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Recueil des données :

C) Evaluation de la communication sociale précoce :

6. Valentine, 4 ans

A) Anamnèse :

Valentine est une petite fille prise en charge au CAMSP de Dijon, que je rencontre en février et avril 2010. Elle souffre d’un retard global, probablement dû à une souffrance fœtale aiguë ayant entraîné une césarienne d’urgence à 37 semaines d’aménorrhée. Un arrêt respiratoire à la naissance et une fausse route avec cyanose à 2 jours ont, de plus, entraîné une hospitalisation en réanimation néo-natale.

Si la recherche génétique est négative, Valentine présente, néanmoins, un important retard de langage, une dysmorphie faciale avec inversion de l’articulé dentaire, une grande lenteur d’idéation et une hypotonie globale. La marche est survenue à 30 mois et l’apprentissage de la propreté est en cours.

Des otites séro-muqueuses ont nécessité la pose de drains bilatéraux en 2008. L’examen ORL note que les tympans sont très abîmés, ce qui peut entraver la compréhension et l’acquisition du langage oral de Valentine.

Malgré une articulation très défectueuse, Valentine. oralise fréquemment et on peut reconnaître quelques mots dans son babil (« maman », « bavo » pour bravo, « anne » pour Jeanne, sa petite sœur…).

C’est une petite fille joyeuse, communiquant beaucoup par le regard et à l’aise dans l’interaction avec l’adulte. Elle freine néanmoins devant la difficulté et n’accepte pas toutes les activités proposées.

Valentine est scolarisée en petite section de maternelle, deux matinées par semaine. Elle est prise en charge par le CAMSP depuis mai 2008 et y est suivie par l’orthophoniste, la psychomotricienne, le psychologue et l’éducatrice spécialisée. La LSF a été proposée à Valentine mais est peu reprise à la maison car non approuvée par le papa.

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B) Premiers raisonnements

Analyse des manipulations :

Valentine demeure tout d’abord assez passive et explore peu le matériel de façon spontanée. Suite ànos encouragements, elle s’enhardit et commence à manipuler et à explorer. Elle rechigne facilement devant la difficulté : il faut l’accompagner et lui indiquer comment procéder pour qu’elle poursuive son activité.

Valentine explore les aspects logiques des objets, notamment le « mettre dedans ». Elle réalise en effet quatre couples « boule de pâte à modeler – gobelet », rassemble les fragments de pâte à modeler, puis les répartit à nouveau de différentes façons dans les contenants. Elle emboîte également les gobelets gigognes deux à deux et tente d’encastrer le tout : elle réussit deux ensembles de quatre (G8-G7-G4-G2 et G6-G5-G3-G1). Elle essaie plusieurs fois d’encastrer ces gobelets et réussit à en encastrer cinq.

Les aspects physiques sont bien investis, notamment le fractionnement. Valentine fractionne la pâte à modeler en plusieurs morceaux pour les répartir dans les gobelets. Le coton est également un matériau intéressant pour cette petite fille : elle s’attache durant plusieurs minutes à en arracher des petits morceaux qu’elle met dans un gobelet (G7), en appuyant dessus pour les tasser. La quasi-totalité du coton est fractionnée et réunie dans ce gobelet. Elle procède ensuite à un transvasement de G7 en G6 en renversant le gobelet : cette action est difficile au niveau moteur et Valentine bougonne. Nous le lui montrons alors qu’elle peut prendre le coton dans G7 pour le mettre dans G6, sans renverser le contenant. Elle y parvient sans peine et pousse des cris de joie. Valentine reprend alors du coton, le fractionne et dépose les morceaux dans G6 avec les précédents.

En outre, Valentine réalise des déformations : la boule de pâte à modeler devient une galette, puis reprend sa forme initiale et le cure-pipe est tordu puis redressé.

On assiste, également, à de brefs enfilages : Valentine enfile une perle sur un lacet, celle-ci tombe et Valentine jette l’ensemble. Nous lui donnons alors le cure-pipe : après son

118 exploration et déformation, Valentine y enfile une perle – qui est maintenue –, nous montre l’ensemble puis en enfile une seconde.

Enfin, Valentine dépose de la pâte à modeler dans un gobelet, observe le matériel et choisit un bâton qu’elle plante dans la pâte à modeler. Elle semble ravie de constater que ce bâton est maintenu dans le gobelet grâce à la pâte à modeler. Elle sort alors la pâte du gobelet et y replante le bâton, afin de vérifier qu’il y tient toujours.

Si cette fillette possède visiblement des préoccupations cognitives et des schèmes variés, elle reste néanmoins dans des explorations d’objets momentanées, avec peu de variations dans ses manipulations. Les propriétés des objets et les explorations précédentes ne sont pas réutilisées pour enrichir ses actions. Ses préoccupations cognitives semblent être celles d’un enfant ordinaire de 14 ou 15 mois.

Comportements communicatifs lors de cette séance :

Valentine vocalise beaucoup : son babil est organisé à partir de nombreuses syllabes dupliquées (babebibabi… vavivavi…) et d’intonations identifiables. Les mots sont rares et peu compréhensibles, du fait de son articulation très imprécise.

Deux gestes signifiants sont relevés : « au revoir » et « bravo », parfois accompagnés par l’ébauche du mot oral.

Elle initie quelques moments d’attention conjointe en portant les objets à hauteur du visage de l’adulte mais réagit peu aux sollicitations d’autrui, probablement du fait de son important temps de latence.

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C) Evaluation de la communication sociale précoce

Analyse quantitative :

Valentine se situe globalement au niveau 3.0 (conventionnel gestuel), avec néanmoins des résultats assez hétérogènes. En effet, Valentine valide plusieurs items de différents niveaux mais sans avoir toujours validé les niveaux de base (1 et 2) en totalité, ce qui la pénalise dans l’interprétation des résultats.

Les items « maintien de l’interaction sociale » et « maintien de l’attention conjointe » sont les plus touchés : elle ne valide en totalité que le niveau 1 (simple). Au contraire, Valentine valide le niveau 3.5 en « initiation de l’interaction sociale ».

Les scores bruts obtenus par Valentine sont les suivants :

- 42.5/75 pour la fonction « interaction sociale », avec 14.5/25 en réponse à l’interaction sociale, 20/25 en initiation et 8/25 en maintien de l’interaction sociale ; - 42.3/75 pour la fonction « attention conjointe », avec 15.3/25 en réponse, 15/25 en

initiation et 12/25 en maintien de l’attention conjointe ;

- 32.5/50 pour la fonction « régulation du comportement », avec 17.5/25 en réponse et 15/25 en initiation.

Valentine obtient ainsi un total de 117.5/200 pour l’ensemble de l’épreuve, ce qui lui donne un âge développemental de 21 mois et 12 jours, selon les tableaux de conversion de l’ECSP.

Analyse qualitative :

Valentine initie facilement une interaction et apprécie l’attention de l’adulte. Elle prend manifestement plaisir à être accompagnée dans ses jeux. De même, elle répond assez facilement à nos demandes d’interaction ou d’attention conjointe. C’est bien le maintien d’un contact ou d’une activité qui pose problème à cette fillette, qui a vite tendance à passer d’une

120 chose à une autre ou à s’enfermer dans son jeu. Le poupon et les objets s’y rapportant (biberon, peigne, cuillère…) sont surinvestis et il s’avère difficile de diriger son attention vers une nouvelle activité.

La fonction d’attention conjointe est acquise : Valentine peut diriger l’attention de l’adulte, notamment grâce à son regard et répond à notre pointage, malgré sa lenteur. Le moment autour du livre est source de plaisir pour cette petite fille, qui oralise joyeusement face à l’image d’un objet connu.

L’imitation est, elle, bien investie, qu’elle soit immédiate ou différée. En effet, Valentine reproduit spontanément nos gestes (bravo, ver de terre, les marionnettes) et joue de façon attendue avec des objets signifiants.

Le tour de rôle semble en cours d’acquisition : des échanges d’un ou deux tours sont possibles, sur un temps relativement court.

Valentine ne prononce aucun mot de façon spontanée lors de cette séance mais répète quelques mots courts et connus comme « allô », [bado] pour « bateau » et [apa] pour « lapin ». Elle utilise quelques gestes signifiants (« bravo », « au revoir » ou « voiture ») ainsi que le pointage proto-impératif pour obtenir ce qu’elle veut. On n’observe pas de pointage proto-déclaratif.

D) Analyse et interprétation

Valentine demeure actuellement dans une communication expressive et indicative, dans le but d’attirer l’attention de l’adulte, d’obtenir quelque chose ou de signaler un ressenti. On ne relève pas de dénomination d’objets, ni de demande d’informations. Le code oui-non est efficace.

121 Pourtant, Valentine semble assez passive, peu dynamique dans l’interaction, ce qui est confirmé par ses faibles tentatives de prise de parole. L’inversion de l’articulé dentaire a évidemment un impact sur la qualité de sa parole, qui entrave sa compréhension par autrui. Les fonctions de communication investies par cette petite fille sont : les fonctions conative et expressive ainsi que la fonction phatique, de façon plus intermittente.

Il apparaît nécessaire de proposer à cette enfant des situations où elle doit être actrice et active, où la prise de décision lui revient afin de l’aider à dépasser cette inertie.

De plus, l’hétérogénéité de développement mise en évidence ici n’est pas d’un bon pronostic. Les compétences-socles de la communication ne sont pas toutes acquises ; les difficultés de Valentine semblent révéler un trouble du développement, et non un « simple » décalage temporel.

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