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La variation syntaxique porte sur les différentes structures argumentales qui caractérisent les

corpus, ainsi que les alternances de ces structures et les éventuels changements sémantiques

qu’elles imposent au verbe. Cette partie de la thèse s’intéresse donc aux préférences des corpus

en termes de constructions syntaxiques des verbes.

a. Alternance passif/actif

Le tableau 4.13 donne un récapitulatif de la répartition des pss dans le corpus, en mettant en

évidence l’alternance des constructions syntaxiques qui y sont retrouvées. Pour chaque corpus,

le nombre depss passifs et actifs est fourni, de même que le pourcentage de ce nombre par

rapport à l’ensemble des constructions que compte le corpus en question.

Tab. 4.13 – Distribution syntaxique des pss dans les corpus.

Forme passive Forme active

pss en "on" autres

nb pss prop (%) nbpss prop nb pss prop

pro 3159 23,98 1237 9,39 8777 66,63

etu 2050 16,25 1220 9,67 9346 74,08

vul 1075 7,87 1496 10,95 11092 29,74

for 338 2,81 3597 29,95 8077 67,24

Tot 6622 7550 37292

Comme l’indiquent les données du tableau 4.13, lespss obtenus comme résultat de l’annotation

sémantique des corpus se répartissent principalement autour de deux types d’alternance de

structures syntaxiques : la voix active et la voix passive.

Le corpus des experts et celui des étudiants enregistrent les plus grands nombres de

construc-tions passives, qui représentent respectivement 23,89% et 16,25% de l’ensemble des pss de

chacun de ces corpus, tandis que le corpus des forums ne contient que 2,81% de constructions

passives sur l’ensemble de sespss. Ces chiffres traduisent l’inclination des experts pour la forme

passive. Ceci est une caractéristique bien connue des textes scientifiques (Biber & Conrad,

2009 ; Todirascu et al., 2012). Cette forme passive est très souvent marquée par l’omission de

l’agent, comme le montrent les exemples suivants :

15) En cas de cécité unilatérale ou d’énucléation, le champ visuel est évalué sur l’oeil indemne.

16) Zeftera est indiqué pour le traitement des infections suivantes lorsqu’elles sont causées

par des souches sensibles des micro-organismes désignés chez des patients de 18 ans et

plus.

17) Après 6 mois un relais par AVK peut être envisagé en fonction de l’évaluation

bénéfice-risque.

18) Les essais cliniques contrôlés non randomisés ont été examinés aux seules fins d’évaluation

des effets néfastes.

En plus des constructions passives, les corpus rédigés par des experts (c’est-à-direpro, etu et

vul) sont caractérisés par la présence d’une forme particulière de construction active ayant un

sujet indéfini, le pronom on.

19) En conséquence, si l’on veut développer l’ETP, cela doit impérativement se faire dans le

cadre d’une stratégie globale visant à rendre cohérents les différents vecteurs possibles de

l’offre d’ETP et à garantir la qualité de l’ETP dispensée.

20) La tolérance est excellente, les effets secondaires très faibles et fort peu différents de ce

qu’on observe sous placebo.

21) On a évalué l’ÉCG comme méthode pour prévenir la mort cardiaque subite chez des

athlètes des États-Unis, à un coût estimatif de 44 000 $US par année de vie sauvée (36).

22) Les modèles rajustés ont également révélé que le risque d’issue défavorable était

significa-tivement plus grand chez les sujets qu’on n’avait pu examiner pour détecter une anomalie

de la démarche.

Ce constat n’est cependant pas propre aux textes des experts uniquement. Bien au contraire,

d’après les résultats du tableau 4.13, le corpus des forums contient le plus grand nombre de

constructions en on, au total 3597, qui représentent 29,95% de l’ensemble de ses pss. On

constate que l’écart est énorme entre le pourcentage depss à la forme passive et celui des pss

en on dans le corpus des forums. Cette remarque n’est pas surprenante étant donné que le

pronom on est communément utilisé dans les registres courant et familier, qui correspondent

aux styles de prédilection dans la plupart des discussions de forums, d’autant plus que ces

dernières font interagir des personnes de statuts socio-professionnels différents ayant, en général,

pour principal objectif d’obtenir des réponses à leurs préoccupations et/ou de partager leurs

expériences.

Nos analyses permettent de retenir que l’utilisation de la construction en on joue un rôle

différent selon qu’on a affaire aux textes rédigés par des experts pour des experts, ou à ceux

écrits par des non-experts pour des non-experts. Dans le premier type de textes, le recours à la

construction enon et/ou à la construction passive avec agent omis semble avoir un but principal,

celui de maintenir l’information véhiculée impersonnelle, d’octroyer un caractère objectif aux

écrits (Heslot, 1983 ; Candel, 1984 ; Mortureux, 1991 ; Fleischman, 2003), afin de leur donner

une valeur de vérité générale. Par ailleurs, à travers les exemples proposés, nous constatons

également que certaines structures avecon renvoient à des agents collectifs ou à la communauté

médicale.

Dans les textes de forums, la plupart du temps, l’emploi des constructions en on relève du

registre familier, comme le montrent les exemples 23 et 24.

23) Chez moi, on ne fume pas, si on veut fumer, on va dehors, même sous la pluie, aucune

pitié.

24) Moi je trouve que c’est vraiment important d’écouter et de faire des conseils qu’on te

donne dans ces centres.

25) On m’a détecté y a 4 ans un WPW et j’ai quelques mois après subit une ablation

paradiofréquence.

Par contre, dans certains contextes comme dans l’exemple 25, leon tend à jouer plus ou moins

le même rôle que dans les corpus experts, celui d’omettre l’agent et de rendre le discours

impersonnel. Ici, par contre, le but de l’impersonnalisation n’est pas de rendre le discours plus

objectif mais, plutôt, de focaliser le discours ou encore de mettre l’accent sur une information

particulière que l’on voudrait donner. Dans le cas d’espèce, il semblerait que l’information

importante pour le locuteur (le patient) est ce qu’on lui a détecté et non qui l’a détecté.

L’omission du sujet n’a donc aucun impact sur la transmission du message qu’il souhaite

véhiculer, mais contribue à faire une focalisation sur l’objet principal de son message. Cette

action de focaliser le discours joue un rôle important dans notre étude, d’autant plus qu’elle

rejoint la notion de point de vue qui caractérise nos corpus et qui a joué un rôle central pendant

l’alignement (cf. section 4.5.2). Ce paramètre, encore appelé la voix (Fleischman, 2003), fait

partie des propriétés discursives des textes médicaux dont nous avons parlées dans le premier

chapitre de notre travail (cf. section 1.1.3).

Toutes ces informations viennent remettre en question une hypothèse avancée au début de

cette thèse, selon laquelle l’une des principales sources de divergences entre les données extraites

de nos deux corpus principaux serait le style qui les caractérise : style informel dans les forums

vs. style d’écriture formel chez les experts. En effet, les différents éléments que nous avons

présentés jusqu’ici montrent que beaucoup de paramètres sont en jeu :

— le rôle social : le médecin est celui qui sait, qui apporte l’information, tandis que le patient

est celui qui est principalement concerné par l’information et qui la reçoit.

— le niveau d’implication : le médecin n’est pas concerné directement mais doit se protéger

(sensibilité, erreurs de diagnostic ou de prescription, etc.). Le patient est concerné

(directement ou indirectement) par l’information donnée ; il se focalise sur ce qui est le

plus important pour lui et transmet l’information de façon à mettre cela en évidence, etc.

Ces paramètres se retrouvent en quelque sorte dans les différences ou choix stylistiques que

présentent les textes des deux groupes de protagonistes : les constructions impersonnelles vs.

certains types de on, les choix lexicaux spécifiques (emploi de verbes comme souffrir, guérir,

hospitaliser vs. non-emploi ou emploi d’autres verbes), etc. Les résultats de la section 4.5.2

fournissent davantage d’éléments allant dans ce sens. La syntaxe est également concernée par

ces différences, ce qui fera l’objet de la partie suivante.

b. Changement au niveau de la structure argumentale

L’analyse de la syntaxe des pss a également permis d’avoir une vision panoramique de la

variation des structures argumentales des verbes dans l’ensemble du corpus. Le recensement des

pss de chaque verbe dans l’ensemble du corpus permet de relever les variantes de la structure

argumentale sous-jacente à plusieurspss. Le pss j verbe d chez S

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peut servir d’illustration.

Lorsqu’elle accueille les verbesdiagnostiquer et découvrir, la structure argumentale de cepss

permet d’acquérir respectivement 7 et 6 variantes à partir de notre corpus. Ci-dessous les

variantes de ce pss avec des exemples, pour le verbe découvrir.

j découvre s d : Aprés avoir appelé le médecin a domicile (tachycardie + + + ) ou il

m’a découvert une hypertension a 20.

jdécouvre d chez S : Je m’appelle tony, j’ai 30 ans et l’on a découvert chez moi à 19

ans une insuffissance mitrale par prolaspsus valvulaire (maladie de barlow).

jdécouvre d : Les médecins ont découvert une dilatation de l’aorte ascendante.

dest découvert chez S :La CMD est souvent découverte chez un sujet en IC grave évoluant

vers l’apparition d’une fuite mitrale fonctionnelle, de troubles du rythme ventriculaire et

d’un tableau de bas débit cardiaque.

dest découvert par J : Les cardiopathies seront alors découvertes par un médecin, lors de

l’examen du patient ou lors de la réalisation d’un examen complémentaire.

dest découverte : la glycémie à jeun pour les sujets dont le diabète est découvert lors de

l’EPS

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.

Les exemples ci-dessus montrent la productivité des pss qui génèrent différents schémas

valenciels représentant les variantes syntaxiques du patron de base. Cette variation de la

structure argumentale est souvent accompagnée d’une variation au niveau du sens du verbe :

c’est ce que nous appelonsvariation sémantique. Dans notre pipeline de travail, l’étude de la

variation syntaxique a été d’une importance capitale pour l’identification du type de constructions

syntaxiques dont l’utilisation par les experts pourrait participer à créer ou amplifier la difficulté

de compréhension du sens des verbes par des lecteurs non experts. Dans cette démarche, la

forme passive a été identifiée comme une source potentielle de difficulté de lecture, surtout

lorsqu’elle est utilisée de façon régulière dans le texte. Cette construction constitue donc l’un

des éléments qui seront pris en considération dans le processus de simplification des pss.