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1.3 L’enseignement des sciences

1.3.2 L’investigation scientifique

Un regard sur les méthodes adoptées dans l’enseignement des sciences dans différents pays occidentaux nous apprend que l’investigation scientifique semble être au centre des préoccupations. Cette méthode d’enseignement est désignée par une diversité d’expressions (démarche d’investigation, démarche d’investigation scientifique, méthode expérimentale, enquête scientifique, pratiques scientifiques, scientific inquiry, etc.) dans les divers curriculums à travers le monde (Anderson, 2002; Belletête, Hasni et Potvin, 2013; Beorchia et Boilevin, 2009; Coquidé, Fortin et Rumelhard, 2009; De Hosson, Mathé et Méheut (2010); Eurydice, 2011; Hasni, Belletête et Potvin, 2018; MELS, 2011). L’investigation scientifique est une méthode d’enseignement scientifique. Elle est basée sur des activités dont le but est l’appropriation d’une notion scientifique. Ainsi, ces activités permettent aux élèves, entre autres, de faire des observations, des manipulations et des expériences en discutant avec les autres élèves (Astofli, Darot, Ginsburger-Vogel et Toussaint, 2008; Bächtold, 2014; Hasni, Potvin, Belletête et Thibault, 2015).

L’investigation scientifique est associée actuellement à la compétence disciplinaire 1 dans le Programme de formation de l’école québécoise qui consiste à placer les élèves dans une situation d’apprentissage afin de chercher des réponses ou des solutions à des problèmes

d’ordre scientifique (Hasni, Belletête et Potvin, 2018; Hasni et Potvin, 2013; MELS, 2006).

En didactique des sciences, cette compétence, selon Hasni, Belletête et Potvin (2018), repose sur certaines habiletés visées au cours de l’apprentissage des élèves comme : cerner un problème, choisir un scénario pour résoudre le problème, concrétiser sa démarche de résolution, effectuer l’expérience si nécessaire, analyser ses résultats obtenus et faire un retour sur sa démarche. En ce sens, elle correspond à une méthode d’enseignement scientifique centrée sur les élèves (Anderson, 2002; Burton et Flammang, 2001; De Hosson, Mathé et Méheut, 2010) qui se base sur la recherche, mais elle ne se limite pas à l’expérimentation (Hasni, Belletête et Potvin 2018). Or, dans une vision plus précise, l’investigation est considérée comme une posture de pensée scientifique. Dans cette optique, elle ne se limite pas à une démarche qui se déroule en plusieurs étapes et que les élèves font d’une manière linéaire (Hasni, Belletête et Potvin, 2018).

La recherche dégage les bénéfiques que les élèves peuvent en retirer (Burton et Flammang, 2001; Hasni, Potvin, Belletête et Thibault, 2015). En effet, une étude longitudinale de Burton et Flammang (2001) montre que l’investigation scientifique proposée aux enseignants du secondaire de 26 écoles de la communauté française de Belgique augmente la participation active des élèves. Une autre étude réalisée au Québec sur l’intérêt des élèves du secondaire pour les sciences indique que l’investigation est-ce qui est le mieux aimée par les élèves. Il s’agit d’une enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1 862 élèves couvrant tous les niveaux et provenant de huit commissions scolaires représentatives de la région (Hasni, Potvin, Belletête et Thibault, 2015). Les élèves ont répondu en classe à des questionnaires distribués comprenant deux questions quant à leurs préférences de méthodes d’enseignement. La description statistique de onze propositions d’interventions pédagogiques montre que les élèves préfèrent majoritairement (89,6%) les activités d’investigation à d’autres activités telles que les exercices (24,7%). Également, les élèves, à un pourcentage non négligeable (66,9%), préfèrent les discussions entre eux au cours de l’apprentissage.

Selon De Hosson, Mathé et Méheut (2010), la mise en place de l’investigation scientifique dépend, semble-t-il, de l’interprétation de l’enseignant des prescriptions du programme. Dans cette optique, les résultats de plusieurs recherches (De Hosson, Mathé et Méheut, 2010; Hasni, Belletête et Potvin, 2018) soulèvent qu’il y a différentes manières de mettre en place l’investigation scientifique par les enseignants.

Toutefois, la mise en place de l’investigation scientifique par les enseignants ne semble pas si facile (De Hosson, Mathé et Méheut, 2010; Hasni, Belletête et Potvin, 2018; Krämer, Nessler et Schlüter, 2015). En effet, plusieurs défis sont rencontrés par les enseignants. La recherche qualitative de Krämer, Nessler et Schlüter (2015) examine les défis que les futurs enseignants de sciences en Allemagne rencontrent quand ils enseignent à partir de l’investigation. Les résultats de cette recherche soulèvent, entre autres, des difficultés liées à la différenciation de l’enseignement. Par exemple, les enseignants considèrent comme difficile le fait de soutenir la démarche de chaque élève. Ainsi, Potvin et Hasni (2013) indiquent les incertitudes liées à l’avancement inégal des élèves.

La recherche de De Hosson, Mathé et Méheut (2010) soulève les difficultés de la mise en place de l’investigation scientifique par 20 enseignants du collège dans deux académies en France. Ces enseignants de science physique ont suivi une formation en deux étapes sur l’investigation scientifique. La première, de nature épistémologique afin que les enseignants ne limitent pas la mise en place de l’investigation à une simple activité de résolution de problème. La deuxième est une formation didactique durant laquelle les enseignants en groupe ont élaboré et discuté une séquence d’investigation mise en place en classe. Cette recherche montre que les enseignants éprouvent des difficultés dans l’appropriation de certaines notions didactiques comme « l’obstacle cognitif »24 de l’élève. Ainsi, ils interprètent de différentes manières les difficultés des élèves. Cette notion, entre autres, s’avère importante pour l’intégration des situations-problèmes qui répondent aux différents besoins des élèves.

Une fois l’investigation intégrée, d’autres défis attendent les enseignants, comme le matériel de laboratoire sur lequel les élèves doivent travailler ainsi que leur disponibilité qui peut se trouver en quantité limitée au sein de l’école; le temps nécessaire pour faire des activités; les effectifs des classes; ainsi que l’espace nécessaire pour faire travailler les élèves (De Hosson, Mathé et Méheut, 2010; Hasni, Belletête et Potvin, 2015; Potvin et Hasni, 2013). Ces contraintes se rapportent aux conditions de travail des enseignants.

Au cours de l’intégration de l’investigation scientifique, il existe aussi d’autres défis dont certains concernent le travail des élèves en sous-groupes (Anderson, 2002). Toutefois, la discussion entre les élèves s’avère utile pour l’apprentissage de l’argumentation scientifique (Burton et Flammang, 2001; Hasni, Belletête et Potvin, 2018). Mais, comme le montre la recherche de De Hosson, Mathé et Méheut (2010), il semble que les enseignants éprouvent des difficultés dans la gestion de toutes les propositions des élèves quant à la variété des hypothèses et des protocoles pour ne prendre que ces exemples. Pour cela, les enseignants imposent le matériel et font une sorte de démonstration de certaines étapes de la démarche d’investigation afin de garder le contrôle sur leurs élèves.

24 Selon Bächtold (2014), l’obstacle cognitif provient d’un décalage entre la compréhension initiale de l’élève

En résumé, l’investigation scientifique est pour nous, dans cette recherche, une méthode d’enseignement scientifique permettant aux élèves en sous-groupes d’acquérir les notions scientifiques à travers plusieurs types d’activités. Certains défis relatifs à l’enseignement avec l’investigation sont reliés aux conditions de travail des enseignants et d’autres, à leurs compétences en différenciation pédagogique. Plus précisément, les défis engendrés par la diversité des processus d’apprentissage des élèves lorsque l’enseignant utilise cette méthode d’enseignement sont complexes. Certes, nous n’avons pas l’intention d’étudier l’investigation scientifique dans notre recherche, mais nous considérons ce contexte d’enseignement scientifique comme une occasion favorable d’étudier les pratiques de différenciation pédagogique.