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Section III : Traitement et contrôle des infections

2. Les antiviraux, deuxième ligne de défense

2.2. Les inhibiteurs de la neuraminidase

La NA a une fonction essentielle dans le cycle viral et possède un site actif hautement conservé entre les différents types et sous-types de virus influenza (revue dans la section I- 5). Par conséquent, elle représente une cible thérapeutique de choix afin de produire un traitement universel contre tous les virus influenza. Les INA ont un rôle essentiel dans le ralentissement de l’infection virale, favorisant la clairance virale et réduisant le temps de guérison. Pour ce faire, les INA ont plusieurs modes d’action : ils permettent de prévenir la libération des virus du mucus riche en mucine tapissant l’appareil respiratoire ; ils favorisent l’agrégation virale et ils empêchent la libération des nouveaux virions lors du bourgeonnement, ces derniers restant ancrés à la membrane cellulaire.

2.2.1. Indication clinique

Actuellement, les INA constituent les principaux traitements contre les infections aux IA et IB. Il existe quatre INA: Le zanamivir (Relenza, GlaxoSmithKline) approuvé par la FDA en 1999, l’oseltamivir (Tamiflu, Hoffmann- La Roche) approuvé par la FDA en 2000, le peramivir (Rapivab, BioCryst) approuvé par la FDA en 2014 et le laninamivir (Inavir, Daiichi Sankyo Compagny ltd) uniquement approuvé au Japon depuis 2010.

a- Zanamivir

Le zanamivir a été la première molécule thérapeutique approuvée pour le traitement des infections causées par les virus influenza. Il est recommandé par la FDA pour des patients âgés de 7 ans et plus [285]. Néanmoins, du fait de sa faible biodisponibilité par ingestion, le zanamivir doit être inhalé (10 mg en deux inhalations de 5 mg, 2 fois par jour, table 3) [286]. La prise du traitement est donc compliquée pour des personnes ayant des

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difficultés respiratoires et impossible pour des patients sous respiration artificielle. De plus, des effets secondaires ont été rapportés comme de la toux, une diminution des fonctions respiratoires et des bronchospasmes [287]. Il a été montré qu’après son inhalation, seulement 10 à 20% d’une dose de 10 mg de zanamivir est absorbée par le patient [288]. A 78%, le zanamivir est retrouvé au niveau de l’oropharynx et à 13% au niveau pulmonaire [289]. Une étude a montré que la concentration plasmatique maximale (21,2 μg/ml) est atteinte entre 0,25 et 4 h après inhalation [290]. Malgré sa faible biodisponibilité, on estime que la concentration moyenne au niveau de l’appareil respiratoire est supérieure à 1000 fois la concentration inhibitrice médiane (CI50) de la plupart des souches faisant ainsi du zanamivir un des traitements les plus efficaces [287, 288, 290, 291]. Il est à noter qu’actuellement une formulation du zanamivir sous forme injectable, est à l’étude afin de pallier aux nombreuses contraintes de l’inhalation et d’augmenter sa biodisponibilité [292].

b- Oseltamivir

L’oseltamivir est recommandé pour le traitement ou la prophylaxie des infections chez des patients âgés de plus de trois mois. Les dosages et durée de traitement/prophylaxie varient en fonction de l’âge du patient (table 3) [285]. Après son administration orale, la prodrogue oseltamivir-phosphate va être métabolisée par les carboxy-estérases hépatiques afin d’être convertie dans sa forme active ; l’oseltamivir carboxylate. Il a été montré que la molécule est rapidement adsorbée et métabolisée par l’organisme. En effet, l’oseltamivir carboxylate est détectable dans le plasma à partir de 30 min après ingestion du traitement (pic entre 3 et 4 h). De plus, près de 80% de la dose d’oseltamivir-phosphate ingérée est convertie en oseltamivir carboxylate. Cette molécule a un temps de demi-vie de 6 à 10 h et est éliminée par les reins dans l’urine [293]. Il est à noter qu’avec un traitement de 75 mg (2 fois par jour) durant 3 jours, la concentration plasmatique minimale enregistrée d’oseltamivir carboxylate reste au-dessus de la CI50 de la plupart des souches influenza [294]. Toutefois, des études ont montré que les IB ont une CI50 plus élevé contre l’oseltamivir pouvant résulter en une plus faible efficacité contre les IB en clinique [295, 296].

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c- Peramivir

Le peramivir est le dernier INA approuvé à ce jour par la FDA. Il est recommandé pour le traitement de patients de plus de 18 ans (2014) ainsi qu’en pédiatrie (2017). Il est administré en une seule dose de 600 mg pour un adulte par voie intraveineuse (table 3). Ce traitement représente une alternative intéressante aux deux autres INA dans le cas où le patient ne peut ingérer ou inhaler des traitements. Il a été montré dans des études cliniques que l’efficacité du peramivir est similaire ou supérieure à celle de l’oseltamivir et permet de réduire de manière significative le temps de convalescence des patients [297, 298]. Après son administration, la concentration plasmatique du peramivir est d’environ 50 ng/ml et a un temps de demi-vie d’approximativement 20 h. Cet INA est présent dans le mucus pharyngé 2 h après son injection à une concentration de 5,2 nM puis 220 nM 12 h après injection, soit bien au-dessus des CI50 de la majorité des souches virales [298, 299]. Que cela soit pour le traitement adulte ou pédiatrique, le peramivir est bien toléré. Toutefois des effets secondaires, surtout chez l’enfant, ont été rapportés comme des troubles gastro- intestinaux (nausée, vomissement et diarrhée). De rares effets secondaires plus graves comme une diminution du nombre de neutrophiles et une thrombocytopénie ont également été rapportés [298].

Table 5 : Dosages et

durée recommandés par la FDA pour le traitement ou la prophylaxie antivirale des virus influenza. Adapté du CDC [285].

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d- Laninamivir

Le laninamivir est actuellement en cours d’évaluation lors d’essais cliniques aux É.-U. pour le traitement des infections aux IA et IB (phase II, numéro NIH de l’essai clinique NCT01793883). Après inhalation, la prodrogue laninamivir octanoate va être métabolisée directement dans les poumons sous forme active, le laninamivir. Au Japon, une dose unique de 20 mg est requise pour les traitements pédiatriques (moins de 10 ans) et 40 mg pour le traitement de patients de plus de 10 ans [300]. Une étude clinique a montré que le laninamivir a un temps de demi-vie de 46 h dans le plasma, mais une longue période de rétention au niveau des poumons (560 ng/ml ont été retrouvés dans les lavages broncho- alvéolaires 10 jours après inhalation). Par conséquent, le laninamivir reste à une concentration supérieure à la CI50 de la plupart des souches virales au niveau pulmonaire bien après son inhalation [301]. Il a une efficacité similaire, voire supérieure, à celle de l’oseltamivir, à la différence qu’une seule prise suffit pour traiter l’infection contrairement à l’oseltamivir [302, 303]. La molécule est bien tolérée par les enfants comme les adultes. Il a été rapporté des effets secondaires (incidence de 1,41%) dont le principal est un trouble gastro-intestinal (nausée, diarrhée et vomissement). Néanmoins de rares troubles du système nerveux (peur, anxiété ou délirium) ont également été rapportés [304].

2.2.2. Mode d’action des INA

a- Structure des INA

Les INA ont été conçus sur la base du 2,3‐dehydro‐2‐deoxy‐N‐acide acétyl- neuraminique (DANA), un analogue du substrat naturel de la NA. Des modifications structurales apportées à cette molécule ont permis d’augmenter son affinité pour le site actif de la NA et ainsi inhiber efficacement son activité enzymatique (figure 21) [305, 306]. Pour le zanamivir, un groupement guanidine a remplacé le groupement hydroxyle. Pour l’oseltamivir, un pentyl éther hydrophobe a remplacé le groupement glycérol du DANA afin d’augmenter sa biodisponibilité [307]. Le peramivir est le seul INA à ne pas être basé sur la structure du DANA. Il a été conçu suite à une étude cristallographique afin de trouver le composé ayant la grande affinité pour le site actif de la NA [308]. C’est un cyclopentane

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qui possède à la fois les caractéristiques du zanamivir (groupement guanidine) et de l’oseltamivir (groupement pentyl éther). Le laninamivir est basé sur la structure du zanamivir, mais un groupement méthoxyle a été rajouté au niveau du glycérol (figure 21) [306]. Les INA sont donc des inhibiteurs compétitifs qui vont avoir chacun un profil d’interaction spécifique avec les a.a du site actif du fait de leurs différences structurales [298, 309].

Figure 22 : Structure chimique des inhibiteurs de la neuraminidase. Les INA ont pour structure

de base le 2,3‐dehydro‐2‐deoxy‐N‐acide acétyl-neuraminique (DANA) analogue de Neu5Ac (A). Un groupement guanidine (encadré rouge) a été ajouté au DANA afin générer le zanamivir (B). L’oseltamivir a été conçu sur la base du DANA mais en intégrant les connaissances du zanamivir. Un groupement amine a remplacé un groupement hydroxyle et le groupement glycérol du DANA a été remplacé pour un pentyl ether latéral hydrophobe (encadrés bleus) (C). Le peramivir regroupe des caractéristiques structurales du zanamivir (groupement guanidine) et de l’oseltamivir (pentyl ether), toutefois sa structure ne se base pas sur le DANA (D). Le laninamivir a été généré à partir du zanamivir où l’on a ajouté un groupement méthoxyle (encadré vert) (E). Adapté de [310].

b- Interaction des INA avec le site actif

Quel que soit la structure de l’INA, leur orientation dans le site actif de la NA reste similaire à celle de l’acide sialique (figure 22). Le groupement carboxyle (COO-) des INA

va interagir et former des liaisons hydrogène avec une triade d’arginines (R-118, R-292 et R-371) tandis que le groupement N-acétyl va former une liaison hydrogène avec une autre arginine (R-152) [311, 312]. Ces groupements sont communs à tous les INA et sont donc fondamentaux pour leur fixation dans le site actif. L’ajout d’un groupement amine (NH3+,

oseltamivir) ou guanidine (CN3H5+, zanamivir, peramivir et laninamivir) va permettre aux

INA d’augmenter leur affinité pour le site actif en créant de nouvelles liaisons hydrogène par rapport au DANA. Ainsi, l’oseltamivir va pouvoir créer des liaisons hydrogène et

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électrostatiques avec les résidus E-119 et D-151 alors que le zanamivir, peramivir et laninamivir vont interagir avec E-119, D-151 et E-227 [313, 314]. Une étude a montré que le groupement guanidine augmenterait de 10 000 fois l’affinité du zanamivir par rapport au DANA [310]. Parce que l’oseltamivir et le peramivir possède une large chaine latérale hydrophobe, le site actif de la NA doit se réagencer afin de former une poche hydrophobe pour l’accueillir. Pour se faire, le résidu E-276 doit pivoter pour pouvoir lier R-224 et ainsi former ladite poche [315, 316]. Contrairement au pentyl éther, le groupement glycérol (zanamivir et peramivir) ne nécessite pas de réarrangement du site actif et interagit directement (liaison hydrogène) avec le résidu E-276 [315].

Les INA ont donc des différences structurales qui vont leur permettre d’interagir et de créer un nombre variable de liaisons (hydrogènes, hydrophobes et Van der Waals) avec le site actif de la NA. De ce nombre de liaison va dépendre leur affinité.

Figure 23 : Schéma d’interaction entre le site actif de la NA et les INA. Les a.a du site

catalytique sont inscrits à l’intérieur du cercle. Les a.a soutenant la formation du site catalytique sont inscrits à l’extérieur du cercle. Toutes les positions sont données en numérotation N2. Adapté de [317].

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c- Différence d’affinité des INA

Du fait de leur différence structurale, les INA n’auront pas tous la même affinité pour le site actif de la NA. Il a été montré que le peramivir ainsi que le laninamivir sont les molécules avec le plus d’affinité pour l’ensemble des types et sous-types de NA [298, 305, 318]. Leurs structures permettent la création de liaisons supplémentaires, augmentant leur force d’interaction avec le site actif. En conséquence, ils ont un temps de dissociations, c’est-à-dire le temps que l’inhibiteur reste associé à sa cible, beaucoup plus long que celui des autres INA [309]. Le zanamivir, grâce à son groupement guanidine, montre une plus grande affinité pour la NA que l’oseltamivir. En effet, du fait de la chaine hydrophobe imposante de l’oseltamivir, cette dernière ne crée pas de liaison hydrogène avec le site actif contrairement au groupement glycérol du zanamivir [313]. Il en résulte un temps de dissociation plus court que celui du zanamivir [305, 309].

Bien que le site actif de la NA soit hautement conservé parmi les virus influenza, des différences en dehors de ce dernier existent et peuvent influencer sa conformation. Ainsi, du fait de ces différences, les INA vont également interagir différemment avec les types ou sous-types de NA et avoir une affinité variable [319]. Il a été montré in vitro que les IB ont une CI50 moyenne pour l’oseltamivir qui est environ 10 fois plus élevée que celle des IA [320]. De plus, des études cliniques ont montré que cette molécule est moins efficace lors du traitement d’infection par IB que par IA [296, 321]. Cette différence entre IB et IA peut être expliquée par la structure des sites actifs des deux virus. En effet, suite à un manque de flexibilité dans le site actif des IB, le résidu E-276 ne peut pas effectuer la rotation complète de sa chaine latérale. Cela va avoir pour effet de modifier la configuration de la poche hydrophobe qui doit accueillir le pentyl éther de l’oseltamivir et ainsi diminuer son affinité pour le INA [322]. Étonnamment, cette baisse d’affinité n’est pas observée pour le peramivir malgré la présence de ce même groupement hydrophobe. Probablement que le groupement guanidine permet de compenser ce manque d’interaction avec la chaine hydrophobe mais ceci reste à démontrer.

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2.2.3. Mécanisme de résistance

« Construire un meilleur piège à souris ne fait que créer des souris plus intelligentes. »

Charles Darwin, 1809 - 1882.

A l’instar des souris et de l’intelligence, l’utilisation des INA a permis d’accélérer l’émergence de virus qui sont adaptés à ces molécules. Les patients immunosupprimés sont une population susceptible aux virus influenza. Ils ont une longue période d’excrétion virale nécessitant une longue période de traitement (10 jours) avec de fortes doses afin de contrôler l’infection. Toutefois, ce régime thérapeutique favorise l’émergence de souches ayant une sensibilité réduite aux INA (nous les qualifierons de résistantes dans le reste de ce manuscrit afin de faciliter sa compréhension) [323]. Néanmoins, il est à noter que certaines souches résistantes ont également été isolées en clinique en absence de traitement [324].

Le mécanisme de résistance est basé sur la grande variabilité génétique des virus influenza. Leur ARN polymérase permet de générer une grande quantité de quasi-espèces du fait d’un manque de relecture (« proofs reading », revue dans la Section I-7). Parmi cette population virale hétérogène, des virus ont acquis des mutations susceptibles de modifier la conformation du site actif de la NA entrainant une baisse d’affinité pour les INA [306]. Du fait des similitudes structurales de ces molécules, une mutation peut conférer la résistance à plusieurs INA, on parle alors de résistance croisée. Inversement, du fait de leurs différences structurales, une mutation peut conférer une résistance à un seul INA [316]. De nombreuses mutations de résistance ont été rapportées pour les virus influenza humain H1N1, H3N2 et IB ainsi qu’aviaire ou porcin (annexe A). La plupart du temps, ces mutations peuvent être spécifique d’un type ou sous-type viral et la majorité d’entre elles entraine des substitutions en a.a au niveau du site actif [325, 326].

Contrairement au IA, la résistance des IB aux INA reste encore peu étudiée et mal caractérisée. Une étude récente a suggéré que les mutations de résistances chez les IB pourraient varier selon la lignée antigénique (Yamagata vs Victoria) [327]. Nous avons donc un besoin d’une mise à jour de nos connaissances dans ce domaine, ce à quoi cette

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thèse espère contribuer. Afin de comprendre les mécanismes de résistance, nous allons nous appuyer sur des exemples précis. Nous commencerons par détailler l’impact de mutations survenant au niveau du site actif (catalytique et site de soutien dit « framework ») et enfin en dehors du site actif.

a- La substitution au niveau du site actif, exemple de R152K et H274Y

Tous changements de résidus au niveau du site actif va entrainer une modification de sa conformation, de son profil d’interaction avec les INA et donc modifier leur affinité [310]. La mutation entrainant la substitution R152K au niveau du site catalytique a été identifiée pour la première fois chez un enfant immunosupprimé infecté par un IB [328]. Comme nous l’avons vu ci-dessus, le résidu R-152 est essentiel pour la création de liaisons hydrogène avec le groupement carboxylate des INA. Cette substitution va donc réduire l’affinité du site actif pour l’ensemble des INA et par conséquent conférer un phénotype de résistance croisée.

La mutation entrainant la substitution H274Y a été pour la première fois identifiée en 2001 chez un patient infecté par une souche H1N1 [329]. Elle confère une résistance croisée à l’oseltamivir et au peramivir chez les virus H1N1 et IB [330]. Le résidu H-274 se situe au niveau du site structural et n’interagit pas directement avec les INA. Cependant, il interagit avec le résidu E-276 faisant partie du site catalytique. Afin de pouvoir fixer l’oseltamivir et le peramivir sur le site actif, le résidu E-276 doit pouvoir avoir une flexibilité de mouvement (figure 23A). Cette flexibilité va lui permettre de créer une poche hydrophobe afin d’accommoder le site actif au large pentyl éther hydrophobe de ces INA [315]. Toute mutation qui bloquerait ce réarrangement va donc empêcher la formation de cette poche hydrophobe et par conséquent réduire l’affinité de l’oseltamivir et du peramivir pour le site actif [306]. La mutation H274Y, par encombrement stérique, va empêcher la mobilité de E-276. En revanche, la fixation du zanamivir, qui ne possède pas de pentyl éther, n’est pas affectée par cette mutation car sa fixation ne demande pas de réarrangement de E-276 (figure 23B).

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Figure 24 : Modélisation du mécanisme moléculaire de la résistance induite par la substitution H274Y chez les virus H1N1. Les structures de la neuraminidase sauvage (jaune) et

mutée (vert) ainsi que les INA (couleur similaire) sont superposées. Une portion de la densité électronique est également montrée. A, l’oseltamivir fixant le site actif. B, le zanamivir fixant le site actif. Les liaisons hydrogène sont représentées en pointillés. Tiré de [315].

b- La substitution en dehors du site actif, exemple de E105K et I427T

Une enzyme ne se réduit pas à son seul site actif, les autres a.a la composant peuvent également avoir un impact conséquent sur son activité. La mutation entrainant la substitution E105K en est un parfait exemple. Elle a été isolée en clinique chez un patient infecté par un IB ayant une résistance croisée à l’ensemble des INA [331]. Pourtant cette substitution ne se trouve pas à proximité du site actif et ne peut donc avoir un impact direct sur celui-ci. Comme nous l’avons vu précédemment, la NA est un homotétramère (section I-4.1.2). Des analyses cristallographiques ont montré que le résidu E-105 peut établir une liaison hydrogène avec le résidu G-141 du monomère voisin (figure 24). Une substitution E105K entrainerait une diminution de l’énergie de liaison entre monomères entrainant ainsi une perte de cohésion au sein du tétramère conduisant à une possible déformation du site actif [331].

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Figure 25 : Positionnement des résidus E-105 et G-141 sur deux monomères de la neuraminidase d’un virus IB. Les résidus E-105 et G-141 appartenant à des monomères différents

peuvent établir une liaison hydrogène (pointillés bleus) afin d’assurer la cohésion du tétramère. Le site actif de la NA fixant le peramivir a été ajouté à un monomère afin de montrer la distance entre le résidu E-105 (pointillés jaunes) et ce dernier. Tiré de [331].

Notre équipe a également montré qu’une substitution en dehors du site actif peut affecter ce dernier suite à une déstabilisation d’un réseau d’interaction entre a.a [332]. La substitution I427T a été observée chez la souche H1N1 pandémique et confère une résistance croisée à l’oseltamivir, zanamivir et laninamivir. Elle fait partie d’un réseau d’interaction composé de quatre a.a : I-427, G-401, S-400 et R-368, le dernier faisant partie du site catalytique (R-371 en numérotation N2, figure 25). Il a été montré que la substitution I427T va déstabiliser ce réseau d’interaction et augmenter la fluctuation du résidu R-368, affectant ainsi la stabilisation du site actif et sa capacité à lier les INA.

Figure 26 : Réseau d’interaction entre les résidus I-427, G401, S-400 et R-368 chez la neuraminidase N1.

La numération N1 a été employée dans la conception de la figure. Les liaisons sont schématisées en pointillés (violet, liaison apolaires ; jaune, polaire). Tiré de [332].

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c- Tests phénotypiques pour l’étude de la résistance et séquençage

Les mutations de résistances observées lors d’expérimentation, de surveillance ou de cas cliniques sont nombreuses et variées (annexe A). Afin de pouvoir évaluer la sensibilité des virus influenza aux INA, l’OMS recommande le test d’inhibition de la NA, une technique enzymatique basée sur l’utilisation de substrats fluorescent ou chimioluminescent de la NA (le MUNANA et le NA-Star, respectivement). Ainsi, en mettant les souches isolées en présence d’INA puis de ces substrats, il est possible de déterminer précisément la CI50 des virus influenza. Afin de normaliser les résultats entre les différents laboratoires, l’OMS a mis en place des critères méthodologiques et également défini différents niveaux de sensibilités en comparant la CI50 de virus sauvages et mutants (figure 28) [325]. Une autre méthode basée sur l’évolution de la taille ou le nombre des plages de lyses en fonction