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Section III : Traitement et contrôle des infections

1. Les vaccins, première ligne de défense

Pour le contrôle des infections causées par les virus influenza, la vaccination est un outil essentiel permettant de réduire la morbidité et la mortalité pendant les saisons grippales. Le premier vaccin a été mis au point en 1942 puis a été approuvé en 1946 [255, 256]. L’efficacité des vaccins est étroitement liée à sa composition en souches virales. En effet, à cause de la grande variabilité antigénique des virus influenza, les vaccins doivent constamment être mis à jour afin d’éviter les mésappariements entre les souches vaccinales et circulantes (section I-7). Chaque année, l’OMS fait deux recommandations (une pour chaque hémisphère) pour la composition des vaccins de l’année suivante en se basant sur les souches circulantes de la saison en cours. De plus, elle recommande une vaccination annuelle pour tous avec en priorité les personnes les plus à risque (section II-2). De nos jours, il existe deux types de vaccins qui ont prouvé leur efficacité et sont approuvés dans le monde, les vaccins inactivés et les vaccins vivants atténués [257]. Ces vaccins contiennent tous au minimum trois souches épidémiques (A/H3N2, A/H1N1 et IB d’une seule lignée), on parle d’un vaccin « trivalent ». Certains vaccins contiennent en plus une souche de la deuxième lignée d’IB, on parle alors d’un vaccin « quadrivalent » [258].

1.1. Les vaccins inactivés

La majorité des souches vaccinales sont générées par génétique inverse puis cultivée dans la cavité allantoïque d’œufs embryonnés. L’avantage de cette technique est qu’elle permet une production de virions élevée. Néanmoins, elle a aussi un désavantage majeur, elle peut introduire des mutations HA d’adaptation aux œufs altérant l’immunogénicité [150]. De plus, il peut rester des traces de protéines d’œufs pouvant provoquer des réactions allergiques. Afin de pallier à ce problème, de nouvelles méthodes de production ont été mises au point. En 2013, la FDA a approuvé le premier vaccin quadrivalent recombinant (FluBlok, Sanofi-Pasteur) contenant 45 g de protéines HA purifiées produites par des cellules d’insectes. En 2016, le premier vaccin quadrivalent (Flucelvax, Sequirus) produit sur cellules mammifères (MDCK) a été approuvé par la FDA [257, 259].

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Afin d’inactiver les souches virales, les virus produits vont être concentrés, purifiés (centrifugation ou chromatographie) puis traités au formaldéhyde ou au béta-propiolactone [136]. À partir de ces virus inactivés, il est possible de produire deux types de vaccins: les vaccins à virions fragmentés, obtenus à la suite d’un traitement chimique (diethyl ether et/ou détergent) ; les vaccins sous-unitaires, obtenus par fragmentation des virions et purification des sous-unités HA et NA [258]. Dans chaque dose vaccinale, la quantité de HA est standardisée à 15 g pour une dose adulte et 7,5 g pour une dose enfant [257]. Afin d’améliorer la réponse immunitaire, ces vaccins peuvent être supplémentés avec des adjuvants tel que le MF59 ou ASO3. Ces composants « oil-in-water » permettent d’améliorer la production d’Ig neutralisante et favorisent le recrutement et la différenciation des cellules immunitaires (macrophage, monocyte et DCs) [260].

Les vaccins inactivés représentent l’essentiel des doses vaccinales utilisées durant les campagnes de vaccinations. Bien que critiqués pour leur efficacité variable d’année en année, ils restent un outil sûr et efficace pour contrôler les infections causées par les virus influenza [261]. Toutefois, leur mode d’administration (injection intramusculaire) ne permet pas de simuler une infection naturelle et n’induit qu’une réponse humorale forte, dirigée essentiellement contre la HA. La réponse cellulaire cytotoxique et mucosale ne sont que faiblement, voire pas du tout, stimulées alors qu’elles sont tout aussi essentielles pour parvenir à la clairance virale [262].

1.2. Vaccins vivants atténués

Les vaccins vivants atténués (LAIV) ont pour objectif de mimer une infection naturelle afin de stimuler tous les acteurs de l’immunité. Ainsi, contrairement au vaccin inactivé, les virus influenza atténués, administrés par voie nasale, vont permettre d’induire une réponse mucosale forte au niveau de l’appareil respiratoire. De plus, ce type de vaccin va permettre de stimuler la réponse cellulaire cytotoxique afin de protéger le patient contre de futures infections [262]. Actuellement, seul un vaccin quadrivalent a été approuvé par la FDA (FluMist, AstraZeneca) [257]. Le processus de production de ce vaccin est assez similaire à celui employé pour les vaccins inactivés produits sur œufs. Cependant, l’atténuation nécessite l’usage de la génétique inverse pour produire des IA et IB recombinants. Le

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génome viral est composé des segments PB2, PB1, PA, NP, M et NS de souches donneuses adaptées au froid (A/Ann Arbor/6/60 et B/Ann Arbor/1/66) suite à une culture sur œufs à 25C [263]. Les segments HA et NA des souches vaccinales sélectionnées par l’OMS ont été ajoutés aux souches donneuses afin que les virus thermosensibles possèdent les caractéristiques antigéniques désirées. Après inoculation (aérosolisation de 0,25 ml de suspension virale par narine), ces virus vont pouvoir initier une infection qui restera restreinte au niveau du nasopharynx où la température est d’environ 33°C. Cependant, du fait de leur thermosensibilité, ils ne pourront infecter les parties basses de l’arbre respiratoire où la température est trop élevée (37C) [264].

Les vaccins vivants atténués, recommandés pour les personnes de 2 à 49 ans, ont montré une grande efficacité chez les enfants en bas âge ou d’âge scolaire, mais sont contre-indiqués pour les personnes immunosupprimées [265]. De plus, il a été montré qu’une souche vaccinale IB génère une réponse immunitaire cellulaire conférant une protection croisée contre les deux lignées génétiques et antigéniques d’IB [266, 267]. Toutefois, du fait la grande variation génétique des virus influenza, il existe un risque que le virus atténué mute et devienne pathogène. Cependant, cela n’a encore jamais été observé [268].

1.3. Vaccin universel

Afin d’améliorer l’efficacité vaccinale et éviter tous mésappariements entre les souches vaccinales et les souches circulantes, des études sont en cours afin de générer le premier vaccin vivant atténué universel [269, 270]. L’objectif de ce vaccin est de focaliser la réponse immunitaire humorale non plus contre le domaine variable de la HA, mais contre sa tige hautement conservée (section I-4.1.1). De plus, du fait qu’il s’agisse d’un vaccin vivant, l’immunité cellulaire sera également stimulée afin de maximiser la réponse immunitaire contre les virus influenza. La stratégie de ce vaccin est basée sur l’utilisation de virus chimériques contenant une HA ayant un domaine globulaire « exotique » d’origine aviaire avec un domaine tige des virus humains H1 et H3 circulant. L’Homme n’ayant jamais rencontré le sous-type aviaire, la réponse immunitaire va être réorientée du domaine globulaire vers la tige de la HA, permettant ainsi la production d’anticorps contre cette

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partie hautement conservée. Les premiers résultats avec un virus chimérique, possédant une tige H1, ont montré une protection croisée chez le furet pour les souches H1N1 pandémique et H6N1, prouvant ainsi le potentiel de cette approche [269].

Figure 20 : Exemple d’hémagglutinine chimérique cH8/1 pour l’élaboration d’un vaccin universel. Dans notre exemple, nous prenons une HA contenant un domaine globulaire H8 et un

domaine tige H1 (cH8/1). L’Homme n’ayant jamais été infecté par un virus H8 ne va pas reconnaître ce domaine et va donc être peu réactif face à ces sites antigéniques. Par conséquent, il n’y aura qu’une faible production d’anticorps dirigés contre la tête globulaire (vert). En revanche, le système immunitaire ayant déjà été préalablement mis en contact avec des virus H1 va reconnaître la tige H1 et donc produire une plus grande quantité d’anticorps dirigés contre ce domaine (bleu). Du fait de sa conservation, une protection croisée contre l’ensemble des virus H1 pourra alors être observée. Adapté de [270].