• Aucun résultat trouvé

La matière enseignée, une condition favorable à la différenciation pédagogique

1.2 Les pratiques développées pour mieux soutenir l’apprentissage de tous les élèves

1.2.3 La matière enseignée, une condition favorable à la différenciation pédagogique

Plusieurs études internationales soulèvent que le regroupement des élèves au sein des classes secondaires se réalise souvent au cours de l’enseignement de certaines matières comme les mathématiques, le français et les sciences (Kutnick et al., 2005). Le regroupement peut être favorisé par certaines conditions de travail de l’enseignant comme la matière enseignée. Dans ces recherches quantitatives (Kutnick et al., 2005), les conditions de travail des enseignants qui sont abordées sont le ratio enseignant-élèves, la composition des groupes (plutôt des garçons que des filles), l’origine ethnique des élèves ainsi que le statut socio-économique, les besoins éducatifs spécifiques des élèves, le changement fréquent des enseignants et les enseignants non-spécialistes qui enseignent la matière.

La recherche de Kirouac (2010) indique l’influence favorable de la matière enseignée sur le regroupement des élèves au sein de la classe. À titre d’exemple, le français permet de faire travailler les élèves différemment et en même temps, ce qui rend possible la formation de sous-groupes. Certaines recherches en didactique qui visent le primaire (Morin et Montésinos- Gelet, 2008; Nootens, Montésinos-Gelet et Morin, 2012; Saulnier-Beaupré, 2012) dressent un portrait des pratiques qui se déroulent dans un contexte d’enseignement de la lecture et de l’écriture. Cependant, à notre connaissance, il n’y a pas de recherche en psychopédagogie qui vise la description des pratiques de l’enseignant au secondaire en cernant l’enseignement d’une matière spécifique. Dans cette optique, nous croyons qu’il est possible que la science et

la technologie soit une matière scolaire qui se prête bien à la différenciation pédagogique (Bêty, 2014).

Nous optons pour l’enseignement des sciences pour plusieurs raisons. La première provient de notre conviction que cette matière se prête bien à la différenciation pédagogique (Bêty, 2014; Burton et Flammang, 2001). En effet, les élèves travaillent plus souvent en sous- groupes et les activités qu’ils réalisent ne se limitent pas à une seule réponse voulue comme étant la bonne réponse (Burton et Flammang, 2001; Postlethwaite, 1993). La deuxième raison est en lien avec la formation professionnelle des enseignants des sciences du secondaire quant à cette matière qui peut les sensibiliser à des conceptions communes, quant à l’hétérogénéité des groupes-élèves (Goodnough, 2010). À titre d’exemple, « la diversité du vivant » abordé autour de deux thématiques l’humain et l’organisme vivant dans le programme de 3e secondaire (MELS, 2011). Et la troisième provient de notre cheminement professionnel au cours duquel nous avons enseigné cette matière aux ordres d’enseignement secondaire et collégial. Donc, nous entreprenons notre recherche exploratoire en délimitant les conditions de travail à l’enseignement des sciences comme matière scolaire enseignée au secondaire.

Les résultats des recherches sur la pratique de la différenciation pédagogique décrivent certaines conditions21 de travail de l’enseignant dont celles qui sont directement en lien avec le profil de l’enseignant (Gauthier, 2011; Kirouac, 2010; Morin et Montésinos-Gelet, 2008; Paré, 2011; Prud’homme, 2007; Saulnier-Beaupré, 2012), comme son statut précaire (Kirouac, 2012; Prud’homme, 2007) qui fait que d’une année à l’autre, il n’a pas la même tâche ou ne dispose pas de son propre local classe et, de ce fait, est obligé de se déplacer d’un local à l’autre (Kirouac, 2010), ou encore la matière enseignée (Kirouac, 2010, Morin et Montésinos- Gelet, 2008, Prud’homme, 2007, Saulnier-Beaupré, 2012).

21 Parmi ces conditions, il peut s’agir du type de l’école (Morin et Montésinos-Gelet, 2008; Prud’homme, 2007;

Saulnier-Beaupré, 2012), qui peut être urbaine ou rurale (Prud’homme, 2007), située dans un milieu défavorisé ou non (Morin et Montésinos-Gelet, 2008; Saulnier-Beaupré, 2012). D’autres conditions concernent plus spécifiquement la classe (Kirouac, 2010; Morin et Montésinos-Gelet, 2008; Prud’homme, 2007; Saulnier- Beaupré, 2012) comme le type de la classe (multiniveaux ou non) (Morin et Montésinos-Gelet; 2008; Prud’homme, 2007), ou le matériel disponible (ou non) (Kirouac, 2010), ou la composition de la classe comme la répartition du genre des élèves (Saulnier-Beaupré, 2012) ou la présence des élèves en difficulté d’apprentissage (Kirouac, 2010, Prud’homme, 2007).

Peu nombreuses sont les recherches (Grenier, 2013; Kirouac, 2010; Paré, 2011) qui relient la variabilité des pratiques de différenciation avec les conditions de travail de l’enseignant. En ce sens, la recherche de Grenier (2013) indique que la compréhension de l’enseignant des connaissances acquises en formation continue sur la différenciation pédagogique intervient dans la manière dont il différencie son enseignement. Toutefois, cette recherche vise le cycle primaire et les observations se déroulent dans une classe multiethnique. Dans un contexte d’intégration scolaire des élèves HDAA au primaire, les résultats de Paré (2011) confirment quantitativement que la formation de l’enseignant est l’un des facteurs ayant le plus d’influence sur les pratiques d’enseignement. En effet, la formation permet de prédire la fréquence de la différenciation pédagogique utilisée par l’enseignant en classe selon son discours.

Dans un autre contexte, Kirouac (2010) a mené une recherche auprès de trois enseignantes du secondaire travaillant auprès de groupes ordinaires et de groupes en difficulté. Ses résultats révèlent que même si leur formation initiale ne semble pas jouer un rôle dans l’intégration de la pratique de la différenciation pédagogique, ces enseignantes déclarent avoir suivi une formation continue sur ce sujet. La connaissance de la matière semble également intervenir dans la façon de différencier. Pour une même enseignante qui enseigne deux matières, elle pourrait se sentir plus à l’aise de différencier son enseignement en français langue maternelle plutôt qu’en univers social. La différenciation pédagogique est un choix de l’enseignant. Quand il est expérimenté, il a plus de chance de connaître sa matière, de posséder plus d’outils pédagogiques et d’exercer plus aisément la pratique de différenciation pédagogique. Ainsi, la matière enseignée semble intervenir dans la façon de différencier des trois enseignantes, spécifiquement en ce qui concerne la connaissance des élèves (Kirouac, 2010).

Les résultats des recherches indiquent, à propos de l’aspect pédagogique, qu’il y a plusieurs manières de tenir compte de l’hétérogénéité des groupes-élèves qui varient d’un enseignant à l’autre et pour un même enseignant d’une matière à l’autre. La variabilité des pratiques semble en lien, d’une part avec les conceptions de l’enseignant et, d’autre part, avec sa formation à propos de la différenciation pédagogique, ainsi qu’avec la matière scolaire enseignée.

De l’ensemble de ce qui précède, les résultats des recherches indiquent, à propos de l’aspect organisationnel, que la grande majorité des enseignants québécois qui pratique la différenciation pédagogique déclare avoir recours au regroupement d’élèves en classe, plutôt homogènes afin de soutenir les élèves en difficulté. Les enseignants déclarent que dans certains cas, la tâche est la même pour tous les élèves et dans d’autres cas, les élèves travaillent sur des tâches différentes. Il semble aussi que le regroupement soit favorisé par la matière scolaire comme condition de travail de l’enseignant. Toutefois, ces recherches ne s’intéressent pas au quotidien de la classe avec ses contraintes et ses ressources selon le point de vue de l’enseignant afin de comprendre selon quels critères il forme les sous-groupes au sein de la classe en lien avec les contraintes de la matière enseignée.

En raison de ce qui précède, cette recherche s’intéresse à la pratique de la différenciation pédagogique qui est défini comme étant tout simplement une pratique d’enseignement qui valorise ou non l’hétérogénéité des groupes-élèves selon la conception de l’enseignant. En d’autres mots, la conception de l’hétérogénéité de l’enseignant est sous- jacente à son action. Par ce lien, notre recherche place la différenciation pédagogique dans une vision plus large que celle des dispositifs de différenciation. Toutefois, elle cerne dans les conditions réelles du travail curriculaire de l’enseignant, une condition bien spécifique qui est celle de la matière enseignée. C’est dans cette optique que nous nous dirigeons vers les sciences comme matière afin d’argumenter notre choix en lien avec les deux aspects ciblés auparavant, les méthodes d’enseignement et le regroupement d’élèves.