CHAPITRE 3: Partie expérimentale
3.3 Validation d’un collage structural par lamellation
3.3.3 Campagne de validation des conditions de collage
Compte tenu d’une variabilité importante des résultats de délamination présentés précédemment,
une nouvelle campagne de collage de 4 poutres par essence (2 appareillées de façon homogène et
les 2 autres de façon hétérogènes) a été menée afin de vérifier que des paramètres identifiés sont
suffisants pour l’obtention d’un collage structural correct. L’approvisionnement en résine s’est fait
par un autre fabricant, fournissant une colle supposée plus compatible avec les bois « difficiles à
coller ». De plus, l’étape d’encollage s’est réalisée en simple face cette fois-ci afin de juger de la
bonne tenue du collage lors d’une fabrication industrielle (écartant l’encollage en double face). Par
ailleurs, le temps d’assemblage fermé a été rallongé et fixé à 40min (tableau 18) et la pression
établie à 1Mpa. D’ailleurs, ce nouveau TAF est plus adéquat pour la réalisation industrielle du
projet. En effet, lors de la fabrication en usine, le temps nécessaire à la constitution d’une poutre
standard de lamellé-collé, avant sa mise sous presse, est largement supérieur à 5 min.
Tableau 18: Récapitulatif des conditions de collage retenues en fonction des bois
Essence Grammage (g/m²) Pression (MPa) TAF (min)
Q. rosea 450 1 40
P. venosa 300 1 40
105
Notons que pour le D. guianensis, le temps d’assemblage fermé, bien qu’il fût préconisé court, a été
fixé à 40 minutes comme pour les autres essences. En effet, il s’avère que lors de plusieurs tests sur
ce paramètre, un temps long (40 minutes) avait d’aussi bons, voire de meilleurs résultats qu’avec un
temps court. De ce fait, pour toutes les essences de bois, le temps d’assemblage fermé a été fixé à
40 minutes
3.3.3.1 Résultats des tests de délamination
Les échantillons provenant de ces nouvelles poutrelles collées, suivant les prescriptions soulignées
précédemment, ont subi le test de délamination, avec les deux cycles de gonflement/séchage et les
résultats sont présentés dans la figure 48. Ces résultats sont moyennés pour 5 échantillons provenant
d’une même poutre.
Sur cette figure, on remarque que dans le cas du Q. rosea des échantillons présentent encore des
résultats de délamination largement supérieurs à la limite imposée par la norme. Notons par ailleurs
que les échantillons présentant les plus fortes délaminations (66 ± 3%) proviennent d’une poutre
appareillée de façon contraignante en mélangeant les débits (dosse-quartier-dosse ou
quartier-dosse-quartier).
Concernant le P. venosa, les résultats présentés par la figure 48 sont de plus en plus homogènes,
mais certains ne sont pas encore concluants.
Les résultats obtenus sur ces deux essences de bois montrent que les conditions de collage testées
peuvent engendrer un joint maigre et donc de fortes délaminations. Ainsi, ces conditions ne sont pas
adéquates.
Enfin, les résultats de délamination sur le D. guianensis ont permis d’établir les conditions
minimales de fabrication pour cette essence qui présente de bons résultats pour la validation d’un
collage structural même avec un encollage simple face (4 % de délamination).
106
Figure 48 : Résultats de délamination pour la validation des paramètres de collage
Afin d’étudier la variabilité des résultats de délamination obtenus pour cette campagne de collage,
la figure 49 les représente triés en fonction des appareillages testés et du type d’encollage utilisé,
avec nc = non contraignant et c = contraignant.
Figure 49 : Résultats de délamination en fonction de l’appareillage et de l'encollage testés
La figure 49 illustre bien qu’un appareillage contraignant engendre des délaminations plus
importantes que celles d’un appareillage non contraignant.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 50 70 90 110 130 150 170 190 210 230 250 D é lam in ation (% )
Grammage mesuré dans l'assemblage (g/m²)
Q. rosea P.venosa D. guianensis
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Q. rosea (nc) Q. rosea (c) P. venosa (nc) P. venosa (c) D. guianensis (nc) D. guianensis (c)
D é lam in ation (% )
107
De plus, on remarque que dans le cas du Q. rosea et du P. venosa, les résultats de délamination
obtenus avec un simple encollage sont meilleurs que ceux enregistrés avec un encollage double
face. Cette observation vient en contradiction avec les préconisations de collage relevées dans la
bibliographie. Cependant, dans le cas du D. guianensis, l’effet du double encollage est bien en
adéquation avec ces observations. Par ailleurs, la figure 50, présente ces mêmes résultats en
fonction de la température enregistrée lors de l’encollage et de l’appareillage réalisé.
Figure 50 : Délamination en fonction de la température ambiante d’encollage
Sur cette figure, les collages réalisés à 22°C ont été faits en simple encollage et ceux réalisés à 32°C
en double encollage. On remarque ainsi que pour le Q. rosea et le P. venosa, l’élévation de la
température lors de l’encollage a eu un effet négatif sur la résistance du joint de colle aux
délaminations. En effet, du fait que la résine utilisée soit thermodurcissable, l’adhésif appliqué
polymérise plus rapidement avec une température élevée, engendrant un durcissement plus rapide
de celui-ci sur les lames de bois. De plus, avec un encollage double face, la quantité de résine
appliquée par face est deux fois moins élevée qu’avec un encollage simple face et ainsi son temps
de polymérisation est plus court. Combiné avec une température élevée, il est possible que la résine
appliquée sur chaque face soit à un stade de polymérisation avancée, gênant la cohésion de la colle
lorsque les lames sont mises en contact. Cette mauvaise cohésion peut expliquer ces mauvais
résultats de délamination sur le Q. rosea et le P. venosa obtenus avec l’encollage double face.
Au regard de ces résultats, le D. guianensis s’est illustré comme l’essence de bois ayant la meilleure
aptitude au collage pour la fabrication de lamellé-collé. Afin de confirmer les résultats obtenus en
simple face sur cette essence, 4 autres poutres encollées dans les mêmes conditions ont été testées.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 22°C (nc) 22°C (c) 32°C (nc) 32°C (c) D é lam in ation (% )
108
Ainsi le test de délamination a été réalisé sur 20 échantillons. La figure 51 regroupe tous les
résultats de délamination des poutres encollées en simple face sur le D. guianensis.
Figure 51 : Résultats de délamination du D.guianensis encollé en simple face
Les résultats viennent conforter la bonne aptitude au collage du D. guianensis en simple face et
suivant les conditions de collage établies lors de cette campagne de test.
Concernant les deux autres essences de bois, malgré certains résultats satisfaisants, le risque de
délamination est encore trop prononcé pour définir ces essences de bois comme de bons supports
pour la fabrication de lamellé-collé. Concernant le P. venosa, il est possible que les résultats de la
campagne de validation, viennent de l’effet d’une pression trop forte, créant des joints maigres.
Dans le cas du Q. rosea, le fait d’appliquer la résine en simple face a pu éviter une trop forte
adsorption de la colle par les deux lames de cette essence poreuse. De nouveaux tests, en
augmentant le grammage ou en diminuant le TAF ou en diminuant la section des lamelles, seraient
nécessaires pour améliorer les résultats obtenus.
3.3.3.2 Résultats des tests de cisaillement
Afin de valider les collages réalisés lors de cette campagne de lamellation, le test de cisaillement de
l’assemblage par collage a été mené sur 10 échantillons par essence. La figure 52 présente les
contraintes maximales de cisaillement f
vpour les différentes essences de bois.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 50 70 90 110 130 150 170 190 210 230 250 D é lam in ation (% )
109
On remarque sur cette figure que la résistance mécanique des joints de colle est élevée et se
rapproche de celle mesurée sur le bois massif. Concernant le P. venosa, cette essence présente des
résultats plus variables que les deux autres.
Figure 52: Contrainte maximale de cisaillement fv relevée sur les joints de colle et le bois massif
La norme européenne valide un collage structural en associant la contrainte de rupture au
cisaillement pondérée (f
v) relevée lors de l’essai et l’adhérence du joint de colle (cf. § 2.1.2). De ce
fait, la figure 53 illustre les résultats d’adhérence en fonction des contraintes f
v.
Figure 53: Taux d’adhérence en fonction des contraintes de cisaillement relevées
0 5 10 15 20
joint de colle bois massif
Co n tr ai n te d e c isai lle m e n t fv ( M p a)
Q. rosea P.venosa D. guianensis
0% 20% 40% 60% 80% 100% 6 ≤ fv < 11 fv ≥ 11 Tau x d 'A d h é re n ce A
110
D’après cette figure, les taux d’adhérence sont en adéquation avec les préconisations de la norme
européenne. Cela valide la résistance au cisaillement des assemblages par collage réalisés lors de
cette campagne, et ce pour toutes les essences de bois. Enfin, notons que, pour Q. rosea et
D.guianensis, seuls 2 joints de colle présentent des contraintes de cisaillement inférieures à 11 MPa
contre 5 joints de colle pour P. venosa. Ceci expliquant la variabilité des résultats pour cette essence
illustrée par la figure 53.
3.3.3.3 Conclusion de la validation d’un collage par
lamellation
En conclusion de cette campagne de collage, il résulte que les trois essences de bois guyanaises
passent avec succès le test de cisaillement du joint de colle afin de valider la résistance mécanique
de l’assemblage structural par lamellation.
Cependant, les résultats de délamination ne sont pas encore suffisamment homogènes et au-dessus
de la limite préconisée par la norme pour le Q. rosea et le P. venosa. Dans le cas du D. guianensis,
les deux tests normalisés pour la validation d’un tel collage sont concluants et ce même pour un
encollage simple face, utilisé en industrie.
De ce fait, cette campagne a permis de valider les conditions de collage utilisées sur le D.
guianensis pour une fabrication industrielle de lamellé-collé avec cette essence. Les deux autres
présentant encore des risques de délamination trop importants avec les conditions de collage
utilisées ici. Des tests supplémentaires avec l’ajout de résine (Q. rosea) ou la diminution de la
pression (cas du P. venosa) doivent être menés afin d’atteindre la limite requise pour le test de
délamination, nécessaire à la validation d’un collage structural.
111
3.3.3.4 Paramètres de fabrication influençant la
qualité du collage
3.3.3.4.1 Influence de l’encollage en double face
Dans l’industrie du lamellé-collé, l’étape d’encollage se réalise en simple face, c'est-à-dire que la
résine est appliquée sur une seule face des lamelles avant la mise en contact. Dans le cas de bois dits
« difficiles à coller », il est recommandé de réaliser un encollage en double face qui s’avère plus
bénéfique pour la création d’un assemblage résistant (cf. § 1.4.2).
Afin d’évaluer l’influence du double encollage, huit poutres de D. guinanensis ont été collées avec
les même conditions que celles fixées lors de la campagne de validation (cf. § 3.3.1), seul le mode
d’application de la résine a changé (quatre poutres sont encollées en simple face, les autres en
double face). Les cinq échantillons de chacune des poutres ont ensuite été testés en délamination et
les résultats sont présentés par la figure 54.
Figure 54: Influence de l’encollage en double face sur le collage via le test de délamination pour le D. guianensis
Les résultats présentés sur cette figure illustrent bien l’influence significative de l’encollage en
double face sur un bois « difficile à coller » (R² = 0.86 et valeur p < 0.0001). On remarque que les
résultats de délamination sont nettement améliorés par l’application de la colle sur les deux faces
mises en contact plutôt que sur une seule. Grâce à l’encollage sur les deux supports, chacune des
faces peut laisser pénétrer un minimum d’adhésif avant qu’elles soient mises en contact pour le
serrage. Ceci augmente l’ancrage de la résine dans le bois de part et d’autre de chaque assemblage.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 Hétérogène Homogène D é lam in ation (% )
112
De plus, la figure 54 met en évidence l’influence de l’appareillage sur la bonne adhésion. En effet,
on obtient un meilleur collage lorsque les débits des lames sont homogènes. Assurément, cette étape
de préparation à l’assemblage permet de limiter les contraintes engendrées, à l’interface de collage,
par les rétractibilités du bois lors de sa mise en œuvre.
3.3.3.4.2 Influence de l’épaisseur des lamelles
Afin d’étudier l’influence de l’épaisseur des lamelles sur les délaminations pour le P. venosa et le
D. guianensis, 8 poutres pour chaque épaisseur ont été collées suivant les mêmes conditions (cf. §
3.3.1). La moitié des poutres sont appareillées de façon homogène.
Lors de la fabrication de lamellé-collé, l’expérience des fabricants a permis d’identifier des sections
maximales afin que le collage structural soit satisfaisant. Celles-ci sont de 12 000mm² pour des
résineux et de 7 500mm² pour des feuillus [105]. De plus, d’après la norme européenne de
fabrication, les épaisseurs des lamelles à encoller sont aussi réglementées avec un maximum de 50
mm pour des conifères et de 40 mm pour les feuillus, et ce dépendant de la classe de service où les
produits seront utilisés. Par exemple, pour un emploi en classe de service 3 (extérieur soumis à de
fortes réhumidifications) les épaisseurs maximales sont réduites à 35 mm (et respectivement à
10 000mm² et 6 000mm² pour les sections). De ce fait 3 épaisseurs ont pu être testées, pour le P.
venosa, (16, 22 et 28 mm), l’approvisionnement par la scierie ne permettant pas d’avoir des sections
de 3 400mm² (la largeur des lamelles étant fixée à 100mm). En ce qui concerne le D. guianensis,
une épaisseur supplémentaire a été étudiée (34mm).
Suite à deux semaines de stabilisation, 5 échantillons par poutres ont subi le test de délamination et
les résultats sont présentés sur la figure 55.
113
Figure 55: Influence de l’épaisseur des lamelles sur les délaminations