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Section I : Les virus influenza

7. Variation antigénique

Le système immunitaire est un élément clef dans l’évolution virale. Il va permettre de sélectionner les virus les plus aptes à lui échapper. HA et NA sont les principaux antigènes des virus influenza [140]. Toutefois, il a été montré que la majorité des anticorps neutralisants produits in vitro comme in vivo contre les virus influenza sont dirigés contre HA [141, 142]. De plus, du fait de cette pression de sélection, cette glycoprotéine a une grande plasticité génomique lui permettant de tolérer plus de substitutions que les autres protéines virales [143]. Des modifications apportées aux glycoprotéines de surface pourraient entrainer des changements dans leurs propriétés antigéniques leur permettant d’échapper au système immunitaire adaptatif et de circuler continuellement chez l’Homme [144]. De plus, du fait du caractère aléatoire de l’apparition de mutations ou de réassortiments, il est difficile de prédire l’émergence de nouveaux variants antigéniques. L’évolution de l’antigénicité peut se faire par deux mécanismes : La dérive antigénique et la cassure antigénique (figure 16).

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Figure 16 : Illustration des mécanismes de dérive ou de cassure antigénique. Les souches

épidémiques apparaissent des suites d’une accumulation de mutations sur HA et NA, c’est la dérive antigénique. Le virus nouvellement formé reste proche de la souche parentale mais va pouvoir échapper au système immunitaire du fait d’une modification graduelle de leurs propriétés antigéniques. Les souches pandémiques apparaissent à la suite d’une cassure antigénique. Le nouveau virus pandémique est produit soit par réassortiment génomique soit par adaptation d’une souche aviaire à l’Homme. Étant distincte des souches parentales, aucune immunité ne sera dirigée contre lui et il pourra alors se disséminer dans la population humaine jusqu’à ce qu’une immunité se développe. Tiré de [145].

7.1. Dérive antigénique (antigenic drift)

Ce mécanisme se produit à la suite de l’accumulation de mutation(s) ponctuelle(s) entrainant des substitutions en a.a au niveau des sites antigéniques des glycoprotéines de surface. Il est observé chez les IA et IB et entraine des changements antigéniques graduels par rapport aux souches parentales. Les variants produits restent antigéniquement proches de la souche parentale jusqu’à ce que les divergences génétiques se transforment en divergences antigéniques au cours du temps [136]. Les nouveaux virus ne rencontrant aucune immunité dirigée contre eux vont alors devenir dominants et remplaceront les souches existantes induisant de nouvelles épidémies de grippe dans les populations. Ce

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phénomène se produit tous les deux à cinq ans environs entrainant ainsi un « turnover » rapide parmi les populations virales favorisant ainsi les mésappariements que l’on peut observer entre les souches vaccinales et les souches circulantes [146, 147].

Comme il l’a été mentionné, la HA est le site antigénique majeur des virus influenza. Elle possède plusieurs domaines antigéniques différents en fonction du type ou du sous- type de virus. Les virus humains de type A/H1 en possèdent quatre (nommés Ca, Cb, Sa et Sb), A/H3 en possèdent cinq (nommés site A, B, C, D, E) et les types B en possèdent 4 (la boucle 120, la boucle 150, la boucle 160 et l’hélice 190) [136]. Ces sites vont être la cible de l’immunité adaptative, mais certains seront ciblés par un plus grand nombre d’anticorps neutralisants ou de lymphocytes T que d’autres, on parle alors d’immunodominance [148]. Ce principe reste encore mal connu, mais des études ont montré qu’elle peut être dépendante de l’espèce étudiée et peut aussi évoluer au cours du temps [149, 150]. Une dérive antigénique survient généralement par l’accumulation de plusieurs substitutions dans les sites antigéniques, mais il a été montré qu’une seule substitution peut suffire. Entre 1987 et 1992, une dérive antigénique est survenue à la suite de l’apparition d’un virus ayant une seule substitution, N145K, au niveau de la HA [151]. Toutefois, contrairement à la cassure antigénique, une immunité partielle subsiste grâce aux infections précédentes et à la présence de plusieurs sites antigéniques non modifiés.

7.2. Cassure antigénique (antigenic shift)

Ce mécanisme va entrainer une modification radicale dans l’antigénicité des virus influenza. Dans la plupart des cas, la cassure antigénique a lieu à la suite d’un réassortiment génomique entre plusieurs souches influenza appartenant à des sous-types différents et d’origines différentes (aviaire, humaine ou porcine). Le nouveau virus formé peut alors acquérir des glycoprotéines de surfaces ayant des propriétés antigéniques radicalement différentes des souches épidémiques humaines [54]. Si son fitness est suffisant pour pouvoir se répliquer et se transmettre chez l’Homme, il pourra devenir pandémique et surclasser les souches préexistantes puisqu’aucune immunité n’est dirigée contre lui [145]. Par rapport à la dérive antigénique, ce mécanisme est beaucoup plus rare. Dans l’histoire moderne, on observe quatre phénomènes de cassures antigéniques (figure 17): en 1918 avec

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la souche pandémique H1N1 de la grippe espagnole ; en 1957 avec la souche pandémique H2N2 asiatique remplaçant la souche H1N1 ; en 1968 avec la pandémique souche H3N2 apparaissant à Hong Kong et supplantant la souche H2N2 ; en 2009 avec la souche pandémique H1N1 d’origine porcine au Mexique [136, 152]. Il est intéressant de noter que trois souches pandémiques sur quatre (1957, 1968 et 2009) sont issues de réassortiments entre des souches humaines et animales (aviaire pour H2N2 et H3N2 ; aviaire et porcine pour H1N1 de 2009) [153]. Le réassortiment génomique est donc un mécanisme important permettant d’accélérer les cassures antigéniques et donc l’émergence de souches pandémiques. Bien que cela soit encore sujet à débat, il semble que seule la souche pandémique H1N1 de 1918 soit issue d’une accumulation de mutations ayant entrainé son passage direct de l’oiseau à l’Homme plutôt que d’un réassortiment génomique [154].

Figure 17 : Historique de l’émergence des pandémies grippales depuis le début du XXe siècle.

En 1918, apparition de la souche pandémique H1N1 de la grippe espagnole ; en 1957, la souche pandémique H2N2 asiatique ; en 1968, la souche H3N2 émerge à Hong Kong ; en 2009, la souche pandémique H1N1 d’origine porcine est détectée au Mexique.

Les IB ne possèdent pas de potentiel pandémique car ils sont limités en réservoirs animaux ce qui est essentiel afin de créer une cassure antigénique. Néanmoins, des cas d’infections, ainsi que des études sérologiques, ont montré que les porcs domestiques ainsi que les phoques peuvent être infectés par les IB. Toutefois, il s’agit là essentiellement d’infection de virus humains vers ces animaux [15, 155]. Actuellement, il n’a été découvert aucune souche IB zoonotique spécifique du porc ou des phoques ni aucune infection humaine par un virus IB d’origine animale.

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Section

II :

Aspects

immunologiques,

cliniques

et