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DUYME Michel, article paru dans Valeurs mutualiste, décembre 1999, concernant l’influence de l’environnement sur le développement de l’intelligence

Dans le document Td corrigé Mémoire - Christophe Chomant pdf (Page 122-126)

Michel Duyme a étudié l’évolution du QI de 67 enfants issus de milieux défavorisés et adoptés à un âge tardif, entre quatre et six ans. Les familles d’adoption appartiennent à trois milieux :

« défavorisé », « moyen » et « favorisé ». Tous les enfants présentaient, avant l’adoption, un QI inférieur à 86. Dix ans plus tard, il avaient réalisé un gain moyen de QI de 13,9 points. Or, ce gain

varie selon le niveau social de la famille d’adoption : il est de 7,7 points dans les familles modestes, de plus de 15 points dans les classes intermédiaires et de 19 points dans les familles favorisées.

Ces études montrent que l’environnement, indépendamment des déterminants biologiques, exerce une influence sur le développement de l’intelligence. « Le QI n’est pas un marquage à vie ; il est contraire très plastique », dit M. Duyme.

L’étude montre en outre une corrélation entre le QI avant et après l’adoption. Bien que tous les enfants aient progressé, il n’y a pas eu rattrapage de ceux qui avaient au départ les scores les plus bas (autour de 70). M. Duyme ne croit pas que cela soit le signe de déterminants biologiques, mais pense qu’il s’agit d’effets de carences et de maltraitances subies lors des premiers mois de la vie ou de conditions de grossesse difficiles qui ont pu se ressentir sur le système nerveux central.

Commentant les travaux de M. Duyme, certains auteurs, certains auteurs américains estiment que les gains de QI obtenus par ces enfants s’évanouiront lorsque l’environnement favorable disparaîtra.

DUYME Michel, DUMARET Annick & TOMKIEWICZ, 1999, « How can we Boost IGS of

« Dull Children » ? A Late Adoption Study », in Proceedings of National Academy of Science, juillet ;

MORANGE Michel, 1999, « L’Idée de gène », in Science et Avenir hors-série, décembre 1999 - janvier 2000, pp.58-62

Michel Morange est biologiste, professeur à l’Ecole normale supérieure et à l’université Paris VI morange@biologie.ens.fr

Michel Morange : un caractère est le produit de nombreux gènes ; un gène participe à de nombreux caractères

p.60

« (...) Les nombreux travaux effectués depuis quelques années grâce aux outils du génie génétique ont permis à la fois une caractérisation de la structure de nombreux gènes et une meilleure compréhension du rôle des produits de ces gènes dans la formation des caractères complexes. De ces études, il ressort que n’importe quel caractère un tant soit peu complexe est le fruit de l’action de très nombreuses protéines, et donc de très nombreux gènes. A l’opposé, chaque protéine, et donc chaque gène, est impliqué dans la réalisation d’un grand nombre de caractères.

Attribuer la formation d’un caractère à l’action d’un seul gène est une erreur fréquente.

« Le gène de l’intelligence » est une notion absurde...

p.62

L’expression « gène de » devrait donc être bannie, tant des discours journalistes que ceux des biologistes eux-mêmes - ce qui est loin d’être le cas.

(...) Il est (...) absurde de parler du gène de l’intelligence ou de l’émotivité : que l’on pense au nombre et aux combinaisons des mécanismes moléculaires mis en jeu dans la réalisation de caractéristiques aussi complexes !

...Mais la diversité des gènes module néanmoins des capacités comme l’apprentissage En revanche, il est vrai qu’une mutation (la modification d’unee gène particulier) peut affecter spécifiquement et de manière très précise un caractère donné. (...) Une mutation fera qu’une souris apprendra plus vite qu’une autre. »

Le danger eugéniste, Sciences & Avenir n° 636, février 2000, pp. 60-63, par Thierry Souccar

p.62

« De 1907 à 1960, plus de 100.000 Américains ont été stérilisés parce qu’ils étaient porteurs de handicaps physiques ou mentaux, voire pauvres ou noirs. Le plus souvent sous une justification

« biologique ». L’eugénisme a toujours eu des partisans parmi les scientifiques américains, avec le soutien actif du Pionner Fund (PF), une institution new-yorkaise fondée en 1937 par un milliardaire du nom de Wickliffe Draper. Le PF verse des millions de dollars dans les programmes visant à établir que les inégalités ont une origine héréditaire. Entre autres bénéficiaires, le prix Nobel William Shockley, qui défendait des programmes de stérilisation volontaire chez les personnes dotées d’un QI faible, J. Philippe Rushton (université de l’Ontario de l’ouest) qui affirme que les différences de comportements entre Noirs, Blancs et Asiatiques sont le résultat de l’évolution, Michael Levin (City College of New York) qui préconise un contrôle de la croissance de la population noire. Plus dérangeant, les études sur les jumeaux conduites par Thomas Bouchard (université du Minnesota) ont aussu reçu depuis 1981 plus d’un million de dollars en provenance du Pionner Fund. Ce sont elle qui servent aujourd’hui de base à l’affirmation selon laquelle des facteurs génétiques s’exercent sur le comportement. »

IV. Biologie et morale

KAHN Axel, 2000, « Science et démocratie », entretien paru dans L’Université Syndicaliste Magazine, organe hebdomadaire du SNES, n° 527, septembre, pp. 44-46 ;

L’intelligence de l’homme exige à la fois des potentialités innées et leur développement par l’éducation

p.44

« (...) La question « l’homme, son éducation, sa personnalité dépendent-ils de l’inné ou de l’acquis ? » n’a pas de sens : cela dépend entièrement de l’inné et de l’acquis. Le programme génétique humain permet d’avoir un cerveau humain mais il faut encore l’humaniser. Ce cerveau génétiquement humanisable a besoin du commerce intellectuel avec la société des hommes, notamment avec les milieux éducatifs, pour parvenir au développement optimal de ses capacités.

Les enfants sauvages, sans contact humain, ne développent aucune de leurs capacités intellectuelles.

Ce qui est avant tout déterminé génétiquement c’est l’aptitude à acquérir et il faut acquérir pour profiter des potentialités innées.

Les potentialités cognitives innées sont à la fois stéréotypées et diversifiées

Des critères qui dépendent de l’âge, de mémoire optimale, d’aptitude à la linguistique font que les enfants ont une machinerie intellectuelle à la fois extraordinairement différenciée mais aussi relativement stéréotypée. Sans me prononcer sur le vieux débat y a-t-il ou n’y a-t-il pas une nature humaine, le « câblage » cérébral est le substratum sur lequel va agir l’éducation, l’humanisation.

On connaît beaucoup de gènes dont l’anomalie entraîne des retards mentaux mais plus personne n’oserait dire que ce sont les gènes de l’intelligence...

Le comportement est également influencé, de manière différenciée, par un faisceau de gènes

Ce qui est vrai des capacités cognitives globales l’est aussi de nombreux comportements. Il est très probable qu’un grand nombre de gènes influencent la propension à l’indolence, ou la vivacité ou la violence, mais cela ne signifie pas que chacun de ces gènes soit le gène de la violence ou de l’indolence ou de la polygamie ou de la curiosité intellectuelle. Cela veut dire que la modification de ces gènes va modifier ce comportement. Mais si un comportement met en jeu, outre un riche acquis culturel, le fonctionnement de mille gènes, il suffit de modifier un de ces gènes pour que tout soit modifié. Ce gène n’est pas plus le gène du comportement en question que les 999 autres.

L’idéologie consiste à confondre déterminisme et participation. Un comportement n’est jamais gouverné par un gène, n’est jamais soumis à une hérédité simple comme le sont les caractères monogéniques.

L’aptitude au sens moral et à l’égalité de l’autre peut être le fruit de l’évolution naturelle p.45

(...) J’envisage parfaitement qu’il puisse y avoir une base évolutive darwinienne à l’aptitude au sens moral - ce qui ferait hurler Kant. Je ne refuse pas tout de l’empirisme anglo-saxon, notamment de Hume, qui fait de la raison et de la morale le résultat du traitement de sensations. L’aptitude au sens moral a probablement coévolué avec l’hominisation : dans les premiers temps de l’hominisation, l’aptitude à l’échange d’égal à égal nécessaire au développement des capacités mentales n’a pu qu’être sélectionnée. Cette aptitude principale, c’est l’aptitude à l’altérité, à la

considération de l’autre comme un autre soi-même, dont on a besoin pour être simplement humanisé tout en humanisant l’autre en retour.

Il existe une liberté absolue d’accès à toute connaissance (notamment biologique), pourvu que l’application de ces connaissances ne nuise pas au droit et à la dignité d’autrui

Une première notion fondamentale est la liberté absolue d’accès à la connaissance. Il n’existe par intellectuellement de terra incognita qui serait déterminée comme telle sous l’égide de quelque autorité que ce soit. Mais le chercheur est aussi un citoyen et s’il revendique la liberté de chercher comme une liberté essentielle, il lui reconnaît les limites naturelles, elle s’arrête là où elle pourrait nuire à celle d’autrui, à la sécurité, à la dignité, à l’autonomie d’autrui. J’ai la liberté d’accéder à la connaissance mais cela ne m’autorise pas à le faire n’importe comment, en foulant aux pieds le droit des autres.

Trois couples de valeurs : le vrai et le faux, le bien et le mal, et le rentable/non rentable (...) Notre société est gouvernée dans ses analyses, ses entreprises, par trois couples de valeurs.

Le vrai et le faux, qui est le domaine de l’expertise technique et scientifique. Souvent l’expert a de la difficulté à déterminer vraiment si c’est vrai ou si c’est faux, il va dire si c’est plus ou moins plausible. La détermination de ce qui est le plus probablement vrai ou le plus probablement faux ne doit pas obéir à une délibération démocratique.

Un deuxième couple de valeurs est le bien et le mal, soit en démocratie le légitime et l’illégitime : ce ne peut être le résultat, dans une démocratie laïque, que de la délibération démocratique procédant des références philosophiques, religieuses des différents courants dont cette société est riche.

Le troisième couple, qui tend à devenir dominant, est celui du rentable/non rentable : ce n’est pas à la société démocratique ni aux experts scientifiques de décider si c’est rentable ou non, c’est aux mécanismes du marché. Une société équilibrée exigerait que ces trois couples de valeurs soient jugés indépendamment, en remarquant que le seul qui fasse l’objet d’intervention démocratique est le deuxième.

L’éducation de l’opinion aux nouvelles connaissances en biologie est un enjeu démocratique fondamental

(...) C’est un enjeu démocratique fondamental. Aujourd’hui, la moitié des choix que les citoyens ont à faire ont une composante scientifique et technique et le dilemme est simple : ou les citoyens ont les moyens de faire en conscience ce choix, parce qu’ils comprennent cette composante de la question posée et on est en démocratie ; ou bien on considère qu’ils ont une totale incapacité à se prononcer sur ces points et on accepte que la démocratie soit remplacée par la technocratie. La possibilité d’introduire dans la culture ce qui permet au citoyen de se déterminer en conscience, ce qui a toujours été dans la tradition des Lumières le but de la culture, est une évidente nécessité.

Cela ne requiert pas une érudition. Les quelques éléments de base qui permettent au citoyen d’en savoir assez pour manifester sa préférence sont tout à fait compatibles avec ce que l’éducation peut transmettre.

Dans le document Td corrigé Mémoire - Christophe Chomant pdf (Page 122-126)