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Chapitre V : Discussion

4. Étude du fitness des souches IB contemporaines

Lors de la conception de notre deuxième étude (article 2), nous avons fait un constat simple : la plupart des études analysant le fitness des virus IB a été faite chez des souches anciennes (comme le virus B/Yamanashi/166/1998) qui ne reflètent pas nécessairement la réalité chez des souches contemporaines [341, 342, 400]. Comme nous l’avons vu dans notre première étude, les virus influenza évoluent et des acides aminés à l’extérieur du site actif peuvent faire varier le phénotype de sensibilité, il peut en être de même avec le fitness viral. Nous avons ainsi posé l’hypothèse que certains virus résistants peuvent conserver un

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fitness chez des virus IB contemporains. Afin de confirmer cette hypothèse, nous avons mis l’emphase sur les mutations de résistance croisée. Ces variants sont potentiellement les plus dangereux pour l’avenir de la thérapie aux INA et donc les plus importants à étudier. Notre stratégie visait à caractériser ces virus aussi bien in vitro (détermination de l’activité de la NA et des capacités réplicatives) que in vivo (virulence et titres pulmonaires chez un modèle animal).

L’un des problèmes majeur pour l’étude in vivo des virus IB est la faible disponibilité de modèles animaux. Le furet est le modèle par excellence pour l’étude des virus influenza (section III-2.2.4), mais il nécessite des installations particulières et représente un coût financier ne permettant pas d’évaluer de nombreuses mutations. Le cochon d’Inde est également une option, c’est un animal sensible aux virus IB mais il ne développe pas de symptômes lors de l’infection, limitant ainsi l’observation de la virulence [194]. Pour notre étude, nous avons choisi la souris comme modèle expérimental, car c’est un animal peu coûteux, facilement manipulable et qui est couramment utilisé pour l’étude des virus IA (notamment en préclinique) [388]. Cependant, les souris sont réputées peu sensibles et ne répliquant pas ou peu les IB [345]. Pour cela, les virus IB doivent habituellement être adaptés par de multiples passages pulmonaires afin de devenir virulents. Néanmoins, ce procédé introduit de nombreuses mutations d’adaptation pouvant ainsi biaiser notre étude du fitness viral car les virus obtenus reflètent moins la réalité [344]. Lors de nos premières expériences chez les souris, nous avons pu constater que le virus B/Québec/165655/2012 dont nous possédons le système de génétique inverse ne se répliquait pas. Partant de ce constat, il fut impossible de l’adapter puisqu’aucune réplication minimale ne pouvait être détectée. Nous avons donc choisi de changer pour un autre virus, B/Phuket/3073/2013, qui lui s’est révélé létal, et c’est ce qui fait la force de cette étude, sans procédé d’adaptation. Cependant, comme nous l’avons mentionné dans notre article, nous expliquons cette virulence par l’apparition d’une mutation d’adaptation aux œufs dans la HA. Toutefois, afin de confirmer cette théorie, il serait intéressant de réverter le virus et d’analyser sa virulence chez la souris.

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Pour la première fois, notre étude a permis d’analyser chez la souris l’impact de mutations de résistance croisée sur le fitness d’un virus IB contemporain. Nous avons choisi d’analyser des mutations qui ont été identifiées en clinique ou lors d’études de surveillance et qui n’étaient pas caractérisées chez des souches contemporaines de la lignée Yamagata. Nous avons démontré que certains virus ayant les mutations de résistance H136N, I221T et N294S (numérotation B) conservaient un fitness inaltéré in vitro et in

vivo. Ces résultats sont en accord avec une étude qui a montré, in vitro, que le virus

B/Yamanashi/166/1998 ayant les mutations I221T et N294S n’avait pas d’altération du fitness sur cellules humaines NHBE [341]. Cependant, lors de tests par compétition in vitro (WT vs mutant) chez ce même virus, une autre étude a montré l’inverse pour ces mutations [342]. Le fitness in vitro apporte une information sur la capacité basale d’un virus à se répliquer dans une condition simple et peu contraignante. Il est probable que si un virus montre une altération de son fitness en culture cellulaire, il n’aura aucune chance de pouvoir se répliquer chez un modèle animal. Cependant, ce n’est pas parce que l’on montre un fitness inaltéré in vitro que cela est également le cas in vivo. Il a été montré que la mutation H273Y (numérotation B) chez la souche B/Yamanashi/166/1998 a un fitness inaltéré in vitro mais pas chez le furet [400]. Il est donc essentiel de pouvoir caractériser les virus résistants dans un modèle animal afin de pouvoir juger de leur réel fitness, d’où l’intérêt de notre modèle murin. Bien que la souris représente une alternative intéressante au furet, nous sommes conscients qu’elle n’est pas le modèle optimal pour l’étude des IB. En effet, les souris expriment les récepteurs Sial-2,3 au niveau de leurs poumons contrairement à l’Homme et aux furets qui possèdent des Sial-2,6 [345]. Par conséquent, nos résultats ne peuvent pas être transposés directement à l’Homme. Cependant, l’étude chez la souris apporte des informations intéressantes sur la capacité des virus IB à pouvoir se répliquer dans un milieu bien plus complexe que lors d’une culture sur cellules. En effet, la présence d’un système immunitaire, de la barrière épithéliale, ou encore du mucus respiratoire, sont autant de facteurs absents en culture cellulaire. Si un virus résistant peut, comme le virus sauvage, passer outre ces barrières, c’est que son fitness se révèle être suffisamment intéressant pour être caractérisé chez le furet. Toutefois, nous ne pouvons pas exclure que certaines mutations peuvent altérer le fitness du virus chez la souris et pas chez le furet.

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Pour la suite de ce projet, il est essentiel, dans un premier temps, de procéder à des expériences de compétitions entre le virus WT et les virus mutants H136N, I222T et N294S chez la souris (analyse des proportions par ddPCR [401]). Si un (ou plusieurs) virus mutant prend l’avantage sur le virus WT, ou se maintient, en l’absence de INA, cela signifie que son fitness viral est similaire voir supérieur au virus WT. Ces virus pourront alors être caractérisés chez le furet en observant leurs réplications et leurs capacités à se transmettre. De plus, nous pourrons également nous intéresser à la substitution D197N (numérotation B) car, à l’instar de la substitution H274Y chez les virus A/H1N1, elle est la plus couramment observée chez les virus IB de la lignée Yamagata en clinique. De plus, des études ont montré qu’un virus IB contemporain de 2015 (B/Singapore/GP702/2015) ayant la substitution D197N pouvait maintenir un fitness proche de celui de la souche WT [347]. Il est donc plus probable de trouver des mutations permissives/compensatrices pour cette mutation qui semble moins altérer le fitness viral que les autres mutations de résistance. Ce qui est intéressant, c’est que notre virus B/Phuket/3073/2013-D197N n’a pas de diminution d’activité NA (article 2) contrairement à la souche B/Singapore/GP702/2015 utilisée dans cette étude. Ces souches ne différent que par 4 substitutions dans la HA et 2 dans la NA. Il est donc possible que notre virus, du fait de son activité NA similaire à celle du WT, ait un fitness égal ou supérieur au WT in vivo. Dans le cas contraire, nous pourrons produire des virus recombinants et analyser l’impact des substitutions dans la HA sur le fitness viral.