• Aucun résultat trouvé

La variabilité des pratiques de différenciation pédagogique et les conceptions de l’enseignant à l’égard de l’hétérogénéité des groupes-

1.2 Les pratiques développées pour mieux soutenir l’apprentissage de tous les élèves

1.2.1 La variabilité des pratiques de différenciation pédagogique et les conceptions de l’enseignant à l’égard de l’hétérogénéité des groupes-

élèves

Pour l’enseignant qui pratique la différenciation pédagogique, cela signifie qu’il peut différencier le contenu, la structure, le processus et la production de l’apprentissage en fonction des besoins des élèves (Caron, 2008; Tomlinson, 2004). Prenons quelques exemples pour illustrer notre propos. Par la différenciation des contenus, l’enseignant propose des

documents variés en sciences afin que les élèves choisissent un thème parmi plusieurs. La différenciation des productions permet aux élèves de présenter leur travail en ayant recours à différentes modes d’expression : oral, écrit ou autre. La différenciation des processus permet aux élèves l’utilisation de moyens différents pour réaliser la tâche demandée. Un élève peut rédiger un texte en utilisant l’ordinateur tandis qu’un autre le fait sans l’utilisation de ce support. En sciences, un groupe d’élèves fait une expérience différente de celle d’un autre groupe pour aboutir à la même constatation scientifique. Par la différenciation des structures, l’enseignant peut gérer le temps et la tâche. Aussi, il change, en raison de circonstances médicales, le moment de l’évaluation pour un élève ou l’endroit de la réalisation de la tâche pour un autre élève ou la répartition des élèves en classe dans le but de les faire travailler sur des tâches différentes, ou encore pour engager l’interaction et l’entraide entre eux. Bien sûr, ces choix se font afin d’optimiser les chances d’apprentissage et la réussite d’un élève ou d’un groupe d’élèves (Caron, 2008). Cette flexibilité des choix de l’enseignant est une caractéristique fondamentale de la différenciation pédagogique (Caron, 2003; Tomlinson, 2004, 2010).

Dans cette perspective de différenciation guidée par un modèle ou par un autre, les résultats de recherches montrent que les enseignants diversifient les structures, les contenus, les processus et les produits, mais de façon différente, c’est-à-dire que la fréquence des pratiques varie18 d’un enseignant à l’autre (Kirouac, 2010; Morin et Montesinos-Gelet, 2008; Nootens, Morin et Montesinos-Gelet, 2012; Paré, 2011; Santamaria, 2009; Saulnier-Beaupré, 2012). En ce sens, Kirouac (2010) démontre que la variabilité des pratiques s’observe même quand les enseignantes, participantes à sa recherche, sont formées à un seul modèle de différenciation.

Plusieurs recherches sur la pratique de la différenciation pédagogique indiquent que les enseignants différencient de plusieurs et de différentes manières en fournissant un éclairage sur leurs intentions (Abbati, 2012; Brimijoin, 2002; Forget et Lehraus, 2015; Gauthier, 2011;

18 En d’autres mots, certains enseignants diversifient davantage les structures, les processus et les contenus que

les produits (Saulnier-Beaupré, 2012) alors que d’autres diversifient les structures et les processus plus que les contenus et les produits (Kirouac, 2010; Paré, 2011). Il y a aussi ceux qui diversifient les contenus, les processus et les produits (Santamaria, 2009) et ceux qui diversifient surtout les structures et les contenus (Morin et Montésinos-Gelet, 2008; Nootens, Morin et Montésinos-Gelet, 2012).

Grenier, 2013; Hertberg-Davis et Brighton, 2006; Hockett, 2010; Kirouac, 2010; Morin et Montésinos-Gelet, 2008; Nootens, Morin et Montesinos-Gelet, 2012; Paré, 2011; Poole, 2008; Prud'homme, 2007; Saulnier-Beaupré, 2012). Il est possible d’en énumérer quelques-unes : soutenir les élèves en difficulté (Grenier, 2013; Morin et Montésinos-Gelet, 2008; Nootens, Morin et Montésinos-Gelet, 2012; Paré, 2011) individuellement ou en sous-groupe (Grenier, 2013, Paré, 2011); ajuster les exigences de l’activité pour un élève ou pour un sous-groupe d’élèves (Nootens, Morin et Montésinos-Gelet, 2012; Paré, 2011; Saulnier-Beaupré, 2012); offrir des activités d’apprentissage qui présentent des choix en variant le matériel pédagogique et les stratégies (Grenier, 2013; Nootens, Morin et Montésinos-Gelet, 2012; Paré, 2011); utiliser divers moyens (tâches défis, jogging mathématique) afin que les élèves se partagent les connaissances (Grenier, 2013); former des sous-groupes avec des besoins homogènes (Nootens, Morin et Montésinos-Gelet, 2012; Paré, 2011) ou hétérogènes (Nootens, Morin et Montésinos-Gelet, 2012 ).

Même si ces recherches ne visent pas le même public et que le contexte diffère d’une recherche à l’autre, toutes renvoient à un choix de l’enseignant qui varie selon sa méthode d’enseignement qui peut être individuelle ou collective. Ainsi, un enseignement traditionnel planifié pour l’élève moyen au sein d’un groupe pourrait être suivi par un soutien à ceux qui sont en difficulté (Paré, 2011). L’aide ou l’intervention de l’enseignant est déterminée selon les besoins des élèves qui travaillent sur une même tâche, même dans le cas d’un atelier (Nootens, Morin et Montésinos-Gelet, 2012). L’enseignant peut aussi envisager un enseignement qui ouvre les possibilités de choix pour les élèves avec des activités d’apprentissage ouvertes (Paré, 2011).

Dans cette optique, quelques interrogations émergent à propos des conditions qui peuvent influencer sur la variabilité des pratiques des enseignants. Il s’avère intéressant de se questionner sur l’intention de l’enseignant quant à ses interventions auprès d’un élève ou de quelques élèves en difficulté, qui arrivent après avoir eu recours à une même méthode d’enseignement pour l’ensemble des élèves. Notre interrogation porte aussi sur l’enseignant qui prévoit faire travailler les élèves dans des situations qui présentent des activités d’apprentissage ouvertes.

Comme il est possible de le constater, les résultats de recherches indiquent que les pratiques de la différenciation varient d’un enseignant à l’autre. Cette variabilité se distingue en fonction de la nature et de la fréquence de la méthode d’enseignement. Comment peut-on expliquer la variabilité des pratiques selon ces recherches? Regardons de plus près les conceptions de l’enseignant au regard de l’hétérogénéité déterminée dans notre recherche comme une dimension personnelle relative à ses conditions de travail.

Les conceptions de l’enseignant de l’hétérogénéité des groupes-élèves sont les arguments sous-jacents à son choix quant à sa ou à ses méthodes d’enseignement (Bara, Morin, Montésinos-Gelet et Lavoie (2011). Les différentes méthodes d’enseignement semblent découler d’un choix qui correspond à la vision de l’enseignant de l’hétérogénéité des groupes-élèves. En lien avec la variabilité des pratiques, la recherche de Paré (2011) nous incite à considérer que les enseignants n’ont pas les mêmes conceptions de l’hétérogénéité des groupes-élèves. Paré (2011) établit un lien entre les conceptions de l’hétérogénéité des enseignants québécois et les méthodes d’enseignement qui y sont associées. En effet, certains enseignants prennent en compte des différences individuelles reliées aux capacités et aux limitations des élèves handicapés ou en difficulté par rapport aux autres élèves. Dans ce cas, les méthodes d’enseignement correspondent à des activités d’apprentissage fermées, c’est-à- dire qui ne présentent pas de choix pour les élèves, que les ajustements des exigences de la tâche ne concernent que les élèves en difficulté par rapport aux autres qui n’ont pas de limitation fonctionnelle ou de difficultés d’apprentissage. D’autres enseignants ne tiennent compte que des différences en lien avec les différents niveaux d’acquisition scolaire (élèves forts, moyens et faibles). Dans ce cas, les méthodes d’enseignement associées correspondent à la formation de sous-groupes d’élèves homogènes selon les mêmes besoins de manière à planifier, pour chaque groupe, une tâche et un encadrement. D’autres enseignants encore prennent en charge la différence du genre, l’âge, le niveau scolaire, le type d’intelligence multiple, la situation familiale, le besoin de soutien, le champ d’intérêt, etc. Dans ce cas, les méthodes d’enseignement associées sont des activités ouvertes permettant aux élèves de les exécuter selon des choix qui correspondent, entre autres, à leurs intérêts et à leur rythme de travail. Donc, il semble que l’ensemble des enseignants n’a pas les mêmes conceptions de l’hétérogénéité des groupes-élèves (Paré, 2011).

En somme, la différenciation pédagogique se distingue par la flexibilité qui place l’enseignant devant le choix de l’aspect organisationnel de son enseignement, c’est-à-dire le regroupement ou non des élèves. À ce propos, il serait intéressant de savoir à quel moment l’enseignant choisit de faire ou de ne pas faire des regroupements en classe et pour quelles raisons fait-il ou non les regroupements? Dans cette perspective, nous nous dirigeons, dans ce qui suit, vers le regroupement dans les recherches empiriques sur la différenciation pédagogique afin de situer des balises quant à notre questionnement préliminaire sur la manière dont l’enseignant compose avec les différences en classe.