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La vannerie et le manioc amer

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 90-109)

La vannerie : l’artisanat masculin par excellence

Planche 5 La vannerie et le manioc amer

Planche 5 – La vannerie et le manioc amer

1) Couleuvre à manioc wayãpi, Zidock, 2004

2) Femmes wayãpi tamisant la farine de manioc, années 60

Crédits : 2) Photographie de Jean Hurault

de goitre chez des populations paupérisées de Guyane et d’Amazonie brésilienne. Ainsi le remplacement de plus en plus prégnant de la couleuvre à manioc par ce que l’on nomme la presse brésilienne48 pourrait être un facteur non négligeable dans l’augmentation de la prévalence de goitre. Car, si du temps est gagné en pressant davantage de tubercules avec cet engin qu’avec la presse en vannerie, il reste néanmoins moins efficient quant à la déshydratation de la masse de manioc et donc détoxique moins efficacement celle-ci.

La presse à manioc en vannerie est un outil fondamental intimement lié à la consommation du manioc amer par les Amérindiens de Guyane (Métraux, 1928 ; Dole, 1960 ; Carneiro, 2000). Elle est le fruit du génie des populations amazoniennes qui ont inventé cet outil complexe et efficace (Métraux, 1928 ; Nordenskiöld, 1929). Il existe cependant d’autres outils utilisés par les populations des basses terres d’Amazonie permettant de traiter cette racine mais ils sont plus rudimentaires et moins efficaces. Ce sont des nattes à torsion utilisées par les Kayapo (Carneiro, 2000), les Witoto ou les Sherente (Mowat, 1989), des nattes dans lesquelles on presse la masse comme chez les Trumai ; ou bien encore certains Amérindiens, comme les Tapirapé, la pressent directement entre leurs mains (Dole, 1960). En fait, il existe toute une succession d’outils tressés allant de la forme la plus simple à la plus complexe, en l’occurrence, la couleuvre à manioc des Guyanes (Carneiro, 2000)49.

Outre les vanneries utiles à la détoxication, les Amérindiens de Guyane tressent un grand nombre de formes liées au complexe de production d’aliments à base de manioc.

Celles-ci sont utilisées pour différents usages allant de la récolte à la consommation. Ce sont des formes utilisées pour son transport (hotte), sa transformation (presse, tamis), sa cuisson (éventails à feu) ou pour le sécher (natte) ; mais aussi pour stocker la farine torréfiée ou les pâtes de cachiri dans de grands paniers.

J’ai dénombré 90 formes de vanneries liées au manioc allant de la hotte nécessaire au transport du tubercule au panier servant à conserver le couac en passant par l’éventail à feu.

Ce qui en fait la première catégorie d’usage avec 43 % de toutes les vanneries répertoriées en Guyane française, qu’elles soient encore en usage ou non. Il a, en effet, été recensé 211 formes de vanneries. Dans ce total sont comprises les vanneries encore en usage, celles qui ne sont plus utilisées mais qui sont encore présentes dans le savoir des anciens et dans diverses

48 La presse, dite brésilienne ou encore cearense (du nom de l’État du Ceará au Brésil), est composée d’une caisse que l’on remplit d’un ou deux gros sacs de jute ou de sacs postaux pleins de masse râpée de manioc sur lesquelles on placera une plaque de bois. Celle-ci pressera, à l’aide d’un système de vis ou bien de levier en bois, la masse afin d’en faire exsuder le jus toxique.

49 On rediscutera de la distribution de la presse à manioc dans le chapitre 2.

sources ethnographiques du début du XXe siècle, ainsi que de nouvelles formes tressées uniquement pour la vente. Signalons tout de suite qu’ici comme dans tout le reste de cette thèse chaque fois que seront dénombrées des vanneries, chaque forme sera prise en compte.

Par exemple, chaque communauté tresse une presse à manioc ayant le même usage et une forme globale identique mais toutes sont des vanneries différentes car elles ont chacune leurs particularités de forme et portent chacune un nom différent. Il existe donc autant de variétés de couleuvre en Guyane que de communautés qui la fabriquent.

On peut retrouver dans le tableau n° 1 la répartition du nombre de vanneries en fonction de chaque catégorie d’usage.

Cinq catégories d’usages ont été définies et classées en fonction de leur usage. Chez ces populations, il n’y a pas de terme générique pour la vannerie mais un verbe spécifique pour désigner l’activité50. Par contre la plupart des vanneries sont intimement liées à des usages précis ; ainsi il m’a semblé pertinent de les présenter en fonction de leur usage. On pourrait rétorquer que cette classification est arbitraire ; je pense néanmoins qu’elle permettra de comprendre à la fois pourquoi cet artisanat reste toujours relativement prégnant dans ces communautés contrairement à d’autres artisanats mais aussi de mieux appréhender le symbolisme et les représentations qui lui sont liés.

La première catégorie est celle déjà citée des vanneries attachées au manioc amer. On se rend compte de l’importante que tient cette plante dans la confection d’une grande diversité d’outils51. La place centrale de la vannerie dans le processus de production des aliments à base de manioc est, comme je le montrerai par la suite, un des facteurs majeurs jouant sur le maintien de cet artisanat.

La deuxième catégorie comprend des formes utilisées pour le rangement, le stockage ou la cueillette. Ce sont des paniers, corbeilles, hottes, coffres ou coffrets essentiellement utilisés pour rapporter les produits de collecte, de chasse, pour ranger les ouvrages de coton des femmes, les plumasseries masculines ou divers autres attirails masculins ou féminins.

Cette catégorie est la deuxième par le nombre de formes tressées avec 72 vanneries recensées soit 34 %. Elle montre la place importante que tient la vannerie dans l’ameublement de ces sociétés. Quasiment tous les objets de rangement, de transport et de stockage sont traditionnellement des vanneries dans les sociétés forestières de Guyane à part la bière de

50 Ce terme est d’ailleurs souvent commun au travail de la vannerie mais aussi du coton ou de la poterie.

51 Chez les Ye’kwana du Venezuela, 10 vanneries sur 18 répertoriées (soit 55 %) sont liées au processus de transformation du manioc amer (Hames et Hames, 1976 : 4).

manioc ou cachiri temporairement stockée dans des poteries ou des canots en bois52 ainsi que les gourdes servant à stocker des liquides ou des semences. Contrairement à d’autres zones plus sèches des néotropiques comme le Chaco, les sociétés de Guyane n’ont jamais tissés de filets en fibres de broméliacées utilisés pour le transport (Métraux, [1946] 1982: 87). Les contenants en bois ne semblent pas non plus avoir été beaucoup utilisés par les Amérindiens53 contrairement aux sociétés marronnes qui excellent dans le travail du bois. Notons que de toute façon les sociétés forestières des basses terres d’Amazonie ne sont pas des sociétés où l’on conserve longtemps, que ce soit des aliments, des semences ou autres boutures, ou autres objets, à l’exception notable des plumes.

La troisième catégorie regroupe des vanneries utilisées lors de cérémonies et de danses. Elle regroupe 7 % des formes recensées. Il s’agit soit de vanneries portant des plumes pour les danses, soit de treillis de vannerie enserrant des insectes pour les rites d’imposition des fourmis et des guêpes ou bien, plus rare, des instruments de musique.

Pour fixer les plumes afin de confectionner les parures ou autres masques deux grandes techniques d’assemblages existent, l’amarrage et le collage (Schoepf, 1971 : 28) : soit les plumes sont directement fixées sur le corps en les collant à l’aide de résine, soit elles sont accrochées sur des bandes de coton tissés ou insérées sur des couronnes, des casques ou des cimiers tressés. Si pour les Amérindiens l’art de la plumasserie ne rentre pas strictement dans l’art de la vannerie, il n’en reste pas moins que ce sont bien souvent les mêmes artisans, qui en Guyane, excellent à tresser les vanneries et à confectionner les ouvrages en plumes. Ainsi je traiterai dans ce travail des vanneries portant plumes, d’autant plus que les matériaux et techniques sont identiques à ceux utilisés pour les vanneries courantes.

Les vanneries servant aux rites d’imposition des insectes, véritable rituel de passage, tiennent une place importante chez les Amérindiens de Guyane. Elles sont utilisées soit lors de fêtes spéciales regroupant plusieurs villages, soit à l’intérieur du foyer, le plus souvent lorsqu’une jeune fille a ses premières menstrues.

Une seule vannerie est utilisée comme instrument de musique cérémoniel chez les Kali’na.

52 Les canots à cachiri sont toujours utilisés aujourd’hui chez les Wayãpi de Trois-Sauts.

53 Les coffrets en bois utilisés par les Urubu Ka’apor pour y entreposer leurs parures de plumes (Schoepf, 1971a: 24) semblent être une exception, à moins qu’ils ne soient issus d’emprunts. Seules les parures de plumes sont conservées dans ces boîtes en bois, les choses usuelles, aliments et petits objets étant rangés dans des paniers et corbeilles (Ribeiro, 2002: 144).

Tableau 1 – Nombre de vanneries par catégories d’usages

Nombre de vanneries recensées Usages

Aluku Arawak Créoles Kali’na Palikur Teko Wayana Wayãpi Total %

Vanneries liées au manioc 6 10 7 13 10 14 16 14 90 43

Vanneries pour le rangement, stockage, cueillette 2 4 5 11 3 9 21 17 72 34

Vanneries cérémonielles 0 1 0 4 1 2 4 2 14 7

Vanneries diverses 1 2 4 1 3 1 5 4 21 10

Vanneries commerciales 0 5 0 3 6 0 0 0 14 6

Total par ethnie 9 22 16 32 23 26 46 37 211 100

La quatrième catégorie est plutôt une non-catégorie car elle regroupe les vanneries ne se rangeant pas dans les quatre autres. Ce sont des chapeaux, des nattes pour dormir, des épuisettes ou des nasses pour pêcher. Cette catégorie représente 10 % des formes recensées.

Enfin, une cinquième catégorie regroupe des vanneries nouvelles confectionnées uniquement pour la vente. Ces néo-formes sont réalisées essentiellement par des femmes (Davy, 2002) ; je m’y attarderai plus largement dans la troisième partie de cette thèse. Les formes de cette catégorie représentent 6 % du total des pièces recensées. De par leur aspect moderne, et contrairement aux autres formes dites traditionnelles, les artisans les tressant montrent une large part d’innovation. Je n’ai donc pas multiplié le nombre de formes recensées mais je les ai plutôt regroupées en classes de type corbeille, panier, poupées, animaux, napperons…

Dans le chapitre suivant seront décrites en détail toutes les vanneries de Guyane.

Voyons maintenant qui tresse ces objets et qui les utilise.

2-2 Une activité masculine

Dans les sociétés amérindiennes de Guyane, c’est l’homme qui est le producteur de vannerie. Et, dans un foyer, si l’homme tresse les vanneries, l’utilisation quant à elle est quasi exclusivement l’apanage des femmes, chaque mari devant fournir son épouse en vannerie.

La répartition des tâches domestiques dans les sociétés amazoniennes est largement inféodée au sexe de l’individu. La division du travail en fonction du sexe est la forme souvent dominante dans les sociétés non-industrielles et, surtout liée à la diversité et à la complémentarité de leurs activités. Les sociétés rurales de Guyane ne font pas exception à cette règle. Le tableau n°2 dresse un inventaire des activités réparties en fonction du genre.

Tableau 2 - Répartition des activités de production en fonction du genre chez les Amérindiens de Guyane Activités masculines Activités féminines Travail du coton (hamac, porte bébé) Transformation et préparation des aliments Pêche

Céramique Travail des perles Cueillette

Lors des nombreux mois d’enquêtes parmi les différentes communes, je n’ai rencontré et vu tresser quasiment que des artisans masculins. Chez les communautés créoles et marronnes, il existe quelques femmes tressant, mais elles ne sont pas majoritaires. Tandis que chez les Amérindiens cette règle est absolue et générale à toute l’Amazonie, à part quelques cas marginaux comme chez les Arawété (Viveiros de Castro, 1992), les Bororo (Lévi-Strauss, 1964) ou les Yanomami (Biocca, 1968) par exemple. Ce n’est que récemment que l’on a pu observer en Guyane des femmes amérindiennes palikur tresser des vanneries et dans des formes modernes destinées au commerce (Davy, 2002). En effet, en 1925 les femmes ne tressaient pas encore paniers et corbeilles (Nimuendaju, 1926), seuls les hommes commençaient à confectionner ces formes empruntées. Des femmes Arawak-Lokono, du Guyana à la Guyane française, tressent aussi des néo-formes pour la vente. Cette féminisation de la vannerie fera l’objet d’un développement dans la troisième partie.

Traditionnellement, il est donc clair que la vannerie est sans conteste un artisanat masculin, pendant de l’artisanat féminin par excellence, la céramique54.

Quand on demande à un artisan pourquoi il n’y a que les hommes qui tressent, on assiste souvent à son étonnement. Il va de soi pour eux qu’une femme ne peut confectionner une presse ou un tamis ni des motifs sur les paniers. Certains ajoutaient même : « les femmes ne sont pas assez fortes pour ça, c’est un travail d’homme ». La pratique de la vannerie est constitutive de l’identité de l’homme amérindien et il existe des interdits stricts sur la pratique de cette activité masculine par une femme. Elles ne peuvent en aucun cas tresser des motifs, sous peine de graves dérèglements sanitaires ou sociaux. Les Wayana avancent que si une femme tresse des motifs (tïmilikhem), son enfant risque d’avoir les membres paralysés, d’être handicapé. Pour les Amérindiens de Guyane, que la vannerie soit masculine tombe sous le sens, c’est leur sens commun comme l’entend Geertz (1986). C’est évident pour eux au même titre que la céramique est une tâche féminine ou que, pour un Wayãpi, il soit interdit de tuer un anaconda sous peine de faire tomber une forte pluie. On verra par la suite que cet interdit lié au travail de la vannerie est en partie dû à la matière première.

Savoir tresser était une condition sine qua non pour être considéré comme un homme accompli, au même titre que savoir chasser ou pêcher et auparavant fabriquer un arc et des flèches, construire sa pirogue et sa maison (Kloos, 1971: 80). Si un jeune homme voulait prendre femme, il lui fallait maîtriser l’art de la vannerie, la quasi-totalité des outils entrant dans le processus de production alimentaire à base de manioc étant faite d’objets tressés. Or si la confection des vanneries est l’apanage de l’homme, toutes les tâches tournant autour du manioc incombent aux femmes. Hurault (1968 : 61) précise que, chez les Wayana, un père ne donnera pas sa fille à un homme incapable de fabriquer le katali tïmilikhem ou hotte ouverte portant motifs ; de plus, pour se marier, le jeune homme wayana offrait à sa belle-mère une natte en arouman portant motifs, nommée apitu afin de montrer sa dextérité à tresser. Chez les Palikur, les présents les plus appréciés qu’un jeune homme puisse apporter aux parents de sa fiancée sont le tamis et la presse à manioc (Mattioni, 1975 : 43). Chez les Arawak-Lokono, lorsqu’un couple venait de se marier, le jeune homme devait offrir à sa belle-mère une couleuvre à manioc richement décorée ainsi qu’un kweke (hotte en cloche). Un ancien kali’na raconte qu’avant, lorsqu’un homme voulait prendre femme, on asseyait les futurs époux côte à côte et un ancien donnait à l’homme un brin d’arouman (Ischnosiphon sp.). On lui demandait de tresser une boule appelée mope-po, graine de mombin (Spondias mobin),

54 Chez les Achuar, Descola (1986 : 373) considère également la vannerie et la poterie comme deux activités paradigmatiques.

pour faire montre de sa dextérité avec l’arouman. Il devait ensuite l’attacher autour du cou de sa future femme. S’il ne savait pas tresser cet objet, il n’avait pas le droit de vivre avec elle.

Roth rapporte une histoire arawak contant comment un jeune garçon eut du mal à se marier car il ne savait pas tresser la hotte kweke utile pour récolter des crabes ; un ami dut lui apprendre à tresser cette hotte mais également coffret, presse, tamis et éventails à feu afin qu’il puisse trouver une épouse (Roth, 1915: 316). Il évoque aussi dans cette histoire les épreuves qu’un jeune homme devait accomplir afin de recevoir une jeune fille en mariage. Il devait flécher le nid d’un pic debout sur un canot, remplir un grand nombre de hottes avec des crabes ainsi qu’ouvrir et nettoyer un abattis en un minimum de temps.

S’il n’existait pas de cérémonie de mariage à proprement parler chez les Amérindiens de Guyane, il n’en reste pas moins que, dans toutes les communautés, le père et la mère pouvaient refuser la main de leur fille à un jeune homme qui ne maîtrisait pas toutes les tâches imparties à un homme accompli. Á propos des Wayãpi, P. Grenand précise que

« savoir chasser, savoir faire toutes les vanneries pour sa femme, savoir faire un abattis sont les seuls critères sur lesquels une femme peut se récrier lorsqu’on lui propose un mari » (Grenand P., 1982: 120).

La place importante de la vannerie dans ces sociétés était déjà la même il y a 400 ans ; l’anonyme de Carpentras ([1620] 1990 : 193) nous rapporte à propos des Caraïbes insulaires que pour se marier, il fallait que le jeune homme « sache bien tirer de l’arc, bien pêcher, faire une maison, des paniers de toutes grandeurs où ils serrent beaucoup de hardes qu’ils nomment baccara, qu’ils fassent bien un matoto, un catauli et qu’il fasse un jardin… »55.

Bref, le père en devenir doit être capable de procurer à son foyer les ressources et les outils nécessaires pour vivre normalement. Encore aujourd’hui un homme qui ne sait pas tresser les ustensiles utiles à la transformation du manioc se fera railler par les autres au risque que sa femme aille voir ailleurs ! Et comme me l’ont signalé des informateurs palikur ou wayãpi,

« savoir faire de la vannerie, c’est le bac indien ! ».

De plus, un homme est fier de savoir confectionner les objets traditionnels et un certain prestige en est tiré. On peut déduire que la vannerie est vectrice d’identité. La femme sera fière de son mari habile artisan et pourvoyeur en ustensiles domestiques au même titre que s’il est bon chasseur ou bon pêcheur. Evidemment, aujourd’hui, un homme qui ne sait pas tresser peut compenser son manque de savoir-faire en achetant les ustensiles pour sa

55 Le baccara est un coffre en vannerie servant à ranger le linge, le matoto une table corbeille utilisée pour déposer les galettes de manioc et le catauli une hotte portée par les femmes pour rapporter les produits d’agriculture.

femme. Mais, avant que l’argent n’arrive dans ces sociétés, les femmes ayant un mari fainéant ou malhabile ne sachant pas tresser (chose rare) devaient aller voir un père ou un frère pour lui fournir l’outil en question. Il en ressortait un certain mépris pour cet homme, pas vraiment homme. Comme Pierre Clastres (1966) le dit dans son article « L’Arc et le Panier » sur les Guayaki, où l’arc est l’apanage des hommes et le panier celui de la femme, en Guyane française la fabrication des vanneries est constitutive de la masculinité, la confection de la céramique et la transformation du coton de la féminité.

Traditionnellement, tous les jeunes garçons regardent dès leur plus jeune âge les hommes de leur parenté tresser un tamis ou un panier. Puis vers l’âge de 8-10 ans, ils commencent à imiter leur père ou un oncle en utilisant des lames préparées à leur intention ou bien des brins d’arouman de moindre qualité. Ils commencent par apprendre à tresser les formes les plus simples comme les paniers ajourés à trois nappes enchevêtrées jusqu’aux vanneries plus élaborées qu’ils devront savoir confectionner lorsqu’ils atteindront l’âge du mariage. Ensuite tout au long de sa vie l’homme amérindien affinera sa technique et augmentera son corpus iconographique, pour les plus doués et les plus motivés. Néanmoins, traditionnellement, un jeune homme « bon à marier » doit savoir tresser les vanneries essentielles liées au manioc pour qu’une famille accepte de lui donner leur fille.

Comme nous le rappelle Sahlins, au sein d’un genre, « les processus de production dans ce type de sociétés sont unitaires et non parcellisés, ils n’impliquent pas une division

Comme nous le rappelle Sahlins, au sein d’un genre, « les processus de production dans ce type de sociétés sont unitaires et non parcellisés, ils n’impliquent pas une division

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