• Aucun résultat trouvé

Le point sur les causes de la dyslexie : causes, traitement, a priori idéologiques et conséquences

Un trouble d'origine neurologique qui frappe chaque année 50.000 enfants

"La dyslexie touche de 5 à 10 % des enfants. L'origine neurologique de ce trouble de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture semble aujourd'hui démontrée. Pourtant, l'Education nationale tarde à réserver une place spécifique à ces enfants.

(...) Selon le professeur Messerschmidt, pédopsychiatre à l'hôpital Trousseau à Paris, "chaque année, ce sont 50.000 dyslexiques qui entrent en cours préparatoire".

Ce handicap encore très peu reconnu par l'Education nationale rend la vie dure à des milliers d'enfants et conduit un grand nombre d'entre eux vers l'illétrisme. "En moyenne, dans une classe de vingt élèves, quatre enfants sont confrontés à des difficultés de lecture et parmi eux, au moins un est dyslexique, explique Monique Plaza, neuropsychologue spécialisée dans le dépistage de ce trouble à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Cet enfant, d'une intelligence normale, ne souffre pas de difficultés psychologiques si ce n'est celles liées à son sentiment d'échec scolaire.

Simplement son cerveau ne fonctionne pas comme les autres lorsqu'il s'agit de lire." L'origine neurologique de la dyslexie ne fait plus de doute pour les scientifiques. Pourtant, l'Education nationale traîne encore les pieds.

Un black-out total sur le problème

(...) Ariel Conte, le président de l'association Coridys (Coordination des intervenants auprès des personnes souffrant de dysfonctionnements neuropsychologiques) : "En moyenne, les enfants perdent quatre années avant que la nature neurologique de leurs troubles ne soit reconnue par un spécialiste. Généralement, les enseignants et les psychologues limitent la dyslexie à des problèmes d'environnement familial, voire à une mauvaise volonté de l'élève. Il existe une carence incroyable dans l'information scientifique au sujet de ce trouble."

Dans de nombreux pays, la dyslexie est reconnue comme un véritable handicap et des solutions spécifiques sont proposées aux personnes atteintes. Ainsi en Belgique, les enfants sont orientés dès l'école primaire vers des classes adaptées. Aux Etats-Unis et au Canada, il existe des programmes spécifiques de rééducation intégrés au système scolaire classique. Les dyslexiques sont aussi autorisés à passer oralement certains examens. Et en France ? "Il n'existe pas de procédures systématiques pour repérer et orienter ces enfants, tranche Patrice Courtret, responsable du dossier Dyslexie au Centre de formation national des instituteus spécialisés de Suresnes, près de Paris.

Résultat de cette situation, de nombreux élèves se retrouvent dans des structures totalement inadaptées. De toute façon en France, il faut reconnaître qu'il n'y a pas d'endroits où des instituteurs spécialisés auraient les moyens de répondre aux besoins des enfants dyslexiques."

(...) Le point le plus inquiétant est la manque d'information des enseignants sur le sujet.

(...) "[Les psychologues scolaires] ne sont pas au point sur les troubles du langage. Beaucoup pensent encore que les facteurs psychologiques sont les seuls en cause. Et ils sont souvent responsables de l'orientation des dyslexiques dans des classes de perfectionnement pour enfants inadaptés ou issus de milieux "à problèmes"."

L'exclusion des dyslexiques

(...) Généralement, la situation traîne. Les dyslexiques sont peu à peu isolés du système scolaire normal et rejoignent des classes où ils sont entourés d'élèves atteints d'autres formes de handicaps, parfois sévères. Avec de la chance et une démarche personnelle de la famille, l'enfant pourra rallier l'un des deux instituts spécialisés dans la scolarisation des dyslexiques en France, celui des Lavandes à Orpierre dans les Hautes-Alpes ou l'institut Saint-Charles près de Strasbourg. Favorisés, défavorisés... Les chances ne sont pas les mêmes.

Les avancées scientifiques

Pourtant, depuis quelques années, les découvertes scientifique vont bon train sur le fonctionnement du cerveau des dyslexiques. Et de nouvelles méthodes éducatives sont envisageables.

(...) Michel Habib, neurologue au CHU de la Timone, à Marseille : "L'entrée des neurosciences dans le système socio-éducatif représente un espoir pour cette minorité d'enfants et d'adultes. Et le moyens les plus performants doivent être mis au service de ces cerveaux "extra-ordinaires", reconnus par la science, mais pas encore par la société."

Neurobiologie de la dyslexie

La dyslexie s'envisage de plus en plus souvent comme un trouble neurologique. Un courant assez vif se dessine même pour affirmer que les troubles d'apprentissage des dyslexiques sont liés à des particularités anatomiques et fonctionnelles. Difficultés à distinguer les sons au niveau cérébral, lenteur du traitement des informations auditives ou visuelles, "matière grise" trop développée...

Un excès de matière grise

(...) "Une particularité anatomique surprenante, c'est l'excès de "matière grise" des dyslexiques, explique Michel Habib, responsable du Laboratoire de neurobiologie du Centre hospitalier universitaire la Timone à Marseille. Loin de manquer de substance, le cerveau des dyslexiques possèderait même plusieurs millions de neurones supplémentaires au niveau du cortex cérébral."

C'est en étudiant au microscope le cerveau de dyslexiques décédés que, à la fin des années 60, des neurologues américains ont pour la première fois découvert des anomalies dans cette structure qui s'étend sur toute la surface cérébrale.

Depuis le début des années 90, le neurologue américain Albert Galaburda, de l'Ecole médicale de Harvard, a observé dans plus d'une dizaine de cas, des amas étranges de cellules appelées ectopies corticales dans la couche la plus superficielle du cortex. Quel rôle ces "bosses de matière grise" jouent-elles dans les troubles de l'apprentissage ? Si la question n'est pas encore tranchée, la prédominance des ectopies dans l'hémisphère gauche du cerveau, et plus précisément dans les zones dévolues au langage (région périsylvienne), pourrait expliquer de mauvaises connexions neuronales entre les différentes régions de langage. Pour certains neurologues, comme Paula Tallal de l'université de Rutgers aux Etats-Unis, les ectopies ne sont pas isolées du reste du cortex et provoqueraient un ralentissement dans le traitement des informations perçues par le dyslexique.

Rareté et désorganisation des grandes cellules des corps genouillés et ralentissement de l'information visuelle et auditive

Plus en profondeur, sous le cortex, il existe de microscopiques modifications de structures qui sont le relais des informations auditives et visuelles, les corps genouillés. Le corps genouillé médian est impliqué dans le phénomène d'audition et le corps genouillé latéral intervient dans la vision. Chacun est composé de deux parties. La première, appelée parvocellulaire, est composée de petites cellules qui seraient responsables de la transmission lente des informations sensorielles.

L'autre partie, appelée magnocellulaire, est formée de grandes cellules qui seraient le relais des phénomènes rapides. Or, des études microscopiques menées au début des années 90 ont montré que les cellules de cette dernière structure seraient plus rares et moins bien organisées chez les

dyslexiques. Ce nouvel indice vient appuyer la théorie d'un traitement ralenti des informations non seulement visuelles, mais aussi auditive.

Hypertrophie du corps calleux et mauvaise communication inter-hémisphérique

La dyslexie résulterait également d'un trouble de l'équilibre entre les deux hémisphères cérébraux. "Un peu comme si la droite ne communiquait pas bien avec la gauche", explique Michel Habib. Chez l'homme, l'hémisphère gauche contient tous les centres et circuits spécialisés dans le langage, alors que le droit est responsable de la perception spatiale de l'environnement. Or ces deux moitiés sont reliées par un "pont" de substance blanche, appelé le corps calleux, qui s'est révélé beaucoup plus développé chez les dyslexiques.

Proportionnalité des caractéristiques cérébrales et des troubles dyslexiques

"Toutes ces anomalies cérébrales semblent bien être en rapport direct avec la dyslexie puisque leur importance est proportionnelle à la gravité du trouble de la lecture", affirme le chercheur.

Une cause hormonale intra-utérine ?

Mais pourquoi et comment un cerveau peut-il contenir des millions de neurones en trop ? L'une des explications, toujours très controversée, établit un lien entre dyslexie et hormones. Au cours du développement foetal, l'organisation cérébrale se mettrait en place sous l'action d'hormones, notamment la testotérone, l'hormone "mâle". La fluctuation de sa concentration, au cours du septième mois de grossesse, aurait par exemple pour effet de ralentir le développement des aires du langage dans l'hémisphère gauche.

(...) "La testostérone n'est peut-être qu'un facteur hormonal parmi d'autres. Des substances comme le cortisol, l'hormone du stress, semblent aussi capables d'agir sur l'organisation du cerveau." Ainsi, le stress de la mère au cours de la grossesse influencerait le risque de dyslexie chez le futur enfant.

Des indices d'une origine génétique

Pourquoi 50 % des familles touchées comptent-elles non pas un, mais plusieurs membres dyslexiques ? La lecture est-elle une histoire de gènes ? En comparant, en 1985, les performances de "vrais" et de "faux" jumeaux, Richard OLSON, de l'université du Colorado, a souligné une forme d'aptitude génétique à la lecture. La procédure phonologique est beaucoup plus proche chez les "vrais" jumeaux, qui ont un même patrimoine génétique, que chez les "faux", dont la

"ressemblance" génétique se limite à celle de frères ou soeurs classiques. Mais la différence entre

"vrais" et "faux" jumeaux disparaît lorsqu'il s'agit de comparer les aptitudes lexicales. Cette étude suggère que les processus phonologiques sont au coeur des bases héréditaires de la lecture.

Des précisions sur l'origine génétique

Mais depuis le début des années 90, la piste génétique se précise. Le chromosome 15 puis le 1, semblent impliqués dans l'apparition de la dyslexie. Enfin des travaux, menés cette année par une équipe de l'université d'Oxford, ont confirmé l'existence de gènes de susceptibilité sur le chromosome 6. Selon John STEIN, auteur de l'étude, ces gènes interviennent dans le mécanisme de contrôle du développement du système nerveux.

L'imagerie médicale montre le (dys)fonctionnement cérébral

"Si la génétique éclaire sous un joue nouveau la dyslexie, observer le cerveau en action révolutionne plus encore la vision du problème", s'enthousiasme Michel HABIB. Grâce aux techniques d'imagerie médicale, il est possible de photographier l'activation anormale de zones cérébrales chez les sujets qui souffrent de troubles de la lecture. Bien que balbutiantes, ces observations permettent déjà de dresser une première carte du cerveau des dyslexiques.

(...) L'activité cérébrale de dyslexiques et de sujets témoins est comparée grâce à la technique de tomographie à émission de positons (Tep). Lorsque les dyslexiques effectuent un exercice de reconnaissance de rimes, seule l'aire de Broca est activée. Chez les sujets témoins soumis au même exercice, la zone activée est beaucoup plus étendue et couvre toute la région périsylvienne. Lors de la mémorisation d'une liste de mots, le cerveau des sujets témoins est activé aux mêmes endroits, alors que chez les dyslexiques la région activée se limite presque à l'aire de Wernicke.

Le dysfonctionnement des aires du langage

(...) La plupart des aires du langage sont concernées. L'aire de Broca, située à l'avant du cortex, est sous-utilisée par les dyslexiques lorsqu'il s'agit de récapituler les sons entendus, alors qu'elle est suractivée lors d'exercices de lecture ou d'orthographe. La plus étrange des données est une activation nette mais retardée d'une région du cortex qui serait responsable du traitement du sens des mots. Le retard dans "l'allumage" de cette aire inféro-temporale expliquerait que les dyslexiques ont à la fois des problèmes avec l'orthographe, la sémantique ou le lexique."

HABIB Michel, 1997, Dyslexie : le cerveau singulier, Solal.

(In Sc&A n°621, Nov 1998, pp 51-56) Le point de vue actuel du Ministère de l'Éducation : la dyslexie enfin regardée en face :

(Extraits de XXI° siècle, le Magazine du Ministère de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie, n°3, nov 98, pp 10-11.)

Les manifestations de la dyslexie

"8 à 10 % des enfants scolarisés présentent des troubles de l'apprentissage liés à la dyslexie. Ce constat plaide pour un dépistage précoce avant que ces troubles n'engendrent des échecs définitifs.

(...) La dyslexie est un trouble spécifique, léger, moyen ou sévère, du développement linguistique et neuropsychologique. Sévère, elle se caractéristique par une déviance permanente des stratégies de lecture qui aboutit à des performances à l'âge adulte ne dépassant pas celles d'un enfant de 8 ans. "La dyslexie, qui touche 3 à 4 garçons pour 1 fille, existe chez des enfants normalement scolarisés, motivés par leurs études et de niveau intellectuel absolument normal", précise le docteur Paul Messerschmitt (psychiatre des hôpitaux, directeur de l'unité de pychopathologie de l'enfant à l'hôpital Trousseau.

Les causes de la dyslexie

On s'accorde aujourd'hui pour penser que la dyslexie est un phénomène biologique lié à un état constitutionnel du système nerveux, dont les causes peuvent être d'ordre pathologique ou génétique.

La prématurité, le retard de croissance intra-utérin, la souffrance néo-natale peuvent en être les raisons pathologiques. Des anomalies génétiques ou hormonales risquent également d'altérer l'équilibre des compétences ou la répartition des fonctions dominantes de chaque hémisphère cérébrale.

L'abandon explicite des hypothèses culturalistes et psycho-sociologiques

Des facteurs invoqués couramment, comme certaines méthodes d'apprentissage de la lecture, un milieu social défavorisé ou des troubles affecytifs, ne sont plus aujourd'hui retenus dans les définitions internationales de la dyslexie. En revanche, il est bien évident que des enfants de milieux défavorisés bénéficient moins souvent du dépistage et des traitements, sont peuvent accumuler les facteurs d'inadaptation, parfois causes d'illettrisme.

(...) "Les dyslexiques sont victimes d'une position paradoxale : leur handicap est moins visible que les handicaps globaux mais il est reponsable de beaucoup de souffrances et d'échecs.

(...) De l'avis de tous les spécialistes, seule une rééducation précoce peut préserver au maximum le parcours scolaire de l'enfant."

Du langage

Gène FOXP2 et langage

« Il a suffi de deux mutations sur un gène pour que la parole vienne aux humains, affirment Svante Pääbo et son équipe de l’institut Max Planck pour l’anthropologie évolutionnaire en Allemagne. Les chercheurs ont comparé le gène FOXP2 chez l’homme, le singe et la souris. Ils ont découvert que l’homme était le seul porteur de deux modifications qui lui ont permis de mieux contrôler les mouvements du larynx et de la bouche. Cet avantage, qui se serait répandu et fixé chez les hommes modernes il y a 200.000 ans environ, semble être l’une des causes du développement du langage. Aujourd’hui, les personnes ayant un défaut dans ce gène présentent de grandes difficultés d’élocution, de langage et de grammaire. Ce qui avait permis d’identifier précisément ce gène sur le chromosome 7. (…) Beaucoup d’autres gènes du langage restent à découvrir. »

(in Sciences et Avenir n° 668, octobre 2002, p.36) Neurobiologie du bégaiement

« Le bégaiement, loin d’avoir une origine psychologique, correspond bien à un trouble de la motricité, confirme une équipe de neuroscientifiques allemands dans la revue médicale The Lancet.

Dans leur étude, une anomalie cérébrale commune aux personnes bègues a été localisée par imagerie dans la région sensorimotrice contrôlant le pharynx. Selon Marie-Claude Pfauwadel, spécialiste de la parole à l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, « même ces cas de bégaiements persistants à l’âge adulte peuvent parfois être corrigés. Et chez l’enfant, quand ce trouble apparaît de façon isolé et qu’il est pris en charge rapidement, le traitement orthophonique est le plus souvent efficace ».

www.begaiement.org

(in Sciences et Avenir n° 668, octobre 2002, p.20)