• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3: Partie expérimentale

3.5 Etude de l’aptitude au collage des essences guyanaises

3.5.1 Etude de la porosité

Comme souligné lors de l’analyse de l’influence des grammages sur la délamination (cf. § 3.3.2.1),

malgré de fortes quantités de colle utilisées, on observe que la quantité réelle d’adhésif présente à

l’interface de collage est bien en deçà de celle recommandée. Ceci s’explique par le fait qu’une

partie de l’adhésif a été chassée des plans de collage du fait de l’application d’une forte pression, et

une autre partie est passée à travers les vaisseaux car le bois est un matériau poreux. Ainsi, la

porosité du bois est un paramètre important et son effet sur le collage a été mis en évidence, en

calculant tout d’abord, à partir des données bibliographiques, l’indice maximal de porosité pour ces

essences (tableau 22 [106]).

Tableau 22: Porosité théorique des essences de bois

Essence

Dmoy, vaisseaux (mm)

ρsurfacique

(mm-2) Ip

min moy max min moy max min moy max

Q.rosea 0.140 0.165 0.190 3 5.5 8 0.046 0.118 0.227

P.venosa 0.120 0.165 0.210 3 5 7 0.034 0.107 0.277

D.guianensis 0.225 0.260 0.300 1 1.5 2 0.031 0.080 0.141

En observant les indices de porosité théorique, on s’aperçoit que, le Q. rosea et le P. venosa ont

sensiblement la même porosité 1.5 fois plus élevée que celle du D. guianensis.

125

En complément de cet indice de porosité calculé, les indices réels de conductivité (I

k

) (minimal,

moyen et maximal) de ces essences ont été déterminés grâce à l’observation des 50 photos prises,

par essence, sur les échantillons testés en délamination (tableau 23). A titre comparatif, les indices

de conductivité théoriques, basés sur les données présentées dans le tableau 22, ont été calculés à

partir de l’équation 21.

Tableau 23: Indice de conductivité (Ik) des essences guyanaises

Q. rosea P. venosa D. guianensis

mesuré théo mesuré théo mesuré théo

Ik, moyen 1.83E-3 4.08 E-3 5.53 E-4 3.71 E-3 8.85 E-3 6.85 E-3 Ik, min 3.33 E-4 1.15 E-3 7.3 E-5 6.22 E-4 2.76 E-4 2.56 E-3 Ik, max 4.78 E-3 1.04 E-2 1.55 E-3 1.36 E-2 1.5 E-3 1.62 E-2

Ces résultats d’indice de conductivité viennent conforter le fait que le Q. rosea est l’essence

guyanaise ayant les plus grands indice de porosité et de conductivité. Elle est la plus apte à conduire

un fluide à travers ses vaisseaux. Ceci explique bien la capacité de ce bois à faciliter l’écoulement

d’un fluide, tel que la résine. Ceci peut conduire à des joints maigres, lors de la mise sous pression

des lames lorsque la quantité de colle appliquée est faible.

En revanche, contrairement à l’indication donnée par l’indice de porosité, il apparait que le D.

guianensis a une plus forte capacité de conduction que le P. venosa. Ce complément d’information

montre que même si le P. venosa a une porosité proche de celle du Q. rosea, ses vaisseaux ont une

faible capacité à laisser passer un fluide. De ce fait, un minimum d’adhésif peut passer à travers le

bois grâce à un nombre suffisant de vaisseaux dans le plan de collage, mais, sa densité et sa faible

conduction engendre une expulsion de la colle lors de l’application de la pression contrairement au

Q. rosea, qui, lui, laisse pénétrer la résine lors du collage.

A contrario, le D. guianensis lui présente un faible indice de porosité mais une forte conduction par

ses vaisseaux. Ainsi, et même si des dépôts blanchâtres viennent obstruer certains pores, ses

vaisseaux sont suffisamment conducteurs pour laisser passer la résine lors de la mise sous pression.

126

Ces différences pourraient être expliquées par l’indice d’imprégnation de ces bois. En effet, cet

indice conduit à un classement des bois par leur capacité à laisser pénétrer et à retenir un fluide

[113]. L’imprégnation d’un bois est rendue difficile par la fermeture des voies naturelles de

conduction des cellules. Pour les bois utilisés, le Q. rosea est défini comme moyennement

imprégnable (indice 2), le P. venosa et le D. guianensis sont peu imprégnables (indice 3).

Avec ces deux indices de caractérisation, on peut établir le fait qu’avec des indices de porosité et de

conductivité élevés, le Q. rosea est l’essence la plus à même d’avoir un fort ancrage mécanique de

la résine. Dans le cas du P. venosa, même si cette essence présente une forte porosité, la faible

conduction de ses vaisseaux empêche la pénétration de la résine dans ce matériau. Enfin, pour le D.

guianensis, malgré une capacité à la conduction d’un fluide par ses vaisseaux élevée, son faible

indice de porosité entraine une faible capacité de laisser passer les fluides.

Afin de mieux apprécier la capacité de ces essences à laisser la résine pénétrer à travers leurs

vaisseaux, l’observation des joints de colle, en coupe transversale après un rafraîchissement de la

surface, a été réalisée grâce à un microscope à épifluorescence (figure 62). Ces photos ont permis

d’évaluer l’épaisseur du joint de colle, et donc le grammage réel appliqué, ainsi que la pénétration

de la résine dans le bois, qui se trouve dans les vaisseaux proches de l’interface de collage.

Suite à un traitement d’image, réalisé à l’aide du logiciel Image J, on observe clairement le joint de

colle sur les échantillons ainsi que la pénétration de l’adhésif dans les vaisseaux. Chaque image est

prise sur un échantillon de chaque essence de bois ayant la même condition de collage et le même

appareillage (assemblé de façon hétérogène).

127

(a1) (a2)

(b1) (b2)

(c1) (c2)

Figure 62: Photos (x120) prises par épifluorescence d’un joint de colle pour le Q.rosea (a1), le P.venosa (b1) et le D.guianensis (c1) ainsi que leur traitement d’image associé (respectivement a2, b2 et c2)

Ces photos mettent en évidence que plus le bois est poreux, plus la pénétration de la résine dans ce

matériau est forte. Cependant, cette pénétration dépend de la capacité des vides cellulaires à laisser

passer un fluide. En effet, on remarque que la pénétration de la résine dans le Q. rosea est plus

importante que dans le P. venosa (respectivement figure 62 a2 et figure 62 b2).

6 mm 6 mm 6 mm Pénétration de 2.9 mm Pénétration de 1.1 mm Pénétration de 0.4 mm

128

Cependant, des recherches plus complètes dans ce domaine, ont montré qu’une simple observation

du joint de colle sur une section transversale et du paramètre de pénétration (indiqué à partir du plus

loin vaisseau rempli de colle) n’est pas suffisante pour estimer la pénétration d’un liquide [114,

115]. En effet, avec un travail sur le hêtre (Fagus sylvatica), Niemz et ses collaborateurs [116] ont

montré que la pénétration des colles (polyuréthanes et urée-formol) est principalement expliquée

par la connexion inter-vaisseaux et leur organisation autour des rayons et non pas par les vaisseaux

eux-mêmes. Cependant, de telles données ne peuvent être récoltées qu’avec un équipement spécial

(synchrotron) très couteux à l’utilisation.

L’appréciation de la pénétration de la colle dans les vaisseaux et les indices de porosité et de

conductivité, permettent d’évaluer l’importance de l’ancrage mécanique sur l’adhésion de la colle

sur le bois pour ces essences. En effet, la vision mécanique de l’adhésion se caractérise par

l’enchevêtrement de la résine dans le bois, caractérisé, entre autre, part l’ancrage de la résine dans

les aspérités surfaciques et par sa pénétration dans les vides cellulaires (vaisseaux, rayon,

trachéides…) [68]. Ainsi, on constate que, pour ces essences, le rôle de l’ancrage sur l’adhésion

n’est pas primordial. En effet, l’essence (D. guianensis) ayant une faible pénétration de la résine de

part et d’autre du joint de colle, présente les meilleurs résultats de délamination. Alors que l’essence

ayant une forte pénétration (Q. rosea) a des résultats moins concluants aux tests de délamination.

Cependant, des études menées sur des résineux montrent que la porosité du substrat (ici le bois)

associée à une rugosité importante favorise l’adhésion en raison de l’augmentation de l’aire de

contact à l’interface [117-119]. Toutefois, dans le cas des essences de bois tropicales étudiées, ces

paramètres seuls ne peuvent pas expliquer le phénomène d’adhésion mais doivent être combinés

avec des paramètres complémentaires [120].

L’écoulement de la résine dans les vaisseaux ne dépend pas que des facteurs géométriques qui

donnent lieu à la porosité et la perméabilité du bois. Cet écoulement dépend aussi de la chimie des

surfaces en contact et l’affinité chimique de la résine en contact avec le bois. A défaut de réaliser

des tests sur les affinités chimiques bois/colle pour évaluer la capacité des supports à créer des

liaisons faibles (Van Der Waals, Lewis…) ou fortes (covalentes, ioniques…), on étudiera le

comportement en surface de ces bois, à travers le concept de la mouillabilité. En effet ce paramètre

permet de décrire ce qui se passe lorsqu’un liquide vient en contact avec un support solide :

étalement du fluide trop important ou non, perméabilité du support par rapport au liquide…Cette

chimie de surface peut être étudiée.

129