• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.1 LE CAS DE KAMILA

4.1.1 LA DESCRIPTION DU REGROUPEMENT D’ÉLÈVES RÉALISÉ PAR KAMILA

4.1.1.2 Le tirage au sort, deux événements significatifs

Dans ce qui suit, nous décrivons comment Kamila forme les sous-groupes en lien avec un imprévu qui a engendré la levée de rideau sur deux événements que nous considérons comme étant significatifs par rapport au déroulement du regroupement. Ces deux événements donnent un éclairage sur le tirage au sort qui se présente pour l’enseignante, au début, comme étant une autre possibilité de former les sous-groupes. Un premier imprévu survient avec Ghabi lors de la séance (S5-O6) et le deuxième imprévu surgit avec la décision de l’enseignante de procéder par tirage au sort. Il s’agit de la dispute entre les membres d’un sous-groupe lors de la séance (S3-O3).

Pour Kamila le tirage au sort n’était pas prévu, mais elle l’a fait avec deux groupes- classes, car « avec les adolescents, [il faut aussi] toujours garder le contrôle » Entr-2. Kamila clarifie, lors de cet entretien, que d’habitude, c’est elle qui place les élèves en sous-groupes. En effet, elle ne considère pas que c’est « autoritaire » de sa part, mais tout simplement qu’elle prenait « des décisions dans le choix, tout au long de l’année » Entr-2. Mais avec le projet de fin d’année scolaire sur l’habitat artificiel, auquel nous avons assisté, l’enseignante leur a laissé la possibilité de choisir leur équipe. Elle considère qu’ils sont capables de faire ce choix puisqu’elle les connaît déjà.

a- Ghabi, l’élève exclu

Ghabi est un élève qui s’est retrouvé seul au moment où Kamila vérifie la formation des équipes. En effet, les garçons de ce groupe-classe (Gr2) se sont déjà regroupés en deux équipes de trois. L’enseignante leur demande : « Et Ghabi, il s’ra avec qui? » (S5-O6). Puis, elle demande : « Ghabi, vous avez ah! » Alors là, elle leur dit : « Je n’veux pas que, parmi

vous, qu’un élève soit isolé dans sa classe […] non, c’est un travail de groupe […] vous pouvez l’intégrer ». Mais la situation qui se présente fait qu’aucune des équipes ne veut de

Ghabi.

Alors, Kamila prévient le groupe-classe qu’une autre manière est possible pour former les sous-groupes qu’elle a déjà réalisée avec un autre groupe-classe :

« Alors, je vais faire la même chose que pour l’autre classe […]. Ils

n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur les équipes et pas pire que ça, ils ont isolé deux filles et personne n’a voulu d’elles […]. J’ai insisté pour que les deux filles intègrent le groupe : ils veulent rien savoir. J’ai pris des feuilles, j’ai écrit les noms de tous les élèves et j’ai fait un tirage au sort trois, trois […]. Le tirage qui va sortir, vous allez l’accepter. Donc, Ghabi, il va pas rester seul. Décidez-vous de l’intégrer dans une équipe ou bien je vais faire mon choix? » S5-O6.

Dans cette interaction, l’enseignante explicite aux élèves la raison du tirage au sort qu’elle a déjà effectué avec l’autre groupe-classe (Gr1) et qu’elle est prête à refaire avec eux. Mais, devant la passivité du groupe à cet égard, elle demande à une élève : « Tu peux écrire

les noms de tes camarades ». À la suite d’une question, elle confirme « Oui, ça s’ra mixte. C’est le hasard qui va décider ». Et tout de suite après, elle s’adresse à tous :

« Vous savez, l’une des missions de l’école, c’est de vivre ensemble et la socialisation de tous, de tous les élèves. Je ne vais pas accepter que quelqu’un soit isolé dans ma classe. Il ne va pas faire le projet tout seul. C’est un projet d’équipe, alors, vous s’rez soumis tous au hasard » S5-O6.

Kamila prend sa décision en se basant sur le principe de l’intégration de tous les élèves au sein d’un groupe-classe qu’elle considère comme « une famille ». Bien avant cette décision, l’enseignante a averti les élèves et leur a laissé le temps de réagir.

Dans l’agitation de la classe et dans le brouhaha, un élève propose la solution. Alors, l’enseignante déclare : « Ghabi, tu as ton équipe ». Elle félicite, admire le geste de l’élève dont elle est fière et revient vers les filles pour préciser : « Je vous laisse le choix; n’isolez

personne. Donc, vous avez à former trois, trois, quatre ». À la sortie des élèves, Kamila dit à

un élève de la même équipe : « […] Et tu donnes toutes les informations pour Ghabi, pour

qu’il travaille aussi ».

Cette situation imprévue qu’est l’exclusion de Ghabi a engendré l’interaction à partir de laquelle nous avons eu un éclairage sur la raison du recours au tirage au sort. Pour Kamila, l’aspect social semble une raison fondamentale à prendre en considération dans la formation des équipes. Elle le précise aux élèves quand un imprévu survient.

En résumé, l’exemple de Ghabi montre que le tirage au sort vient comme une possibilité de gérer un imprévu. Mais, en fin de compte, l’enseignante n’a pas formé les sous- groupes par le tirage au sort. Elle a juste exposé cette possibilité pour que cet élève soit intégré dans une équipe. L’intégration de Ghabi dans une équipe de garçons et les consignes de l’enseignante pour les filles montrent que les élèves sont déjà subdivisés en deux catégories, les dix filles et les sept garçons. Kamila avait déjà expliqué au cours de l’entretien (Entr-1) les difficultés de faire travailler en sous-groupes les filles et les garçons ensemble au début de l’année. Mais, il semble que même en fin de l’année scolaire, cette difficulté persiste encore pour certains, comme dans le deuxième exemple de situation imprévue à gérer mais avec un autre groupe-classe.

b- La dispute

Avant de laisser les sous-groupes à leur travail, Kamila leur indique que « chaque

équipe doit accepter tous les échanges ou toutes les idées venues d’autres membres du groupe ». Puis elle complète :« Donc, sans chicane58 dans le calme. Allez-y, travaillez » Rg1- S3-O3.

Peu de temps après avoir réglé, semble-t-il, un problème entre les membres de cette équipe dont le garçon avait du mal à s’impliquer, Kamila vient nous parler à propos de son travail avec les adolescents : « Travailler avec les ados, hum surtout les premières années, ils

sont à mi-chemin pratiquement enfants, mais ils essaient de grandir… ». Avant de terminer,

d’un seul coup, elle s’adresse à l’équipe : « Est-ce qu’on s’est mis d’accord? Ça y est?

Travaillez maintenant en équipe… allez … hé… travaillez ».

Peu de temps après, elle leur demande ce qu’ils sont en train de faire; elle les nomme un par un en demandant : « Il est où l’iPad?… Faites vite… chut ». Elle leur demande s’il n’y a pas un autre iPad afin d’activer les choses. Puis elle s’adresse au garçon qui ne semble pas trop vouloir travailler avec les deux filles pour lui dire : « Vous savez que vous avez une

recherche. C’est quoi ces manières? » Tout de suite, en élevant le ton, elle s’adresse à

l’ensemble des élèves en précisant une règle qui lui semble être une solution : « Vous savez,

votre travail sera évalué. Vers la fin, je ramasse tout ça; il s’ra évalué, il s’ra noté. Donc, prenez au sérieux ce travail ».

Vers la fin de la première période, le problème ne semble pas encore résolu. Alors l’enseignante lui dit :

« Écoute Maher c’est juste un travail; c’est juste un travail d’équipe, si vous êtes des amis… hé… Je ne vous demande pas de signer un acte de mariage; je vous demande juste de travailler en collaboration. Regarde Mali, il travaille en harmonie avec ses amis » S3-O3.

Kamila demande à l’élève en question si elle doit appeler sa maman, enseignante à l’école, pour finalement conclure : « Tu dois travailler; c’est un travail d’équipe » puis elle argumente : « J’ai pigé vos noms au hasard; c’est le hasard qui t’a mis avec les filles et c’est

des filles qui travaillent bien. Vous êtes amis, donc arrête ». L’élève n’avait pas le choix,

entendant l’enseignante l’interpeller : « Tu dois travailler, tu n’as pas le choix… est-ce que

c’est clair? » Devant son absence de réponse, elle répète : « Est-ce que c’est clair? » L’élève

répond à peine par un petit oui; elle lui ordonne : « Alors, mets-toi au travail ». Puis, elle lui demande de regarder un élève d’une autre équipe qu’elle interroge : « Est-ce que tu travailles

bien avec tes amis?… Tes camarades? » C’est ainsi que la première période se termine.

À la deuxième période, Kamila explique en grand groupe-classe certaines notions scientifiques en lien avec le projet. À la fin, elle revient au travail des élèves afin de savoir si tous ont terminé : « J’ai trois équipes sur cinq »; elle poursuit : « Qu’est-ce que vous faites

alors? C’est un manque de sérieux. Qu’est-ce que vous faites alors, pendant tout ce temps? Vous s’rez pénalisés lors de l’évaluation, vous allez voir, je vais prendre le critère de motivation et de travail sérieux dans la classe, dans l’laboratoire » S3-O4. L’évaluation

portera sur ce projet. Le calme revient après que l’enseignante ait tapé du plat de la main sur la table. L’enseignante termine alors cette recherche sur la plante aquatique.

Avec un « merci à vous… Vous étiez terribles aujourd’hui… On ne doit pas travailler

dans ces conditions », elle termine également la séance. Par la suite, au moment où les élèves

sortent, elle signale aux deux filles qui se sont disputées avec le garçon, qu’elles auront une « évaluation négative de comportement » et qu’elles doivent « être correctes lors du cours » ou alors rester « dehors, si vous ne voulez pas travailler » S3-O4.

En résumé, la dispute entre les membres d’une équipe nous a sortie de notre cadre d’observation qui se limite à l’interaction sur le regroupement au tout début de la séance. Dans l’ensemble, les données soulèvent que cette formation de sous-groupes mixtes imposée par le hasard engendre chez certains élèves des problèmes d’engagement dans le travail d’équipe. Le tirage au sort est une manière de former les équipes. Kamila ne dit pas pourquoi elle a choisi le tirage au sort; elle le présente comme un fait indiscutable et demande aux élèves d’accepter le fait qu’ils doivent travailler ensemble. Toutefois, vu l’absence de résultat à la fin, elle brandit la menace de l’évaluation.