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CHAPITRE 4. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.1 LE CAS DE KAMILA

4.1.2 LES INTENTIONS DE KAMILA QUANT AU REGROUPEMENT D’ÉLÈVES

4.1.2.2 Les élèves

La description du déroulement de regroupement montre à travers les deux événements significatifs que la socialisation est une intention fondamentale pour l’enseignante. Son interaction à propos de la formation des sous-groupes, dans l’exemple de Ghabi, reflète cette intention. Elle dit clairement à tous qu’elle n’accepte pas l’exclusion d’un élève, en leur rappelant la mission de l’école. Durant la dispute, rappelons que son interaction avec l’équipe en question l’amène, après un certain temps, à leur dire « qu’il ne s’agit pas d’un acte de

mariage » et que « c’est juste un travail d’équipe ». Dans le contexte de ces deux événements,

les intentions pédagogiques de l’enseignante à propos de la formation des sous-groupes sont celles qui concernent le travail d’équipe avec tous ses avantages et peut-être aussi ses inconvénients. C’est là que l’évaluation formative se présente, semble-t-il, comme un inconvénient, puisqu’elle demeure une tâche pédagogique.

La priorité de l’enseignante dans la formation des sous-groupes est de « développer

l’autonomie des élèves et de les responsabiliser » (Entr-1; Entr-2). Laisser le choix aux élèves

dépend aussi, pour ce projet, de quelques considérations pratiques afin qu’ils puissent réaliser certaines tâches en dehors de la classe. La proximité géographique des élèves d’un même sous-groupe peut, par exemple, faciliter leurs rencontres dans une bibliothèque ou leurs déplacements pour visiter une animalerie.

a- Le travail d’équipe

L’enseignante considère que ses consignes tiennent compte des avantages et des bénéfices du travail en sous-groupe. En général, elle insiste sur l’entraide, comme le montre cet extrait :

« […] Surtout aussi par rapport à l’entraide, à chaque fois j’essaye, eh, je demande à un élève brillant qui a beaucoup de compétences de ne pas laisser traîner son camarade, l’aider du mieux qu’il peut pour rejoindre le groupe pour travailler » Entr-1.

Les observations mettent en évidence que les consignes adressées au début de la période à propos du travail d’équipe sont peu nombreuses. Par exemple, au cours du regroupement Rg4, l’enseignante demande aux élèves « d’essayer d’interagir », car elle ne veut pas que ce soit seulement un élève dans l’équipe qui travaille. Ce qu’elle « veut

vraiment : que ça soit un travail de collaboration et chacun va respecter les idées de l’autre ».

Les observations montrent que les consignes à propos de l’entraide sont surtout adressées auprès des sous-groupes. Ainsi, au cours du Rg4, l’enseignante incite les élèves d’une équipe à « partager » leurs informations et s’adresse à une autre équipe en disant : « Travaillez ensemble ». Durant le Rg2, elle dit clairement à une équipe : « Oui, j’aimerais

bien vous voir tous travailler, c’est pas juste… », en nommant la seule élève qui travaille dans

l’aider ». Pour une autre équipe de garçons, elle les incite à rejoindre une autre équipe « pour voir comment elle travaille », étant donné qu’ils n’ont pas amené leur matériel avec eux.

Ces consignes pédagogiques sont également adressées à titre individuel afin de les amener à collaborer. Par exemple, au cours du Rg2, elle demande à une élève de prendre l’initiative et de montrer à ses camarades « comment faire » à propos de la mise en place du miniaquarium. À une autre élève, elle demande de « participer »; à un autre, elle demande : « Est-ce que tu as aidé? » Dans le même sens, au Rg5, l’enseignante s’adresse souvent individuellement aux élèves pour qu’ils travaillent avec leurs « camarades ».

Dans un autre exemple, à la suite d’une intervention au sein d’une équipe, durant le Rg4, l’enseignante s’adresse à un élève en lui disant : « … Donc toi […], même si tu as acheté

tes deux poissons, c’est pas tes deux poissons si ton équipe décide d’acheter un autre poisson […]. Tu dois laisser tes camarades choisir […], les laisser chercher et proposer d’autres espèces ». Dans la même optique, elle conseille à un élève (Ghabi) : « C’est pas à moi d’intervenir ici, tu dois parler, dialoguer avec tes camarades et prendre une décision ».

Les observations indiquent que parfois, ces consignes sont adressées en réaction à un comportement d’élève comme c’est l’exemple dans cet extrait du Rg1. En effet, certains élèves rigolent parce qu’une élève coupe spontanément la parole de son camarade d’équipe et l’enseignante intervient alors pour leur dire :

« C’est un travail d’équipe OK, c’est pas grave, elle s’est pas excusée, elle a pris la parole, c’est pas grave, vous formez une équipe, elle parle au nom de son équipe. OK, Sarah, continue ».

Dans d’autres situations, comme dans le Rg5, la consigne arrive à la suite d’un comportement inadéquat de la part d’un élève :

« Tu t’assois à ta place... vite fait... parce que vous n’avez pas compris le principe d’aider vos camarades, alors restez dans votre place… C’est pas marcher, prendre son temps à parler, bavarder tout autour de ses camarades ».

En résumé, au cours de son intervention, Kamila adresse ses consignes aux élèves à propos de leur travail en équipe. Ces consignes pédagogiques concernent le partage, le respect, l’entraide et la collaboration. Elles sont adressées à tout le groupe-classe au début de la période et au moment où elle circule entre les sous-groupes. Quand ses consignes visent individuellement l’élève, elle insiste sur sa participation au sein de son équipe. Dans certains

cas, ses consignes se rattachent à un comportement spécifique d’élève que l’enseignante encourage ou bien interdit.

Les avantages des sous-groupes pour les élèves sont l’interaction et l’entraide. Pour Kamila, que la socialisation passe par la connaissance des élèves est un avantage, voire un but. Toutefois, elle est confrontée à un paradoxe. D’une part, les élèves doivent se connaître avant de travailler en sous-groupes et d’autre part, le travail en sous-groupe permet aux élèves de se connaître et de créer des liens comme le montre cet extrait :

« […] Ils doivent se connaître avant de les mettre en groupe. Des fois, le travail de groupe aussi permet à un nouveau venu… d’intégrer mieux le groupe… parce qu’ils se lâchent61 vraiment les élèves lorsqu’on les met… en sous-groupes » Entr- 1.

La connaissance des élèves entre eux intervient comme un avantage, une condition de mise en place du regroupement, mais peut également être une difficulté. À ce propos, rappelons-nous l’exemple de Ghabi.

b- L’évaluation

L’évaluation est toujours présente dans le discours de Kamila à différents moments. Très tôt l’enseignante informe les élèves : « Votre projet sera évalué » S5-O6. Au cours de leur travail, quand le comportement indésirable de certains élèves se manifeste, elle leur rappelle l’évaluation. À la dernière séance d’observation, elle leur indique qu’elle va « tenir la

note de ce laboratoire comme une troisième évaluation » de la fin d’année scolaire; par la

suite, elle précise que « l’évaluation, c’est ce laboratoire que je vais ramasser vers la fin » S8-

O11. Elle brandit la menace de l’évaluation, comme le montre aussi cet extrait du Rg4 alors

qu’elle s’adresse à un sous-groupe :

« Alors, vous les filles, vous savez, je vais évaluer tout, hum, vous aurez une note, le comportement rentre dans la note que je vais attribuer à chaque équipe. Faites attention! Réfléchissez sur la question ».

D’une manière générale, Kamila considère que l’évaluation est un point de départ pour « amorcer le lien avec les élèves » Entr-1, c’est-à-dire que les élèves doivent comprendre les

critères d’évaluation de l’enseignante afin de ne pas créer de l’incompréhension engendrant ainsi leur frustration.

Plus spécifiquement, quand les élèves travaillent en sous-groupe, l’évaluation demeure toujours pour l’enseignante la visée finale : « Le but final, bien sûr, ils seront évalués » Entr-1. Kamila évalue les élèves, d’une manière formative, selon certains aspects au cours de leur travail en sous-groupes comme dans l’extrait suivant :

« […] comme un élève qui se débrouille bien avec le matériel, comme un élève qui gère bien son temps, comme un élève qui cherche des informations pour comprendre, qui participe […] » Entr-3.

L’évaluation du travail individuel de l’élève s’inscrit dans l’évaluation du travail en équipe, ce qui veut dire :

« Comment ils travaillent ensemble, est-ce qu’ils s’acceptent? Est-ce qu’ils s’acceptent en tant que... individus, membres du groupe? Est-ce qu’ils se respectent? Donc je… je fais pas… juste passer; je regarde et je vois les comportements des élèves » Entr-3

À partir de ces évaluations, l’enseignante ajuste les regroupements des élèves pour la fois suivante. Cependant, la présence d’un élève en difficulté ne lui rend pas la tâche facile. Au cours de l’entretien, Kamila expose la relation de Ghabi avec les autres élèves :

« À chaque fois, je lui dis... Ghabi qu’est-ce que tu fais? Implique-toi…aide […]. Ils m’ont dit, les autres […] : "Mais Madame, il n’a rien fait […]". Il m’a dit : "Non Madame, j’les ai aidés", mais j’étais sûre qu’il n’a pas fourni d’effort » Entr-3.

Kamila considère que cet élève tire profit de ses camarades, non pas pour apprendre, mais pour obtenir la note. Alors, le jour où ce groupe-classe avait une évaluation formative, elle nous dit que, pour la première fois au cours de l’année scolaire, elle l’a mis tout seul :

« […] et puis, il était mécontent, il n’a pas voulu travailler. "Madame, pourquoi je suis seul?". "Parce que, Ghabi, tu travailles pas avec le groupe […] tu les aides pas, tu dois faire ce travail tout seul, exceptionnellement aujourd’hui, tu vas être seul, je veux évaluer seul comment tu travailles" [...] » Entr-3.

Donc, la présence d’un élève en difficulté ne facilite pas l’évaluation du travail d’un sous-groupe pour l’enseignante. Effectivement, l’élève en question ne fournit aucun effort, mais bénéficie de la note attribuée à l’équipe. Alors, pour une évaluation formative, Kamila a laissé cet élève seul, malgré ses difficultés. Elle a, semble-t-il, essayé de l’aider, mais elle s’est

rapidement sentie dépassée entre le soutien à offrir à Ghabi qui ne semble pas progresser pour autant et ses interventions auprès des autres élèves.

4.1.2.3 Conclusion

Ces résultats suggèrent que les intentions didactiques et pédagogiques de Kamila ne sont pas faciles à distinguer. Dans un sens, les intentions didactiques de l’enseignante comportent une dimension pédagogique. En effet, rendre l’activité intéressante est une visée affective. Dans le même ordre d’idées, le choix offert aux élèves engendre une divergence dans le processus d’apprentissage entre les équipes. Mais, cette constatation de l’enseignante n’a aucun effet sur son intervention qui reste identique pour tous les sous-groupes. En effet, elle donne les mêmes consignes à propos de la tâche et les répète à tous. La raison de cette intervention reste également liée à une dimension affective. Il semble, selon l’enseignante, que son intervention auprès des élèves en petits-groupes est appréciée par eux. Dans un autre sens, ses intentions pédagogiques sont attachées à une dimension didactique. Au cours de son intervention, Kamila adresse ses consignes aux élèves à propos de leur travail en équipe. Ces consignes pédagogiques comportent également une dimension didactique. Effectivement, les données des interactions révèlent des consignes à plusieurs aspects qui sont adressées soit de manière collective ou soit de manière individuelle. Dans certains cas, ces consignes émanent d’un comportement inadéquat de la part de certains élèves. Finalement, quant à l’évaluation formative, cette visée didactique présente plusieurs dimensions pédagogiques. La question de la note semble un souci pour l’enseignante parce que Ghabi ne fournit aucun effort tout en bénéficiant de la note donnée à l’équipe, elle l’a placé tout seul pour l’évaluer.

4.1.3 LA CONCEPTION DE KAMILA À L’ÉGARD DE