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Chapitre V : Discussion

2. Étude de la sensibilité de souches influenza aux INA

Notre première étude a pour objectif de caractériser la sensibilité au peramivir de virus IA et IB, mutés dans leur NA ou HA, à la suite d’une sélection par des traitements aux INA, l’oseltamivir ou zanamivir. Nous avons émis l’hypothèse que, du fait d’homologie structurale, certaines mutations conférant la résistance à l’oseltamivir et/ou au zanamivir doivent également conférer une résistance au peramivir. À la vue du nombre de mutations NA retenues pour cette étude, nous avons opté pour une stratégie basée sur l’expression de protéines NA mutées à la surface de cellules eucaryote (HEK-293T). Cette stratégie à l’avantage d’être peu coûteuse, plus rapide que de produire les virus recombinants et tout aussi fiable pour caractériser la sensibilité des NA mutées. En revanche, elle n’est pas suffisante pour étudier le fitness d’une souche virale. Par cette technique, associée à l’utilisation du MUNANA, nous avons pu confirmer que le peramivir est l’INA présentant la plus faible CI50 contre les virus IA et IB. De plus, il permet de maintenir une activité inhibitrice contre certaines NA contenant des mutations de résistance croisée contre l’oseltamivir et zanamivir.

Nous avons également pu caractériser de nombreuses substitutions NA encore non étudiées, comme R152K et R371K. Ces substitutions ont toutes deux été identifiées chez les virus IB mais non étudiées chez le virus H1N1pdm09. Or, les virus IA et IB ont tous deux une NA ayant un site actif hautement conservé. De plus, les virus A/H1N1pdm09 et IB ont en commun de nombreuses mutations de résistance situées au niveau du site actif (annexe A). Partant de ce constat, nous avons posé une seconde hypothèse : une substitution au niveau du site catalytique d’un virus IB doit conférer la résistance chez un virus A/H1N1pdm09. Cependant, aucun virus A/H1N1pdm09 n’a été observé en clinique ou lors de surveillance avec ces mutations. Du fait de la position critique de ces mutations

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pour l’activité sialidase de la NA, nous pensions que ces virus n’avaient jamais été observés du fait d’un fitness défavorable. Toutefois, une autre étude menée dans notre laboratoire a pu produire les virus et caractériser leur fitness in vitro ainsi que la virulence chez la souris [397]. Nous n’avons observé aucun signe d’atténuation chez ces virus in vitro, cependant le virus A/H1N1pdm09-R152K semblerait légèrement atténué chez la souris, contrairement au virus A/H1N1pdm09-R371K. Ces résultats démontrent l’importance de mettre à jour nos connaissances sur le fitness viral.

Lors de notre étude, nous avons pu observer une variation du phénotype de sensibilité pour certaines substitutions par rapport à ce qui a été rapporté dans la littérature (article 1, tableau S1). Des substitutions, comme I222T pour le virus A(H1N1)pdm09, confèrent de nouveaux phénotypes de résistance tandis que d’autres, comme E41G pour le virus H3N2 , ont perdu leur phénotype de résistance. Cette variation a déjà été observée de nombreuses fois pour des substitutions au niveau des a.a du site actif ou en dehors de celui-ci et ce, dans tous les types ou sous-types de virus influenza et parfois durant une même saison [335, 361]. Ce phénomène est encore très peu connu et de plus amples analyses sont encore nécessaires pour le comprendre. Cependant, avec le recul et les connaissances que nous avons aujourd’hui, nous pouvons tenter de l’expliquer de la manière suivante : une substitution dans les a.a structuraux du site actif va modifier la conformation de celui-ci et conférer la résistance. Or, comme il a déjà été montré, des a.a en dehors du site actif peuvent également influencer sa conformation et conférer une résistance (article 3). Nous présumons que l’inverse peut se produire, les virus influenza peuvent posséder des a.a en dehors du site actif qui vont réduire l’impact de mutation de résistance sur la conformation du site actif. Cette évolution du phénotype de sensibilité est donc dépendante à la fois du fond génétique viral et aussi spécifique de la mutation de résistance étudiée. Par conséquent, du fait de cette variation, les tests génotypiques pour détecter les souches résistantes ne sont pas suffisants pour deviner le phénotype d’un virus muté. Il est indispensable de les compléter avec des tests phénotypiques.

La HA est une protéine virale qui n’est pas ciblée par les INA, néanmoins des mutations sur celle-ci peuvent également conférer un phénotype de résistance aux INA en

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restaurant le fitness viral. En effet, la perte de fitness occasionnée par une inhibition de la NA par un INA peut être compensée par une affinité plus faible d’une HA pour son substrat (section III-2.2.4). Toutefois, plusieurs paramètres rendent difficile l’étude de la sensibilité aux INA des virus influenza mutés dans leur HA :

1) Il n’existe pas de test enzymatique pour la HA contrairement à la NA. Nous devons donc dans un premier temps générer les virus recombinants mutés puis observer la variation de plusieurs paramètres en fonction de la concentration en INA (taille des plages de lyses, le nombre de foyers d’infection ou encore la quantification de la production virale). Néanmoins, la présence d’INA dans le milieu de culture rend difficile le comptage des foyers d’infection ou la mesure de leur taille. De cette difficulté technique va donc résulter une baisse de précision. Il serait judicieux de mesurer l’affinité de la HA pour son substrat par un test d’hémagglutination/élution, afin de savoir si une ou plusieurs mutations données peuvent diminuer cette affinité [398]. Puis, dans un second temps, si une diminution d’affinité est observée, nous pourrons alors observer si cette mutation peut conférer un avantage au virus par quantification de la réplication virale (TCID50) en présence d’INA. Ainsi, nous pourrions apporter des réponses supplémentaires sur l’impact de mutations HA et gagner en précision.

2) La HA est une protéine en constante évolution, les résidus observés chez une souche ancienne peuvent ne pas être conservés chez une souche contemporaine, surtout s’ils se trouvent en dehors du RBS. Par conséquent, nous n’avons pas pu caractériser certaines mutations dans des fonds génétiques contemporains, ce qui limite notre interprétation pour des souches actuelles.

Dans cette étude, nous avons choisi de caractériser l’impact sur la résistance d’une seule mutation HA par virus. Or, ce type de mutation apparaît généralement en association avec d’autres mutations HA ou NA et dans un fond génétique précis. Il en résulte que nombres de virus mutants n’ont pu être générés car certaines mutations, seules, altèrent grandement le fitness viral. L’analyse des virus produits nous a montré que, lorsqu’elles sont isolées, les mutations HA chez les IA et IB, ne confèrent aucune résistance aux virus.

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En analysant ces résultats dans leur ensemble, nous pouvons conclure que les mutations HA peuvent être spécifiques d’un virus et ne pas avoir d’effet sur d’autres virus. Il reste néanmoins à déterminer si en association avec d’autres mutations HA ou NA, et dans des fonds génétiques appropriés, elles peuvent conférer une résistance aux INA.