Le comportement isochimique ou allochimique d’un élément impliqué dans la transformation dépend alors du bilan proposé. Ainsi, pour Land & Milliken (1981), l’albitisation nécessite une source externe de sodium (dissolution de la halite, réaction illite/smectite à illite, eaux connées dérivées de l’eau de mer). Pour Walker (1984) et Morad et al. (1990), l’apport de sodium au système n’est pas nécessaire, si l’on considère que le processus diagénétique concerne des plagioclases intermédiaires.

Cette approche consistant à proposer des réactions globales à partir de l’observation des minéraux qui paraissent réactifs présente le défaut de ne considérer qu’une partie du système géochimique. Les formulations sont incomplètes ; elles ne rendent pas compte de l’ensemble des réactions eau/roche qui se produisent ni ne permettent de préciser le moteur des réactions. L’introduction de la calcite dans le système géochimique, par exemple, peut être un facteur important de déstabilisation du plagioclase (Land & Dutton, 1979), bien que, du fait de sa réactivité, le minéral carbonaté puisse être absent de la paragenèse observée. Le recours à la modélisation numérique, par l’appréhension d’un système chimique plus « complet » peut être un moyen de mieux cerner les réactions impliquées dans les transformations diagénétiques observées.

2. Diagenèse des feldspaths potassiques

Les observations relatives à la dissolution et à l’albitisation des feldspaths potassiques sont moins abondantes que celles concernant le plagioclase. Il semble par ailleurs que la transformation des plagioclases en albite est généralement plus aisée que celle du feldspath-K, ce dernier étant souvent simplement dissous (Fisher & Land, 1986 ; Land et al., 1987). Les feldspaths peuvent être partiellement dissous, préférentiellement le long des clivages, mais ce n’est pas le mode le plus courant. Souvent, un grain partiellement ou totalement albitisé peut apparaître sans traces de dissolution, suggérant une pseudomorphose du feldspath initial. Sur le plan chimique, l’albite formée est, dans ce cas également, presque pure (Land & Milliken, 1981 ; Saigal et al., 1988).

Les réactions de dissolution et/ou d’albitisation du feldspath potassique sont fonction de la température. Cette dépendance peut être comparée à celle des plagioclases. Trevena & Clark (1986) et Lundegard & Trevena (1990) montrent que le lessivage du feldspath potassique commence à une profondeur d’enfouissement plus importante que pour le plagioclase. Cependant, cette dissolution est plus intense puisque le feldspath potassique est totalement dissous pour des températures plus faibles que celles correspondant à la disparition totale du plagioclase. La dépendance de la stabilité du feldspath potassique avec la température a été également mise en évidence par Kaiser (1984), Gold (1987), Land et al. (1987) et Milliken (1988). Cependant, les températures d’albitisation du feldspath potassique proposées par divers auteurs sont moins concordantes que dans le cas des plagioclases. Glassman et al. (1989) estiment la température de dissolution du feldspath potassique à 120-130°C. Pour Kaiser (1984), l’albitisation débute entre 50 et 85°C. Pour Saigal et al. (1988), Bjorlykke et al. (1989) et Aagaard et al. (1990), cette réaction débute vers 65°C et se poursuivrait jusque 150 °C.

toutes choses restant en l’état par ailleurs. Les eaux de surface (météorique ou marine) se trouvent dans le champ de stabilité du feldspath potassique. Lorsque la température augmente, la composition de ces eaux peut correspondre à l’équilibre feldspath potassique/albite, ou tomber dans le champ de stabilité de l’albite (figure V.2). Cependant, le rapport Na/K de l’eau interstitielle n’est pas une condition suffisante pour albitiser le feldspath. C’est d’ailleurs ce que l’on observe pour les grès Miocène du Golfe de Pattani (Lundegard & Trevena, 1990) : il n’y a pas d’albitisation des feldspaths, ceux-ci sont simplement dissous ; les eaux de formation de ces grès sont très diluées, donc pauvres en sodium. De plus, la conversion illite/smectiteàillite dans les shales ou la réaction d’illitisation de la kaolinite et du feldspath potassique dans les grès, nécessitant une source de potassium, peut être un facteur essentiel de dissolution et/ou d’albitisation du feldspath potassique (Gold, 1987 ; Saigal et al., 1988 ; Aagaard et al., 1990 ; Morad et al., 1990 ; Ehrenberg, 1991 ; Glasmann, 1992 ; Awwiller, 1993). La plage de température des réactions diagénétiques des feldspaths potassiques est d’ailleurs compatible avec celle de la formation des illites. Il apparaît alors que le système géochimique dans lequel s’intègre le processus d’albitisation peut être relativement complexe, faisant intervenir des minéraux tels que la kaolinite, l’illite et la muscovite ou d’autres micas, en plus des feldspaths potassiques et sodiques.

Enfin, Milliken (1992) a montré, en comparant l’état des feldspaths dans les niveaux argileux (shales) et dans les grès, que les feldspaths potassiques des shales étaient, à profondeur égale, moins altérés que ceux des grès adjacents. La circulation de fluide favoriserait donc l’altération des feldspaths potassiques. A l’inverse, il n’est pas apparu de différences entre grès et shales adjacents quant à l’évolution des plagioclases, laissant supposer que la réaction d’albitisation des plagioclases est moins sensible à l’ouverture du système et à la circulation des fluides.

1 2 3 4 0 50 100 150 200 T (°C) log ((Na+)/(K+))

Figure V.1 : Equilibre feldspath K/albite en fonction de la température, d’après la base de données de DIAPHORE. L’augmentation de température entraîne un accroissement du champ de stabilité de l’albite.

albite feldspath K

1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 50 100 T (°C) 150 200 log ((Na+)/(K+)) Gulf Coast Pattani Greater Alwyn Haltenbanken

Figure V.2 : Composition d’eaux de formations sur le diagramme de stabilité log ((Na+)/(K+)) en fonction de T. Presque toutes les eaux échantillonnées sur le Bassin de Pattani (Thaïlande) et sur le Greater Alwyn (Mer du Nord) ont des compositions correspondant à l’équilibre feldspath K-albite ou tombent dans le champ de stabilité de l’albite. Pour Haltenbanken (Norvège) et la Gulf Coast (Etats-Unis), la situation est plus contrastée.

(Sources : Gulf Coast, Frio formation, McPherson (1992) ; Pattani, grès Miocène, Lundegard & Trevena (1990) ; Greater Alwyn, grès du Brent Group, Bazin et al. (1998) ; Haltenbanken, grès du Trias et du Jurassique, Egeberg & Aagaard (1989)).