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Cognitivité, « intelligence » et psychométrie

J. Constantino (Saint Louis) : le TCI de Cloninger pourrait permettre de dépister et aider les enfants vulnérables à la toxicomanie

II. Cognitivité, « intelligence » et psychométrie

« La nature de la pensée », Dossier du Sciences Humaines n°62 sur la nature de l'esprit

Trois grandes théories se distinguent :

1) Le dualisme spiritualiste, pour qui l'esprit et le cerveau sont de natures différentes, les mécanismes du cerveau ne déterminant pas la pensée ;

2) Le matérialisme identité, pour qui le cerveau et l'esprit sont une seule et même réalité, les productions de l'esprit correspondant à des états physico-chimiques du cerveau.

Une version stricte considère qu'un état cérébral détermine rigoureusement un type d'état mental (matérialisme des types), cependant qu'une version souple considère que les états mentaux varient avec les états cérébraux mais que plusieurs états cérébraux peuvent réaliser le même type d'état mental (matérialisme des exemplaires) ;

3) Enfin, le matérialisme du double aspect considère que l'esprit constitue la face subjective et le cerveau la face objective d'une même entité, l'esprit-cerveau.

Le sectionnement du corps calleux sectionne la pensée

On savait que le sectionnement du corps calleux, reliant les hémisphères cérébraux, prescrit par les médecins dans les cas d'épilepsie, provoquait une fractionnement de l'intention de telle sorte que, par exemple, un sujet refermait brutalement de la main gauche un tiroir dans lequel sa main droite continuait de fouiller. De la même façon, le mot "HEART" est projeté à un sujet "sectionné".

L'oeil droit photographie essentiellement la syllabe "ART" et l'oeil gauche "HE". Or, les nerfs optiques se croisant très normalement, l'oeil droit transmet la syllabe "ART" à l'hémisphère gauche et l'oeil gauche la syllabe "HE" à l'hémisphère droit. Lorsqu'on demande au sujet de prononcer ce qu'il a vu, et la production de la parole se localisant dans l'hémisphère gauche, ce sujet dit "ART".

Par contre, lorsqu'on lui demande de désigner avec sa main, sur un tableau, le modèle de ce qu'il a vu, et la commande musculaire de la main se localisant das l'hémisphère droit, ce sujet désigne alors la syllabe "HE".

État mental/cérébral

On distingue un "état mental", désignant une activité de pensée ayant un contenu, et un "état cérébral", désignant une activité physico-chimique du cerveau.

GANASCIA Jean-Gabriel, Les sciences cognitives, Flammarion, 1996.

Synthèse concise et claire sur les sciences cognitives et les théories de l'esprit.

PINKAS Daniel, La Matérialité de l'esprit, la conscience, le langage et la machine dans les théories contemporaines de l'esprit, La Découverte, 1995.

Examen critique des thèses philosophiques sur l'esprit.

KREMER-MARIETTI Angèle, La Philosophie cognitive, PUF, Ques sais-je ?, n°2817, 1994.

DELACOUR Jean, Biologie de la conscience, PUF, Que sais-je ?, n°2847, 1994.

Met en rapport les sciences du cerveau et de l'évolution avec la question philosophique de la conscience. Lecture aisée.

JEANNEROT Marc, De la physiologie mentale, histoire des relations entre biologie et psychologie, O. Jacob, 1996

Une histoire du conflit entre matérialisme et spiritualisme dans le champ de la psychologie, jusqu'au début de ce siècle.

Identité de l'esprit et du cerveau

Dans les années 50 et 60, trois philosophes anglo-saxons, PLACE, SMART et FEIGL, formulent la théorie selon laquelle le rapport de l'esprit au cerveau est un rapport d'identité : l'esprit est le cerveau, le cerveau est l'esprit. C'est la thèse du "matérialisme dur" : à chaque "état mental"

correspond un "état cérébral" ; avoir l'idée "voiture" est identique à un certain état physique, chimique et organisationnel du cerveau.

Le dualisme spiritualiste actuel est un héritage du dualisme de Descartes séparant "l'âme" et le

"corps", lequel est un héritage ou une variante de la croyance religieuse en l'âme.

Pour le philosophe Daniel DENETT (Tufts university, Massachusetts), l'intentionnalité est une manière commode d'interpréter les comportements d'autrui et elle n'est pas une propriété authentique du psychisme.

DENETT Daniel, La Stratégie de l'interprète, Gallimard, 1990 ; DENETT Daniel, La Conscience expliquée, O. Jacob, Paris, 1993.

Identité de l'esprit et du cerveau

On se demande (objection spiritualiste) si les états physiques et chimiques du cerveau peuvent être "identiques" aux pensées. Mais cette question est analogue à : les micro-processeurs de l'ordinateur sont-ils "identiques" aux films virtuels (comme "Toy story", par exemple) qu'il peuvent générer ? Il n'y a peut-être pas identité immédiate d'aspect, d'apparence. Mais il y a bien forcément identité tout de même, à un moment donné, entre ce qui est produit (la pensée ou l'image virtuelle) et le support matériel qui génère cette production (certaines structures précises du cerveau ou certains réseaux de l'ordinateur) dans la mesure où les premiers sont contenus dans et produits par les seconds. Il existe, à un moment donné, "identité" entre une image de Toy story et la configuration des électrons circulant dans les micro-processeurs, laquelle configuration d'électrons serait différente pour une autre image. A chaque configuration électronique des circuits imprimés correspond une seule et unique image ; à chaque image correspond une seule et unique configuration des électrons circulant dans l'ordinateur. Il y a application entre l'ensemble des configurations électroniques de l'ordinateur et l'ensemble des images virtuelles du film. Il y a donc identité de chaque élément du premier ensemble pour un élément du second ensemble. Une configuration électronique particulière dans les microprocesseurs détermine un faisceau d'électrons particulier dans le tube cathodique du visu de l'ordinateur, lequel dessine une image sur l'écran vidéo. Il y a identité parfaite entre l'image produite sur l'écran vidéo (et projetée ensuite sur écran de cinéma) et l'impact sur la surface de verre du faisceau d'électrons traversant le tube cathodique : il s'agit exactement de la même chose. Le cas est similaire pour l'homme : il n'y a pas "identité", au sens commun du terme, entre une pensée et des neurones, mais il y a forcément une "identité", à un moment donné, entre une pensée et la configuration de l'ensemble des neuro-médiateurs, des électrons, des neurones et des synapses impliqués dans la production de cette pensée. Et si l'on songe aux 30 milliards de neurones du cerveau humain connectés chacun avec plusieurs milliers de leurs congénères (machinerie infiniment de fois plus complexe que le plus puissant de tous nos ordinateurs), le fait qu'une telle configuration puisse produire quelque chose d'aussi complexe, d'aussi "abstrait" qu'une "pensée" n'a rien de très surprenant.

Il ne faudrait plus parler de "cerveau" ni "d'esprit", mais "d'esprit-cerveau".

Pour le philosophe Jerry FODOR, s'intercale entre les phénomènes mentaux et les mécanismes cérébraux un niveau du "langage de la pensée", fait de symboles et de règles de syntaxe, concrètement inscrits dans le cerveau, dont le rôle est analogue à celui du programme dans un ordinateur.

FODOR Jerry, La Modularité de l'esprit, essai sur la psychologie des facultés, Minuit, 1986.

FODOR Jerry, Psychosemantics, the Problem of Meaning in the Philosophy of Mind, MIT Press, 1987.

Deux démarches, dans la connaissance de l'esprit, s'opposent : une démarche "top-down" (ou "a priori"), qui s'intéresse d'abord aux manifestations mentales avant de les rapporter aux sciences du cerveau, et une démarche "bottom-up" (ou "a postériori"), (dont Patricia CHURCHLAND) qui part, elle, des structures cérébrales pour essayer d'expliquer les phénomènes psychiques.

Pour Patricia CHURCHLAND (professeur à l'université de San Diego, Californie), le langage de la psychologie ordinaire est un obstacle à la compréhension. Pour elle, les idées "d'idée", de

"croyance" ou de "représentation" sont des croyances fausses, qu'il faut abandonner. En ce sens, la seule philosophie du cerveau possible serait la science du cerveau elle-même.

CHURCHLAND Patricia, Neurophilosophy, toward a unified science of the mind, MIT Press, 1986.

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Sciences cognitives"

On désigne par "sciences cognitives" l'alliance de la psychologie cognitive, de l'intelligence artificielle, des neurosciences, de la linguistique et de la philosophie dans l'étude de la production, du traitement et de la mémorisation des représentations mentales, comme la perception, l'apprentissage, la résolution de problèmes, le traitement du langage, etc... Ces sciences s'intéressent à la fois aux objets abstraits (les représentations) et aux architectures physiques naturelles (cerveau) ou artificielles (ordinateurs) qui les portent.

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Neurosciences"

On appelle "neurosciences" (ou sciences du cerveau) un ensemble de disciplines, comme la neurophysiologie, la psychiatrie, la endocrinologie, la neurobiologie ou la neuro-embryologie, et qui étudie l'anatomie du système nerveux et son fonctionnement, souvent en liaison avec des activités mentales particulières.

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Philosophie analytique"

Courant anglo-saxon (G. FREGE, 1848-1925 ; B. RUSSELL, 1872-1970) cherchant à réduire les expressions complexes en expressions simples et non-ambigues. Son objet privilégié est donc le langage, son emploi et son rapport à la vérité. Russell a proposé de construire une logique générale de la pensée sous-jacente au langage ordinaire. La philosophie de l'esprit s'est bien évidemment développée sur le terrain de cette philosophie analytique, en en emprutant le style d'argumentation et l'expression rigoureuse.

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Fonctionnalisme"

Large courant théorique des sciences cognitives et de la philosophie de l'esprit, selon lequel les phénomènes mentaux doivent être appréhendés à partir de leurs interactions, plutôt que par leur contenu. Une forme dominante du fonctionnalisme, sa version "computationnelle", situe les interactions causales au niveau d'un langage profond de le pensée, comparable aux langages de programmation des ordinateurs. D'où l'idée que les mêmes règles peuvent être à l'oeuvre dans un système artificiel et dans l'esprit humain.

PUTNAM Hilary, logicien et philosophe américain, né en 1926, professeur à Harvard, théoricien du fonctionnalisme.

PUTNAM Hilary, "The meaning of meaning", in Mind, Language and Reality, vol.2, p215, Cambridge U. Press, 1975 ;

PUTNAM Hilary, Représentation et réalité, Gallimard, 1990. Essai critique sur le fonctionnalisme.

Jerry FODOR est, lui aussi, un théoricien du fonctionnalisme.

Tentatives de modélisation de la pensée

Pour Philip JOHNSON-LAIRD, professeur de sciences cognitives à l'université de Princeton, L'Ordinateur et l'Esprit, O. Jacob, 1994, "l'esprit est peut-être au cerveau ce que le programme est à l'ordinateur". Il pense qu'il est possible de traduire l'ensemble des actes mentaux humains, comme la perception, la mémoire, le langage ou l'apprentissage, sous la forme d'une série d'opérations logiques simples qui s'enchaînent entre elles de la même façon qu'un programme informatique. Il existe deux versions principales du modèle de "l'esprit-ordinateur" : un modèle "computationniste"

(computer = calculateur), pour lequel la pensée est réductible à un ensemble de calculs, et un modèle "connexionniste", pour lequel la pensée fonctionne comme un réseau de micro-éléments autonomes et en interaction. L'idée du modèle computationniste est que "penser, c'est calculer" et que toutes les idées qui peuplent le cerveau pourraient être décrites sous forme d'une suite d'opérations logiques, une sorte "d'algèbre de la pensée", dont les chercheurs doivent découvrir la formule. LEIBNIZ et HOBBES avaient d'ailleurs déjà formulé cette idée de façon spéculative. Le projet de l'IA (Intelligence Artificielle), dont le père fondateur est H.A. SIMON, consiste à essayer de découvrir les stratégies mentales implicites qu'utilisent les individus et à les formaliser en un programme de résolution de problèmes. De son côté, Noam CHOMSKY essaie de découvrir une grammaire universelle et formelle du langage humain. Ce projet permettrait de produire tous les énoncés possibles et donc toutes les "pensées" humaines possibles sous forme d'un langage abstrait formé de fonctions et de symboles. Cette idée sera reprise par Jerry FODOR en 1975, dans The Language of Thought, où il suggère que toutes les idées qui passent par la tête sont formulables sous l'aspect de propositions abstraites et symboliques.

Comment jouent aux échecs l'homme et l'ordinateur

En battant le super-calculateur Deep blue, Boris Kasparov a prouvé que l'ordinateur pouvait être battu par lui personnellement, non par l'homme en général. Il ne fait guère de doute, selon moi, que dans quelques générations de "Deep blue" plus puissants encore, plus aucun homme, cette foi, n'arrivera à battre la machine.

Contrairement à l'opinion courante, l'ordinateur n'est pas un stupide calculateur.

Réciproquement, le champion d'échecs humain met en oeuvre des stratégies mentales assez facilement modélisables.

La puissance de calcul n'est pas un atout suffisant : l'évaluation par Deep blue de 200 millions de positions à la seconde ne lui permet d'anticiper, dans un laps de temps raisonnable, que sept coups à l'avance. Pour jouer, l'homme et l'ordinateur doivent donc se servir "d'heuristiques", c'est-à-dire de principes de stratégie intermédiaires, comme "ne pas séparer les pions", "chercher à occuper les cases centrales", "éviter d'exposer le roi en ouverture" ou "ouvrir le jeu aux tours pour la fin de partie", par exemple. Ces principes minimisent considérablement le nombre de calculs à opérer. Sur ce plan, l'homme est supérieur à la machine, car il sait mieux combiner les heuristiques et se révèle plus ingénieux dans leur utilisation. De même, l'homme diffère de la machine sur le plan de la prévision des coups de l'autre. Alors que l'ordinateur procède par calcul, l'homme "voit" les futurs éventuels coups de son adversaire en utilisant des "configurations familières" intégrées sous forme d'images mentales schématiques. Ces différentes capacités heuristiques sont assez difficiles à enseigner à l'ordinateur. En définitive, il n'y a pas de différence dans la méthode de jeu entre l'homme et l'ordinateur, qui allient tous deux calcul et démarche heuristique, dans des proportions différentes.

Le problème est que pour construire un ordinateur systématiquement plus puissant que l'homme, il faudrait lui enseigner des heuristiques supérieures à celles qu'utilisent les hommes. Or, cela n'est pas possible puisqu'il faudrait auparavant les inventer. "En théorie, il peut exister des systèmes plus intelligents que nous. Mais, sans aide, l'homme ne les réalisera jamais parce qu'il n'est pas assez intelligent pour y arriver" dit Jacques PITRAT, spécialiste en IA (De la machine à l'intelligence, Hermès, 1995).

Deux objections à cela seraient, à mon sens, que :

1) L'ordinateur peut dominer l'homme avec des heuristiques certes équivalentes mais qu'il utilise de façon beaucoup plus rapide et systématique ;

2) On pourrait concevoir un programme tel que l'ordinateur, en jouant contre des hommes, mémorise des figures pour créer des heuristiques nouvelles, originales, que ne possède pas l'homme.

La question de l'intentionnalité

On essaie aujourd'hui de comprendre comment l'homme peut se représenter des objets qui ne sont pas matériellement présents ou bien même qui n'existent pas.

"Le mot intentionnalité, a écrit le philosophe Franz Brentano en 1974, ne signifie rien d'autre que cette propriété qu'a la conscience d'être conscience de quelque chose..." C'est ce sens que lui donnent généralement les théoriciens des sciences cognitives.

Propos de Pierre JACOB :

" Le mot "intentionnalité" veut pratiquement dire la même chose que "représentation". Il faut le distinguer du mot "intention", qui a une acception plus précise. Les intentions (projet, tension vers quelque chose) sont des états mentaux parmi d'autres (les croyances, les désirs, etc...) qui possèdent tous l'intentionnalité. (...) Pour un matérialiste, contrairement à un dualiste comme Descartes, les processus de pensée sont des processus physiques, chimiques et biologiques. "L'intentionnalité"

désigne (...) la capacité qu'ont les systèmes nerveux de certains organismes de représenter des aspects de l'environnement. Beaucoup de systèmes physiques n'ont (...) pas cette capacité (...). En revanche, certains animaux semblent capables de former des représentations."

"(...) Avoir l'intentionnalité, c'est pouvoir penser à quelque chose de très éloigné de soi dans l'espace (...), penser à des choses du passé, (...) [ou] aussi penser quelque chose de faux d'inexistant ou d'impossible. Comment un système physique peut-il engendrer ces pensées ?"

"Si la philosophie veut contribuer à clarifier le mystère de l'intentionnalité, elle a tout intérêt à tenir compte des progrès des neurosciences et des sciences cognitives."

"L'intentionnalité pose deux problèmes distincts et complémentaires (...) : comment un dispositif physique et biologique (...) fait-il pour fabriquer des représentations ? (...) Le second problème est celui de son rôle causal. [?]"

"Comment un dispositif physique (...) fait-il pour fabriquer des représentations ? Une chose est une représentation - mentale ou non mentale - si elle a des propriétés sémantiques. [en revanche], les humeurs, les émotions sont des états mentaux qui ne représentent rien. (...) Il faut essayer de savoir en vertu de quelle propriété physique, chimique ou biologique un dispositif matériel parvient à fabriquer des représentations."

"Vous avez le choix entre deux grandes attitudes. Vous pouvez supposer que (...) l'intentionnalité (...) est (...) une propriété authentique des systèmes nerveux de certains êtres vivants complexes. Cette première attitude est dite "réaliste", parce qu'elle considère l'intentionnalité comme réellement présente dans le système nerveux. L'autre attitude consiste à ne pas considérer l'intentionnalité comme une propriété authentique du système auquel on l'attribue.

Le logicien américain Willard van ORMAN QUINE est un bon exemple de ces matérialistes qui répudient le réalisme de l'intentionalité."

"Pour un réaliste, il y a une différence fondamentale entre ce que les philosophes nomment l'intentionnalité "originaire", ou "primitive", et l'intentionnalité "dérivée". Un individu doué d'un cerveau suffisamment complexe possède l'intentionnalité originaire. Le livre qu'il écrit, aussi fidèle soit-il à sa pensée, ne possède qu'une intentionnalité dérivée

Pour un adversaire du réalisme, en revanche, l'intentionnalité n'est de toute manière pas une propriété authentique du cerveau de l'individu, et distinguer deux degrés d'intentionnalité n'a pas de sens. C'est la position de QUINE (...) et (...) aussi celle du philosophe Daniel DENNETT. On peut mieux la comprendre en prenant l'exemple de l'ordinateur. Un ordinateur est un système physique (...) qui produit et consomme des symboles (...). Nous, êtres humains, interprétons ces symboles et leur attribuons une signification. Quelle différence y a-t-il entre ce qu'un être humain fait avec un symbole et ce qu'un ordinateur fait avec ce même symbole ? Parfois, elle semble mince. Lorsque nous jouons aux échecs contre une machine, nous lui attribuons facilement des représentations, telles que le désir de gagner, ou des croyances sur la position des pièces sur l'échiquier. Quelle

différence y a-t-il entre nos désirs et nos croyances et ceux d'un ordinateur ? Daniel Dennett est prêt, comme chacun de nous, à nier que les états internes d'un ordinateur puissent être des croyances et des désirs authentiques, semblables aux nôtres. Il reconnaît qu'un ordinateur n'attribue pas véritablement de signification aux symboles qu'il manie. Il est donc d'accord avec l'idée qu'un ordinateur n'a pas vraiment d'intentionnalité. Mais il pose la question suivante : qu'est-ce qui nous prouve que nous, être humains, soyons si différents ? Si c'est par commodité que nous attribuons des désirs et des croyances à l'ordinateur, n'est-ce pas la même chose lorsque nous attribuons des représentations, des croyances et des désirs à un de nos congénères ? En suggérant qu'elle peut être tout aussi factice chez l'homme, Dennett jette ainsi le doute sur l'existence d'une intentionnalité réelle, "originaire"."

"Certains matérialiste sont encore plus hostiles au réalisme de l'intentionnalité que Dennett. Ce sont les matérialistes qui se qualifient eux-même "d'éliminativistes". Pour eux, les termes comme ceux de "représentation", de "croyance" ne désignent rien du tout, car ils ne désignent pas d'état cérébral, (...) [comme] "phlogistique", un mot que les chimistes ont employé jusqu'à Lavoisier, mais qui a été éliminé depuis et remplacé par le mot "oxygène"."

(phlogistique : (Petit Robert) du grec phlogistos "inflammable". Feu, considéré comme un des matériaux ou principes de la composition des corps. Doctrine ruinée par Lavoisier à la fin du XVIII° siècle).

"La position réaliste sur l'intentionnalité (...) amène à distinguer entre l'intentionnalité originaire et l'intentionnalité dérivée. (...) Par exemple, (...) les symboles linguistiques tirent leur intentionnalité dérivée de l'intentionnalité originaire des états mentaux des individus qui les utilisent pour communiquer entre eux. Certains partisans du réalisme de l'intentionnalité, comme Jerry FODOR, soutiennent que nos états mentaux dérivent leur intentionnalité de l'intentionnalité encore plus fondamentale des symboles d'un "langage de la pensée". Une formule du langage de la pensée ne serait autre qu'une assemblée de neurones dans un cerveau individuel. (...) Une formule du langage de la pensée aurait donc, comme tout symbole, deux faces : d'un côté des propriétés physiques, chimiques, biologiques et syntaxiques, qui sont non sémantiques, et de l'autre, une propriété sémantique. Naturaliser l'intentionnalité, ce serait démontrer quelles propriétés non sémantiques de ces assemblées de neurones confèrent à celles-ci leur intentionnalité, c'est-à-dire

"La position réaliste sur l'intentionnalité (...) amène à distinguer entre l'intentionnalité originaire et l'intentionnalité dérivée. (...) Par exemple, (...) les symboles linguistiques tirent leur intentionnalité dérivée de l'intentionnalité originaire des états mentaux des individus qui les utilisent pour communiquer entre eux. Certains partisans du réalisme de l'intentionnalité, comme Jerry FODOR, soutiennent que nos états mentaux dérivent leur intentionnalité de l'intentionnalité encore plus fondamentale des symboles d'un "langage de la pensée". Une formule du langage de la pensée ne serait autre qu'une assemblée de neurones dans un cerveau individuel. (...) Une formule du langage de la pensée aurait donc, comme tout symbole, deux faces : d'un côté des propriétés physiques, chimiques, biologiques et syntaxiques, qui sont non sémantiques, et de l'autre, une propriété sémantique. Naturaliser l'intentionnalité, ce serait démontrer quelles propriétés non sémantiques de ces assemblées de neurones confèrent à celles-ci leur intentionnalité, c'est-à-dire