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Validation et caractérisation mécaniques des aboutages

CHAPITRE 3: Partie expérimentale

3.4 Validation d’un collage structural par aboutage

3.4.2 Validation et caractérisation mécaniques des aboutages

mécaniques des aboutages

Sur les échantillons correctement aboutés, des tests de validation et de caractérisation mécanique

ont été réalisés sur le bâti de flexion 4 points (figure 59) conformément à la norme NF EN 408 cf. §

2.1.3). Les tests de flexion sont réalisées sur des éprouvettes de dimensions 37×27×580 mm³ et à

27×37×580 mm³. La longueur des éprouvettes de flexion à chant était de l’ordre de 15h (soit

580mm) et celles de flexion à plat, de même longueur correspondaient à 20h. D’un point de vue

échantillonnage, 15 éprouvettes par essence ont été testées à chant et 15 autres à plat. A titre de

comparaison, 5 éprouvettes de bois massif ont elles aussi été testées en flexion à chant et 5 autres en

flexion à plat.

Figure 59: Dispositif de flexion 4 points à chant sur une éprouvette aboutée de P. venosa

A partir de l’équation 6 (cf. § 2.1.3.1), les modules locaux d’élasticité, corrigés par l’humidité et

l’effet d’échelle ont été calculés pour les éprouvettes testées à plat et à chant, et sont présentés par la

figure 60.

Notons que sur la figure 60, un seul MOE a été enregistré pour les tests en flexion à chant du Q.

rosea abouté.

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Figure 60: Résultats des modules d’élasticité locaux des échantillons testés à chant et à plat

La figure 60, illustre que les modules locaux d’élasticité évalués sont sensiblement les mêmes pour

les éprouvettes aboutées et massives. Ceci indique que le collage de l’assemblage est satisfaisant.

De plus, des éprouvettes massives de D. guianensis testées à plat présentaient des modules

d’élasticité bien inférieurs aux autres échantillons de la même essence (13000 MPa au lieu de 14800

MPa dans la bibliographie [106])

Afin d’évaluer la résistance à la flexion des aboutages, la contrainte maximale de flexion est

calculée suivant l’équation 7 (cf. § 2.1.3.1).

Les résultats des tests de flexions réalisés à plat et à chant sur les éprouvettes aboutées et massives

sont donnés dans la figure 61.

0 5000 10000 15000 20000 25000

Q. rosea P. venosa D. guianensis

M o d u le lo cal d lasti ci E m l (M p a)

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Figure 61: Résultats des flexions à chant et à plat pour les éprouvettes aboutées et celles en bois massif

Ces résultats, mettent en évidence deux principales observations :

La première est que pour les chargements considérés (à plat ou à chant), la résistance à la flexion

des éprouvettes aboutées est inférieure à celle obtenue avec des éprouvettes massives. Ceci se

traduisant par une résistance quasi égale à celle du D. guianensis abouté. Cette première observation

souligne bien le fait que l’aboutage est le paramètre mécanique réducteur dans l’utilisation des bois

en bois lamellé-collé. En effet, les usinages testés sont 40 à 60 % moins résistants que les

éprouvettes de bois massif.

Cependant, il est possible que la détérioration des éprouvettes, due à une mauvaise application de la

pression, soit responsable d’une bonne part de la variabilité de ces résultats. En effet, pour la

création d’un assemblage structural par aboutage, toutes les pièces présentant des craquelures ou

des vides (> 1mm) entre les entures sont normalement rejetées, car elles sont qualifiées

d’inadéquates [107].

La deuxième observation concerne la différence des résultats entre les éprouvettes testées à plat et à

chant. On remarque que la résistance des éprouvettes de bois massif testées à chant est globalement

semblable à celle obtenue par flexion à plat.

0 20 40 60 80 100 120 140 160

Q. rosea P. venosa D. guianensis

R é si stan ce à la fl e xi o n fm ( M p a)

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Concernant les différences de résistances entre les aboutages et le bois massif, plusieurs auteurs

(Erickson, Stanger, Brynildsen…) ont évalué l’efficacité de l’aboutage par le rapport entre la

contrainte maximale dans le bois abouté et celle du bois massif (R

a

en %) [108]. Leurs études

montrent que dans le cas d’une flexion à chant, les ratios R

a

sont de l’ordre de 60% (59% sur le

Pseudotsuga menziesii, 58% sur le Pinus radiata). Pour une flexion à plat, ces ratios diminuent

(33% sur le P. menziesii, 50% sur le P. radiata). Brynildsen, a évalué le ratio des modules

d’élasticité de l’aboutage et du bois massif et a conclu qu’il n’est pas affecté par l’aboutage [108].

En étudiant ces ratios entre le bois abouté et le bois massif sur les résultats obtenus avec les trois

essences guyanaises (tableau 20), on s’aperçoit de prime abord que les MOE enregistrés sont peu

influencés par l’effet d’aboutage, conformément aux observations ci-dessus. En revanche, une

tendance inversée est observée pour les ratios des contraintes maximales. En effet, les ratios de 30 à

40% environ sont observés lors d’une flexion à chant et des ratios de 60% environ lors d’une

flexion à plat.

Tableau 20: Ratio entre les aboutages et le bois massif

Essence Ratios des contraintes maximales Ratio des MOEs

Ra à chant (%) Ra à plat (%) Ra à chant (%) Ra à plat (%)

Q. rosea 42.3 66.5 90.0 98.0

P. venosa 46.8 56.4 94.5 99.0

D. guianensis 32.2 102.0 110.3 115.2

Notons que le ratio de résistance exprimé pour le D. guianensis testé à plat est supérieur à celui

calculé pour le Q. rosea et le P. venosa. Ceci s’explique par la faible résistance à la flexion des

présentée par la figure 61.

Cette observation sur l’inversement des ratios de contraintes maximales entre le bois abouté et le

bois massif pour des flexions à chant et à plat pourrait s’expliquer par le mode de chargement sur

des éprouvettes endommagées, engendrant des résultats très variables. En effet, dans le cas de la

flexion à chant, une fissure se trouvant dans la zone mise sous tension lors du début du test amorce

facilement une propagation des fissures dans l’éprouvette, réduisant ainsi la résistance de l’aboutage

à la flexion. En revanche, lors d’une flexion à plat, même si une fissure se présente dans la partie

mise sous tension, celle-ci peut être compensée par les autres entures de l’aboutage, retardant ainsi

la rupture de l’éprouvette. Ainsi, il semble que les différences de 30% entre les contraintes

maximales en flexion à chant et à plat soient dues à ce phénomène de sollicitation de l’aboutage.

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Ainsi, la qualité des aboutages est un facteur important quant à l’obtention d’une bonne résistance

mécanique de cet assemblage. En première instance, si l’étape d’aboutage est mal réalisée, il se peut

que les entures s’emboitent mal car soit trop longues, soit trop courtes, soit décalées. Dans les cas

d’entures trop longues, lors du serrage, le bout de celles-ci se trouvera compressé, créant ainsi des

zones à fortes concentration de contraintes, affaiblissant l’assemblage [109]. Des entures trop

courtes créent des vides en bout de l’assemblage et diminueront les surfaces de collage. De plus,

d’un point de vue esthétique, ces vides sont rejetés par les clients. Enfin, Jokerst [108], rapporte

d’une étude, qu’une variation de quelques centièmes de millimètres pour un aboutage entraîne une

faible résistance mécanique et un mauvais auto-serrage, risquant de défaire les pièces aboutées en

attendant que la résine polymérise [108].

Enfin, l’équation 12 (cf. § 2.1.3.2) a permis de déterminer la valeur limite du fond de l’enture, ɤ,

pour laquelle la fissuration de l’éprouvettes est amorcée si la valeur réelle de ɤ est inférieure. En

fonction des essences, ces valeurs limites ont été déterminées par les modules d’élasticité relevés

lors de cet essai et de leur contrainte à la rupture en traction perpendiculaire au fil (f

t,90,r

=2.7 MPa

[110]) .

ɤ

limite, P. venosa

= 0.530 mm

ɤ

limite, D. guianensis

= 0.529 mm

ɤ

limite, Q. rosea

= 0.529 mm

Or le ɤ mesuré sur l’usinage réalisé était de 0.500 mm. Ce qui explique la fissuration dans la plupart

des éprouvettes. En effet, lors de l’aboutage, l’emboitement des entures, presque incompressible du

fait de la dureté des bois, engendrait, dans l’enture femelle, des contraintes de traction

perpendiculaire au fil supérieure à leur limite de résistance. A titre de comparaison, la limite

inférieure du fond de l’enture ɤ pour le P. abies, résineux communément utilisé en lamellé-collé, est

de 0.510 mm. Cependant, avec une dureté plus faible, l’enture mâle peut s’écraser afin de

s’emboîter correctement. On remarque ainsi que l’outil d’usinage standard est plus adapté aux

résineux pour la réalisation d’aboutage. Pour la réalisation des aboutages en bois exotique, il est

conseillé d’augmenter le fond de l’enture (0.535 mm par exemple) afin que l’emboitement des

entures se fasse correctement. Cependant, faute de temps, cette piste d’amélioration n’a pas été

explorée.

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Notons enfin que, généralement, la pression à appliquer pour le serrage des aboutages est fonction

de la longueur des entures (tableau 21) [111].

Tableau 21: Pression à appliquer en fonction de la longueur des entures

Cependant pour des bois denses, appliquer une telle pression, pour des entures de 15 mm de long,

n’est pas forcément bénéfique car :

La colle peut être chassée de l’aboutage, créant ainsi un joint maigre de faible résistance mécanique,

Des zones de fortes contraintes peuvent apparaître lors du serrage de l’aboutage en emboitant les

deux pièces. Des fissures peuvent même avoir lieu au niveau des pointes des entures, rédhibitoires

pour un assemblage mécanique.

On pourrait ainsi conclure sur le fait que, pour abouter ces essences tropicales, le choix d’un

profilage avec des entures de 30 mm de long serait bénéfique (pression à appliquer plus petite, la

surface relative de collage A est plus élevée). Malheureusement, un tel usinage sur des bois aussi

denses est très énergivore (très grande puissance nécessaire au profilage) et produit beaucoup plus

de perte matière. En plus de ce paramètre économique, cet usinage peut apporter des complications

supplémentaires comme la carbonisation du bois. En effet, du fait de leur forte densité et des efforts

de coupe importants, ces essences guyanaises risquent de se carboniser au niveau du profilage,

créant ainsi un « glaçage » du bois, empêchant la pénétration de la résine dans le support. Une autre

alternative serait d’adapter un outil de profilage pour les bois denses, afin que le fond des entures

permette un emboitement aisé, sans perdre le caractère auto-serrant de cet assemblage.

Longueur de l’enture (mm) Pression de serrage (MPa) 10 12 15 11 20 10 30 8 40 6 50 4

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